L'open source, « contributeur » essentiel au GreenIT

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Titre : L'open source, « contributeur » essentiel au GreenIT

Intervenant·e·s : Agnès Crepet - Véronique Torner - Tristan Nitot - Richard Hanna - Cyrille Chausson

Lieu : Salon Open Source Experience - Paris

Date : 10 novembre 2021

Durée : 1 heure

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Quel est le maillon entre l’open source et le GreenIT ? C’est la question que nous nous poserons lors de cette table ronde.
Les principes de l’open source, à la fois communautaires et techniques, offrent la possibilité de réduire l’empreinte du numérique et d’agir directement sur les cycles de vie de la déferlante d’appareils digitaux ou encore sur les sensibilités éco-responsables et d’éco-conception. L’open source demeure un levier à activer, reste alors à identifier les bonnes pratiques.

Transcription

Cyrille Chausson : Bienvenue dans cette nouvelle table ronde. Aujourd’hui nous allons parler de l’open source, « contributeur » essentiel au GreenIT. À travers cette table ronde, on va essayer d’attirer un petit peu de la COP 26 vers nous.
Aujourd’hui, pour parler justement de cette association open source et GreenIT, j’aimerais aussi vous donner quelques chiffres, quelques statistiques.
D’abord un contexte un peu alarmiste parce que quand on parle de GreenIT c’est important de montrer qu’il y a aujourd’hui une forme d’urgence. Alors c’est quoi ? Quels sont ces chiffres ?
D’abord une étude du GIEC montre qu’en matière de réchauffement de la planète on est un petit peu en avance et c’est un gros problème, on a, en fait, dix ans d’avance pour atteindre ce réchauffement climatique de 1,5 degré et c’est une vraie urgence aujourd’hui. Nous allons voir, justement, comment l’open source compte résoudre ce problème.
Autre chiffre tout autant alarmiste, c’est un chiffre publié par le baromètre, le Benchmark Green IT 2021, greenit.fr. Il dit justement qu’aujourd’hui on a complètement explosé notre capacité à consommer des gaz à effet de serre en matière de numérique sur le bureau. On serait aujourd’hui à 27 % de cette part de gaz à effet de serre ce qui, aujourd’hui, est très important et cela montre que les entreprises ont vraiment du mal à baisser ce niveau.
Mais ce n’est pas que du négatif, il y a aussi du positif. Le positif c‘est notamment en matière de régulation. Le Sénat a adopté une loi, je crois que c’est début novembre, qui justement travaille à réduire l’empreinte environnementale du numérique. À travers les mesures il y a notamment une chose très importante qui est limiter le renouvellement des terminaux. C’est justement quelque chose qu’on va aborder aujourd’hui à travers cette table ronde.
Pour répondre à ces questions, j’accueille Agnès Crepet qui est directrice Software Longevity chez Fairphone.

Agnès Crepet : Bonjour à toutes et à tous.

Cyrille Chausson : J’accueille aussi Véronique Torner qui est cofondatrice d’Alterway et représentante de Planet Tech'Care.

Véronique Torner : Oui.

Cyrille Chausson : Tristan Nitot qui est le fondateur du podcast Octet Vert que vous connaissez tous, évidemment

Tristan Nitot : Bonjour.

Cyrille Chausson : Et bien sûr Richard Hanna qui est chargé de mission interministérielle Green Tech à la DINUM.

Richard Hanna : Bonjour.

Cyrille Chausson : Vous pouvez les applaudir.

Agnès Crepet : Il y a un fan ! Tristan Nitot : Ce sont quand même nos impôts ! C’est la DINUM.

[Applaudissements]

Véronique Torner : Où sont les fans d’Alterway, s’il vous plaît ?

Agnès Crepet : En fait il applaudissait tout le monde, c’est ça, tous les intervenants et intervenantes. Même pas, il dit non.

Tristan Nitot : Qui écoute l’Octet Vert dans la salle ?

Public : Moi.

Tristan Nitot : Les autres vous savez, octet comme mégaoctet et vert comme la couleur et ça fait un mauvais jeu de mots « Oh ! Que t’es vert », comme ça vous vous en souviendrez. Je me fais siffler !

Cyrille Chausson : Merci Tristan.

Tristan Nitot : C’est à but non lucratif, il faut le savoir, je me permets.

