Informatique et environnement - Décryptualité du 31 mai 2021
Titre : Décryptualité du 31 mai 2021 - Informatique et environnement
Intervenants : Manu - Luc
Lieu : April - Studio d'enregistrement
Date : 31 mai 2021
Durée : 15 min 27
Décryptualité du 31 mai 2021 - Informatique et environnement
Revue de presse pour la semaine 21 de l'année 2021
Licence de la transcription : Verbatim
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Description
Microsoft et de la Fondation Linux annoncent de la constitution d'une fondation pour du logiciel limitant les gaz à effet de serre, l'occasion de parler d'informatique et d'environnement.
Transcription
Luc : Décryptualité. Semaine 21. Salut Manu.
Manu : Salut Luc.
Luc : Commençons par le sommaire.
01net., « HaveIBeenPwned devient open source et s'allie au FBI », un article de Gilbert Kallenborn.
Manu : HaveIBeenPwned est un système qui permet de vérifier si vos informations de connexion ont été fuitées sur Internet, donc il regroupe pas mal de bases de données qu’utilisent les hackers et dedans il y a des logins/mots de passe en gros. Ce sont de longues listes de logins/mots de passe et si votre login/mot de passe a été fuité et qu’il se retrouve là-dedans c’est embêtant. Vous pouvez aller et utiliser aujourd’hui même ce site pour essayer, tester et voir s’il faut que vous changiez votre mot de passe impérativement, là tout de suite, maintenant. Là il s’allie au FBI. Je ne sais pas exactement ce que ça voudra dire à terme. En gros, les institutions vont aller piocher là-dedans sachant que les navigateurs vont déjà piocher sur ce genre d’outil pour vous éviter de réutiliser des mots de passe qui ont déjà été compromis.
Luc : usine-digitale.fr, « La Cnil dit non aux outils collaboratifs américains pour l'enseignement supérieur et de la recherche », un article de Alice Vitard.
Manu : Ils disent non mais, en fait, c’est une volonté d’arrêter tout ça, parce que ce n’est pas encore fait. Malheureusement, il y a plein de gens dans l’éducation qui utilisent ces outils hors frontières européennes parce que c’est ça qui joue. Donc on n’est pas ouvert par le RGPD [Réglement général sur la protection des données], on n’est pas couvert par les règlements sur les données, l’utilisation à outrance que l’on peut en avoir aux États-Unis typiquement. Donc là, oui, c’est un vouloir, on veut arrêter, mais ce n’est peut-être pas un pouvoir, le temps nous le dira.
Luc : ouest-france.fr, « Le « Repair Café » numérique d’Auray aide les utilisateurs à réparer leur ordinateur », un article de la rédaction.
Manu : C’est une association, l’association Défis[1], qui est mise en avant. Effectivement, c’est super parce que dans le Morbihan, ils récupèrent du matériel, ils le reconditionnent, mettent du logiciel libre dessus et ils le donnent aux différentes personnes. Ce n’est vraiment pas mal.
Luc : ZDNet France, <« Pour des logiciels « verts » : Microsoft, GitHub et la Fondation Linux créent la Green Software Foundation », un article de Thierry Noisette.
Manu : On en parle juste après.
Luc : Le Nouvelliste, « Logiciel libre : la coopération plutôt que la compétition », un article de Jean-Yves Proulx.
Manu : C’est quelque chose d’assez générique et général qui aborde les concepts du logiciel libre. Ce n’est pas mal. Allez jeter un œil, ça sensibilise et on a toujours besoin de le faire et de le refaire. Il me semble que l’article est dirigé vers le Canada, mais ce n’est pas mal.
Luc : Notre sujet de la semaine c’est l’environnement avec cette annonce de Microsoft GitHub, GitHub appartenant à Microsoft, donc Microsoft et Microsoft et la Fondation Linux[2].
Manu : Qui font une fondation[3], une nouvelle.
Luc : Une fondation. L’idée c’est d’optimiser des logiciels pour qu’ils consomment moins quand ils tournent ?
Manu : C’est ça, c’est pour réduire l’impact environnemental des logiciels. Ils veulent réduire pas mal les gaz à effet de serr pour correspondre notamment aux accords de Paris sur le climat, 45 % d’ici 2030. Ils veulent faire ça en travaillant sur des problématiques liées aux logiciels, en faisant émerger des bonnes pratiques, des standards, en développant des briques qui pourront peut-être être réutilisées. C’est plutôt orienté logiciel libre, ce qui est bien. C’est plutôt de bonne volonté, c’est bien aussi : on partage et on met en commun des choses qui vont aider tout le monde, mais, comme on le sait, c’est aussi limité, parce que là ça ne touche que le logiciel.
