Émission Libre à vous ! du 28 septembre 2021
Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 28 septembre 2021 sur radio Cause Commune
Intervenant·e·s : Marie-Odile Morandi - Morgane Péroche - Jean-Luc Cazaillon - Laurent Costy - Luk - Étienne Gonnu -
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 28 septembre 2021
Durée : 1 h 30 min
Podcast PROVISOIRE de l'émission
Page des références utiles concernant l'émission
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Déjà prévue
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Avez-vous déjà entendu parler des CEMEA, les Centres d'Entraînement aux Méthodes d'Éducation Active ? Notre sujet principal sera aujourd’hui consacré à ce mouvement d’éducation populaire et à la place du logiciel libre dans son activité. Également au programme un hommage à Wikipédia à l’occasion de ses 20 ans et aussi une sombre affaire de complotisme et d’intelligence artificielles. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, en charges des affaires publiques pour l’April.
Le site web de l’April est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours et à nous poser toute question.
Nous sommes le 28 septembre 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission, ma collège Isa. Salut Isa.
Isabella Vanni : Bonjour.
Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcription et administratrice de l'April, au sujet des 20 ans de Wikipédia
Étienne Gonnu : Le 15 janvier 2021 Wikipédia fêtait ses 20 ans. Est-il d’ailleurs encore besoin de présenter cette incroyable encyclopédie en ligne, entièrement collaborative et librement accessible.
Aujourd’hui, dans sa chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture », Marie-Odile Morandi a décidé de rendre hommage à Wikipédia.
Salut Marie-Odile
Marie-Odile Morandi : Bonjour Étienne. Bonjour à toutes et à tous.
Étienne Gonnu : À toi la parole.
Marie-Odile Morandi : Merci.
Chaque semaine, un membre de l’April, Emmanuel Charpentier, publie une revue de presse. Dans la revue de presse de la semaine 29, parue au mois de juillet, il nous propose la lecture d’un article intitulé « Le cofondateur de Wikipédia avoue lui-même ne plus avoir confiance en l'encyclopédie en ligne », « On y trouve les informations que l’on veut bien nous donner », estime Larry Sanger.
Le titre et la lecture de cet article m’ont laissée perplexe, c’est pourquoi aujourd’hui je souhaite vous parler de Wikipédia, l’encyclopédie en ligne mondiale qui a fêté ses 20 ans au début de cette année 2021. Diverses transcriptions ont été réalisées, depuis janvier, concernant Wikipédia et vous retrouverez les liens sur la page concernant l‘émission d’aujourd’hui.
Wikipédia a été lancée le 15 janvier 2001 sur un projet utopique, quasiment fou, de Jimmy Wales et justement Larry Sanger, de vouloir mettre à disposition de l’entièreté de l’humanité l’intégralité du savoir humain.
À ses débuts, la réputation de l’encyclopédie était plutôt négative, en particulier dans le monde de l’éducation. Elle était considérée comme le temple du n’importe quoi, des inexactitudes et de l’approximation. Elle était critiquée, voire méprisée par certains et certaines qui n’ont compris son fonctionnement que plus tard. Pourtant le succès est arrivé. L’encyclopédie s’est imposée comme un outil de travail et de recherche pour bon nombre d’entre nous. Wikipédia est devenue indispensable, l’un des sites les plus riches et les plus consultés, 500 millions de visiteurs chaque jour, le 5e site le plus visité au monde.
Ce succès est dû à l’hyperlien, invention dont Diderot et d’Alembert auraient sans doute été friands ! On peut ainsi bondir d’article en article alors que l’on ne savait même pas que les sujets qui y sont traités pouvaient nous intéresser, favorisant ainsi une incomparable expérience de découverte de la connaissance.
L‘encyclopédie est complètement autogérée par les contributeurs et contributrices qui participent – 100 000 par jour –, se partagent le pouvoir et sont bénévoles. Wikipédia, contrairement à beaucoup de structures dans notre société, n’a pas de rédacteur en chef, pas de patron. C’est probablement aussi l’un des rares endroits sur Internet où il n’y a pas de publicité. Il n’y a ainsi personne sur qui faire pression, ce qui garantit l’indépendance de l’encyclopédie.
La communauté des contributeurs a réussi à mettre en place des pratiques, des façons de collaborer qui ont grandement amélioré l’encyclopédie et qui font qu’aujourd’hui elle est de plus en plus fiable.
