Émission Libre à vous ! du 11 octobre 2022
Titre : Émission Libre à vous ! du 11 octobre 2022
Intervenant·e·s : Isabelle Carrère - Antoine Le Gonidec - Jean-Christophe Becquet - Laurent Costy - Étienne Gonnu - Frédéric Couchet à la régie
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 11 octobre 2022
Durée : 1 h 30 min
[URL Page des références de l'émission]
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Déjà prévue
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Étienne Gonnu : Bonjour à toutes, bonjour à tous. Oui, on peut jouer à des jeux vidéo sous un système d'exploitation libre : c'est le sujet principal de l'émission du jour. Avec également « Que libérer d’autre que du logiciel », la chronique d'Antanak > Evetanakh. Et Jean-Christophe Becquet nous parlera en fin d'émission, du Musée des sons disparus.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l'émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l'April, l'association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l'April. Le site web de l'émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l'émission du jour avec tous les liens et références utiles, et également les moyens de nous contacter. N'hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toutes questions.
Nous sommes mardi 11 octobre 2022. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast. À la réalisation de l'émission, mon collègue Frédéric Couchet. Salut Fred.
Frédéric Couchet : Salut à vous, et puis amusez-vous bien.
Étienne Gonnu : Merci, nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak
Étienne Gonnu: Nous allons commencer par la chronique « Que libérer d’autre que du logiciel ?», proposée par nos amis d'Antanak. J'ai donc le plaisir de recevoir Isabelle avec moi en studio. Isabelle, je crois que tu voulais nous parler des actualités d'Antanak, aujourd'hui.
Isabelle Carrère : Alors oui, non, pas des actualités d'Antanak, justement. En septembre, j'avais fait, pour la rentrée, les actualités d'Antanak même. Et là, je voulais plutôt aborder des sujets qui ne sont pas ceux directement d'Antanak, mais qui concernent Antanak, de fait peu ou prou, mais qui sont des éléments d'actualité plus général, plus global.
Alors je ne sais pas, peut-être que vous en avez parlé mardi dernier. Désolé, si c'est le cas, parce que je n'ai pas écouté l'émission de la semaine dernière...
Étienne Gonnu: Tu seras blâmée.
Isabelle Carrère : Oui, je suis blâmé, voilà, c'est fait. Mais en tout cas, nous on se réjouit - même si c'est une toute petite victoire - de ce que, mardi dernier, le parlement européen a donné son feu vert pour la mise en place du chargeur unique pour les appareils électriques électroniques portables.
Étienne Gonnu: On n'en avait pas parlé.
Isabelle Carrère : Ouf, ça va alors. C'est pas une grosse victoire, c'est pas un truc extraordinaire, mais quand même.
Qui ne s'est pas un jour trouvé avec une problématique de tiens, j'ai un chargeur, qu'est-ce que j'en fais ? Ou bien je change de téléphone, d'ordinateur, etc. Et c'est pas le bon chargeur. Et alors là, je parle des individus, quand C4EST comme ça. Mais mettez-vous à la place du milieu des collectifs qui, comme nous, sont donc des acteurs du reconditionnement, et donc nous, on manipule toute une série de chargeurs dans tous les sens. Ces chargeurs qui nous arrivent parce qu'ils nous sont données en vrac dans des sacs, ou des chargeurs dont on a besoin pour les ordinateurs portables que nous reconditionnons.
Alors, oui, une précision : pour le moment, ce que le parlement, la commission a validé, au grand dam d'Apple, puisqu'on se rappelle cette affaire-là a commencé en 2009. Ils ont commencé à réfléchir à cette question, à négocier qu'est-ce qui serait possible, etc. avec les sociétés productrices de matériel. Et en fait, c'est Apple qui, évidemment, ne voulait pas et a fait traîner, traîner, traîner jusqu'à jusqu'à ce jour, donc, mardi dernier.
Ça va concerner d'abord - évidemment pas tout de suite - les ordinateurs portables, les smartphones, les appareils photo numériques, par exemple, les écouteurs sans fil, les consoles de jeux vidéo portables, les GPS, les enceintes, les claviers, les souris... Enfin bre : tout le matériel, et ça en 2024. Ça veut dire que tout ce qui va sortir dorénavant des usines des fabricants de la production, ce sera, à partir de 2024, une obligation qu'il y ait un port USB-C. En 2026, ce sera vrai pour les ordinateurs également.
Bon, ça ne va pas changer la face du monde tout de suite, mais ça fait partie des choses dont on se réjouit, qui sont censées quand même faciliter un petit peu la vie de de tout le monde et qui prennent en considération les consommateurs-consommatrices que nous sommes, même parfois malgré nous, et qui nous permettent donc d'imaginer qu'un jour, ça sera plus facile que d'avoir des caisses à n'en plus finir. Parce que vous savez, dans les ordinateurs, on a des à la fois la problématique du voltage, sur les portables, ça commence à 18, ça termine à 20, à peu près. On a la problématique à côté de l'ampérage, en plus du voltage, pour faire les watts. Vous avez des souvenirs de ça ? Collège, lycée, tout ça ???
Étienne Gonnu: C'est un peu loin, tout ça...
Isabelle Carrère : Ben si, allez : volt multiplié par ampère égal watt. Bref, c'est très compliqué pour nous autres et en plus, c'est évidemment la question de cet embout, une fois carré, rond, avec un petit point au milieu, pas de petit point au milieu... Bref, toutes les choses sont possibles. Voilà : donc on est content. Et puis, on est content de se réjouir de temps en temps.
Notre deuxième sujet de réjouissance, donc, c'est cette année - ça, vous en avez peut-être déjà parlé - les quinze ans de la Quadrature du net.
Étienne Gonnu: Je ne sais plus si on leur a souhaité... On en profite, bravo la Quadrature du net ! Voilà, quinze ans exactement.
Isabelle Carrère : Exactement parce que, quand même c'est pas rien, je ne sais pas s'il faut re-présenter encore, j'imagine que les auditeurs·rices connaissent un peu ? On ne sait jamais. En tout cas les libristes, tous ceux qui sont habitués...