Luc : Effectivement. Les 45 % c’est l‘objectif des accords de Paris sur le climat, ce n’est pas l’objectif qu’ils se fixent eux. En tout cas, ils veulent contribuer en optimisant les logiciels. On ne peut pas dire que c’est inutile, ça va dans le bon sens, mais l’environnement et l’informatique c’est bien plus que le logiciel, puisqu’en fait le matériel lui-même génère énormément de pollution et consomme beaucoup d’énergie quand on le construit. Du coup, si on fait des nouveaux logiciels qui nécessitent, par exemple, des nouvelles technologies, eh bien on n’est pas dans quelque chose de très productif.
Manu : Ce n’est pas mal ce que tu dis et, pour le coup, peut-être que l’association Défis dont on parlait il y a quelques minutes, qui fait de la remise à neuf d’ordinateurs, fait plus que Microsoft pour l’écologie et pour le monde !
Luc : Oui. On peut se poser la question. En tout cas, faire durer un ordinateur plus longtemps c’est clairement un avantage très important en termes d’environnement qui est. Dans les chiffres, j’ai vu ça sur le site de Greenpeace, par exemple la production d’un téléviseur exige 2,5 tonnes de matière première, génère 350 kg de CO2, l’équivalent d’un aller-retour Paris - Nice en avion.
Il y a quelques années j’avais vu des chiffres qui disaient qu’il fallait faire tourner un ordinateur portable sans discontinuer pendant quatre à six ans, je crois, avant d’égaler la quantité de ressources et d’énergie qu’il avait fallu pour le construire. La puce elle-même nécessite beaucoup de moyens, donc qu’on ait un téléphone en main ou un ordinateur, l’écart n’est pas si important.
Manu : Les ordiphones sont plutôt coûteux notamment parce qu’ils contiennent des matières premières très difficiles à extraire. Il y a du cobalt, il y a du lithium qui sont coûteux et polluants en plus. Et puis, effectivement, rassembler tout ça c’est coûteux. En plus de ça, tout ça va terminer dans des décharges, qu’on va envoyer dans des pays sur du tiers-monde sur des barges et où on va laisser des gens mourir gentiment d’une mauvaise mort parce qu’ils vont se retrouver pollués avec des métaux lourds qu’ils vont essayer de récupérer pour gagner leur vie avec les matières premières qui en sont extraites. De temps en temps ils extraient de l’or, il y en a, il y a pas mal d’or dans tous nos composants électroniques, mais il y a aussi pas mal de saloperies qui vont entrer dans leurs poumons, dans leur peau, dans leur organisme. La construction est mauvaise, la destruction est mauvaise aussi. C’est vraiment terrible. Donc oui, il faut réutiliser le même matériel et installer du logiciel libre, qui souvent, pas tout le temps, mais qui est souvent plus sobre d’un point de vue de l’usage de la machine et d’un point de vue énergétique. Il y a moins de brillant dans les logiciels libres, c’est vrai, ils sont peut-être parfois un peu moins jolis, mais souvent ils sont plus efficaces en termes d’usage.
Luc : Souvent le logiciel libre, qui est communautaire, fait ce qu’il vise à faire et il n’a pas d’objectifs parasites qui sont souvent liés au logiciel propriétaire avec derrière des services marketing qui veulent que les gens utilisent absolument ce logiciel, l’utilisent le plus souvent possible, etc.
Du coup, on peut dériver du côté des réseaux sociaux et des services hébergés. On sait, ça a été expliqué maintes fois, qu’un réseau social comme Facebook est optimisé pour que les gens y retournent le plus souvent possible. Eux vendent de la pub, donc ils ont besoin que les gens viennent sur leur réseau, y soient tout le temps. Ça rend un service relativement médiocre, mais, du coup, ça force aussi les gens à surconsommer pour leur vendre de la pub parce que leur objectif ce n’est pas que les gens communiquent entre eux, leur objectif c’est bien de vendre de la pub.
Manu : J’aime bien parce que tu rapproches avec ce qui avait été expliqué pour TF1. Le business modèle de TF1 c’est la vente de temps de cerveau disponible. Les clients de TF1 et de Facebook ne sont pas les utilisateurs, ce sont les annonceurs. C’est terrible. Effectivement, pour eux l’écologie là-dedans, la dépense énergétique, c’est une sorte d’effet secondaire dont on se fiche, c’est dans le produit. De toute façon tout ça c’est juste pour les annonceurs, le reste c’est que dalle, on s’en fiche !
