Émission Libre à vous ! diffusée mardi 21 juin 2022 sur radio Cause Commune

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 21 juin 2022 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Noémie Bergez - Thibaut Dallery - Corentin - Minda Lacy - Laure-Élise Déniel - Lorette Costy - Laurent Costy -Étienne Gonnu - Isabella Vanni à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 21 juin 2022

Durée : 1 h 30 min

Podcast provisoire

Références concernant l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Cela ne vous aura sans doute pas échappé, aujourd’hui c’est le solstice d’été. Qui dit été, dit fête de la musique et chez Libre à vous ! c’est la fête de la musique libre. Nous vous proposons aujourd’hui de découvrir trois artistes qui diffusent leur musique sous licence libre. Également au programme « La musique et le droit » dans la chronique « In code we trust » de Noémie Bergez et, en fin d’émission, les Costy nous chanterons un petit « Popop imap Pou ! » dans leur chronique « À cœur vaillant la voie est libre ».

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 21 juin, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission ma collègue Isabella. Salut Isa.

Isabella Vanni : Salut Étienne. Bonne émission.

Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « In code we trust » de Noémie Bergez, avocate au cabinet Dune, sur le thème de la musique et du droit

Étienne Gonnu : Pour commencer cette émission placée sous le signe de la musique, Noémie Bergez, avocate au cabinet Dune, nous propose une chronique sur le thème de la musique et du droit. C’est la chronique « In code we trust ».
Bonjour Noémie. Est-ce que tu es bien avec nous ?

Noémie Bergez : Bonjour Étienne. Bonjour à toutes et à tous.

Étienne Gonnu : Nous t’écoutons.

Noémie Bergez : Merci Étienne.
La chronique de ce jour est consacrée à la musique et au droit, en d’autres termes le droit de la musique.

Les règles appliquées à la création musicale et à l’exploitation de cette création vont se retrouver dans le Code de la propriété intellectuelle. On y trouve des dispositions communes avec les autres créations et des dispositions spécifiques.

En France, il faut savoir que la musique est appréhendée sur le plan juridique d’une part par le droit d’auteur, qui correspond au droit qu’ont les auteurs, et, d’autre part, aux droits voisins qui n‘ont rien à voir avec le domaine immobilier, mais qui sont bien les voisins des auteurs, ce sont notamment les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes, les producteurs de vidéogrammes, les entreprises de communication audiovisuelle.