Étienne Gonnu: En deux mots, comment tu définirais la Quadrature du net ? C'est une association qui défend les libertés informatiques sur Internet.
Isabelle Carrère : Voilà, qui ont mené à la fois des combats de grande portée et en même temps des choses hyper pointues, précises, de sensibilisation, j'allais dire d'un grand public, même si c'est pas obligatoirement toujours un très, très grand public. Mais voilà : leurs thématiques actuellement, en plus de la liberté sur internet, c'est tout ce qui est techno-police, ils ont appelé ça ?
Étienne Gonnu: Tout à fait.
Isabelle Carrère : C'est tout le combat contre les caméras, la surveillance, le contrôle. Toutes les opérations de contrôle en fait, d'un côté sur internet, d'autre côté là dans la rue, dans nos villes, toutes ces caméras qui sont installées un peu partout et qui nous suivent et nous pistent.
Étienne Gonnu: On partagera le lien pour les personnes qui s'intéressent à cette campagne, s'ils veulent creuser cette question.
Isabelle Carrère : Oui, tout à fait. Je la trouve très intéressante, à Antanak on la trouve très intéressante, et donc Mathieu Labonde et Benoît Piédallu, sont les co-auteurs de la première biographie - c'est rigolo - de la Quadrature du net. Ils ont appelé ça « Internet et libertés », au pluriel bien entendu.
Je vous lis l'extrait de présentation : « Partout où le numérique est venu changer nos vies, le respect de nos libertés fondamentales est un combat. Pendant que Facebook, >Google et compagnie se targuent de protéger nos données tout en les exploitant pour booster la publicité ciblée, les lois sécuritaires s'enchaînent et les expérimentations illégales aussi : des micros dans les rues, des tests de reconnaissance faciale dans les stades ou dans les transports, des drones aux mains des policiers, etc. La dérive vient bien des pouvoirs publics autant que des entreprises. »
Voilà donc, les membres de la Quadrature du net sont de ceux qui, comme vous, comme April ici, sont vigilants sur toutes les questions liées à la liberté, aux libertés au pluriel. Ils et elles ont été actifs depuis toujours sur les thématiques de droit d'auteur, de censure, etc. Ils et elles veillent beaucoup plus largement à la protection de votre vie privée. Voilà : il y a des campagnes d'information que nous trouvons suffisamment importantes et présentes pour qu'on en parle.
Voilà, et puis, un dernier petit point, une dernière actualité, c'est que samedi dernier, le 8 octobre, se sont tenus, vous le savez, plusieurs rassemblements pour demander que Paris donne l'asile politique à Julian Assange, en tout cas qu'il ne soit pas extradé vers les États-Unis. Julian Assange, les auditeurs·rices doivent s'en souvenir aussi, ça fait dix ans maintenant que l'informaticien et cyber militant australien, qui était fondateur de l'entreprise de Wikileaks, vit sous la menace, et il est menacé de 175 ans de prison s'il retourne aux États-Unis.
Alors donc, c'était important qu'il y ait pas mal de monde, un peu partout en France et dans le monde ailleurs, qui se soulève à nouveau pour demander quelque chose. Parce qu'il est en dans une prison de haute sécurité au Royaume-Uni et sa santé est déclinante. Il a 51 ans, on ne sait pas ce que ça va donner. Il y avait une trentaine d'associations et de collectifs sur Paris, qui étaient parties prenantes de ces appels et rassemblements. Dont deux qu'on aime bien : « Halte au contrôle numérique », qui est à l'initiative - peut-être certains- certaines le connaissent - d'un petit guide d'autodéfense numérique qui était écrit en 2017, mais qui est toujours d'actualité, en effet, sur la façon dont on peut se protéger sur internet, notamment.
Et puis une asso qui s'appelle le Mouton numérique, qui organise des choses publiques dont vous avez, je crois, déjà parlé ici. Ils organisent des choses régulièrement, y compris dans le 18e arrondissement de Paris : samedi prochain, le 15 octobre, il y aura un atelier conférence dans le 18e, organisé par le Mouton numérique, qui s'appelle « Immersion dans la matérialité du numérique ».
Nous, ça nous concerne puisque enfin, des gens se mettent à parler un peu plus de la question matérielle et pas simplement de faire comme si tout ça, dans le numérique et l'informatique, c'était que du virtuel.
Voilà, c'était ma petite contribution aux ???. Merci à tous et toutes pour votre écoute et à bientôt pour de prochaines aventures.
Étienne Gonnu: Merci Isabelle. C'est bien aussi d'ouvrir un peu nos horizons, de voir ce que font nos camarades par ailleurs, pour pouvoir faire avancer notre cause commune.
Isabelle Carrère : Joli, joli...
Étienne Gonnu: Je te dis au mois prochain, Isabelle, et je te souhaite une bonne après-midi. Nous allons maintenant faire une pause musicale. après la pause musicale, nous verrons que oui, il est possible de jouer à des jeux vidéo sous un système libre. Avant cela, nous allons écouter ???
On se retrouve dans deux minutes environ. Belle journée à l'écoute de Cause commune, la voix des possibles.
Nous voilà de retour sur Cause commune, la voix des possibles. Nous venons d'écouter ??? Nous allons passer à notre sujet suivant.
Jouer à des jeux vidéo sous un système d’exploitation libre avec Antoine Le Gonidec, développeur de ./play.it
Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte aujourd’hui sur les jeux vidéo sous système libre. Un sujet à la croisée de nombreux enjeux et bien plus politique qu’il ne pourrait y paraître. Le sujet va être animé par Laurent Costy, vice-président de l’April et chargé de mission éducation et communs numériques aux CEMÉA.
Je vous rappelle qu’il est possible de participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Laurent, je te passe la parole.
Laurent Costy : Merci Étienne.