Luc : Dans dans le logiciel libre ou dans les services hébergés comme ceux des chatons[4], on n’a pas ce besoin impératif que les utilisateurs nous appartiennent, qu’ils fassent telle ou telle chose, qu’ils soient tout le temps en train d’utiliser leur ordinateur, il n’y a pas cet objectif commercial.
Il y a aussi des logiciels qui vont embarquer plein de fonctions, toujours pour essayer de capter des données personnelles. On a toute la surveillance dans les réseaux sociaux, la publicité, tout ça consomme énormément de ressources et il y a plein de fonctions qui vont être là pour capter des données. Pour tout ça il faut qu’il y ait des serveurs qui tournent, qui enregistrent ces données-là ; tout un réseau très compliqué de vendeurs de publicité, etc., qui, pareil, consomme également beaucoup de ressources juste pour faire circuler du pognon et enrichir des gens.
Manu : Je rappelle que chaque fois que vous allez sur une page web sur Internet dans laquelle il y a un encart de publicité, quand vous demandez à afficher la page web, en même temps que votre page web est générée pour votre appareil, il y a des demandes qui sont envoyées sur des places de marché publicitaires, plusieurs en même temps, et qui sont diffusées à travers tout un réseau de publicitaires qui vont s’échanger l’information « vous voulez voir une page web » et ils vont la mettre aux enchères pour savoir qui va y répondre. La page de publicité ou l’élément de publicité que vous allez recevoir c’est le résultat d’une moulinette hyper-sophistiquée, par forcément précise parce ça merde régulièrement, mais qui va essayer de travailler pour vous afficher un truc qui va vous inciter à consommer.
Donc il y a travail qui est phénoménal, qui va déclencher des efforts, qui explique en partie pourquoi les serveurs web aujourd’hui ce sont des datacenters gigantesques qui consomment des quantités d’énergie incroyables.
Luc : On a eu un chiffre, c’est relativement récent, qui dit que le poids moyen d’un page web d'il y a quelques années pesait autant que le jeu Doom[5] d’hier. Dans les années 90 on avait ce jeu qui révolutionnait tout. Il y a encore quelques mois Doom était une mesure de volume, mais, depuis 2016, ça commence à dater. Aujourd’hui on doit être bien au-dessus ; aujourd’hui une page web moyenne est bien plus lourde que ce jeu tout entier.
Manu : C’est une évolution qui n’est pas mal. J’aurais préféré qu’on dise combien il y a de fusées Apollo qui sont contenues dans votre téléphone portable et dans une page web. N’oublions pas qu’une fusée Apollo c’était des calculateurs embarqués mais rudimentaires et aujourd’hui un téléphone portable de base fera beaucoup plus. Je trouve que c’est beaucoup plus noble comme comparaison ! Jeu de Doom quand même, ça reste rude !
Luc : Il y a des chiffres. GreenIT[6], un site qui s’intéresse à l’environnement et à l’informatique, estimait en 2015 que la publicité représentait 39 % du poids des pages web. Donc si on veut réduire le trafic, comme dans le monde physique, supprimer la publicité permettrait de réduire considérablement le gâchis énergétique.
Manu : Ça ne suffira sûrement pas. Je n’ai pas trop de doutes sur fait que les datacenters vont continuer à pulluler et à grossir. Perso ça me fait toujours bizarre, sachant que la consommation énergétique des datacenters, en tout cas une grosse partie de leur consommation énergétique, c’est avant tout la ventilation. Tout cela chauffe et il faut refroidir le bordel et refroidir le bordel c’est très compliqué. Il faut des réflexions en amont qui sont très lourdes.
Peut-être que la Green Software Foundation va travailler à ce sujet. Je sais que les GAFAM ont déjà travaillé sur ça, sur des plans de datacenters optimisés pour réduire les consommations et ils savent aussi qu’ils sont attaqués sur ce sujet de l’écologie et de la dépense énergétique à outrance, donc ils font des efforts, en tout cas en termes de communication. Je crois que c’est Google qui avait promis d’être neutre énergétiquement : ils replantent des arbres, ils ont monté des éoliennes, ils participent à des projets positifs, donc ils essayent de contrebalancer un petit peu et ils savent aussi très bien que c’est une mauvaise image ; les datacenters consomment beaucoup trop et ils veulent compenser.
Luc : Apple a fait son super siège social censé être à énergie zéro ou positive : ça ne change rien sur le fond du problème. Microsoft a testé des datacenters qu’on peut plonger dans l’eau en disant « on les met au fond de l’océan donc la chaleur se dissipe sans avoir besoin de dépenser de l’énergie pour la climatisation, etc. » Dans le domaine de l’informatique et du gâchis, un autre sujet ce sont les cryptomonnaies, dont on parle régulièrement.
