P4PILLON, faire évoluer le système de santé dans notre société numérique

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Titre : P4PILLON, faire évoluer le système de santé dans notre société numérique

Intervenant : Antoine Prioux

Lieu : B-Boost 2021

Vidéo

Date : 15 octobre 2021

Durée : 1 h 03 min 28

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Salut tout le monde. On est en petit comité, c’est bien, c’est intimiste !
Je m’appelle Antoine Prioux, je suis pharmacien et jusqu’à il n’y a pas si longtemps, le numérique c’était vraiment quelque chose que j’utilisais au quotidien, mais vous m’auriez demandé la différence entre Linux et Velux, je n’aurais pas été capable de vous en dire beaucoup plus.
Je suis arrivé au numérique, à l’open source et au sujet de ce B-Boost très tard en fait. L’idée de cette présentation c’est de vous montrer un fil conducteur, un cas concret sur quels types de contraintes on a aujourd’hui dans le système de santé quand on est professionnel de santé et qu’est-ce que l’open source, l’open data et le numérique vont nous permettre de faire. En fait, le projet que je vais vous présenter c’est un peu l’histoire de comment on a tenté de trouver des solutions à de problématiques qui n’étaient vraiment pas évidentes et complexes à gérer dans leurs diversités de contraintes.
L’association, l’entité morale qui porte ce projet c’est l’association P4pillon. On fait de la recherche et développement en soins de premier recours sur quatre axes différents :
l’innovation organisationnelle, comment est-ce que des professionnels de santé vont travailler ensemble ;
l’innovation dans les pratiques professionnelles, c'est-à-dire une fois qu’on les a mis ensemble comment ils vont faire évoluer leur manière d’exercer leur métier ;
l’innovation numérique, c’est-à-dire quels types d’outils ils vont utiliser pour le faire ;
et puis in fine, l’innovation sociale c'est-à-dire comment ils vont créer du lien avec d’autres acteurs de terrain pour redéfinir des modèles économiques ou faire en sorte que les citoyens soient plus impliqués dans l’évolution de l’état de santé de leur territoire.

Enjeux

Je fais toujours un petit rappel sur les enjeux auxquels on est confrontés parce que c’est vraiment un sacré boxon.

Enjeu démographique.
C’est plutôt une bonne nouvelle, on a une augmentation de l’espérance de vie générale en France. Néanmoins on a une stagnation de l’espérance de vie en bonne santé. C’est moins la bonne nouvelle, c'est-à-dire que statistiquement, OK, vous allez vivre longtemps, mais la qualité sur la fin de vie ne va pas être terrible et, grosso modo, statistiquement on est malade à 63 ans pour les hommes, 64 ans pour les femmes. Donc vous allez bosser et au moment où vous allez partir en retraite, statistiquement parlant vous allez être malade, en tout cas votre qualité de vie va être dégradée par votre état de santé. C'est le premier enjeu démographique et général.
Deuxième enjeu démographique c’est ce qu’on appelle le papy-boom des professionnels de santé, c'est-à-dire que et tous les professionnels de santé qui se sont formés, qui sont nés dans la phase du baby-boom, partent en retraite, donc ça se traduit par ce qu’on appelle la désertification médicale, j’imagine que vous avez déjà entendu ce terme, qui fait que dans des compagnes on a du mal à trouver des jeunes médecins ou autres pour venir soigner les gens.
C’est le premier type de transition démographique qui pose un sacré problème, c’est-à-dire qu'on a une augmentation des besoins en soins, parce que si j’augmente l’espérance de vie d‘un côté mais que je n’augmente pas l’espérance de vie en bonne santé de l’autre, globalement on a un volume de soins, on a un gâteau qui grossit, et parallèlement j’ai un problème démographique d’offre où j’ai une offre qui diminue à cause d’un effet papy-boom plus une mauvaise gestion de ce qu‘on appelle le numerus clausus à l’entrée des facultés de médecine qui fait qu’on a en plus ajouté une pénurie de médecins à une pénurie de médecins annoncée d’un point de vue démographique. On appelle ça un effet ciseau dans les courbes, c’est-à-dire que augmentation des besoins, diminution de l’offre, en général c’est rarement une bonne nouvelle parce que ça vient mettre un gros coup de stress à l’écosystème des soins. On parlera de résilience à un moment donné.

Autre enjeu qui est épidémiologique : quand on a construit le système de santé au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, l’enjeu c’était la pathologie chronique ; c’était comment va-t-on diagnostiquer une pneumonie chez une mamie et lui apporter un antibiotique, c’est comment va-t-on traiter les jambes cassées et les accidents de bagnole parce que ça y est, il commence à y avoir une bagnole dans chaque foyer français, forcément il y a plus d’accidents, donc il faut un hôpital pour réparer les jambes cassées. Ce sont des grandes campagnes de santé publique de prévention pour la poliomyélite chez les enfants, ce sont des grandes campagnes de vaccination, mais il n’y avait pas les maladies chroniques telles qu’on les connaît actuellement. Il n’y avait pas de cancers, on bouffait bio parce qu’il n’y avait pas encore, on va dire, de traitements chimiques intensifs dans l’agriculture, les gens étaient encore dans le manger/bouger au quotidien, il n’y avait pas la téloche, on ne restait pas le cul coincé dans un canapé à regarder Netflix toute la journée en bouffant des barres chocolatées, pour prendre un exemple très trivial et caricatural, ce que j’ai fait moi aussi à une époque. Donc les enjeux sont devenus liés à la pathologie chronique et cette pathologie chronique est complexe. C’est-à-dire que quand vous devez soigner une personne qui a un diabète, il faut qu’elle voie le médecin, il faut qu’elle voie l’infirmier, il faut qu’elle voie le podologue, il faut qu’elle voie le spécialiste, il faut qu’elle aille à l’hôpital. Si elle a des problèmes au niveau des yeux il faut qu’elle voie l’ophtalmo, si ça se trouve elle va avoir une infection au niveau du pied, parce que son diabète est mal équilibré, donc il va falloir qu’elle ait des pansements très régulièrement, etc. Donc la pathologie, en plus d’être chronique, est beaucoup plus compliquée et elle nécessite une pluralité d’acteurs pour faire correctement le taf. Là aussi le profil des besoins s’est complexifié et nécessite une pluralité d’acteurs.