Nous allons effectivement parler aujourd’hui un peu de jeu vidéo. Je pense qu’on refera d’autres émissions parce que, en creusant le sujet, je me suis aperçu qu’il y a une quantité de points de vue à aborder et nous allons plus particulièrement parler de ./play.it. On va essayer d’appréhender ce qu’est ./play.it et quelle place il occupe dans la constellation d’outils dont on entend parler quand on souhaite jouer sous GNU/Linux.
Préalablement je souhaite excuser Mopi qui aurait dû se joindre à nous aujourd’hui et n’a pas pu pour des raisons de santé, et remercier les gens qui nous ont aidés à préparer cette émission, ils se reconnaîtront.
Je vais donner une petite introduction que j’ai trouvé sur linuxfr.org qui permet d’appréhender globalement ce qu’est ./play.it. Antoine Le Gonidec, qui est notre invité, nous expliquera évidemment dans les détails ce dont il s’agit puisqu’il est le développeur principal du projet. « Le projet ./ ./play.it est dédié à un seul but : tordre le cou à la rumeur la plus persistante au sujet de GNU/Linux. Il s’agit bien sûr du fameux : « Ton linusque, là, c’est nul, il n’y a aucun jeu qui tourne dessus ! » »
Je pense qu’on a posé le cadre. On va commencer par demander à Antoine Le Gonidec de se présenter et de nous raconter un petit peu pourquoi il en est arrivé à initier le projet ./play.it.
Antoine Le Gonidec : Salut Laurent, salut Étienne, merci pour l’invitation. C‘est un peu atypique d’inviter quelqu’un qui va parler de jeux vidéo commerciaux dans une émission qui tourne beaucoup autour du logiciel libre. Je vais essayer de convaincre tout le monde que ça reste un sujet pertinent même dans les combats autour du logiciel libre
Laurent Costy : Merci. C’est effectivement important de le préciser.
Antoine Le Gonidec : Tu résumes bien le début : ce qui a lancé ./play.it, en effet, c'est cette rumeur qui est assez persistante, que je savais déjà fausse à ce moment-là parce que je jouais depuis longtemps sous GNU/Linux à énormément de jeux différents, mais qui était beaucoup ce que j’entendais de mes potes autour de moi quand je parlais de mon système, qui est un petit peu passé de mode aujourd’hui. On joue beaucoup plus facilement sous GNU/Linux depuis une dizaine d’années que ça a pu être le cas avant.
Pour résumer un petit peu ce que fait ./play.it, c’est un logiciel qui aide à intégrer des jeux vidéo commerciaux, aussi bien des petits jeux indés que les gros succès du moment, au sein de logiciels libres. C’est quelque chose que je développe maintenant depuis à peu près 2013, qui est devenu un projet un peu plus sérieux quelques années plus tard, autour de 2016, et sur lequel je passe le gros de mon temps libre depuis.
Laurent Costy : D’accord. Je me suis un petit peu intéressé aux jeux sous GNU/Linux puisque je suis sous GNU/Linux depuis plusieurs années, je croise énormément d’objets. Moi qui ne suis pas technicien, parfois je suis complètement perdu entre ces différents objets, par exemple Wine, Lutris, GOG, PlayOnLinux. J’ai entendu parler de tout ça et évidemment de ./play.it. Quelle est la différence entre ces différents objets, ces différents programmes, ces différentes approches du jeu vidéo sous GNU/Linux ?
Antoine Le Gonidec : Ta liste est un bon exemple de la complexité, parce que ce sont presque tous des trucs très différents. Par exemple GOG, que tu as cité, est tout simplement une boutique qui n’a absolument aucun lien avec le logiciel libre, parce que c’est un concurrent direct à la boutique très connue Steam. Ce qu’ils font, c’est vendre des jeux vidéo commerciaux.
Laurent Costy : Il y a peut-être une différence entre les deux : GOG propose des jeux vidéo sans DRM, c’est peut-être ça qui fait la différence entre les deux ?
Antoine Le Gonidec : Oui. C’est la différence, c’est ce qui fait que cette boutique a une pertinence.
Laurent Costy : Une pertinence plus importante que Steam. D’accord, très bien. Donc GOG. Il y a aussi Wine qui est très ancien.
Antoine Le Gonidec : Wine, c’est presque aussi vieux que Linux lui-même. Si je ne me trompe pas, ça a dû démarrer la même année ou peut-être un an plus tard. C’est un logiciel de compatibilité. L’idée c’est de faire tourner sous Linux des logiciels qui ont été écrits pour Windows, qui n’est pas à l’origine spécialisé dans le jeu vidéo, ça pourrait être utilisé pour faire tourner des suites Office, des logiciels métiers, mais, en effet, aussi du jeu vidéo. C’est devenu une de ses utilisations principales, au fur et à mesure que l’offre libre pour les logiciels, on va dire utilitaires, est devenue vraiment très performante/ Il y a de moins en moins de raisons d’utiliser Wine pour autre chose que du divertissement, à part dans quelques cas spécifiques de logiciels métiers en entreprise qui ne sont pas redéveloppés pour tout un tas de raisons qui sont généralement économiques.
Après Wine on a PlayOnLinux qui est assez lié. Wine est un outil qui s’utilise en ligne de commande, ce qui peut-être un petit peu intimidant, un petit peu compliqué à utiliser. PlayOnLinux est un outil, lui aussi assez ancien, qui essaye d’automatiser l’utilisation de Wine pour tout un tas de jeux vidéo.
Laurent Costy : D’accord. En fait, on prend des briques, c’est souvent le cas dans le logiciel libre. Il y a des briques qui ne sont pas très accueillantes, on va dire, donc des gens disent « on va faire un programme pour que la brique soit plus accueillante », on fait une surcouche, puis on essaye d’interconnecter ces programmes-là et on essaye de faire que ce soit le plus simple possible pour l’utilisateur final.
Antoine Le Gonidec : C’est l’idée. C’est une surcouche conviviale à Wine.