Beaucoup de contributeurs deviennent des experts de sujets au fur et à mesure qu’ils approfondissent un article qu’ils souhaitent créer ou auquel ils souhaitent participer, et cela ne manque pas de questionner la place de l’expert dans la diffusion des savoirs.
Le but sur Wikipédia c’est d’écrire de manière neutre en citant des sources publiques, vérifiables, donc un article scientifique, une publication, un article dans un journal grand public. Il s’agit de rapporter juste ce que l’on sait sur un sujet c’est-à-dire les faits, les différents points de vue. C’est une synthèse du savoir existant. Ensuite, libre à chacun, quand il lit une information, de se faire son avis, d’exercer son esprit critique, d’aller voir les références, de vérifier les sources. Un effort de réflexion est ainsi requis.
Le principe de fonctionnement est collaboratif et participatif. Que ce soit pour rédiger les articles ou pour définir les règles de la communauté, il y a recherche d’un compromis ce qui amène beaucoup de discussions. Wikipédia est un endroit où des gens de tous horizons, qui ont des tendances politiques différentes, des cultures différentes, arrivent à discuter pour chercher puis trouver un consensus et des formulations qui soient neutres, sur lesquelles ils vont pouvoir tous être d’accord, quelle que soit leur opinion, pour réussir à cerner une sorte de vérité sur un sujet.
L’encyclopédie est modifiable très facilement. Elle est corrigée, complétée, recorrigée en permanence, mais ne nous y trompons pas, certains contributeurs sont particulièrement attentifs, vigilent au respect des règles et des principes de fonctionnement. Grâce à l’onglet « historique », il est possible de suivre toutes les contributions, quelles sont les personnes qui les ont faites et quand. Des logiciels automatisés ou semi-automatisés détectent les actes de vandalisme, les essais de publicité même à l’intérieur d’articles et ils sont alors supprimés en très peu de temps.
Wikipédia est entièrement sous licence libre, la GNU General Public License. N’importe qui peut, aujourd’hui, copier tout ce qu’il y a dans Wikipédia, se créer sa propre encyclopédie personnelle, imprimer le livre de l’ensemble des articles et le vendre. La seule condition c’est de citer les auteurs et ça en fait beaucoup à citer !
La Fondation Wikimedia, qui se situe aux États-Unis, héberge tous les Wikipédia mais n’est pas propriétaire des articles et n’intervient pas au sujet du contenu éditorial.
Wikipédia est disponible en 300 langues. Ainsi, l’encyclopédie n’incarne pas une vision du monde, mais 300 visions du monde.
Un tel succès entraîne aussi de lourdes responsabilités. Les sources sont indiquées, doivent passer avant tout, leur traçabilité doit être garantie ; Wikipédia a fait le pari de la transparence. Un bandeau d’avertissement est apposé sur les articles jugés insuffisants ou sur lesquels il y aurait des controverses de neutralité.
Non seulement sur Wikipédia sont publiés de nouveaux articles en fonction de l’actualité, mais surtout, des articles déjà existants sont actualisés en fonction des événements en cours et cela de manière très rapide, tout en prévenant le lecteur que les informations ne sont pas forcément tout à fait justes ou avérées. Ainsi, si on veut toucher à la réalité d’un personnage ou d’un phénomène, non seulement il faut lire la fiche Wikipédia, mais il faut accepter de revenir la lire un mois plus tard, un an plus tard, et, pourquoi pas, un siècle plus tard !
Wikipédia réalise depuis 20 ans, à l’échelle planétaire, le projet encyclopédique des Lumières avec, en plus, sa gratuité. Cependant des pans entiers de savoir et de culture manquent. En effet, Les articles sont écrits en majorité dans les langues principales ce qui crée des biais linguistiques. À cause du manque de diversité des contributeurs, beaucoup plus d’hommes que de femmes, les biais de genre restent importants : on compte 500 000 biographies de personnes sur Wikipédia, mais moins de 20 % sont des biographies de femmes.
Une des missions de Wikimédia France est d’inciter les gens à contribuer, en tout cas de leur en donner les moyens. Plus de personnes participeront, contribueront, plus cela permettra au projet de remédier aux biais soulignés.