Dans le Code de la propriété intellectuelle on ne retrouve pas le terme « musique » à proprement parler. À l’article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle, on découvre que sont considérées comme œuvres de l’esprit notamment les œuvres drammatico-musicales, à savoir les opéras qui sont des œuvres littéraires et musicales, mais également les compositions musicales avec ou sans paroles, donc la musique instrumentale ou la musique chantée.
Comme pour les autres œuvres protégées, je rappelle que les compositions musicales, pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur, doivent être originales. Là on a trois parties d’une composition musicales qui peuvent être protégées : la mélodie, c’est-à-dire l’air, le thème, d’autre part l’harmonie, les accords des sons, leur enchevêtrement, la combinaison des sons qui sont perçus par l’oreille et enfin les rythmes, les mesures, les cadences qui peuvent aussi être protégées.
Dans l’analyse de l’originalité on voit toujours ressortir en place prépondérante la mélodie qui est la plus évidente à caractériser. Ce sont toujours les juges qui reconnaissent l’originalité d’une œuvre lorsqu’elle est remise en cause dans le cadre d’un contentieux, je renvoie pour cela à la chronique que nous avions préparée sur l’originalité des œuvres. Il faut savoir que parfois certains juges ne vont appliquer l’originalité de la même manière pour les compositions musicales et, pour déterminer si l’œuvre est originale, ils vont se fonder sur l’absence d’antériorité, le critère de la nouveauté qui normalement n’est pas appliqué en droit d’auteur, mais on le retrouve souvent dans les décisions de justice qui concernent la musique.
C’est vrai que la musique est extrêmement large. On part du classique, aujourd’hui nous avons les musiques électroniques et c’est un domaine dans lequel on retrouve aussi beaucoup d’œuvres dérivées. Ce sont des adaptations d’œuvres préexistantes, leur définition juridique est prévue à l’article l112-3 du Code de la propriété intellectuelle qui protège les œuvres dérivées de la même manière que les œuvres préexistantes. C’est vrai que la protection par le droit d’auteur qui, je vous rappelle, permet de bénéficier de droits patrimoniaux donc à l’auteur de pouvoir exploiter son œuvre, mais aussi de droits moraux pour protéger l’œuvre. Les droits moraux sont attachés à la personne de l’auteur.
À côté des auteurs nous avons aussi d’autres acteurs de la musique qui bénéficient, comme je le disais tout à l’heure, de droits voisins, à savoir les producteurs de phonogrammes, qui sont définis dans le Code de la propriété intellectuelle comme « les personnes physiques ou morales qui sont à l’initiative et à la responsabilité de la première fixation d’une séquence de sons ». On peut aussi trouver dans le droit de la musique les artistes-interprètes qui vont interpréter une œuvre musicale et, enfin, il y a un acteur dont on entend assez souvent parler, ce sont les sociétés de gestion collective qui ont en charge de collecter les droits d’exploitation et de les reverser aux auteurs. On en parle beaucoup parce que, évidemment, l’activité même des sociétés de gestion collective a été, de temps à autre, remise en question et elle l’a été récemment, dans le domaine de la musique libre. Il n’existe pas de définition légale de la musique libre de droit, on peut considérer que c’est un auteur qui va décider d’autoriser les tiers à exploiter son œuvre dans les conditions d’une licence libre. Ce qui est compliqué pour cet auteur c’est qu’il va être confronté au poids des sociétés de gestion collective auxquelles il ne va pas forcément adhérer. On a eu un cas de jurisprudence récent qui concernait la plateforme Jamendo et plus spécifiquement la société Saint Maclou. Vous allez me demander que fait la société Saint Maclou spécialisée dans la décoration des sols et fenêtres dans un sujet sur la musique sous licence libre.
La société Saint Maclou avait signé, en 2009, un contrat avec l’éditeur de la plateforme Jamendo pour pouvoir diffuser de la musique libre de droit dans ses boutiques. Deux sociétés de gestion collective ont poursuivi la société Saint Maclou pour lui réclamer le paiement d’une rémunération équitable. La rémunération équitable est prévue par l’article L214-1 du Code de la propriété intellectuelle et prévoit que l’utilisation de phonogrammes publiés à des fins de commerce ouvre droit à une rémunération au profit des artistes-interprètes et producteurs. Sur ce fondement, les sociétés de gestion collective reprochaient à la société Saint Maclou de ne pas avoir reversé de rémunération équitable, ce qui était évidemment contesté par la société Saint Maclou mais également par les éditeurs de la plateforme Jamendo.
Devant la cour d’appel de Paris, il a été fait droit aux demandes des sociétés de gestion collective puisque la cour d’appel a considéré que les musiques qui étaient diffusées dans les magasins devaient être soumises à une rémunération équitable même si leurs auteurs n’étaient pas adhérents des sociétés de gestion collective. La société Saint Maclou s’est retrouvée condamner à payer 120 000 euros au titre de cette rémunération. Un pourvoi a été formé devant la cour de cassation. La cour de cassation s’est prononcée le 11 décembre 2019 et a confirmé l’arrêt de la cour d’appel considérant que la rémunération aurait dû être versée aux sociétés de gestion collective, tout en relevant que les auteurs pouvaient se rapprocher des sociétés de gestion collective pour toucher leur part de rémunération équitable ce qui paraît, en réalité, vraiment totalement improbable.
Cet arrêt a été beaucoup commenté et critiqué ; c’est vrai que sa motivation empêche véritablement les artistes d’émerger, d’exploiter leur musique comme ils le souhaitent. C’est vrai que ça reste quand même une restriction importante à la liberté, d’autant qu’on reproche aussi à ces sociétés de gestion collective, de temps à autre, des frais de gestion, une façon de gérer les fonds de manière un peu opaque. Cet arrêt aurait pu être rendu de manière différente, on s’attendait à quelque chose de différent, ça a été confirmé, malheureusement.
C’est un contentieux qu’on voit de temps en temps ressurgir. Pour l’instant, ça n’évolue pas trop, mais on espère peut-être qu’à l’avenir les choses vont évoluer, on sait que le monde de la musique est en pleine mutation. On a les plateformes NFT, je rappelle qu’on avait fait une chronique sur les Non fungible tokens, on sait qu’il va y avoir encore des évolutions dans le domaine de la musique. On espère qu’un jour le tournant va se faire de manière peut-être plus équilibrée pour tous ces acteurs. Le domaine de la musique est un domaine dans lequel les contentieux sont très variés, on peut avoir des sujets sur la rémunération des artistes, on peut avoir des sujets sur le contenu de la pochette d’un disque, on peut avoir, plus récemment et à regret, des fermetures de salles de spectacle au moment du covid, tout ça fait vraiment partie de la construction du droit de la musique. On peut avoir, malheureusement, des litiges. Il y a des difficultés qui peuvent intervenir. Tout cela ne nous empêchera pas de nous amuser. Je souhaite à tout le monde une très bonne fête de la musique.