Manu : Quoi ! Les cryptomonnaies ça gâche ? Comment ça ? Mais non, les cryptomonnaies vont nous sauver !
Luc : Je ne sais pas ! Dans les chiffres qu’on a, régulièrement, en tout cas notamment pour le bitcoin[7], on a des comparaisons de la quantité d’énergie dépensée pour calculer les bitcoins par rapport à des pays.
Manu : Tu en avais parlé il n’y a pas longtemps, moi j’en étais resté à l’Irlande.
Luc : On a progressé, maintenant on est au niveau de la Norvège, donc ça a beaucoup augmenté.
Manu : C’est-à-dire que la consommation énergétique dépensée pour générer les bitcoins et valider les transactions en bitcoins correspond à la dépense énergétique, à la consommation énergétique d’un pays comme la Norvège.
Luc : Elle est même supérieure aujourd’hui. Ce sont des estimations qui datent de mai 2021, qui sont assez récentes pour le bitcoin, qui s’appuient sur les consommations énergétiques des pays de 2019. Statista estime que le bitcoin représente une consommation de 143 térawattheures, la Norvège en consomme 124. La totalité des datacenters du monde entier en consomme 205 selon ces statistiques. On peut faire des efforts sur les datacenters, mais si on arrêtait cette connerie qu’est le bitcoin on fera un progrès de 40 %, on réduirait quasi de moitié la consommation due à l’informatique, au fait de faire tourner les serveurs.
Manu : Je crois que c’est un quart de la consommation électrique de la France, donc c’est juste gigantesque. Petit détail, petite anecdote qui m’amuse toujours, Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, au moins temporairement, a encouragé puis découragé les usages des cryptomonnaies. Il a encouragé parce que c’était des modèles innovants, hyper-technologiques qui lui plaisaient bien, c’était décentralisé. Finalement il l’a découragée après coup parce que oui, ça consomme beaucoup énergétiquement et qu’il ne souhaitait aller dans ce sens-là, en tout cas c’est comme ça qu’il le présente.
Il y a des évolutions sur les cryptomonnaies. Effectivement tout le monde leur tape dessus, il y a des pays qui consomment à les interdire, la Chine essaye d’interdire l’usage des bitcoins, mais elle continue à avoir le plus grand nombre de mineurs de bitcoins au monde ; elle veut en interdire l’usage, c’est déjà une évolution. Effectivement, beaucoup de gens qui font des cryptomonnaies d’un point de vue technique se rendent compte que c’est problématique. On s’appuie sur ce qui s’appelle une preuve de travail, eh bien oui, le travail c’est de l’électricité, c’est de l’énergie et il faut changer de modèle, il faut passer à une preuve d’enjeu. Ce sont des technologies, ce sont des problématiques d’algorithmes très compliquées et un peu risquées.
Luc : Moi je dirais qu’il faudrait passer à une monnaie qui un, ne soit pas déflationniste, qui ne soit pas un truc de spéculation parce que ça ne sert à rien. Les gens sont très contents parce que certains d’entre eux s’enrichissent sans bosser. Également, de mon point de vue, une monnaie devrait être un outil de politique économique, on en a grand besoin, et ne devrait pas permettre à la mafia de magouiller ni à des grosses institutions financières de faire bouger de l’argent discrètement et c’est à ça que sert la cryptomonnaie. Pour moi on a très bon moyen de consommer moins c’est d’arrêter de faire de la cryptomonnaie. Je ne fais pas partie des fans de cryptomonnaie même si, technologiquement, je comprends bien que c’est enthousiasmant, je ne vois pas vraiment de côté positif à ce truc-là.
Manu : J’encourage les auditeurs à remonter dans l’historique de nos podcasts parce qu’on a déjà fait des émissions sur le sujet des monnaies alternatives. Il y a des choses qui sont super intéressantes qu’on a rencontrées dans nos histoires. Allez jeter un œil, je pense qu’on en reparlera, on sera obligés.
Luc : Pour conclure, l’Organisation météorologique mondiale, vous trouvez ça dans un article de presse, un article canadien mais ça a été publié ailleurs, vient d’estimer qu’il y a une probabilité de 40 % que la limite de 1,5 degrés qui avait été fixée dans les accords puisse être atteinte en 2025 donc dans un délai extrêmement court, 40 % de chance que ça arrive en 2025. Si on dépasse cette étape-là, l’avenir va être très malsain. Donc l’enjeu est colossal et il est immédiat.
Manu : Sur ce, immédiatement je te dis à la semaine prochaine.
Luc : Salut.
Manu : Salut.