Lutris, qui est un logiciel très à la mode chez les joueurs en ce moment, est un client tout intégré. Les gros joueurs sont habitués à ce genre de chose. Le client le plus connu, qui n’est absolument pas libre, c’est Steam. L’idée, c’est que ça va gérer l’installation des jeux, leur lancement. Ça permet à ceux qui ont beaucoup de jeux à installer de naviguer, d’en choisir un, ça peut intégrer d’autres systèmes, les systèmes de succès, les systèmes de chat.
Laurent Costy : Du coup GOG et Lutris sont des systèmes assez similaires, finalement. Ils sont différents ?
Antoine Le Gonidec : La différence est vraiment que Lutris est vraiment uniquement le logiciel, ils ne vendent rien là où GOG a une boutique qui propose son propre client, qui s’appelle GALAXY, qui lui n’est pas open source, donc beaucoup de personnes ne veulent pas l’utiliser. C’est toujours un peu embêtant quand tu achètes un jeu et qu’on te demande d’installer un logiciel tiers, dont on ne peut pas savoir ce qu’il fait vraiment qui, en plus, a une fâcheuse tendance à se lancer au démarrage du système, à partager, qu’on le veuille ou non, « machin est en train de jouer à ça en ce moment », à tenir des statistiques « tu as joué tant de temps sur tel jeu » ; les systèmes de succès souvent aussi beaucoup là-dessus « tu as fini le premier chapitre, tu as fini le deuxième chapitre... »
Laurent Costy : Et si tu faisais le troisième chapitre ! Ce sont des systèmes très intrusifs. En tout cas c’est aussi pour ça que, parfois, des joueurs libristes n’ont pas envie d’utiliser ce type d’outil.
Est-ce que j’ai oublié des briques par rapport à tout ce que j’ai cité ?
Antoine Le Gonidec : Non. Il y a d’autres exemples, mais tu as bien listé les différents rôles, je pense.
./play.it se glisse au milieu de tout ça, comme encore une autre réponse, c’est-à-dire que c’est aussi quelque chose qui tourne au-dessus de Wine et vise à faciliter l’utilisation, mais c’est pour les personnes qui ne veulent pas un client tout intégré, qui propose vraiment une expérience complète un peu façon console de jeux.
L’approche qu’on a eue avec ./play.it c’est de se dire que, finalement, nos distributions Linux nous fournissent déjà une manière très agréable d’installer, de lancer les logiciels via les systèmes de paquets qui sont l’inspiration derrière les /stores qu’on a maintenant chez les OS propriétaires type Apple Store, je crois que Windows doit avoir le sien, Microsoft Store ou un truc dans ce genre-là. On s’est dit qu’on n’allait pas réinventer un nouveau système et juste essayer de proposer une petite couche d’automatisation et d’intégration pour que les jeux commerciaux qu’on a achetés s’installent de la même manière que les jeux libres qu’on a à disposition dans les dépôts des distributions·
Laurent Costy : Pour les gens qui nous écoutent et qui découvrent un peu tout ça, si on devait faire une comparaison entre le programme qu’on installe sous Windows, donc sous Windows, de mémoire, ça fait longtemps que je l’ai pas utilisé, il y a un.exe, on lance un.exe et ça installe le jeu sur le système d’exploitation. ???
Antoine Le Gonidec : Généralement on va d’abord essayer de le trouver sur un site web. On ne sait pas toujours lequel est le bon, à moins de connaître le nom de l’éditeur du logiciel, on a tendance à fouiller un peu et voir qu’il y a 15 sites de téléchargement qui le proposent, on ne sait pas lequel est le bon, on ne sait pas lequel va rajouter une barre de pub.
Laurent Costy : Très bien. Si on doit faire le parallèle, quand tu disais qu’on prépare les paquets sous GNU/Linux avec ./play.it, ça veut dire finalement que ./play.it fait l’équivalent d’un .exe quelque part. Si on devait faire un parallèle vraiment grossier, c ‘est-à-dire qu’on fait un programme qui va être facilement lançable par GNU/Linux. Est-ce ça l’idée ?
Antoine Le Gonidec : C’est ça l’idée. On va partir du .exe qui existe déjà pour Windows et on va le transformer en l’équivalent pour la distribution Linux de l’utilisateur. On gère différents formats selon ce qui tourne sur ce qui est utilisé.
Laurent Costy : Pour les auditeurs et auditrices qui ne connaissent pas, chaque distribution Linux a effectivement son système de package, ce qui complexifie parfois l’utilisation d’un système quand on essaye de basculer d’un système à l’autre ; ça reste compliqué pour le néophyte.
Antoine Le Gonidec : C’est ça.
Laurent Costy : ./play.it permet finalement de transformer un .exe en différents paquets possibles en fonction de la distribution GNU/Linus qu’on utilise.
Antoine Le Gonidec : Et qui vont ensuite s’installer via ce qui est déjà fourni dans la distribution, comme on aurait installé un autre logiciel qui, lui, est directement fourni.
Laurent Costy : Écoute, c’est encore plus clair pour moi que dans la préparation de l’§émission, c’est parfait. Je pense que ça éclaire déjà pas mal de choses sur la place de ./play.it dans tout l’écosystème qu’on a pointé là.
Étienne Gonnu : Je me permets une question que je vais relayer du chat. Tu as régulièrement parlé des jeux commerciaux que tu opposes aux jeux libres. Qu’est-ce que tu appelles un jeu commercial ? Classiquement on va plutôt opposer les logiciels libres à ce qu’on appelle les logiciels privateurs, qui nous privent de nos libertés. Quelle distinction fais-tu justement entre les jeux commerciaux libres, parce qu’on pourrait commercialiser des jeux libres, ce n’est pas antithétique. Qu’est-ce que c’est, pour toi, un jeu commercial ?
Antoine Le Gonidec : C’est vrai que quand j’utilise le terme commercial ici c’est très proche de privateur. J’ai tendance à utiliser ce terme-là pour englober ce qui n’est pas redistribuable. C’est vrai que commercial est peut-être un petit peu bancal parce que ça va inclure différents jeux gratuits, qu’on ne peut pas intégrer aux dépôts des distributions pour différentes raisons, qui ne sont pas forcément d’ailleurs des raisons de licence, il peut y avoir d’autres trucs qui bloquent.