Étienne Gonnu : Merci beaucoup Noémie. À toi de même, bel été, bonne fête de la musique.
Merci pour ton analyse, pour ces réflexions effectivement très intéressantes, notamment juste avant d’échanger avec des artistes qui diffusent justement leur musique sous licence libre.
Un grand merci à toi Noémie et une belle fête de la musique.

Noémie Bergez : Merci Étienne.

Étienne Gonnu : Puisque Noémie a beaucoup parlé des sociétés de gestion, je vais en profiter, je vais me permettre de rajouter une petite couche à la liste de leurs qualités que Noémie a beaucoup citées. L’April agit beaucoup au niveau de l’action institutionnelle, auprès des décideurs publics, des parlementaires. Il y a un an maintenant, lors d’une proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France qui a touché un petit peu au pré-carré de ces sociétés de gestion de droits puisqu’elle concernait le réemploi de biens reconditionnés, ça touchait ce qui s’appelle la copie privée qui est une manière, pour elles, de se financer. Dans le cadre de ces débats des députés ont parlé, se sont exprimés publiquement en pleine Assemblée, ce qui est rarissime, pour signaler la pression mise, voire les menaces exprimées par certains représentants de ces sociétés de gestion. Je me suis permis de rappeler cette considération.
Je vous propose maintenant de faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Pour cette première pause musicale, puisque c’est la fête de la musique libre, j’ai voulu partager à nouveau avec vous un de mes morceaux préférés de la Playlist de Libre à vous !, un morceau que j’ai découvert justement en cherchant des musiques libres. Nous allons écouter Arcane par CloudKicker. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Arcane par CloudKicker.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Arcane par CloudKicker, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, une licence libre qui protège les droits des utilisateurs, des « écouteurs et des écoutrices », inventons des mots, pourquoi pas ! Cette licence permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de cette musique pour toute utilisation, y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, le nom, la source du fichier original, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées. Puisque nous parlons de fête de la musique libre, j’en profite pour rappeler que toutes nos pauses musicales sont sous licences libres qui permettent le partage le plus libre et le plus large possible à nos proches, de les télécharger parfaitement légalement, de les remixer y compris pour des usages commerciaux, comme justement cette licence Creative Commons Attribution ainsi que la Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA, ou encore la licence Art Libre.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Nous allons passer à notre sujet principal.

[Virgule musicale]

La Fête de la musique

Étienne Gonnu : Pour cette émission spéciale fête de la musique libre nous avons voulu donner la parole à des artistes qui publient leur musique sous licence libre, des musiques que nous avons diffusées dans Libre à vous !. Nous entendrons Corentin des Gueules Noires qui interviendra en direct par téléphone, Minda Lacy, une artiste américaine dont nous avons enregistré et traduit l’interview. Avant cela je vous propose d’écouter Thibaut Dallery, du projet musical Lumpini, interview que nous avons également pré-enregistrée faute de disponibilité ce jour. On écoute cet échange et on se retrouve juste après toujours sur Cause commune, la voix des possibles.

Interview de Thibaut Dallery, à l’initiative du projet musical Lumpini

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : J’ai le plaisir de recevoir aujourd’hui Thibaut Dallery dans cette émission spéciale sur la musique libre, sur la musique, en ce 21 juin. Thibaut, bonjour.

Thibaut Dallery : Bonjour. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Est-ce que vous pourriez déjà vous présenter, s’il vous plaît ?

Thibaut Dallery : Je m’appelle Thibaut Dallery, j’ai 30 ans. Je viens parler de mon projet qui s’appelle Lumpini. C’est un projet de composition que j’ai réalisé ces dernières années. L’idée c’était de finaliser puis d’enregistrer plusieurs compositions que j’avais écrites depuis longtemps, certaines depuis 10/15 ans quand j’étais au lycée. J’ai eu l’inspiration, l’idée d’enfin les finaliser et ça a donné ce projet Lumpini.