Ensuite enjeu technologique, fulgurant. Quand j’étais au collège on n’avait pas encore de smartphone, maintenant on a des applis, on a de la télémédecine, on a des trucs qui produisent de la donnée, on a des algorithmes d’intelligence artificielle. Qu’est-ce qui va être fait de la donnée ?, ça lève tout un tas de questions d’un point de vue éthique. Comment est-ce qu’on traite la donnée ? Est-ce qu’on traite la pertinence de l’outil technologique parce que la techno c’est super bien quand c’est vendu par le « marketeur » qui vient de lever des fonds sur Linkedin tout est génial. En fait, quand on regarde vraiment ce qui se passe dans la santé numérique, dans la e-santé, 98 % de ce qui sort c’est du gros bullshit, parce que ce n’est pas évalué. On n’évalue pas la pertinence des choses.
À côté de ça, il y a des technologies qui viennent vraiment rendre service : le partage du dossier médical, parce que le dossier médical est hébergé dans un serveur web, c’est un intéressant parce que ça va me permettre d’accéder à l’information plus rapidement, peu importe où je suis dès lors que j’ai une connexion. Les biotechnologies ont permis de développer des médicaments qui font que maintenant une maladie qui était mortelle devient chronique ou une maladie qui était chronique on arrive à la soigner. Vous prenez par exemple l’hépatite C, maintenant il y a des traitements – ça coûte 80 000 euros la cure – mais des gens qui sont malades chroniques d’une hépatite C, ils prennent ce traitement, ils sont guéris. En fait c’est le sens de l’histoire dans la thérapeutique. Moi je suis pharmacien, mon but c’est que si je suis face à une maladie mortelle c’est de la chroniciser, si je suis face à une maladie chronique, mon but c’est de la soigner.

Enjeu sociologique. Là, grosso modo, c’est quoi ? Côté professionnels de santé, les médecins ne veulent plus exercer comme les médecins du siècle dernier, c’est-à-dire 14 heures de travail sept jours sur sept, taillables, corvéables à souhait, à merci, dans n’importe quelle campagne de France. On aspire tous à un équilibre vie privée vie professionnelle, en gros on aspire tous à la quête du bonheur et disons que d’un point de vue sociologique, quand on sort de la fac on n’a pas envie de se faire broyer par un système qui est dans des contraintes de cisaillement, je le rappelle sur le côté démographique, augmentation des besoins/diminution de l’offre. Donc forcément un jeune médecin n’a pas envie d’aller s’installer tout seul au fin fond d’une campagne pour se faire bouffer la tronche.

Ensuite, côté sociologique, il y a aussi l’approche liée aux patients. C’est-à-dire que les patients qui sont atteints de pathologies chroniques, qui ont accès à Internet, ils ont accès à l’information, donc ils vont se documenter. Moi, en tant que professionnel de santé, je me retrouve parfois face à des patients qui en savent beaucoup plus sur leur maladie que moi. Quelqu’un qui vit avec une sclérose en plaques depuis l’âge de 18 ans en sait plus sur la sclérose en plaque que moi. Ça pose des changements de posture dans la manière dont on approche le soin et la santé vis-à-vis des patients. Il faut accepter que les gens qui sont atteints de pathologies chroniques soient les experts du vivre avec la maladie où moi je vais être l’expert du médicament qui permet de traiter la maladie, mais il y a des changements de posture très radicaux qui s’opèrent aujourd’hui d’un point de vue sociologique dans la relation soignant-soigné.

Transition économique, qui est intiment liée à la transition énergétique. N’importe quel politique qui vous parle de croissance dans un programme est un menteur parce que, aujourd’hui, la croissance n’existe pas, à vrai dire ça n’existe plus depuis les années 1972, les premiers chocs pétroliers. Si vous vous intéressez à la macroéconomie et que vous vous intéressez à ce qu’est un bilan actif/passif, en fait on a créé de la dette publique pour financer du produit intérieur brut depuis les années 1970 et, en termes de tendance, le monde occidental est en récession depuis 50 ans et c’est parti pour durer. Malheureusement ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’on va avoir une diminution de notre capacité d’investissement pour transformer les systèmes de santé ou autres.

Dernier enjeu qui est de loin le plus gros, qui est aussi lié aux enjeux économiques parce que les enjeux économiques sont liés aux enjeux énergétiques, c’est l’écologie où là, clairement, lisez le rapport pour décideurs du GIEC, ça vous donnera une petite idée de ce qui nous attend. Malheureusement, on va devoir être très créatifs, être dans le bien commun et tous pousser dans le même sens pour essayer d’avoir quelque chose qui soit soutenable dans les 10/20/30 ans. Ça va vraiment être le défi de ces trente prochaines années.

9’ 43

Donc l’équation c’est quoi ?