Cyrille Chausson : Puisque tu as la parole, est-ce que tu peux nous dire justement, pour bien comprendre ce qu’il y a comme leviers à activer aujourd’hui, car il faut bien comprendre où se situent les points d’urgence quand on parle de réduction de l’empreinte du numérique ?

Tristan Nitot : En fait, je vous encourage à aller lire une étude qui s’appelle iNum2020, qui a été faite par greenit.fr, dont je tire ce tableau que vous ne pouvez pas lire mais dont je vais vous parler. En fait le tableau lui-même est très intéressant.
Chez greenit.fr ils ont étudié où on produisait des gaz à effet de serre, où on consommait de l’énergie, de l’eau et des ressources abiotiques, en gros des minerais, dans le numérique. Ils ont divisé ça en trois tranches classiques : est-ce que c’est au niveau des terminaux ? Est-ce que c’est au niveau du réseau ? Ou est-ce que c’est au niveau des datacenters ? Pour chacun de ces trois postes, ils ont déterminé si c’est la partie la fabrication, parce qu’on a tendance à l’oublier, on ne la voit pas, ce n’est fabriqué en France, les minerais ne sont pas produits en France. On voit juste arriver des petites boîtes par avion ou par cargo, on sort un machin tout brillant qu’on utilise et on a oublié qu’en amont il y a toute la phase de fabrication. Et puis nous, en fait, nous ne voyons, éventuellement si on regarde, que la consommation électrique de ces choses-là. Ça, en fait, ça pose un vrai problème : ça nous rend aveugles face à tout le problème lui-même.
Quand on regarde de près cette étude iNUM 2020, on se rend compte que le gros des gaz à effet de serre – les gaz à effet de serre ne sont pas le seul problème, mais si on parle de réchauffement climatique ce qui est mon sujet, c’est là-dessus que je me focalise, mais il n’y a pas que ça, il y a aussi la consommation d’eau, la consommation de ressources abiotiques. Si on parle gaz à effet de serre, en fait on se rend compte que c’est la fabrication des terminaux qui fait la plus grosse production de gaz à effet de serre ; c’est énorme ! Sur l’ensemble des gaz à effet de serre, sur les 100 % de gaz à effet de serre produits, donc ce qui fait le réchauffement climatique de la planète, 76 % c’est la fabrication des terminaux. Le reste, du coup, en devient négligeable. On regarde, par exemple, les datacenters, eh bien la fabrication d’un datacenter c’est 2 %, donc on peut dire « il y a trop de datacenters », c’est vrai qu’un datacenter ça consomme beaucoup, ma is à côté de la fabrication des terminaux c’est peanuts.
Le deuxième plus gros poste c'est l’utilisation des terminaux et c’est seulement 8 %. Pour vous dire qu’on est très loin de la fabrication des terminaux.
Donc toute la problématique c’est ça : il faut faire durer les terminaux.
On parlait d’open source, c’est-à-dire plutôt de logiciel – pas que mais surtout du logiciel – et pourquoi je vous réponds les terminaux utilisateurs ? Parce que déjà il faut voir où est le problème, on sait qu’il est là, et ensuite voir comment l’open source peut aider à résoudre ce problème.
On va mettre les pieds dans le plat, désolé pour les camarades qui travaillent chez Microsoft, par exemple Windows 11 est une gabegie écologique hallucinante. Pourquoi ? Parce que Windows 11 exige du matériel dernier cri pour tourner et ça prouve bien qu’en gros si vous êtes un Microsoft Shop, vous êtes habillé Microsoft de pied en cap, vous avez un problème c’est que vous allez devoir tôt ou tard passer à Windows 11 et donc remplacer tout votre matériel. Là où l’open source lui, par exemple avec GNU/Linux, on sait faire tourner sur ces matériels, qui s’usent finalement très peu, des logiciels légers qui permettent de faire durer le matériel, donc cela réduit les émissions de gaz à effet de serre qui étaient le problème de départ.
J’ai été un peu long, mais il fallait.

Cyrille Chausson : Non. C’est bon. En même temps Windows 11 est un vrai sujet aujourd’hui d’actualité donc c’est important de le mentionner.
Véronique Torner, quant à vous les points d’urgence qu’il y a justement à résoudre sur ce problème de contexte écologique et de numérique ?

Cyrille Chausson : Je vais compléter ce que dit Tristan. Évidemment, je partage complètement ce que vient de dire Tristan. En fait il y a aussi une urgence qui est importante à intégrer c’est qu’on ne peut pas réussir aujourd’hui la transition écologique du secteur industriel au sens large sans numérique. Donc on a, quelque part, une équation qui est à résoudre : à la fois le numérique a une empreinte environnementale qui progresse de manière assez importante et, par ailleurs, on a besoin de beaucoup de numérique pour réussir la transition écologique. Donc on a cette équation à résoudre.
Vous allez me demander pourquoi a-t-on besoin de numérique pour aider à la transition écologique ? Parce que, aujourd’hui, on a besoin de collecter de la donnée. Le salon Open Source Experience est accolé au SIDO, on a besoin de beaucoup d’IOT, donc on a besoin de capter de la donnée, on a besoin de la stocker, on a besoin de la traiter et de la restituer, donc vous voyez qu’on a besoin d’outils numériques. Et si on faisait le bilan de l’empreinte environnementale du numérique à la fois du côté positif et négatif, clairement aujourd’hui, dans beaucoup de secteurs industriels qui sont fortement consommateurs de gaz à effet de serre et pas sur le sujet du numérique, le numérique est clairement positif dans son bilan.
Je peux prendre l’industrie de l’énergie, le retail, le transport, la construction, l’agriculture, le numérique va aider tous ces secteurs-là à baisser leur empreinte environnementale. Donc il y a cette urgence-là qui est majeure, il faut résoudre cette équation et le moyen de résoudre cette équation c’est de développer un numérique responsable et l’open source, on y vient, est une des briques du numérique responsable. En propre, il a des vertus qui sont, je dirais, positives, notamment par rapport au fait qu’on n’a pas besoin de renouveler régulièrement je dirais le software. Le fait que depuis très longtemps l’industrie de l’open source est très sensible à l’efficience, notamment sur des sujets énergétiques.
Il y a dix ans ça ne s’appelait pas Open Source Experience, ça s’appelait Solutions Linux et à Solutions Linux il y avait déjà des premières conférences sur le sujet numérique et environnement.

Cyrille Chausson : On comprend qu’il y a là deux sujets. Il y a à la fois un sujet technologique et un deuxième sujet qui est de la sensibilisation.
D’abord d’un point de vue technologique, Agnès Crepet, c’est complètement votre rôle. Là-dedans quel rôle a à jouer justement l’open source ?

Agnès Crepet : Je travaille chez Fairphone, une entreprise qui est connue pour faire un téléphone modulaire, durable, qui essaie de mettre sur le marché des appareils qui vont durer non pas deux ans, comme c’est le cas en moyenne aujourd’hui pour n’importe quel téléphone, mais plutôt cinq, six et potentiellement sept ans. Pour ce faire, d’un point de vue logiciel, on a évidemment besoin d’open source. Pourquoi ? Parce que si je parle des principales solutions logicielles dans le monde de la téléphonie – je ne parle pas d’Apple, parce que, du coup, je ne suis pas Apple – aujourd’hui on utilise Android, on pourra parler, si ça vous intéresse, des solutions alternatives à Android qui nous intéressent aussi mais sur lesquelles on n’a pas fait le choix d’aller en termes d’entreprise même si on soutient ces communautés-là. Donc aujourd’hui on fait un téléphone Android et, quand vous faites un téléphone Android, vous êtes pris entre Google – après m’être excusée auprès de Microsoft, je m’excuse auprès de Google, s’il y a des gens de Google ici – qui du coup, en termes de longévité, même si ça progresse un peu, ne va pas faire durer ses solutions Android, sa version 8 d’Android pendant dix ans. Donc si vous êtes un fabricant de téléphones, il va falloir trouver des solutions pour porter des versions récentes d’Android sur les téléphones que vous produisez.
Le problème du téléphone c’est que, du point de vue matériel, vous avez des composants, notamment les puces, qui ne vont pas supporter des versions récentes d’Android. Donc vous avez, si vous me permettez l’expression, le cul entre deux choses. Vous êtes entre votre puce qui a un support sur une période donnée, par exemple qui va supporter Android 4, 5, 6, 7 et va s’arrêter là et encore, quatre versions d’Android c’est beaucoup. Et puis vous avez Google qui vous dit « j’arrête de supporter cette version d’Android qui a sept ans, qui a cinq ans. » Il faut donc trouver des solutions pour pouvoir arriver à supporter des versions récentes d’Android sur un chipset qui n’est plus supporté et là, l’open source est crucial.
Vous avez des communautés comme LineageOS dans le monde d’Android qui sort, qui chip des versions d’Android récentes sur des puces qui sont anciennes. Chez Fairphone, on essaye justement de promouvoir ces solutions-là sur nos téléphones.
On a aussi des partenariats avec des entreprises comme eFoundation qui s’appuie sur LineageOS. On soutient des communautés Linux based comme PostmarketOS ou Selfishnet linux. Bref ! On essaye de supporter ces communautés-là parce que aujourd’hui sur la longévité logicielle, on n’a pas le choix dans le monde de la mobilité.
La Commission européenne a sorti une étude il y a un an, qui donne ce chiffre assez ahurissant : dans 20 % des cas de non-usage du téléphone, quand vous arrêtez d’utiliser votre téléphone, dans 20 % des cas c’est parce que le logiciel n’est plus supporté. 20 % vous pouvez vous dire que ce n’est pas beaucoup, mais si, c’est énorme ! Votre téléphone fonctionne, il est parfait, il n’y a pas d’écran cassé, la batterie est parfaite et vous arrêtez de l’utiliser parce que le logiciel a un problème, soit parce que Tik Tok ne fonctionne plus, soit parce que vous avez des mises à jour de sécurité à faire qui ne sont plus disponibles.
Je fais juste un petit aparté là-dessus. Je viens là de dire deux choses : la partie app, applications, et la partie OS. La partie applications est un problème à part entière. En fait, vous avez des applications qui vont elles-mêmes ne plus être compatibles avec la version d’Android, donc là je rajoute un niveau dans l’échelle de la complexité de maintenance et vous avez aussi la partie OS. Quand je dis que l’OS n’est plus maintenu c’est-à-dire que les security updates ne sont plus disponibles. Si j’en parle à mon père – je cite tout le temps mon pauvre père dans les conférences –, il peut me dire que ce n’est pas très grave ! Mais si c’est grave ! Les mises à jour de sécurité c’est c rucial, on ne lâche pas ça ! J’imagine que jhe parle à des gens qui connaissent le sujet : si votre appareil ne reçoit pas de mises à jour de sécurité ça veut dire qu’il est troué et que vos data sont mises à mal. Là on touche au problème de la vie privée, etc. On sait très bien que le téléphone est aujourd’hui le moyen privilégié des aspirateurs de données pour récupérer votre vie privée.
J’ai essayé de faire court.

Cyrille Chausson : On comprend aussi que confier tout le support et la maintenance, en fait la longévité de l’OS à des communautés et à l’intelligence collective qu’il y a derrière les communautés est essentiel à ce moment-là parce que ce sont elles qui vont finalement drainer tout cela et permettre que la durée de vie du téléphone soit allongée, ou du terminal, quel que soit le terminal d’ailleurs.

Agnès Crepet : Oui. Tout à fait. On s’est même appuyés sur cette communauté open source non pas que pour porter des solutions open source mais aussi pour nous aider à avoir le Stock Android sur le téléphone. Ce qu’on appelle le Stock Android c’est l’Android certifié. Quand vous êtes un producteur de téléphone, vous chipez Android et vous devez avoir une certification Android qui est donnée par Google ; ce sont 477 000 tests, qu’on appelle aussi ??? et la suite Google. Sur le Fairphone 2 qui est un téléphone qui va avoir six ans, on a porté Android 9, on a fini Android 10 qui va sortir dans pas longtemps, sur les 477 000 tests il y en avait quatre qui faillaient à la fin. À cause de ça on aurait pu échouer la certification et on aurait pu ne pas porter cette dernière version d’Android. Pour résoudre ces quatre bugs, on s’est aussi servis de la communauté, donc même sur des solutions non open source. Je considère Android comme pas complètement open source sachant que le core l’est quand même, IOSB.

Cyrille Chausson : Richard HAnna, vous êtes à la DINUM. Quel est votre sentiment sur cette question? Comment l’open source permet d’accroître cette longévité des terminaux ?

15’ 15

Richard Hanna : Je vais peut-être juste faire un petit historique