Étienne Gonnu : Super. Je crois qu’il y a une ou deux semaines nous avons diffusé un de vos morceaux puisque l’album Lumpini est sous licence libre, on y reviendra plus tard. Vous êtes musicien ? Vous êtes musicien professionnel ? C’est une passion que vous avez depuis longtemps ?

Thibaut Dallery : Ce n’est pas mon métier. Je suis professeur des écoles. C’est une passion que j’ai, j’ai commencé à 13 ans et elle ne m’a pas lâché. C’est vraiment une passion super importante que j’essaie de poursuivre.

Étienne Gonnu : De quoi jouez-vous comme instrument ?

Thibaut Dallery : Je joue principalement de la guitare, c’est surtout ça que je joue sur ce projet avec aussi un petit peu de basse et de clavier. L’idée, sur ce projet-là c’était surtout, pour moi, de jouer de la guitare, et, pour tout ce que j’ai du mal à jouer comme instrument, il y a aussi de la batterie, du saxophone, un peu de flûte, pour les parties de basse et de clavier compliquées, eh bien j’ai demandé aux copains qui font ça beaucoup mieux que moi.

Étienne Gonnu : Du coup, si je comprends bien ce que vous dites, c’est un projet entre amis.

Thibaut Dallery : Oui, c’est ça. J’avais aussi joué dans plusieurs groupes avant. Là, par contre, l’idée c’était vraiment de prendre mes compositions, de faire tous les arrangements et de donner un matériel déjà bien ficelé aux musiciens.

Étienne Gonnu : Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur l’histoire, sur la genèse de ce projet ? Comment vous l’avez construit ? Vous nous dites que vous l’avez construit sur plusieurs années. Je crois que vous avez fait un album et c’est le résultat de ce projet, pour le moment, si je ne me trompe pas, vous pourrez me corriger bien sûr .

Thibaut Dallery : Oui, c’est ça. Comme je disais l’idée c’était de finaliser des compositions que j’avais depuis longtemps. Ce qui m’a un peu donné le déclic c’est que j’ai eu l’occasion de vivre en Thaïlande et j’ai rencontré là-bas un musicien qui était très fort pour faire ça, arriver avec des compositions, trouver des musiciens, les jouer, les enregistrer, et tout ça en quelques mois. Je me rendais que j’avais des morceaux qui traînaient depuis longtemps. En rentrant j’ai acheté le matos pour enregistrer et ça m’a donné l’inspiration pour essayer d’aller jusqu’au bout de ce projet. D’ailleurs il y a une référence à la Thaïlande dans le nom du projet puisqu’il s’appelle Lumpini. Lumpini c’est un parc à Bangkok, c’est aussi la forêt dans laquelle est né Bouddha suivant la légende, c’est aussi stade de boxe thaïlandaise. Ça m’amusait d’avoir ce mot qui a plein de connotations et qui fait référence à la Thaïlande comme nom du projet.

Étienne Gonnu : J’ai pris énormément de plaisir à écouter tout l’album, pas seulement le morceau qu’on a déjà diffusé, Elevating. Je trouve la qualité remarquable, on dirait vraiment que ça a été enregistré dans des conditions professionnelles. Est-ce que c’est le cas ? Y a-t-il eu des « difficultés », entre guillemets, que vous avez dû surmonter dans la réalisation de ce projet ? Est-ce que ça s’est passé relativement facilement ?

Thibaut Dallery : Déjà merci, ça fait plaisir d’entendre ça. On n’a pas fait ça dans un studio pro, ça a été vraiment chacun chez soi avec son matériel, une carte son et un logiciel, un séquenceur pour pouvoir ensuite mettre ensemble tous les morceaux. Après il y a quand même eu un long travail de mix et de mastering, ce sont les deux étapes une fois que tout a été enregistré et je pense que c’est ça qui a permis d’améliorer et de faire vraiment prendre un peu de niveau au rendu sonore. Ça a été assez long mais ça a permis de bien avancer avec des enregistrements de base finalement assez simples et assez modestes.

Étienne Gonnu : Je pense que ce n’est pas toujours facile de qualifier un style sur une musique parce que ça enferme peut-être, si vous deviez décrire ce qu’est la musique Lumpini, comment la qualifierez-vous ?