Pour les personnes qui sont plus à l’aise avec privateur c’est à peu près synonyme dans ce que je dis.
J’ai beaucoup l’habitude de m’adresser à un public qui est parfois peu libriste, pour qui privateur ou non-libre sont des termes un peu obscurs. Commercial, dans ce cas-là, veut souvent dire que c’est un jeu qu’on a acheté sur une boutique en ligne.
Étienne Gonnu : Ça me paraît clair. Merci.
Laurent Costy : Tu as peut-être commencé à la répondre à la question, mais est-ce qu’il y a eu un déclencheur pour le développement de cet outil-là ? Est-ce qu’il y a un jeu en particulier pour lequel tu t’es dit « tiens, je vais me lancer dans un programme » ?
Antoine Le Gonidec : Le déclencheur n’était pas du tout lié à un jeu vidéo en particulier.
Autour de 2013 il y a eu un moment où je ne m’intéressais plus trop à mes études, j’avais pas mal de temps libre devant et j’ai eu envie d’apprendre à programmer, à écrire du code. J’ai commencé à regarder un petit peu des guides en ligne et, à chaque fois, ils proposaient des exercices que je trouvais très ennuyeux, programmer des trucs dont je ne voyais pas l’utilité. Je me suis dit je vais m’inspirer de ça, mais je vais faire quelque chose qui me parle un petit peu plus, qui va m’occuper une semaine ou deux comme ça j’aurais appris quelques bases de programmation. J’ai eu cette idée : je me suis dit « j’installe mes jeux un petit peu en vrac, il faut bricoler, il faut rajouter des bidouilles à droit à gauche, je pourrais peut-être automatiser ça puis sortir un format propre qui va être facile à installer sur plusieurs PC derrière. »
J’ai appris quelques bases comme ça, ça ne s’est pas du tout arrêté à deux semaines, parce qu’une fois que j’ai géré un peu ou deux j’ai voulu en gérer un autre puis un autre. Je me suis rendu que de nouvelles problématiques arrivaient. Par exemple, au début je ne gérais que les systèmes d’exploitation Linux de la famille Debian et Ubuntu. Après je me suis dit il y a d’autres formats. Voilà ! Je me retrouve maintenant presque dix ans plus tard à toujours bosser sur ce qui devait être à la base juste un petit exercice auto-imposé pour apprendre quelques bases de programmation.
Laurent Costy : Du coup je vais revenir à une question initiale qui était quel est ton parcours ? Je me penche sur GNU/Linux depuis plus de 20 ans maintenant. Au bout de deux lignes de commande je suis perdu. Je pense que techniquement il faut quand même avoir acquis pas mal de compétences, il faut avoir pas mal creusé le sujet. Quel est ton parcours scolaire initial ? Tu expliques que tu as fait ça un peu par hobby, mas i comment ça s’est complété ? Comment ça s’est articulé ?
Antoine Le Gonidec : Au niveau de mes études je m’intéressais à l’informatique depuis quelques années, j’étais passé à GNU/Linux autour de 2006, que je gardais en parallèle de Windows, et j’ai gardé Linux seul à partir de 2008 de mémoire. Il a fallu que j’apprenne à bricoler un peu plus pour faire tourner mes jeux, mais j’étais déjà un grand passionné d’informatique ce qui fait que quand je me suis lancé là-dessus en 2013, ça faisait quand même cinq ans que j’utilisais GNU/Linux au quotidien et que je bidouillais beaucoup. Je n’avais pas de formation réellement scolaire parce que les études que j’avais entamées ont toutes été interrompues au bout de quelques mois. J’aime bien dire que j’ai une sorte de bac + 1 +1 + 1+, parce que j’ai enchaîné beaucoup de débuts de première année sans la motivation pour aller plus loin.
Laurent Costy : À la Silicon Valley ils aiment les cursus complètement éclatés. C’est vraiment un profil qui peut les impressionner.
Antoine Le Gonidec : C’est justement ce qui a très bien fonctionné et e qui m’a permis de trouver des emplois dans l’informatique ensuite. J’ai eu la chance de tomber, je crois que c’est en 2015 ou en 2016, sur ce qui était le début de ce qui est à la mode en ce moment les formations accélérées en six/huit mois pour faire de quelqu’un un développeur pas cher dont les boîtes ont beaucoup besoin en ce moment. C’est ce qui m’a permis d’avoir un diplôme qui, ensuite, me permettait de décrocher des entretiens d’embauche. Ensuite, en entretien, on oubliait tout ça, je parlais de ./play.it, des développements que j’avais faits dessus et c’est ça qui intéressait les recruteurs. C’est très rigolo parce que pour mon premier emploi dans l’informatique j’avais postulé pour une offre de développeur, ce qui était ma formation. À la fin de l’entretien on m’a proposé de me recruter comme administrateur système, qui est une activité qui n’a à peu près rien à voir, mais sur laquelle j’avais quelques expériences en amateur, justement suite à ./play.it. Je me suis retrouvé, par exemple, à partager ça sur un site web, il a fallu que j’apprenne à mettre en place un serveur, un site et ce genre de choses.
C’est le développement de ./play.it qui m’a permis de développer les compétences que j’ai aujourd’hui en informatique et pas dans l’autre sens. J’ai commencé en ne connaissant vraiment pas rien, non plus, mais pas plus que quelqu’un qui aime bidouiller un peu ce que fait son ordinateur, essayer de comprendre ce que font les différents logiciels, pas plus, en fait, que n’importe qui s’est suffisamment intéressé pour commencer à remplacer ses logiciels propriétaires par des logiciels libres ou changer d’OS et passer à Linux.
Laurent Costy : La passion comme moteur au fil du temps et on continue sur sa lancée.
Étienne Gonnu : Le logiciel libre a permis aussi d’explorer. Je trouve que c’est un très beau plaidoyer que tu fais pour le logiciel libre.