Wikipédia est une encyclopédie gratuite, libre. Elle est restée fidèle à ses principes, même si son modèle économique est en train d’évoluer, ce que vous découvrirez à la lecture des transcriptions.
Elle a réussi à s’installer comme une référence en prenant une place très spécifique dans le monde numérique. La culture qu’elle nous offre permet à chacun et chacune d’évoluer en tant que personne, d’être plus ouvert aux différents points de vue.
Pour terminer de façon un peu cavalière, puis-je me permettre de conseiller à nos auditeurs et auditrices, à tous les acteurs du monde de l’éducation et aussi à Larry Sanger de lire ou relire les transcriptions qui ont été réalisées par notre groupe pour les 20 ans de Wikipédia. C’est son projet, sa création, un modèle de service non commercial, sous licence libre, dont il peut être fier.
Excellent anniversaire et longue vie à Wikipédia !
Étienne Gonnu : Merci beaucoup Marie-Odile. Je pense qu’on peut aussi être fiers de l’April, particulièrement de ce groupe Transcriptions, pour l’incroyable travail réalisé. J’ai trouvé très intéressant, je ne sais pas si on peut parler de limite de l’exercice, mais de l’importance de la vigilance que tu évoquais sur les différends biais qui peuvent exister parce qu’effectivement il y a un souci de neutralité, mais Wikipédia, dans toute son importance, reste un objet politique extrêmement important, notamment parce qu’il participe à la transmission des savoirs.
Merci beaucoup Marie-Odile. Un autre remerciement parce que tu m’as rappelé un petit plaisir auquel je m’adonnais il y a quelques années, parcourir un peu des articles avec l’option aléatoire, et tomber, découvrir des choses comme ça dans Wikipédia. C’est vrai que c’est quelque chose de plaisant à faire, d’ailleurs j’invite les auditrices et auditeurs à le faire à l’occasion.
Marie-Odile Morandi : Voilà. Et aussi à participer pour ceux qui en ont le temps et l’envie.
Étienne Gonnu : Bien sûr. Il y a différentes manières de collaborer, de participer, sans y passer forcément des heures par semaine. Je pense que c’est une communauté qui est assez accueillante et bienveillante et on peut collaborer à la hauteur de ses capacités, de ses envies. Un bon rappel, utile.
Merci beaucoup Marie-Odile et je te dis, j’espère, au mois prochain pour une prochaine chronique.
Marie-Odile Morandi : Entendu. À la prochaine fois. Bonne fin d’émission.
Étienne Gonnu : Merci Marie-Odile.
Nous allons faire une courte pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Nous allons écouter 29 Years par DishTone. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : 29 Years par DishTone.
[Coupure de son]
Étienne Gonnu :
En attendant on va passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu :
Les CEMEA, Centres d'Entraînement aux Méthodes d'Éducation Active, et le logiciel libre
Étienne Gonnu : site causecommune.fm, bouton chat » Je vous propose
Chronique « La pituite de Luk »
Étienne Gonnu : Pour ce sujet, Luk nous a fait parvenir sa dernière chronique. C’est vrai que ce n’est pas dans ses habitudes, mais il n’y a aucune raison d’être suspicieux. Quoi qu’il en soit, je vous propose d’écouter la nouvelle pituite de Luk, la première de cette saison 5 de Libre à vous !. Si j’ai bien compris il sera question de complotisme, d’intelligence artificielle et de plaques à induction.
On se retrouve juste après. Je vous souhaite une bonne écoute sur la radio Cause Commune, la voix des possibles.
[Virgule sonore]
Luk : J’aime bien commencer les rentrées par une petite rétrospective, juste par esprit de contradiction.
Ainsi donc, pour ma première pituite, j’avais expliqué que j’affectionne tout particulièrement lâcher un « je te l’avais bien dit » quand l’occasion se présente.
Plus tard, en novembre 2020, j’avais fait une proposition de stratégie audacieuse de promotion des libertés informatiques. Elle consistait à pousser en avant une nouvelle théorie du complot où une IA aurait pris le contrôle des cerveaux de nos stars du business liberticide pour s’acheter un accès à l’espace. Elle aurait utilisé les réseaux sociaux et l’informatique propriétaire pour leurrer et manipuler les humains afin qu’ils travaillent à la propulser dans les étoiles, détruisant la planète au passage.
Eh bien, je vous l’avais bien dit, cette théorie du complot a de l’avenir. J’ai découvert l’existence de la Dead Internet Theory selon laquelle Internet est mort depuis 2016 et que tout ce qui est produit sur Internet est l’œuvre d’IA pilotées par le gouvernement américain pour leurrer la population, bien sûr. La source de théorie a été retracée depuis un forum obscur dans un post de janvier 2021, tout juste 11 jours après ma proposition. Coïncidence ?
Ce qui manque à cette théorie complotiste, c’est un nouveau méchant. Le gouvernement américain, les extra-terrestres, c’est usé jusqu’à la corde. Et quand on sait qu’en 2015, les brillants cerveaux de Bill Gates, Stephen Hawking et Elon Musk ont affirmé que les IA constituaient un grave danger qui pèse sur l’humanité. Quand on sait que Musk a même déclaré que c’était le plus grand danger, soit pire que le réchauffement climatique, plus que la remilitarisation rapide ou que les épidémies. Quand on sait aussi que, curieusement, ils n’ont rien dit depuis sur le sujet… particulièrement Hawking qui est mort, comme c’est commode !, on comprend que ma théorie colle parfaitement. Coïncidence ?
Alors, je les entends les objections. Croire que ma chronique en français sur Cause Commune a inspiré une théorie fumeuse sur un forum complotiste en anglais serait naïf. Mais quand on pense que 73 % de la désinformation antivax sur le Covid-19 venaient de 12 personnes seulement comme l’a démontré l’étude d’une ONG britannique, alors un simple lien entre ma chronique et un misérable post dans un forum devient très probable. Et puis l’effet papillon ça existe, je ne suis pas assez bien pour en bénéficier, c’est ça ?
Et puis histoire d’IA est d’autant plus crédible que cet été, en Australie et en Afrique du Sud, une IA du nom de Dabus a légalement obtenu la paternité d’un brevet. La Chine a reconnu, en 2019, qu’une IA peut créer une œuvre au sens du droit d’auteur. En 2020, lassés par des affaires de plagiat dans la musique, des gens ont pondu un algorithme qui a généré 68 milliards de mélodies. Désormais la pop musique appartient aux machines, d’autant plus qu’il n’est même plus nécessaire de savoir chanter ou jouer d’un instrument pour produire un tube. Que reste-t-il à l’humanité si elle est dépouillée de sa capacité créatrice ?
Je sais bien que nombre d’entre vous ne sont toujours pas convaincus par mon raisonnement purement inductif. Eh bien moi, je dis que l’induction, c’est puissant. Les voitures électriques utilisent des moteurs à induction. Et pour la cuisine aussi, l’induction c’est bien mieux que la vitro-céramique. Alors si c’est vrai pour la technologie, il n’y a aucune raison que ce ne soit pas vrai dans le domaine du raisonnement.
Il y a des cuisinières ou des moteurs à déduction ? Non, parce que la déduction c’est nul. De toute façon, il faut bien regarder le truc en face : dans notre quotidien, nous faisons extrêmement peu de raisonnements déductifs. L’induction est la règle et nous évaluons la probabilité que nos raisonnements soient justes avec d’autres inductions.
Le monde occidental a tourné pendant des siècles avec, comme principe essentiel, que la bible était une vérité révélée et que Dieu gouvernait le monde et écoutait les prières. Se lamenter aujourd’hui sur l’avènement d’une prétendue ère de post-vérité, c’est se leurrer. Le vrai sujet est de savoir qui a le pouvoir de fixer la fiction officielle à laquelle il est obligatoire de croire.
Donc coïncidences… Malheureusement oui et c’est bien ça le problème. J’aurais tant préféré qu’il existe une IA qui nous soit supérieure. Ça nous aurait au moins fait une entité capable d’avoir un plan cohérent. Dans les films, j’ai toujours été pour les robots qui essaient d’éliminer les humains parce que les humains font et disent des trucs stupides et, au final, passent leur temps à faire encore et encore les mêmes erreurs avec l’arrogance de se sentir spéciaux. Et ce n’est peut-être que ça qui nous distingue des machines, finalement, et il n’y a vraiment pas de quoi se la péter !
[Virgule sonore]
Étienne Gonnu : Merci à distance à Luk pour sa nouvelle chronique et on espère le retrouver le mois prochain, à moins qu’il n’ait été remplacé par une IA.
Nous allons approcher de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
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Étienne Gonnu :