Thibaut Dallery : En effet ce n’est pas facile. Déjà c’est de la musique instrumentale et je pense, peut-être, que ce qui est au centre, ce qui est important pour moi c’est d’avoir la liberté instrumentale qu’on retrouve par exemple dans le jazz avec beaucoup d’improvisations. Je pense qu’il y a aussi l’énergie du rock, parce que c’était pas mal cette musique que j’écoutais aussi à l’époque où j’ai composé la plupart de ces morceaux. Il y a aussi, parfois, un peu des couleurs orientales et puis tout un travail sur la progression de l’énergie, par exemple celle qu’on peut retrouver dans du rock progressiste ou du post-rock. Donc il y a un petit peu de tout ça et peut-être encore d’autres choses, je ne sais pas.

Étienne Gonnu : En tout cas, la manière dont vous avez décrit fait écho à ce que j’ai pu ressentir en écoutant la musique. J’aime écouter de la musique, comme beaucoup de gens, je n’ai pas du tout une oreille professionnelle, experte, mais c’est vrai que j’aime bien, quand j’écoute de la musique, retrouver un petit grain de folie. C’est un peu ce que j’ai ressenti en écoutant Lumpini. Est-ce que ça vous parle quand je vous dis ça ?

Thibaut Dallery : Oui ! Ça me parle. C’était un peu l’idée aussi. Le morceau qu’on va écouter est peut-être le moins aventureux, on peut dire ça. Il y a des morceaux pour lesquels c’est assez expérimental. Du coup je vous invite, si le petit aperçu qu’on va avoir là vous plaît, à écouter aussi les cinq autres titres. L’idée c’était aussi de prendre un peu des risques avec la musique et de voir où ça peut nous amener.

Étienne Gonnu : De la manière dont vous l’avez décrit j’ai l’impression que, pour vous, le but c’était de vous faire plaisir.

Thibaut Dallery : Oui, c’est ça. Comme je disais ce n’est pas mon métier, donc je n’ai pas d’impératif. J’ai vraiment la chance de pouvoir faire la musique comme je l’entends et aussi avec des amis qui suivent. C’était vraiment pour le plaisir et voir un petit peu ce que ça pouvait donner en poussant ce processus d’enregistrement jusqu’au bout.

Étienne Gonnu : Vous avez dit qu’on va écouter, après notre échange, le morceau Elevating. Nous invitons bien sûr toutes les personnes qui nous écoutent à découvrir tout l’album, il y a cinq morceaux. On mettra le lien sur la page de l’émission pour que les personnes puissent le retrouver facilement. Peut-être pouvez-vous nous parler un peu plus précisément, vous avez déjà commencé à le faire, de ce qu’est ce morceau Elevating, comment vous l’avez construit.

Thibaut Dallery : C’est le morceau qui laisse le plus de place à la guitare. Il commence par une introduction avec des harmoniques de guitare, ensuite un thème un petit peu plus rythmé, une mélodie un peu plus rythmée. Ça évolue ensuite vers une deuxième partie un peu plus rock, un peu plus lourde. L’idée c’était aussi d’utiliser la guitare pour avoir des sons qui nous enveloppent, qui viennent un peu de tous les côtés et qui deviennent de plus en plus denses. Ensuite ça se résout sur une partie plus calme vers la fin. Voilà.

Étienne Gonnu : Nous allons écouter juste après l’échange. J’aurais quand même une dernière question pour vous. Dans Libre à vous ! nous diffusons exclusivement des musiques sous licence libre et c’est parce que vous avez placé votre musique sous licence libre que nous avons eu le plaisir de la diffuser. Quelle place prend ce choix ? Est-ce que ça s’est fait juste comme ça parce que ce n’était pas le but de faire de l’argent ? Est-ce qu’il y a vraiment eu une conviction derrière sur la libre diffusion de votre musique ? Quelle était votre démarche ?

Thibaut Dallery : Je ne suis pas un spécialiste des licences libres, mais c’était quand même important pour moi que ce soit en diffusion libre. Il y a aussi dessus, quand même, une réflexion sur la propriété en général et encore plus dans l’art. Je trouve que quand on fait de la musique on est vraiment influencé par tout un tas de choses et c’est assez difficile de dire « ça c’est ma musique et ça m’appartient », je ne vois pas les choses comme ça, donc ça reflétait ça. Je pense que dans le jazz il y a cette tradition de reprendre des morceaux, de reprendre des standards et chaque groupe, chaque artiste en fait sa version. Du coup c’est un peu s’inscrire là-dedans. Je serais très content si des gens veulent reprendre ces morceaux et faire quelque chose à partir de ce matériel, avec grand plaisir. C’était aussi cette idée-là.