Antoine Le Gonidec : C’est pour ça qu’à aucun moment je me suis dit que ce logiciel que j’ai développé était un truc que j’allais garder. Quand je l’ai lancé je ne pensais pas que ça allait intéresser grand monde. La licence libre c’était vraiment une question de principe plus que de volonté de diffusion. C’est grâce au logiciel libre que j’ai commencé à m’intéresser à tout ça et à me rendre compte que n’importe qui peut développer quelque chose. Je me suis aussi dit que c’est une forme de justice à garder ce genre de licence et à rendre à ces communautés qui m’avaient donné l’envie de me lancer.
Laurent Costy : Oui. Tu es passionné par ton objet, ce que tu as développé. Tu te dis plus que c’est libre, c’est sous licence libre, donc les gens peuvent se l’approprier, s’ils veulent faire un fork, ils font un fork.
Antoine Le Gonidec : Exactement.
Étienne Gonnu : Excuse-moi j’ai perturbé Laurent en déplaçant son micro que je trouvais un peu éloigné.
Laurent Costy : La communauté est relativement réduite autour de ./play.it. Ce sont des gens qui consolident un petit coup de temps en temps ? Qui envoient des patchs ?, je ne sais pas comment on dit ?
Antoine Le Gonidec : La communauté de développeurs est généralement réduite dans le sens où il y a rarement plus de deux ou trois personnes à la fois à bosser régulièrement dessus et qui ont changé pas mal au fil du temps. Je pense que sur la durée de vie du logiciel on a dû avoir 20 à 25 contributeurs ce qui, dans le domaine du logiciel libre, est déjà beaucoup. On connaît un peu les mastodontes comme Firefox et VLC, dont on se dit que, pour faire des trucs pareils, il faut beaucoup de monde. C’est vrai dans le cas de Firefox, beaucoup moins dans le cas de VLC. En fait la grande partie des logiciels libres ce sont de toutes petites équipes, parfois des personnes toutes seules.
Laurent Costy : On imagine souvent de grosses communautés et on est très surpris de voir qu’il y a très peu de personnes derrière et souvent ce sont des personnes seules qui sont sursollicitées. C’est intéressant parce que ça permet d’appréhender un peu comment peuvent fonctionner des communautés autour des logiciels libres.
Étienne Gonnu : Fred nous fait remarquer que ce n’est pas vrai pour VLC
Laurent Costy : Tu veux dire que la communauté est importante. C’est ce que tu veux dire ?
Étienne Gonnu : Fred va parler pour lui.
Frédéric Couchet : Pour VLC c’est relativement inexact parce que la communauté n’est pas très grande et je renvoie à l’émission 42 de Libre à vous!, donc sur libreavous.org/42.
Laurent Costy : Oui, la communauté n’est pas très grande.
Étienne Gonnu : Ce qui permet d’être efficace par ailleurs.
Laurent Costy : C’est ce qu’on disait. On ne s’est peut-être pas compris, ce n’est pas très grave, on va continuer et on mettra le lien.
Étienne Gonnu : Comparé à Firefox.
Laurent Costy : Oui, comparé à Firefox, c’est ce que disait Antoine. La communauté de Firefox est beaucoup plus importante et surtout il y a une fondation derrière, des moyens privés derrière, beaucoup de salariés. Il peut y avoir des développements de logiciel libre avec des salariés, ce qui a été le cas de toute la suite LibreOffice, mais souvent, on constate quand même des logiciels avec des toutes petites communautés.
Merci déjà pour cet éclairage. Je trouve ce parcours-là très intéressant. J’aimerais bien que tu donnes ton point de vue de l’histoire des jeux vidéo sous GNU/Linux. C’est une petite histoire.
Antoine Le Gonidec : Ce sera forcément très subjectif parce que ce n’est pas un sujet que j’ai creusé très profondément. Jusqu’ici je racontais une histoire qui était plus ou moins en trois étapes, mais il y en a une quatrième qui s’est lancée il y a très peu de temps, donc ça étoffe un petit peu tout ça.
J’ai l’impression que pendant longtemps, jusqu’au début des années 2000, il y avait une toute petite poignée de jeux non-libres qui avaient une version Linux proposée, mais la plupart des jeux qu’on avait sous Linux étaient des jeux libres.
Laurent Costy : Peux-tu en citer quelques-uns de tête ? En 2000 quels étaient les jeux libres sous Linux ? Battle ??? était déjà fonctionnel ?
Antoine Le Gonidec : Je ne sais pas s’il existait déjà. Warzone 2100 était probablement déjà libéré. Je ne sais si ??? avait déjà commencé son développement. Dans l’ensemble il n’y avait certainement pas grand-chose.
Ensuite, autour de tout début 2000, on a eu une tentative d’un studio de portage, ???, de faire des portages commerciaux de jeux pour Linux. C’est-à-dire e jeu existait déjà pour Windows, il était en vente depuis un an ou deux, on s’est dit il y a peut-être une clientèle, on va faire du cédérom pour Linux. Ils ont porté une poignée de jeux. Techniquement ça fonctionnait très bien, mais commercialement ils ont mis la clé sous la porte peut-être moins de deux ans avant leur lancement. Je crois que ça a été une des premières tentatives commerciales qui ne soit pas juste un studio qui décide de faire une version Linux de son propre jeu.
Laurent Costy : D’accord. Qu’avaient-ils porté ? Sais-tu quels jeux ils avaient portés sous Linux ?
Antoine Le Gonidec : On devait avoir un Civilization Alpha Centauri et je crois qu’il y avait eu un travail commencé sur Deus Ex mais qui n’a pas abouti. Je crois que leur site web existe encore, est conservé en ligne en lecture seule depuis maintenant 20 ans, donc on voit la poignée de jeux qu’ils vendaient. Il y en a peut-être une dizaine ou une douzaine de mémoire.
Laurent Costy : D’accord, J’irai voir, c’est intéressant.
