Émission Libre à vous ! diffusée mardi 8 février 2022 sur radio Cause Commune

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 1er février 2022 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Isabelle Carrère - Vincent Calame - Isabella Vanni - Frédéric Couchet à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 8 février 2022

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE de l'émission

Références concernant l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Isabella Vanni : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Le sujet principal de l’émission d’aujourd’hui portera sur l’auto-hébergement. Avec également au programme la chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec l’association Antanak sur le thème « apprentissages et appropriations » et aussi la chronique « Jouons collectif » de Vincent Calame, bénévole à l’April sur le thème de la dépendance.
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.

Nous sommes mardi 8 février 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission aujourd’hui mon collègue Frédéric Couchet. Bonjour Fred.

Fréric Couchet : Bonjour Isa. Belle émission à vous.

Isabella Vanni : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak, sur le thème « apprentissages et appropriations »

Isabella Vanni : Nous allons commencer par la chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec l’association Antanak. Isabelle Carrère est au studio avec moi et elle nous parlera « apprentissages et appropriations » par les personnes qui s’adressent à Antanak pour libérer leur informatique.
Bonjour Isabelle, à toi.

Isabelle Carrère : Bonjour Isabella. Merci beaucoup.
Je ne sais pas si c’est trop tard, je ne peux plus dire bonne année aux auditeurs et auditrices de Libre à vous ! ? Si je peux quand même ! On n’est plus en janvier, je n’ai pas pu venir la dernière fois en janvier, du coup je le dis quand même, tous mes vœux à tous et toutes pour beaucoup de bonheur libre.
Voilà pour ce mois de février.
Depuis septembre, mais avec encore plus d’occurrences depuis janvier, on a relancé à Antanak nos ateliers de partage animés par des membres actifs et actives de l’association.
Les uns sont consacrés aux bases de l’utilisation d’un ordinateur, non seulement manuelles si j’ose dire, le maniement du clavier, de la souris, etc., mais aussi les rôles et raisons d’être des extensions des fichiers, les menus déroulants, les icônes, etc. ; tout cela n’est pas du tout évident pour des tas de gens.
D’autres ateliers sont dédiés au traitement de texte sur LibreOffice Writer bien entendu, parce que tout le monde a besoin, à un moment ou à un autre, d’écrire un texte, un courrier, une réponse à quelque chose, une lettre de « démotivation », ah ! Ah !. Pendant les autres ateliers on travaille sur la navigation sur Internet. C’est souvent le sujet que je pratique, que j’anime, j’aime bien ça.
Pour le moment on n’a pas encore repris les ateliers plus spécialisés, on ne peut pas tout faire ! On espère pouvoir y revenir bientôt, par exemple l’utilisation de Tor ou de tel ou tel autre logiciel. Pour le moment on n‘a pas encore pu reprogrammer ça, mais ça va venir.
En tout cas, à chaque fois, ce sont sept ou huit personnes qui viennent et il y à peu près un ou deux ateliers par semaine en ce moment, ce n’est plutôt pas mal. C’est assez compliqué de faire des groupes homogènes en termes de connaissances acquises, mais on se débrouille.

Je reste toujours assez surprise, malgré tout, et c‘est ça que je voulais partager un peu avec vous aujourd’hui, de ce que la curiosité, même si elle n’est pas immédiatement présente, est finalement assez simple à développer à condition de poser les bonnes questions. Mais si on ne démarre pas avec des questions là-dessus, il y a quand même une grande soumission – pardon, je ne trouve pas d’autre terme pour ça –, je veux dire que chaque personne qui vient vers nous se contente majoritairement de ce qui est proposé sur son téléphone ou sur les postes en libre accès, libre service ailleurs, dans les cybercafés, etc. Du coup, quand j’introduis des points comme qu’est-ce qu’un serveur ? Où sont vos données ? Quand vous écrivez un courriel où est-il ? Qui développe les logiciels et applications qu’on utilise ? Qu’est-ce que c’est qu’un moteur de recherche ?, etc., il y a de grands silences !
En fait je trouve que l’éducation populaire, en matière de numérique, n’est pas assez dynamique. En fait, on prend ce qu’il y a, on clique là où il faut cliquer, là où on a dit de cliquer, de ce fait on est immédiatement pris dans les filets des GAFAM ou autres sans trop se poser de questions. En fait, pour se poser des questions, il faut un minimum d’assurance, d’abord sur le droit qu’on a de les poser et il faut sans doute en avoir sinon l’habitude du moins y avoir accès, intellectuellement certes, mais aussi de manière très politique, c'est-à-dire une possibilité d’interroger les réalités dans lesquelles on se trouve. Et là je me demande quels sont les liens, s’il en est, entre ces façons d’être au monde et la vulnérabilité. Est-ce que c’est une résistance passive dont il est question ? Quelque chose qui dirait « vous me voulez là OK ! J‘y serai, mais dans une certaine limite, jusqu’à un certain point ».
Auquel cas si on est face à ça ou même dans une résistance passive, on se doit, je me dois moi, en animant des ateliers, de le respecter et je ne peux que lancer des perches, des billes de connaissance que les personnes attraperont ou pas, qu’elles pourront intégrer ou pas dans leurs approches, en tout cas sans mépris de notre part, sans paternalisme, sans protectionnisme et sans jugement. Ce n’est pas si simple à mettre en œuvre dans l’éducation populaire, de proposer sans imposer, de montrer ou de nommer sans assommer.
Je vais prendre un exemple très concret et d’actualité. Les lois qui sortent actuellement sur des outils numériques se basent désormais sur une modalité de consentement à priori. Celle sur l’ouverture et la gestion d’un espace santé par exemple. Elle est passée en catimini en août dernier, 2021, à l’Assemblée. Le texte est assez clair pour peu qu’on s’y attarde un peu, ce que j’ai fait. Le dossier médical partagé, DMP , avait été lancé avec une autre modalité puisqu’il fallait demander à ce qu’il soit ouvert et ensuite utilisés par les professionnels de santé. Mais, il n’y a eu que, je crois, j’ai vu un chiffre comme dix millions, je ne sais pas s’il est juste, de demandes d’ouverture et ça ce n’était pas assez pour les tenants du tout numérique. Alors a été inventé l’espace santé.
L‘espace santé est prévu pour être ouvert pour chaque personne, par avance, par un opérateur commandité par l’assurance maladie et il est alimenté par toutes les données de santé individuelles, personnelles, que connaissent les services : assurance maladie, j’imagine complémentaire santé, peut-être les pharmacies, les médecins, les assurances, les hôpitaux, je ne sais pas. En tout cas la grande différence c’est que cette fois-ci il sera ouvert pour tout le monde et seul le refus acté, le geste administratif posé de dire « non, je ne veux pas », peut empêcher cela. Mais qui en parle ? Peu de monde ! Il y a eu un ou deux articles de-ci de-là, une petite annonce mais comme une publicité de l’assurance maladie plutôt dans une radio, etc. Pourtant la loi est d’actualité à compter du premier janvier de cette année.
Selon les textes, l’assurance maladie doit envoyer à chacun/chacune un code provisoire pour s’y connecter et/ou pour refuser qu’il soit existant. En fait on peut aussi anticiper et faire dès maintenant, même sans réception d’un courrier, la démarche de refuser que cet espace soit ouvert. On est plusieurs à l’avoir fait. Il faut avoir une carte vitale avec une photo, le nouveau format de la carte vitale. Mais pour ça il faut être au courant de cette affaire ! Avoir donné à l’assurance maladie, via Ameli, une boîte courriel correcte, s’y connecter, ou bien une adresse postale valide, etc. Et puis il faut savoir qu’à la réception de ce code on a six semaines pour bouger.
Tout ça pour dire que les personnes que nous voyons venir à nos ateliers, toutes celles qui viennent notamment aussi aux permanences des écrivains numériques publics, ne font pas spécialement attention ni aux courriels reçus ni même à ce type d’information. Même si une ou un assistant social a créé une adresse, parfois l’identifiant et le mot de passe pour y accéder ne sont pas connus des personnes. Alors vous imaginez bien que si un code arrive, les six semaines vont largement être dépassées !
En même temps, ce n’est surtout pas à nous de dire « va vite refuser ton espace santé ! ». On ne va pas jouer le même jeu d’imposition en force. La démarche dure très longtemps pour pouvoir partager les enjeux.
Pour moi l’éducation populaire est là aussi, elle est à la fois d’expliquer, d’apporter des connaissances, des choses, mais aussi de pouvoir donner des façons de réfléchir et de faire des choix avec discernement.
Quand j’explique des choses de cette nature dans des ateliers, que je pose la question à chaque personne, en fait il n’y a pas la moitié des gens qui voient ce dont je parle ! Et tous les termes utilisés – un espace personnel, un espace santé, un identifiant, un code provisoire, etc. – sont faits, si ce n’est pour faire peur et perdre la moitié des gens, du moins pour cloisonner, empêcher quand même un accès un peu simple.
Chaque site, chaque administration, chaque vendeur de quelque chose vous fait ouvrir un espace ! En fait, de l’espace il n’y en a pas ! En tout cas pas un espace très joyeux, ni maîtrisé, avec lequel on peut faire quelque chose. Tout est fait pour que les personnes suivent le mouvement, fassent ce qu'on leur dit, au moment où on le leur dit et même considèrent que c’est bon, que c’est bien, voire que c’est pour leur bien et que les experts qui ont inventé tout ça le font évidemment pour de bonnes raisons. C’est très difficile de faire bouger ce type de mentalité et ce n’est pas une question d’intelligence, c’est vraiment une question d’éducation.
Les ateliers que nous animons ont aussi cela pour ambition, ça va de pair pour nous avec la pratique et l’utilisation des logiciels libres, ces ouvertures sur le droit à interroger, s’interroger sur ce avec quoi on est d’accord et sur les enjeux sous-tendus par ces choix. Mais hou, là, là, il y a du boulot !

Isabella Vanni : Merci Isabelle pour cette belle chronique qui nous donne un aperçu très concret. On avait l’impression d’être avec toi aux ateliers, de voir ce qui peut se passer dans un atelier à Antanak. Mon collègue Fred, sur le salon de webchat parlait de dictature de la commodité, en quelque sorte, quand tu parlais au début, « on fait les choses comme ça, on dit « va là » et on va où on nous dit d’aller. »

Isabelle Carrère : C’est pratique !

Isabella Vanni : C’est pratique ! Merci à Antanak qui fait cet exercice très difficile de proposer sans imposer, exercice très difficile mais aussi très enrichissant, indispensable et enrichissant qui est finalement l’exercice typique de l’éducation populaire.
Merci vraiment pour cette belle chronique et je te dis au mois prochain.

Isabelle Carrère : Oui, au mois prochain. Merci beaucoup.

Isabella Vanni : Merci. Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Pour cette première pause musicale, je vous propose un titre de SolOrkestar. Il fait partie de la AMMD, une association d’artistes qui publient leurs œuvres sous des licences libres, basée en Sartre. Nous avons déjà diffusé plusieurs titres d’artistes de la AMMD pendant notre émission et j’ai même consacré une chronique « Le libre fait sa comm’ » à cette association en décembre dernier, c’était l’émission 126.
Derrière le projet SolOrkestar il y a un musicien passionné de musique des Balkans qui fait rencontrer avec la technologie du Live Lopping. Qu’est-ce que c‘est ? En gros l’artiste enregistre en direct sur scène des phrases musicales à l’aide d’une machine qui s’appelle Looper et cette machine permet de reproduire la boucle, d’en arrêter ou d’en redémarrer la lecture de la séquence au besoin. Pendant que la boucle tourne, eh bien le musicien est libre de jouer d’un autre instrument. De cette façon, il devient capable de s’accompagner lui-même.
Avec SolOrkestar les phrases musicales se construisent, s’harmonisent en direct, et un orchestre invisible se met peu à peu en place, exhumant des thèmes traditionnels de la culture roumaine et tzigane. C’est un extrait du site de l’artiste.

Nous allons donc écouter Laika în pădure par SolOrkestar et on se retrouve dans quelques minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Laika în pădure par SolOrkestar .

Voix off : Cause Commune, 93.1.