Étienne Gonnu : C’est amusant. La manière dont vous décrivez cela est vraiment, je pense, dans l’idée de l’éthique du logiciel libre. Je pense notamment à cette idée de récupérer ce qui a pu être développé ailleurs, de construire ensemble. Il n’y a pas une propriété exclusive. La progression, qu’elle soit créative ou technologique, est incrémentale, etc. Je trouve finalement très amusant et intéressant le pont entre la création musicale et le logiciel. Ça en dit beaucoup sur la connaissance en général.
Un grand merci pour ce temps d’échange, Thibaut. Nous allons écouter le morceau Elevating. Je vous souhaite une excellente journée.

Thibaut Dallery : Merci beaucoup à vous pour la diffusion et pour cet échange. Très bonne journée également. Merci.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Comme nous l’évoquions en fin d’interview, nous allons écouter Elevating par Lumpini. On se retrouve dans environ cinq minutes. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Elevating par Lumpini.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Elevating par Lumpini, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Merci encore à Thibaut Dallery de nous avoir consacré du temps. Nous vous encourageons vivement à écouter tout l’album.

[Jingle]

Interview de Corentin, du groupe Les Gueules Noires

Étienne Gonnu : Pour notre deuxième interview j’ai normalement le plaisir d’avoir avec moi au téléphone Corentin des Gueules Noires. Bonjour Corentin.

Corentin : Bonjour Étienne. Merci pour l’invitation.

Étienne Gonnu : Merci de prendre ce temps pour échanger avec nous. Je vais commencer de manière très classique, est-ce que vous pourriez vous présenter s’il vous plaît ?

Corentin : Bien sûr. Je m’appelle Corentin, j’ai 29 ans, je suis saxophoniste dans le groupe Les Gueules Noires. Les Gueules Noires est un groupe du Nord de la France qui existe depuis maintenant 10 ans. Nous sommes avant tout une bande de jeunes amis qui se sont, pour la plupart, rencontrés au lycée, qui avons appris la musique dans des écoles de musique où certains ont eu la chance de faire quelques petites années en conservatoire. On s’amusait bien, on faisait des soirées ensemble, on écrivait un peu de musique. C’est un peu un projet amateur pour se faire plaisir et pour faire plaisir aux copains.

Étienne Gonnu : Groupe qui est toujours actif.

Corentin : Qui est toujours actif. C’est de plus en plus dur, c’est vrai qu’en grandissant, avec l’âge, on a tous des parcours professionnels un peu différents, des familles, mais on essaye de garder le projet quand même en vie et de pouvoir se revoir de temps en temps.

Étienne Gonnu : D’accord. Musicalement comment définiriez-vous le style des Gueules Noires ? Je sais que ce n’est pas forcément une question facile.

Corentin : On s’est longtemps revendiqué du ska. Pour les gens qui ne connaissent pas très bien c’est une sorte d’ancêtre du reggae, c’était une musique un peu festive pour danser en Jamaïque, qui s’est ensuite exportée en Angleterre dans les années 70, fin des années 70/début des années 80, avec des groupes comme Madness ou The Specials et ensuite ça s’est réparti un peu partout dans le monde.
C’était l’idée d’avoir une musique un peu festive, un peu cuivrée, avec un côté rock, qui tire un peu sur le punk de temps en temps. En France on appelle souvent ça plutôt du rock alternatif dans son ensemble. Ça mélange pas mal de styles.

Étienne Gonnu : Vous pourrez me corriger si je me trompe, mais j’ai quand même l’impression que le ska, le punk, sont des musiques souvent assez politiques. J’ai l’impression que c’est aussi le cas des Gueules Noires quand on écoute les paroles.

Corentin : En effet. On a toujours été plutôt ancrés à gauche. On vient de là. Nous étions une bande d’amis toujours un peu en manif, on aimait beaucoup parler de politique, on avait tous des engagements un peu différents, ça faisait des soirées avec des conversations un peu animées. On aimait bien jouer dans des soirées pour des causes ou des choses comme ça, essayer de faire passer un message et, en même temps, passer un bon moment. C’était un peu cette idée-là.

Étienne Gonnu : Donc la joie dans la lutte !

Corentin : C’est une peu ça. C’est l’ambiguïté qu’on retrouve un peu dans la musique, le côté un peu festif, un peu triste et un peu revendicatif, on passe un peu par toutes les palettes des émotions.

Étienne Gonnu : J’imagine bien que le nom, « Les Gueules Noires », n’est pas complètement anodin.

Corentin : Voilà ! Ça faisait référence aux mineurs du Nord de la France qui travaillaient dans les mines de charbon qu’on appelait les gueules noires. On a trouvé rigolo de reprendre ce nom comme une forme d’hommage et une forme de message.

Étienne Gonnu : Puisqu’on parle souvent de politique, de notre point de vue, le choix de mettre sous licence libre est plutôt quelque chose de politique. Est-ce que c’est le cas ? Pourquoi avez-vous placé votre musique sous licence libre ?

Corentin : En fait ça a été un peu une sorte de rébellion anti-Sacem et anti-sociétés de gestion de droits. Nous avons été assez embêtés, on va dire, en tant que musiciens amateurs. Dans toutes les salles de concert où nous allions, on nous demandait de signer des déclarations de Sacem alors que nous n’étions pas membres de la Sacem et nous ne voulions pas l’être. On s’est renseigné, quand même, on a regardé comment fonctionne la Sacem, on a vu les contrats, on a vu des clauses qui ne nous plaisaient pas trop, c’était déjà 200 euros l’inscription par membre, vu qu’on est six musiciens amateurs, ça fait déjà très cher, de l’argent un perdu qu’on ne récupérera jamais ! Dans le contrat il y a aussi le fait que quand on adhère à la Sacem il y a des clauses de confidentialité qui empêchent de critiquer ce que fait la Sacem, c’est pour ça que vous n’entendrez pas beaucoup les musiciens se plaindre de la Sacem, souvent ils n’ont pas le droit, c’est dans leur contrat. On n’avait pas trop envie de signer à ça. Nous sommes la génération qui a grandi dans les années 2000, à l’époque on a beaucoup téléchargé illégalement de la musique pour des lecteurs MP3, gravé des CD, et on avait aussi envie que notre musique puisse se diffuser à travers le monde. Les licences libres nous ont aussi un peu permis ça. On a vu que notre musique se retrouvait sur des blogs de musique mexicaine de gens qu’on n’avait jamais vu, jamais entendu. C’est aussi ça l‘avantage de la musique libre, il n’y a pas beaucoup de musiciens qui en font, du coup ça se diffuse très rapidement et très largement, il n’y a pas de restrictions.

Étienne Gonnu : C’est comme ça que vous vous êtes retrouvés à passer sur radio Cause Commune, et aussi à faire cette interview !

Corentin : Exactement !

Étienne Gonnu : Du coup, de ce que je comprends, vous faites beaucoup de concerts. Vous avez aussi enregistré en studio, vous faites les deux. Avez-vous une préférence ?

Corentin : On avait enregistré un premier album en studio. Pour le dernier petit album de quatre titres qu’on a sorti, on a voulu se lancer le défi de faire un enregistrement en live. Du coup c’est un peu plus brut, on va dire, on voulait essayer de retrouver l’énergie des concerts. On a enregistré dans un théâtre juste avant le confinement d’ailleurs. On avait un théâtre, des micros et on s’est dit « on va essayer d’enregistrer ça avec presque pas de retouches au final, pour voir ce que ça donne ». C’est un peu une expérience.

Étienne Gonnu : D’accord. Ça me fait penser un peu à cet esprit ska que vous avez décrit tout à l’heure.

Corentin : C’est ça.

Étienne Gonnu : Une question d’un auditeur de Libre à vous ! que je vais relayer. Il disait aimer demander aux musiciens pourquoi ils avaient choisi leur instrument. Je trouve que c’est effectivement une assez chouette question. Pourquoi avez-vous choisi de jouer du saxophone ?

Corentin : Ah ! C’est une bonne question. À la base, quand j’étais petit, j’avais commencé par apprendre l’orgue. J’ai commencé la musique très jeune, j’avais à six ans, et, avec cette réflexion pas très évoluée d’un enfant de six ans, j’ai voulu arrêter l’orgue parce que je trouvais qu’on ne faisait pas assez de rock 'n' roll. Du coup j’ai regardé les autres instruments. J’ai changé, je suis arrivé dans une école de musique dans un petit village, j’ai découvert un peu les cuivres, l’harmonie, et je me suis dit « !le saxophone ». Il faut voir que le Nord de la France est un endroit où il y a beaucoup d’orchestres, beaucoup d’harmonies, donc on est bercé par ces instruments-là et je pense que ça a joué un peu inconsciemment sur mon choix de prendre le saxophone comme instrument.

Étienne Gonnu : Cool. Autre question. J’ai l’impression que vous jouez peut-être un petit peu moins souvent parce que vous disiez que la vie fait que, mais vous jouez surtout, vous avez joué surtout dans le Nord, partout en France, peut-être aussi en Belgique ?

Corentin : C’est ça. On joue partout dans le Nord de la France et en Belgique. On a eu l’occasion, il y a quelques années, de faire un petit festival en Angleterre où on a pu rencontrer un peu toutes nos idoles. C’est vrai que les difficultés d’organisation font que c’est beaucoup plus facile, pour nous, de rester dans le Nord de la France. Après, nous sommes ouverts aux propositions !

Étienne Gonnu : Si des gens nous écoutent et qu’ils ont envie de vous contacter, en passant par votre page Bandcamp j’imagine que c’est possible, c’est comme ça que je vous ai contactés, donc je sais que c’est possible et, en plus, vous avez répondu très vite. Vraiment, si vous avez envie de prendre contact, je vous encourage à le faire effectivement.
Je vais relayer une autre question d’un autre auditeur qui constate que dans le mouvement punk l’utilisation des licences libres n’est pas vraiment pas très courante, aussi bien en musique qu’en graphisme. Vous avez fait le choix de la licence libre. Est-ce que c’est une chose que vous constatez ? Avez-vous une explication, ou pas du tout ?

Corentin : Je pense que c’est surtout une méconnaissance. On entend beaucoup se plaindre de la Sacem la plupart des musiciens qui sont un peu dans le punk et dans les musiques alternatives. Je crois que c’est juste une méconnaissance du sujet, les licences libres ne sont pas très connues des musiciens. Je sais qu’il y a un musicien punk qui utilise beaucoup les licences libres, qu’on aime bien, qui s’appelle Prince Ringard. Je pense que c’est surtout un manque de connaissance par le milieu de la musique, ça se faisait un petit peu dans les années 2000, c’est vrai que ça s’est un peu perdu. Je pense que c’est aussi lié au fait que les nouveaux usages et l’arrivée du rap, les nouvelles plateformes internets ont réussi à ???, c’est beaucoup plus facile d’adhérer à la Sacem aujourd’hui ou de mettre de la musique sur des plateformes que ce qu’était quand on a commencé, donc il y a une certaine prise en compte. D’une certaine manière les râleurs comme nous ont dû un peu jouer sur la Sacem qui a sûrement dû changer ses façons de faire et essayer de simplifier, de s’adapter aux demandes des nouveaux musiciens.

Étienne Gonnu : Nous allons diffuser, après notre échange, un morceau de votre choix, vous avez choisi de nous proposer d’écouter L’Usine. Est-ce que vous pouvez nous parler de ce morceau ?

Corentin : À la base la musique avait été écrite en 2013/204. On a voulu la reprendre vers 2016, dans mes souvenirs. C’était un peu le moment où on parlait des conflits. Un musicien est originaire de Saint-Saulve, dans le Nord, et il y avait le conflit de l’usine ArcelorMittal. On a été un peu inspirés par ces évènements, par ce qu’on voyait, par ce qu’on vivait.

Étienne Gonnu : Nous allons écouter ça juste après. Vous avez parlé il me semble, de Prince Ringard, parce que le son a un peu sauté, c’était lui l’artiste ?

Corentin : Oui, c’est ça. Prince Ringard.

Étienne Gonnu : On a diffusé un de ses morceaux et c’est effectivement génial. Je remettrai le lien sur la page de l’émission pour inviter les personnes à écouter. Il a vraiment une voix extraordinaire.
Merci beaucoup Corentin. Je vous souhaite le meilleur notamment dans vos projets musicaux. Une bonne fin de journée et une bonne fête de la musique.

Corentin : Merci et bonne fête de la musique. À bientôt.

Étienne Gonnu : Vous allez jouer aujourd’hui ?

Corentin : Non. Aujourd’hui on écoute les autres musiciens.

Étienne Gonnu : D’accord. C’est bien aussi, ça marche. Bonne fin de journée.

Corentin : Bonne fin de journée.

Étienne Gonnu : Un grand merci à Corentin de s’être rendu disponible pour cette interview. Nous allons donc écouter, comme nous l’avons mentionné, L’Usine par Les Gueules Noires. On se retrouve dans environ cinq minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : L’Usine par Les Gueules Noires.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter L’Usine par Les Gueules Noires, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution. Encore un grand merci à Corentin de nous avoir donné ce temps. Une musique qui donne envie de danser et de lutter.

[Jingle]

Interview de l’artiste Minda Lacy

Étienne Gonnu : Pour notre