Antoine Le Gonidec : Ensuite, on en avait de plus en plus de jeux libres , mais sur le plan commercial ça n’a pas beaucoup bougé jusqu’à à peu près dix ans plus tard quand on est arrivé bien dans la période du jeu dématérialisé et que Valve a lancé une version Linux de son client Steam. Donc là on a commencé à voir une diffusion un peu plus large de jeux avec des versions Linux natives, en partie aussi grâce aux nouveaux moteurs de jeux qui étaient disponibles et qui permettaient un peu plus facilement de faire des versions pour Linux, y compris pour des développeurs indépendants.
Dix ans plus tard, on arrive sur la période actuelle. Encore une fois c’est Valve qui lance un nouveau mouvement. Ils voulaient faire une console de jeux portable qui est sortie il y a peu de temps, le Steam Deck. Ils se sont dit que la seule manière de concurrencer ceux qui ont un gros catalogue comme Nintendo et son Switch c’est de promettre aux gens qu’ils vont pouvoir faire tourner leurs jeux PC dessus et les jeux PC restent quand même beaucoup des jeux Windows. Un effort a été fait pour améliorer Wine pour faire tourner un maximum de jeux.
Aujourd’hui nous sommes arrivés à cette situation qui semble un peu hallucinante à ceux qui s’intéressent aux jeux vidéo sous Linux depuis longtemps, c’est que les jeux Windows qui ne tournent pas sous Linux sont devenus des exceptions. Une grande majorité des jeux pour Windows tourne vraiment très bien sous Linux.
Laurent Costy : D’accord. Je refais un lien vers GOG qui est une plateforme qu’on peut critiquer. On a effectivement la capacité de chercher dans la liste des jeux ceux qui tournent nativement sous GNU/Linux et ceux qui tournent sous Windows et on s’aperçoit que le catalogue n’est pas nul, loin delà, il y a pas mal de propositions. Les jeux les plus récents, souvent, ne tournent pas directement sous GNU/Linux, mais c’est vrai que ça s’est beaucoup étoffé et on voit bien qu’il y a nativement des portages possibles sous GNU/Linux.
Étienne Gonnu : Pour bien comprendre : Valve avait un besoin technique pour sa plateforme Steam et pour sa console à distance et c’est ça qui a permis, finalement, de développer et faire que les jeux puissent tourner sous GNU/Linux.
Antoine Le Gonidec : C’est l’idée. Oui.
Étienne Gonnu : C’est intéressant comment des besoins matériels peuvent aussi impacter.
Antoine Le Gonidec : Comme ils sont très forts en marketing, l’histoire qui circule plus parmi les joueurs c’est que c’est parce qu’ils aiment beaucoup Linux et qu’ils voulaient aider Linux qu’ils ont fait tout ça.
Étienne Gonnu : Ça se saurait !
Antoine Le Gonidec : Si on fouille un peu plus dans l’histoire de la boîte Valve, on voit que Gabe Newell, qui l’a fondée, est un ancien de chez Microsoft, qu’il a quittée en assez mauvais termes. Il y a d’assez bonnes raisons de penser que l’accent mis beaucoup sur Linux depuis maintenant une dizaine d’années est aussi une manière de faire passer un message, c’est-à-dire que si un jour vous essayez de mettre en place des restrictions par exemple avec le Microsoft Store ou autre chose de ce genre-là, on peut se passer de vous. Eux ne s’attendent pas à ce que tout le monde passe sous Linux, que ce soit sur le court ou sur le long terme, mais ils veulent se prévoir une porte de sortie au cas où Windows devienne un peu comme macOS, quelque chose de très fermé et de très contrôlé au niveau de la distribution logicielle.
Laurent Costy : C’est intéressant d’approcher l’histoire des jeux vidéo sous cet angle-là. Ça veut bien dire qu’ils ont contribué au développement de Wine, qui est un logiciel libre, ça retourne à la communauté, c’est plutôt intéressant.
Antoine Le Gonidec : Autant leur logiciel phare, Steam, est quelque chose de fermé et dont on a d’excellentes raisons de se méfier, mais en effet, comme ils se sont basés sur des logiciels libres déjà établis – Wine existait depuis plusieurs dizaines d’années quand ils ont commencé à travailler dessus –, beaucoup de leurs contributions ont été reversées, ils ont travaillé aussi sur les pilotes graphiques. Beaucoup du travail qu’ils ont fait bénéficie à tous les libristes, mais il faut faire attention et ne pas croire au discours de bienveillance, ce n’est pas pour aider le logiciel libre qu’ils ont fait ça, c’est que le logiciel libre était, pour eux, un excellent outil pour leurs plans commerciaux et on en bénéficie par effet de bord grâce à la conception du logiciel libre.
Étienne Gonnu : Je vous propose, puisque ça fait une demi-heure que nous discutons et c’est vrai qu’il y a pas mal de points un peu techniques, de se donner quelques minutes pour nous aérer l’esprit, de faire une pause musicale. Nous allons écouter Libre 1.0, par Dag-Z. On se retrouve dans 4 minutes 30. Belle journée à l'écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Libre 1.0, par Dag-Z.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Libre 1.0, par Dag-Z, disponible sous licence libre Art Libre.
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Deuxième partie
Étienne Gonnu : Avant de reprendre
Deuxième partie
Étienne Gonnu : Avant de reprendre
Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April, sur le sujet du Musée des Sons Disparus de Joseph Sardin > Marie-Odile [01'22'24]
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Étienne Gonnu: Nous allons poursuivre avec la chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, qui devrait nous parler aujourd'hui, je crois, d'un musée un peu particulier : le Musée des Sons Disparus. Jean-Christophe, es-tu avec nous ?
Jean-Christophe Becquet : Oui, bonjour à tous et bonjour à toutes. Celles et ceux qui ont découvert internet au siècle dernier se souviennent forcément du grésillement du modem 56k. C'est le premier son de la collection du Musée des Sons Disparus. Suivent le bruit de la carte papier que l'on dépliait avant l'usage généralisé du GPS, le son d'un téléphone à cadran, d'un moulin à café à manivelle…
Les sons sont triés par ordre chronologique inversé. On termine à la préhistoire avec le bruit de l'allumage d'un feu par percussion d'un silex sur une marcassite.
Le Musée des Sons Disparus est une des pages du site lasonotheque.org de Joseph Sardin. « Cette page est destinée à rassembler et à rendre accessible à tous, ce patrimoine sonore et collectif » explique l'auteur.
Joseph Sardin est preneur de son et bruiteur. Les fichiers qu'il partage sur son site « sont mis à disposition gratuitement et librement pour tous vos projets, qu'ils soient commerciaux ou non et dans le monde entier ». La page consacrée au droit d'auteur précise dans des termes compréhensibles par tous l'étendue des permissions accordées sur ces enregistrements. L'auteur a fait le choix d'écrire sa propre licence qui me semble correspondre avec la notion d’œuvre libre. Il précise que ses conditions s'apparentent à la licence Creative Commons Zero, la licence WTFPL ou le domaine public.
La licence WTFPL (Do What The Fuck You Want to Public License » ou « Licence publique Foutez-en ce que vous voulez » en français) est une licence libre très permissive. Rappelons au passage que le domaine public volontaire n'existe pas en droit français, c'est-à-dire qu'il n'est pas possible de renoncer à son droit d'auteur en versant une œuvre de manière anticipée dans le domaine public.
lasonotheque.org héberge, en plus du Musée des Sons Disparus, une large sélection d'enregistrements classés selon le système UCS (Universal Category System) pour la classification des effets sonores. Vous pourrez entendre, pour ne citer que quelques exemples :
- des sons humains (battement de cœur, bruits de foule ou rire d'enfants...), d'animaux ou de créatures imaginaires ;
- des phénomènes météorologiques comme un orage, du vent ou de la glace qui craque ;
- des ambiances sonores comme la cour de récréation d'une école maternelle, un petit ruisseau ou une bouteille que l'on débouche.
Peut-être que l'équipe de la radio trouvera sur lasonotheque.org quelques pépites pour agrémenter les émissions. Des développeurs de logiciels libres, par exemple pour des jeux, ou des enseignants pourraient également mobiliser cette ressource. Car c'est là toute la puissance de la licence libre, elle permet la réutilisation des sons et leur adaptation, quel que soit le contexte.
Je voudrais, pour terminer, adresser une requête à Joseph Sardin. En effet, il propose une émission présentant à chaque épisode une astuce pour la réalisation d'un bruitage. Sa chaîne s'appelle le Labo du Bruiteur, mais je n'y ai pas trouvé de mention de licence libre. Alors Joseph, accepteriez-vous de libérer ces vidéos ?
Étienne Gonnu: L'appel est lancé, on va suivre cette affaire, ce ne serait pas la première pépite libre dont tu serais à l'origine en incitant les personnes à libérer leur contenu.
Merci beaucoup pour ces nouvelles pépites, Jean-Christophe. Moi, je me suis beaucoup amusé à parcourir ce musée dématérialisée. Puis je te dis au mois prochain pour une nouvelle pépite.
Jean-Christophe Becquet : Absolument, rendez-vous le mois prochain. Merci et bonne fin d'émission.
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l'April et le monde du Libre > Eve [01'26'51]
Étienne Gonnu: Merci, Jean-Christophe. Nous approchons de la fin de l'émission, nous allons terminer par quelques annonces.
Alors je regarde sévèrement Laurent qui s'amuse avec son téléphone et qui s'est retrouvé coincé avec les sons, ça arrive, c'est les joies du direct, ce n'est pas grave. Tu nous as devancé...
Laurent ??? : Nous avons changé le bruitage d'annonce habituel par le bruit d'un modem 56K que nous avons récupéré sur ce musée.
Frédéric Couchet : Alors excuse-moi, Étienne : on se moque des personnes qui sont en régie, et en studio vous nous faites des pièges parce que je n'ai pas encore lancé le son...
Étienne Gonnu : Dans les annonces : une décision importante de la cour de cassation, la semaine dernière, dans un litige opposant Entr'ouvert, société éditrice de logiciels libres, à Orange. Il y a plus de dix ans, Entr'ouvert avait assigné Orange en contrefaçon du droit d'auteur, pour non-respect de la licence libre Gnu GPL version 2, sous laquelle était diffusée la bibliothèque libre Lasso. Après plusieurs péripéties, je vais faire vite parce que le temps file, après plusieurs péripéties, la cour de cassation a cassé les arrêts précédents qui étaient au désavantage d'Entr'ouvert. Et la cour de cassation a donc bien rappelé le droit : une violation de licence logicielle, y compris libre, est bien un délit de contrefaçon.
Maintenant, la prochaine étape sera de nouveau la cour d'appel, qui devra prendre en compte cette interprétation, elle ne pourra pas en faire fi. Plus de détails donc sur le site de l'April et en lien, en description, sur la page web de l'émission. Et félicitations à Entr'ouvert.
Le temps aussi de vous dire que vous pouvez nous retrouver ce vendredi 14 octobre, à l'heure de l'apéro, et n'hésitez pas à venir à notre rencontre. Ce sera dans les locaux de l'April, dans le 14e arrondissement de Paris, à partir de 19 heures, et tout le monde est le bienvenu.
N'hésitez pas à aller sur l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour retrouver d'autres événements en lien avec les logiciels libres et la culture libre, près de chez vous.
Notre émission se termine. Je remercie les personnes qui ont participé à l'émission : Isabelle Carrère, Laurent Costy, Antoine Le Gonidec, Jean-Christophe Becquet. Aux manettes de l'émission aujourd'hui, Frédéric Couchet accompagné de Thierry, qui est en train de se former à la régie. Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, tous bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio. Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujet.
Vous retrouverez sur notre site, libreavous.org, toutes les références utiles, ainsi que sur le site web de la radio, causecommune.fm. N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 18 octobre 2022 à 15 heures 30. Notre sujet principal portera sur les bibliothèques et les libertés informatiques. Nous vous souhaitons de passer une très belle fin de journée. On se retrouve donc en direct mardi 18 et d'ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : ???