Déframasoftisons Internet - Pierre-Yves Gosset - Framasoft
Titre : Déframasoftisons Internet [Framasoft]
Intervenant : Pierre-Yves Gosset
Lieu : Expériences Numériques # 23 - Espace Public Numérique - Maison Pour Tous - Salle des Rancy - Lyon
Date : novembre 2019
Durée : 1 h
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Licence de la transcription : Verbatim
Illustration :
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription : MO
Description
Après avoir mené avec un certain succès la campagne « Dégooglisons Internet » en 2014, l’association Framasoft annonce fin 2019 arrêter progressivement un certain nombre de ses services alternatifs aux GAFAM. Pourquoi ?
Transcription
Pourquoi on le fait ? Pourquoi il ne faut pas paniquer ?
Bonjour à toutes et à tous. Je m’appelle Pierre-Yves Gosset. Je suis directeur et délégué général d’une association qui s’appelle Framasoft. Framasoft[1],au départ, c’est français-mathématiques, le « fra » et le « ma ». On est une association qui est basée sur Internet même si nos locaux sont à Lyon parce que ça fait quelques années que j’habite Lyon du coup « le siège » entre guillemets me suit. [Tu rallumes la lumière Baptiste, c’est ça. OK, ça roule, pas de souci.] Je reparlerai de qui on est, de ce que ce qu’on fait. L’idée aujourd’hui, c’est une conférence qui tourne beaucoup autour de Framasoft même si je vais parler des GAFAM, mais ça fait suite à une espèce de panique qu’il y a eue sur Internet quand on a dit qu’on allait fermer un certain nombre de services. Je vais réexpliquer tout ça et je vais, du coup, beaucoup parler de nous en tant qu’association, du bilan et de l’expérience, des expériences qu’on a vécues et du bilan qu’on peut faire de ces expériences au bout de quelques années de dégooglisation d’Internet.
C’est quoi « Dégooglisons Internet » ?
Dégooglisons Internet c’est une campagne qu’on a lancée, là c’était aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre à Montpellier en 2014 où on annonçait, j’annonçais cette idée de projet de Dégooglisation en disant en 2014 on va sortir un certain nombre de services, en ligne, alternatifs à ceux de Google ; en 2015 on en rajoutera, en 2016, et puis normalement, en 2017, on aura atteint ce qu’on voulait faire et on verra bien ce qu’on fera.
Les objectifs de « Dégooglisons Internet ».
Le premier objectif c’était de sensibiliser le public à la toxicité des GAFAM, donc Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, et, autour de cette sensibilisation on se disait qu'on ne peut pas juste dire aux gens... – [entrez, je ne mange pas. Bonjour, prenez place, bonjour, prenez place, NdT tourné vers du public qui entre] –, l’idée c’était de dire que si on sensibilise les gens au fait que les GAFAM sont toxiques, on ne peut pas juste leur dire ça et ne pas proposer de solutions derrière. Donc on s’était dit, dès 2014, il faut qu’on démontre que le logiciel libre est une solution à cette toxicité des GAFAM, donc qu’on peut quitter, au moins en partie Google, pour aller ailleurs et cet ailleurs il faut bien qu’il existe, il faut bien que les gens puissent le tester, donc on s’était dit on va monter des services alternatifs à Google, on va les mettre à disposition du public et on verra bien ce qui se passe.
Le troisième objectif c’était l’essaimage. Je reviendrai dessus tout à l’heure, mais l’objectif de Framasoft n’a jamais été de devenir le Google du Libre, ça a toujours été de dire : nous on fait de la démonstration et puis on essaiera d’essaimer notre démarche auprès d’autres structures.
Ces trois objectifs qui étaient annoncés en 2014, le bilan qu’on en fait c’est quoi ?
Ça c’était le carte. En 2014 on avait fait une carte de tous les services qui nous posaient problème qui vont de Doodle à Trello à GitHub à Google Agenda, YouTube, etc. Et on s’était dit tous ces services-là posent problème. Je ne vais pas revenir, je pourrais revenir très rapidement sur quels sont les problèmes que ça pose ; en tout cas on identifiait ces différents services.
Une autre raison qui nous a poussés à lancer « Dégooglisons Internet » c’étaient les révélations d’Edward Snowden[2], à l’été 2013. Edward Snowden révèle qu’il y a une collusion, finalement, entre les services de renseignement américains, à savoir la NSA, et neuf entreprises américaines à savoir Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Yahoo, Cisco et IBM. Quand Edward Snowden fait cette révélation-là, on se regarde entre nous dans l’association et on se dit on ne peut pas rester sans rien faire, donc il faut qu’on fasse quelque chose d’où le fait qu’on ait préparé cette campagne.
L’autre raison qui nous pousse à lancer cette campagne » Dégooglisons Internet », je vous parlais de la toxicité des GAFAM, c’est qu’on identifie trois grands types de problèmes, on pourrait même dire quatre, posés par ces entreprises, et là je ne vais pas rentrer dans le détail parce que ça fait quatre ans que j’explique, à coups de 30 conférences par an, quels sont les problèmes de la toxicité des GAFAM, mais, en gros, on peut résumer ça en trois points :
le premier problème c’est la domination technique de Google, de Facebook, etc., c’est-à-dire qu’ils sont partis d’Internet mais aujourd’hui ils sont dans nos téléphones, dans nos frigos, dans nos voitures ; bientôt - Erreur système faisait une conférence sur Alicem[3] - la reconnaissance faciale, etc., et il n’est pas du tout impossible qu’il y ait, à un moment donné, du code de Google ou autre qui intervienne pour faire de la reconnaissance faciale, donc au niveau des algorithmes qui seront développés ils vont être en partie développés, sans doute, par ces entreprises. Donc ces entreprises sont à la fois partout techniquement mais pas uniquement sur Internet, elles touchent à tout ce qui est numérique et aujourd’hui, le numérique étant à peu près partout, eh bien forcément celui qui contrôle le numérique contrôle une bonne partie de la vie des gens. Ça c’est le premier problème qui est assez trivial.
Le deuxième problème sur lequel on a beaucoup travaillé, aujourd’hui ce n’est même plus la peine d’en parler parce que tous les jours il y a des articles sur l’hyper-puissance financière des GAFAM, c’est le problème de la domination économique. J’aime beaucoup ce schéma qui montre comment depuis 2001 on est passé d’une seule entreprise du numérique, en vert, c’était Microsoft, les autres c’étaient General Electric donc voitures, réseaux, etc., Exxon c’est le pétrolier, Citigroup c’est l’immobilier et le dernier c’était Walmart qui est l’équivalent de Carrefour aux États-Unis. Ça c’était les plus grosses capitalisations boursières en 2001 et, petit à petit, vous voyez Microsoft au départ perd et c’est Apple qui rentre et en 2016 on a bien une rupture très forte, on n’a que des entreprises du numérique qui sont les plus grosses capitalisations boursières mondiales en quelques années. Donc là on voit bien et encore, aujourd’hui les chiffres sont plus importants : Apple et Amazon ont été les premières entreprises de l’histoire de l’humanité à dépasser les 1000 milliards de capitalisation boursière, c’était en 2018.
Le troisième problème qui est, là aussi, de plus en plus traité maintenant par la presse, c’est celui de la domination culturelle et politique. Il me faudrait trois heures de plus pour revenir dessus, mais je vais la faire très courte. La façon dont je vois les choses, c’est que, un peu comme la télévision ou le cinéma ont été des moyens de diffuser, j’allais dire de propagande, oui quelque part de propagande, complètement, en tout cas dans l’après-guerre, de propagande d’un certain modèle de vie américain, donc l’American way of life. Personnellement j’ai grandi en regardant La Petite Maison dans la prairie ou des choses comme ça, donc c’est le modèle familial avec un papa, une maman, des enfants ; d’autres séries, une fameuse série Ma sorcière bien-aimée – je suis vieux – avec, cette fois-ci, la voiture, le papa qui travaille, la maman à la maison ; ces modèles-là ont complètement modelé nos sociétés actuelles et notre analyse c’est de dire qu’aujourd’hui Internet est en train de faire ça à une échelle beaucoup plus grande et beaucoup rapide. Typiquement, aujourd’hui, une série Netflix sort du jour au lendemain et elle est sur Internet partout à la surface du monde, disponible dans neuf ou dix langues, et ça permet de diffuser, encore une fois, un modèle de vie, des modèles de consommation, etc. Donc ça c’est plus pour la domination culturelle, en gros c’est Hollywood mais sous stéroïde, Internet.
Il y a l’autre domaine qui est la partie politique, sur laquelle là aussi il faudrait trois heures, sur les affaires Cambridge Analytica[4], le fait qu’on arrive aujourd’hui avec des entreprises qui ont un pouvoir politique, donc la capacité, potentiellement, d’influer sur des élections alors qu’elles prétendent être totalement neutres politiquement. Donc ça pose évidemment problème.
Bilan « Démonstration »
Donc voilà. On a fait ça pendant ces trois/quatre/cinq dernières années, donc depuis 2014 on a beaucoup expliqué tout ça.
Je reviendrai après sur le bilan de la partie sensibilisation.
Le bilan de la partie démonstration, qui était le deuxième objectif de « Dégooglisons Internet », c’était de proposer des services. Une fois qu’on a bien expliqué ce qu’est le modèle toxique des GAFAM, eh bien il fallait proposer des alternatives à tous ces modèles. Là je vais aller très vite, ne vous inquiétez pas. Si vous cherchez la liste de tout ce qui va suivre dans les 15 prochaines secondes, vous retrouverez tout sur le site qui s’appelle degooglisons-internet.org[5], vous pouvez rajouter « liste », sinon vous cliquez sur l’image qui vous amène à la liste de tout ça, donc on a sorti plus de 30 services, on a été à 38 services alternatifs. En gros on a fait dix services par an depuis 2014. Donc vous aviez :
- Framapad
- Framacalc
- Framabag
- Framadate
- Framindmap
- Framanews
- Framasphère
- Framabin
- Huit.re
- Framapic
- Framagit
- Framabee
- Framabookin
- Framagames
- Framadrive
- Framapad plus Mypads
- Framaboard
- Framadrop
- Framacarte
- team
- vox
- test
- listes
- notes
- agenda
- forms
- talk
- maestro
- slides
- Framaites
- Framatube
- et le dernier qui ne s’appelle pas « Frama » parce qu’on en a eu marre, s’appelle Mobilizon.
Donc le résultat de tout ça c’est qu’on a pris chaque service, entre 2014 et on va dire fin 2017 quasiment, où on a proposé des alternatives à chacun de ces services.
On voit ici, je n’ai pas mis l’image à jour, que les alternatives à Change ou à Meet-up sont en cours.
On a décidé, finalement, de ne pas faire une alternative à Gmail parce que ça nous coûtait une blinde et qu’on n’avait pas l’argent. Je n’ai pas précisé mais Framasoft est une association loi 1901, on ne vit que des dons, donc quand on n’avait pas les moyens eh bien on ne pouvait pas faire, on n’a pas pu faire Framamail tout simplement parce que ça coûtait beaucoup trop cher.
Ce qu’on a fait avec tout ça, c’est qu’on a réussi à démontrer que le Libre était une réponse qui était valable, et qui était légitime et qui était solide par rapport à ce que proposent les GAFAM. Évidemment, on n’a pas la qualité ergonomique, graphique d’un Google ou autre, eux pèsent 1000 milliards de dollars, nous on est une petite association française, il faut bien l’entendre. On a fait un travail d’éditeur et de mainteneur, on propose aujourd’hui probablement, ce qui est plutôt rigolo pour une micro-association francophone, la plus grosse offre mondiale de services libres, éthiques, décentralisés et solidaires, accessible gratuitement. On pourrait penser qu’on va faire cocorico, pas forcément, mais en tout cas je ne connais pas d’autre structure dans le monde qui aie cette offre-là.
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Aujourd’hui, techniquement, on gère 103 noms de domaine, 28 serveurs physiques, on est à 80 machines virtuelles aujourd’hui, gérés par une équipe ridiculement restreinte, on est une des grosses associations du Libre francophone, Framasoft, mais concrètement c’est 35 adhérents. Je travaille à côté de la place Mazagran, concrètement le jardin partagé qui est à côté de la place Mazagran, juste à quelques centaines de mètres d’ici, a plus d’adhérents que n’en a Framasoft et on « sert » entre guillemets, aujourd’hui environ 500 000 personnes chaque mois et ça réclame évidemment de maintenir tout ça.
On peut dire que sur le côté démonstration on a fait ce qu’il y avait à faire.
Bilan « Sensibilisation »
Sur le côté sensibilisation,dont je vous parlais tout à l’heure, on a expliqué pendant plusieurs années notre analyse de la toxicité des GAFAM et, concrètement, on a à peu près fait tous les médias possibles et imaginables sur cette question-là, donc la presse, la télé, la radio, on est passés à peu près partout.
On est une association d’éducation populaire aux enjeux du numérique, donc on a fait aussi beaucoup d’interventions ; ce que je suis en train de faire aujourd’hui rentre typiquement dans les missions de l’association Framasoft. On a fait en gros plus de 300 conférences, ateliers, stands, sur les quatre ans allant de la MJC à la Commission européenne, donc on est passés à peu près partout.
Sur les argumentaires on a réussi à faire passer un certain nombre de choses.
Sur la sémantique aussi, c’est-à-dire qu’on fait partie, je pense, des associations et des structures qui ont poussé à parler des GAFAM en rajoutant Microsoft et à ne pas exclure Microsoft. GAFA, pour la légende, je n’ai jamais trop trouvé la source, mais il y a une espèce de rumeur qui voudrait que terme GAFA ait été lui-même forgé par Microsoft pour dénoncer ce qu’étaient ces GAFA. Pour nous, ça paraissait important de remettre Microsoft dedans, parce que Microsoft fait aussi partie de ces cinq entreprises les plus riches du monde qui utilisent finalement le numérique pour soumettre, pour moi, les publics. Donc, à un moment donné, faire passer le terme GAFAM et non pas GAFA, on se dit que là aussi on a joué notre rôle.
Aujourd’hui je ne vais pas dire que le terme « Dégoogliser » est passé dans le langage courant, ça reste encore réservé à certains publics, en tout cas c’était rigolo parce qu’en 2014 je me souviens que personne n’arrivait à prononcer le terme « dégoogliser » ; aujourd’hui ça pose beaucoup moins de difficultés.
Donc sur le bilan sensibilisation, là aussi on a plutôt bien fait notre travail.
Bilan « Essaimage »
Sur le bilan essaimage c’est un peu plus nuancé. On a lancé fin 2016 un collectif qui s’appelle CHATONS. CHATONS[6] veut dire Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires. L’idée c’était quoi ? Framasoft, dès le départ avait choisi, avait souhaité ne pas être la structure qui allait lutter contre Google. On est une petite association, on est une bande potes, on s’est dit ça ne nous intéresse pas d’avoir toute cette pression-là sur les épaules, et je vais revenir dessus après, donc on s’est dit en fait, la seule façon qu’on va avoir de résister réellement notamment à Google ou à Facebook c’est plutôt d’y aller ensemble – je pourrais faire des parallèles avec les luttes collectives qui s’organisent ou aujourd’hui ou le 5 décembre –, mais l’idée relevait un peu ça : c’était de dire qu’ensemble on est plus forts et que dans un mouvement, à partir où il y a un chef qui décide de tout, ce mouvement, pour moi, est voué à sa perte. Donc on ne souhaitait pas être chefs de quoi que ce soit et on s’est dit on peut impulser un collectif dans lequel les gens pourront décider comment est-ce que eux résistent sur leur territoire parce que ce n’est pas la même chose quand on habite à Lyon que quand on habite à Rennes où Google s’implante assez fortement ou à Saint-Étienne où ils ont d’autres problématiques. L’idée c’était de dire que ce n’est pas Framasoft qui est une association qui est essentiellement sur Internet mais plutôt basée à Lyon qu’on va décider du type d’actions qu’il faudrait faire à Rennes ou à Lille, etc. Donc il vaut mieux laisser émerger un certain nombre de structures locales qui connaissent bien, chacune, leurs problématiques locales.
L’idée, avec CHATONS, c’était finalement de faire une espèce d’AMAP [association pour le maintien d'une agriculture de proximité] du numérique, c’est-à-dire qu’au lieu de livrer des choux et des carottes, eh bien on vous propose des services informatiques.
Donc à Lyon il y a plusieurs membres du Collectif CHATONS. Aujourd’hui il y a une soixantaine de membres dans ce collectif et à Lyon vous avez notamment Hadoly[7], Hébergeur associatif, décentralisé et ouvert à Lyon, je n’étais pas sûr de l’acronyme. Vous avez d’autres chatons qui sont en train de se créer, que ça soit à Lyon ou autour de Lyon, donc ça permet de dire qu’il n’y a pas que Framasoft qui fait des choses. Il y a d’autres structures qui se montent et qui proposent des services un petit peu comme les propose Framasoft, mais que vous allez pouvoir rencontrer, parce que rencontrer Framasoft c’est toujours un petit peu compliqué, parce qu’on a plein d’autres choses à faire essentiellement alors que ces structures-là ont du temps.
Internationnalisation
Je passe la partie internationalisation, juste pour dire sur l’essaimage mondial qu’il y a d’autres structures qui sont, en gros, un petit peu des chatons à l’étranger. Nous, CHATONS, on est un collectif très francophone, mais vous avez par exemple X-net en Espagne, Autistici en Italie, weho et disroot aux Pays-Bas, Alimende en Allemagne, etc. Donc petit à petit il y a un mouvement un petit peu européen autour de ça qui se crée et c’est plutôt bien. Encore une fois CHATONS n’a pas vocation à devenir le chef de tout ça. On n’a pas la même culture en Suède, aux Pays-Bas, en Espagne ou en France, donc ça nous paraissait intéressant d’avoir des collectifs un peu différents.
Donc là on n’a pas tout à fait réussi. D’un autre côté ça date de fin 2016 donc ce n’est pas non plus très vieux et il fallait bien, à un moment donné, qu’on se foire quelque part et là-dessus, très honnêtement, on n’est pas encore au top de ce qu’on pourrait faire pour essaimer le travail qui a été fait par Framasoft.
Impacts sur l'association
Modèle éco
Là je vais revenir un petit peu sur qui on est et les impacts que ça a eus sur notre association. Le but c’est de vous amener à pourquoi est-ce qu’on déframasoftise et, en tout cas, à comprendre pourquoi est-ce qu’on déframasoftise, du coup il faut comprendre ce qui s’est passé pour nous, en tant qu’êtres humains, ces quatre ou cinq dernières années.
Il y a eu plein de choses chouettes.
Typiquement les recettes de l’association sont aujourd’hui basées exclusivement sur le don. C’est-à-dire que vous venez, vous trouvez que ce qu’on fait c’est bien et vous nous faites un don qui peut être d’un euro, qui peut être de cinq euros, dix euros, cent euros ; c’est défiscalisable, je dis ça parce qu’on approche de la fin de l’année donc voilà ! Si vous avez un petit peu de sous vous pouvez faire un don à Framasoft. Donc on est arrivés fin 2018, sur l’année 2018, à un budget de 475 000 euros ce qui est très conséquent pour une association ; je ne pense pas qu’il y ait d’autres associations du Libre en France, voire en Europe, qui aient ce type de moyens-là. Concrètement, aujourd’hui cet argent sert à payer neuf salariés qui maintiennent les services, qui en développent de nouveau, etc. Donc en gros l’argent repart quasiment dans les salaires, dans les transports parce qu’on fait beaucoup de conférences un peu partout en France, ça a un coût, et puis dans des prestations : typiquement on va payer un designer pour travailler sur un logiciel, on va payer un graphiste ou une graphiste pour travailler sur un autre, etc. On a fait réaliser des petites vidéos, eh bien tout ça c’est un coup 5000 euros, un coup 10 000 euros, etc., donc il faut quand même un petit peu d’argent en dehors de ça.
Mais retenez que globalement on est a plus que doublé les recettes de l’association, ce qui est très chouette, mais ça n’a pas été non plus sans conséquences. Donc c’est basé quasi exclusivement sur le don.
Pour ceux et celles qui se poseraient la question, c’est quoi les 6 % des autres revenus ? On vend des tee-shirts et des bouquins et ça nous arrive, vraiment exceptionnellement, de faire une prestation, je ne sais pas, on propose du pad à Wikimedia France qui nous paye pour ça ; on maintient les pads d’autres associations, d’autres structures. Mais notre objectif est vraiment de rester une association loi 1901 pas du tout de devenir une société de services en logiciels libres.
Donc on a en gros 5000 donateurs et donatrices et on se rend bien compte aussi que ce modèle est difficilement reproductible, c’est-à-dire qu’on a une vraie chance à Framasoft, c’est qu’on peut ouvrir notre gueule sur à peu près n’importe quel sujet, y compris vis-à-vis des politiques. Concrètement, si on veut dire « Macron c’est de la merde », on peut le dire, si on veut dire « Mélenchon c’est de la merde », si on veut dire « Machin c’est de la merde », on peut le dire aussi. Évidemment on est une association a-partisane, on ne relève d’aucun parti, mais le fait de vivre des dons d’une multiplicité de donateurs et de donatrices nous permet d’avoir une véritable indépendance dans nos projets et politiquement, ce qui est, évidemment, un très grand privilège.
On est aussi militants, militantes associatifs et aujourd’hui on s’inquiète beaucoup de l’état de l’écosystème associatif en France et on ne peut pas dire aux gens « nous, Framasoft, on est basé sur le don donc, vous n’avez qu’à, vous aussi, monter une association basée sur le don ». Ce serait complètement prétentieux et complètement déconnecté d’une réalité où, avant de pouvoir avoir 500 000 euros de dons par an, eh bien il faut plusieurs années, il faut des projets qui marchent et il faut de la chance. On a eu aussi de la chance.
Donc on ne peut pas dire que ce modèle économique soit réutilisable, en tout cas diffusable tel quel.
Développement de l’asso
Au niveau des adhérents on est resté à 35, il y a eu à peu près un tiers de renouvellement des adhérents et adhérentes de Framasoft, mais volontairement on est resté une toute petite association. Je reviendrai sur cette question de la non-volonté de croissance à l’heure de la startup nation.
On est passé de deux à neuf salariés entre 2013 et 2018.
On a changé nos processus comptables puisque le niveau de dons qu’on a aujourd’hui nous oblige à avoir un commissaire aux comptes qui est indépendant et qui vient vérifier qu’on ne fait pas de la merde avec l’argent que vous nous donnez. Ce commissaire aux comptes, évidemment, il impose une comptabilité très rigoureuse, ce qui n’était pas forcément le cas avant où on était une plus petite association et, comme dans beaucoup d’associations, la compta était quelque chose de géré, qui reposait sur un membre ou deux, ce qui va rappeler des choses à Baptiste. Donc maintenant il a fallu s’organiser différemment, donc il y a tout un processus qui a été changé dans l’association.
On a aussi changé nos statuts associatifs. On est passé d’une association qui était tout à fait classique, pyramidale, avec un président, un secrétaire, un trésorier, enfin le truc classique, des membres en dessous, tout ça formait l’assemblée générale de l’association, à une association beaucoup plus collégiale. On a toujours des présidents et présidentes : on a deux co-présidents deux co-présidentes, mais qui n’ont strictement aucun pouvoir et il n’y a plus de trésorier, il n’y a plus de secrétaire, ce sont uniquement des groupes de travail dans l’association.
On a aussi obtenu un agrément jeunesse-éducation populaire de façon à se mettre en accord avec nos valeurs.
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Évolutions Internes
Je vais aller relativement vite là-dessus.
Dans les évolutions internes de l’association, je vous ai dit qu’on avait demandé et obtenu un agrément jeunesse-éducation populaire. On s’est beaucoup ouverts sur ce milieu-là, milieu associatif et milieu d’éducation populaire. On s’est beaucoup plus fermés aux institutions publiques ou aux entreprises qui n’avaient pas d’engagement clair. En gros, pendant des années, on s’est fatigué à aller essayer de transformer notamment le ministère de l’Éducation nationale, en lui disant il faudrait mettre du libre dans l’Éducation nationale, il faudrait mettre du libre dans l’Éducation nationale. Moi j’ai fait ça pendant quasiment dix ans — j’ai travaillé pour le ministère de l’Éducation nationale — et ça n’a pas marché, donc aujourd’hui on a dit « on arrête de perdre notre temps avec eux ». Il vaut mieux travailler avec des gens qui sont capables d’être réellement au contact avec la société civile et c’est beaucoup plus simple pour nous d’aller parler à des associations : en ce moment on accompagne de façon assez distante mais on est quand même assez présents pour eux des mouvements comme Alternatiba ou les Colibris ou d’autres parce qu’on trouve qu’ils vont avoir plus d’impact sur la société en utilisant du logiciel libre que l’Éducation nationale qui, peut-être un jour, signera un truc, mais au gouvernement suivant il y aura un autre ministre qui reviendra sur sa parole. Ça c’est un choix qu’on a fait, je ne dis pas du tout qu’il est bon et, encore une fois, qu’il est pas reproductible.
Sur les prises de conscience, je passerai sur archipel parce que je pense que je ne vais pas vraiment avoir le temps aujourd’hui de rentrer dans le détail, mais je verrai peut-être dans les questions. L’idée de l’archipel, pour le dire très vite, c’est juste qu’on a conscience qu’il n’y aura pas de grand soir du logiciel libre. Moi je n’y crois plus, ça fait 15 ans que je fais du Libre, j’ai abandonné cette idée-là, et je pense qu’on est plus fort en reconnaissant qui sont nos alliés, qui sont nos adversaires et en agissant finalement là où est fort. Là je bascule sur un discours plus politique, mais en tant que militants et militantes, je pense que l’idée n’est plus d’essayer de faire un mouvement de masse, mais plutôt de faire bien ce qu’on sait faire et de faire bouger les choses à cet endroit-là, en étant en contact avec d’autres militantes et militantes d’autres sujets. On s’est rapprochés, évidemment, d’associations qui sont sur la question de la transition écologique et citoyenne, on travaille avec Tous Migrants ou d’autres ; des sujets qui n’ont rien à voir avec le numérique. Mais, encore une fois, l’idée ce n’est pas de mettre tout le monde dans le même panier, c’est de dire comment on peut s’aider les uns les autres et finalement en fonctionnant en archipel plutôt qu’en gros continent.
Autre prise de conscience : l’indigence du Libre. Je reviendrai peut-être sur la différence entre le Libre et l’open source, mais, en gros, le logiciel libre n’a pas de moyens. Framasoft est privilégiée parce qu’on en a, mais globalement le Libre au niveau national, européen ou mondial a très peu de moyens. Donc ce très peu de moyens fait qu’on est laminés petit à petit par la puissance économique des GAFAM : quand eux font quelque chose c’est diffusé partout sur la planète du jour au lendemain, une nouvelle application. Je ne sais pas si vous vous rendez compte à quelle vitesse on a accepté d’avoir des espions dans nos poches – le smartphone c’était il y a dix ans, c’était 2007, je crois, Steve Jobs qui montrait le premier iPhone. C’était il y a dix ans, ce n’est rien en termes d’histoire – les petits micros qu’on met maintenant, les OK Google et autres qu’on met chez soi, Alexa et compagnie, ça date d’il y a deux ou trois ans et ça se vend maintenant par dizaines de millions à la surface de la planète. Donc on se rend bien compte qu’en termes de moyens, on n’a pas du tout ces moyens-là.
L’élitisme du libre, ça c’est quelque chose d’assez personnel mais qu’on est plusieurs à porter dans l’association, c’est qu’on est, quand je dis « on » c’est la communauté du logiciel libre, on est une communauté relativement élitiste et pas très ouverte, en tout cas on a des problèmes pour bien sociabiliser avec d’autres communautés. Il faut qu’on arrive à mieux discuter avec ces communautés et qu’on sorte de notre tour d’ivoire, en gros d’hommes blancs, barbus, cisgenres et voilà. Donc il faut à la fois plus de diversité dans notre communauté et il faut qu’on soit plus en capacité d’échanger avec d’autres communautés qui ont, elles, leurs propres difficultés.
Les prises de hauteur c’est notamment sur le capitalisme de surveillance, je vous en parlerai uniquement si vous m’interrogez dessus dans les questions parce que je peux vite dériver.
Dire que le Libre ne suffit pas ça va être ce qui a initié le fait qu’on a dit que « Dégoogliser » ne suffira pas, utiliser du logiciel libre ne suffira pas. Il va falloir autre chose et c’est cet autre chose dont je vais vous parler ensuite.
On s’est rapidement auto-radicalisés, mais je vous dis, en termes de temps, il faudrait que je puisse vous faire une conférence sur ce qu’est devenu Framasoft depuis. On pourra en discuter dans les questions.
Il y a eu une transformation interne dans l’association qui est importante à comprendre si vous voulez savoir pourquoi on a décidé de fermer un certain nombre de services.
Les satisfactions
Dans les satisfactions, voilà. On est très contents.
La communication autour de « Dégooglisons » a plutôt bien marché.
On arrive à payer correctement les salariés dont je fais partie.
Parler de GAFAM et « Dégoogliser », j’en ai déjà parlé.
On a diversifié un petit peu le profil de nos membres.
On a aussi fait un travail un petit peu de fond sur requestionner qui on veut être au monde, c’est-à-dire qu’on est encore en train, ça fait plusieurs années que ça dure, d’écrire le manifeste de ce que souhaite être Framasoft, de façon à ce que les gens ne confondent pas et ne se méprennent pas sur qui on est et ce qu’on est. Donc là aussi c’est assez politique, finalement, cette question-là. Vous êtes probablement tous et toutes militantes ou militantes dans des associations qui peuvent être de logiciel libre ou pas du tout, ça peut être une asso féministe, anti-spéciste, musicale, ce que vous voulez, artistique, et moi, un des enseignements que je tire de ces années de militance, c’est finalement qu’il faut réussir à se poser régulièrement la question de son association, sa structure, qu’est-ce qu’elle veut être vis-à-vis de l’extérieur et de l’affirmer de façon à ce que les gens ne se méprennent pas sur nos intentions.
On a plutôt bien rigolé, c’était quand même important. Ça aussi ça peut faire partie des conseils : si vous ne vous marrez pas dans vos activités militantes c’est qu’il y a un truc qui ne va pas. C’est un truc qu’on oublie ! Je vous le dis parce que, de temps en temps, on a tendance à l’oublier.
Sur la satisfaction aussi c’est le coût total de « Dégooglisons ». On a sorti 30 services alternatifs à Google, ça paraît énorme, etc. En fait, le coût total sur les quatre ou cinq années, représente l’équivalent de 80 mètres autoroute, c’est-à-dire rien ! Donc quand vous entendez le gouvernement, ce qui est complètement le cas en ce moment, vous dire qu’il faut faire un cloud souverain, qu’il faut défendre la souveraineté numérique de la France, que ça va coûter des milliards d’euros, etc., eh bien gardez à l’idée, encore une fois, qu’une micro-association avec neuf salariés aujourd’hui, mais quand on a commencé on était moins, a fait quelque chose qui sert aujourd’hui 500 000 personnes chaque mois en France pour l’équivalent de 80 mètres d’autoroute. Donc quand on vient vous dire que ça va coûter des milliards c’est juste pas vrai ; concrètement les milliards partent dans les poches de très grosses entreprises type Orange, je ne sais pas, Cap Gemini, machin, etc., et le coût ne serait pas si important que ça si on voulait vraiment, si on avait vraiment la volonté politique derrière.
Point Gandi
C’était le point Gandi : soyez le changement que vous voulez voir dans le monde.
Trop forts ?
Là vous allez me dire qu’on se la pète un peu, trop contents trop forts, etc., mais on s’est foirés sur pas mal de chose.
Les ratés
La première chose à laquelle on n’a pas fait attention et qui est pourtant assez courante, là aussi, dans des activités militantes c’est qu’on s’est épuisés, épuisement physique parce qu’on n’a pas beaucoup dormi ces quatre dernières années. Encore une fois, les trois premières années, en trois ans on a fait 30 services. On n’a pas forcément développé ces 30 services, on en a développé une dizaine à peu près sur les 30. Les 20 autres on les a récupérés, c’était des logiciels libres, on les a pris, on les a traduits, on a remis une couche de peinture et on les a installés et mis à disposition, mais rien que pour faire ça, ça veut dire que tous les mois on sortait un nouveau service pendant trois ans. Donc autant vous dire qu’on n’a pas beaucoup dormi. Moi j’ai pris 30 kilos, c’est vous dire que là aussi il y a probablement des rapports au corps qui sont importants quand on a l’impression de devoir sauver le monde, ce qui n’est pas du tout une bonne façon de voir les choses et, à moment donné, il faut être conscient de ça.
L’épuisement mental c’est parce que, du coup, il y a eu beaucoup d’injonctions des gens qui nous ont pris, et je vais revenir là-dessus, un peu pour des espèces de super héros, super héroïnes, en disant « c’est bien Framasoft le fera ». Sauf que quand vous dites ça, ça vient sur nos épaules, les miennes en particulier. Du coup on ne se rend pas compte mais ces micro-injonctions se rajoutent de jour en jour, elles pèsent et ça épuise mentalement les bénévoles et les salariés.
On a porté un autre type d’épuisement, c’est que moi, pendant trois/quatre ans j’ai fait des conférences sur la toxicité des GAFAM, la toxicité des GAFAM, et il faut imaginer que répéter ce discours là et expliquer le monde de merde dans lequel on vit, parce que je pense que c’est un monde de merde, ce n’est quand même pas quelque chose qui vous met dans de bonnes dispositions pour vous lever le matin. Donc répéter des messages anxiogènes, quand bien même vous pensez que vous pouvez y changer quelque chose, ce n’est pas simple !
Sur le Collectif CHATONS, on a manqué de quelque chose et pour moi, ce qui nous a manqué, c’est ce qu’on appelle des touilleurs, touilleuses, c’est-à-dire des gens qui ne sont pas des développeurs et des développeuses, pas des techniciens et des techniciennes, des gens qui viennent d’autres milieux et qui viennent faire le lien entre les devs qui sont souvent très techniques et les utilisateurs ou utilisatrices qui eux n’ont pas à l’être ; ils peuvent l’être ou pas. Il nous manque ce profil un peu particulier. Si vous connaissez des médiateurs, médiatrices numériques comme il y en a ici, à la Maison des Rancy, c’est typiquement ce genre de profil-là qui manque, pour moi, au logiciel libre pour faire le lien entre, on va dire, les geeks barbus et les utilisateurs et utilisatrices.
Public : L'assistance à maîtrise d'ouvrage.
Pierre-Yves Gosset : Oui. Il y a de ça ou ça peut être des gens qui vont être, si on parle en méthode agile, des product owners, des gens qui vont comprendre quel est le projet logiciel qu’il y a derrière mais qui ne vont pas nécessairement dire « tiens je peux rajouter cette fonctionnalité-là, donc je la rajoute », ce qui est le cas de n’importe quel dev parce que c’est là que ça nous gratte et qu'on fait « tiens, ce serait cool si je rajoutais ça comme fonctionnalité ». Pour moi qui ai fait un peu de développement – je ne suis pas développeur, je suis économiste de formation –, mais dès que tu commences à toucher au développement c’est comme de la pâte à modeler ; le logiciel c’est ça, le logiciel c’est de la pâte à modeler. Tu te dis « je pourrais rajouter ça, je pourrais ça », sans vraiment te poser la question de ce que vont en faire les gens, de comment ils appréhendent le truc et ça, n’importe quelle startup sait le faire parce qu’elle embauche dès le départ des designers, des designeuses, etc. Dans le Libre, comme on n’a pas forcément beaucoup de ces profils-là, eh bien on fait souvent de la merde ! Il faut être franc !
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Sur le manque de contribution, là aussi je vais être un petit peu politique, mais on vit dans une société de consommation, ça ne nous convient pas mais c’est le monde dans lequel on vit. On vit en France à l’ère de la startup nation, on nous dit qu’il faut monter sa startup, donc tout ça fait qu’il y a un rapport à l’argent qui est assez particulier dans l’informatique. En gros c’est un milieu dans lequel il y a de l’emploi et de l’argent et, du coup, ça nuit potentiellement à la capacité de trouver des contributeurs et des contributrices qui sont bénévoles, engagés, politisés. Moi j’ai vu, petit à petit, une explosion du nombre d’utilisateurs de logiciels libres, ça c’est plutôt chouette, par contre le nombre de contributeurs et de contributrices au logiciel libre – Wikipédia a le même problème d’ailleurs, ils ont de plus en plus qui utilisent Wikipédia, il y a légèrement plus de gens qui contribuent –, mais du coup cet écart entre la croissance forte d’un côté entre les utilisateurs et la croissance plutôt faible, voire la décroissance du nombre de contributeurs et de contributrices, fait que petit à petit le logiciel libre s’affaiblit. Donc ça, ça nous inquiète un peu.
Sur les ratés, et ça on est revenus dessus au bout de trois ans, utiliser l’imagerie d’Astérix, le village gaulois contre les méchants Romains, etc., on a un peu retravaillé dessus et on s’est dit que ce message était quand même plutôt belliqueux, franchouillard, que ça faisait rire les gens et que, du coup, ils suivaient. C’est bien, en termes de communication on peut dire que l’objectif a été atteint ; en termes éthiques ça a fini par nous poser problème d’utiliser Astérix et Obélix qui, pour moi, ne sont pas non plus le parangon de ce qu’on essaye de porter comme valeurs, mais ça a marché. On s’est rendu compte que ça ne convenait plus au bout d’un moment.
Je vais aller assez vite là-dessus aussi.
Dans ce qu’on a raté, je ne reviens pas forcément dessus, mais on a beaucoup fonctionné en mode Yolo, c’est-à-dire allez hop ! on y va ; Yolo et l’arrache c’est la même chose. C’est-à-dire qu’on a travaillé en mode n’importe comment. On sortait un projet par mois, donc il y a des trucs qui sortaient, je pense que parmi vous personne n’a jamais utilisé Framaslides qui est pourtant une super suite en ligne pour faire des diaporamas en ligne et la preuve c’est que même là je vous ai fait ma présentation avec du LibreOffice alors que j’aurais très bien pu utiliser Framaslides. Framaslides est bien utilisable, mais il manque des bouts qui font que… Comme on a sorti un service par mois, un peu à l’arrache, eh bien il y a plein de choses, à mon avis, qu’on aurait pu mieux faire si on avait plus pris le temps.
Les alliances sont arrivées plutôt tardivement, les alliances avec d’autres structures dont je vous parlais tout à l’heure ; l’internalisation on a encore plein de choses en cours.
Parfois on s’est trompé sur les outils, là typiquement Framacalc ou Framaboard, ce sont des choix d’outils qu’on a fait en 2013/2014 et on se retrouve en 2019 et on est à des années-lumière de ce que peut attendre le public, les utilisateurs et utilisatrices vis-à-vis de ces projets logiciels-là.
Et on n’a pas fait Framamail parce que ça coûtait trop cher.
En gros on a fait du Improvise – Adapt – Overcome, c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’on avait un problème, hop ! on le retournait, on essayait d’en faire une force. C’est chouette, mais au bout d’un moment ça épuise quand même beaucoup.
Détricoter les incompréhensions
Maintenant je vais prendre dix minutes max pour essayer de détricoter les incompréhensions qu’il y a eues notamment autour de Framasoft et de « Dégooglisons ».
La première chose c’est que Framasoft ce n’est pas que « Dégooglisons ». Pour ceux qui nous connaissement depuis longtemps, on va dire que le projet initial de Framasoft c’est un annuaire de logiciels libres qui existent toujours, qui s’appelle Framalibre[8], qui existe depuis quasiment 20 ans. Si vous allez sur framalibre.org, vous avez un annuaire de logiciels libres ; vous cherchez un logiciel qui vous permet d’enlever les yeux rouges sur vos photos de vacances, etc., on va vous proposer Gimp, on va vous proposer d’autres logiciels. Ça c’est le projet initial de Framasoft qu’on maintient depuis le départ.
On a aussi une maison d’éditions qui s’appelle Framabook[9] dans laquelle il y a aujourd’hui 51 ouvrages. Pareil, beaucoup de gens ne le savent pas parce que c’est moins vendeur que « Dégooglisons » Internet, mais ça veut dire qu’il faut gérer une maison d’éditions, ce qui n’est pas forcément notre métier au départ.
C’est Framasoft qui a initié et on organise en partie les Contribateliers[10], maintenant c’est géré aussi par d’autres personnes, c’est—dire des ateliers de contribution au logiciel libre pour les gens qui n’y connaissent quasiment rien. On a fait le 11e la semaine dernière à Lyon ; il y en a Paris, il y en a Toulouse, il va y en avoir à Grenoble, c’est en discussion à Tours, etc. Donc là ce sont des réunions physiques.
On fait de l’accompagnement au numérique libre, je vous parlais d’Alternatiba tout à l'heure, eh bien c’est discuter avec les gens de Alternatiba et ANV-COP21 et dire eux ont un besoin qui est potentiellement de quitter Google, comment est-ce qu’ils peuvent le faire ? On passe du temps à se rencontrer, à discuter au téléphone, etc. On ne fait pas les choses pour eux, le principe de Framasoft ça n’a jamais été de donner le poisson, c’est plutôt d’apprendre à pécher. On essaye plutôt de les accompagner pour être autonomes sur ces questions-là, mais ça prend aussi du temps.
On soutient financièrement d’autres entreprises, c’est l’avantage d’avoir un peu de sous ; on soutient par exemple le projet Tor ou d’autres structures.
On fait une centaine de traductions par an qui peuvent être des traductions d’articles, des traductions de livres.
On coordonne le Collectif CHATONS, c’est-à-dire plus de 60 structures, j’allais dire en France, en tout cas francophones puisqu’il y en au Québec, sur l’Île de la Réunion qui évidemment est en France mais qui, du coup, est très distante en termes géographiques. On continue à coordonner pour l’instant ce collectif.
On fait beaucoup de projets à côté. Par exemple cette semaine je suis en train de travailler sur un projet de MOOC, c’est-à-dire un cours en ligne autour du projet CHATONS.
On travaille un petit peu ce réseau d’alliances dont je vous parle depuis tout à l’heure et on a aussi pas mal d’actions pour pousser vers un Web libre et fédéré, je ne vais pas avoir le temps de rentrer dans le détail, mais notamment autour de deux projets qui sont Mobilizon et Peertube, qui sont deux projets dont je vais reparler tout à l’heure.
Du coup Framasoft ce n’est pas que « Dégooglisons ». C’est « Dégooglisons » plus ça et, du coup, ça fait toujours plus de travail.
Après, ça c’est une perception que j’ai et que vous n’avez pas forcément parce que vous me voyez en face et vous voyez bien que je ne porte pas une cape ni un jogging moulant avec un slip rouge par-dessus, mais du coup, il y a pour moi une mécompréhension, c’est-à-dire que les gens qui connaissent mal l’association ont l’impression qu’on peut tout demander à Framasoft, de toute façon ils vont le faire, parce qu’ils sont hyper-nombreux, parce qu’il y a du pognon. En fait, c’est beaucoup plus compliqué que ça, je l’ai dit et le je le redis, on est avant tout une bande de potes. Si vous allez framasoft.org c’est bien marqué qu’on est avant tout un groupe d’amis qui fait de l’éducation populaire aux enjeux du numérique. Notre vocation ce n’était pas de sauver le monde, c’est de changer le monde un octet à la fois, donc il ne faut pas confondre la volonté de changer le monde dans lequel on vit et la volonté de le sauver. Nous on n’a pas la volonté de le sauver ; on sait qu’on n’y arrivera pas, on est trop petits, donc il ne faut pas se tromper là-dessus.
On est humains, donc on se plante ; de temps en temps ça nous arrive de dire de la merde. Quand vous traduisez 100 articles, quand vous produisez 2000 billets de blog, que vous sortez des projets tous les mois, etc. nécessairement dans le lot, vous pouvez vous tromper, vous pouvez faire des erreurs d’analyse, vous pouvez faire des erreurs politiques, vous pouvez faire des erreurs sémantiques, ça arrive à tout le monde. Le problème c’est que comme est gros et visibles, du coup les gens ont beaucoup moins tendance à être sympas avec nous quand on se plante.
On n’a que des journées de 24 heures, c‘est le cas de tout le monde, et on ne vaut pas mieux que d’autres et on ne veut pas être les porte-parole du Libre, ça c’est vraiment un truc qu’on essaye de pousser depuis maintenant deux/trois ans. Pas mal de gens pensent que puisqu’on a fait des choses qui marchaient, c’est à nous d’aller porter la bonne parole du logiciel libre et je suis persuadé que c’est la pire chose à faire. On est forcément contre des dynamiques de pouvoir ou d’oppression, donc il est hors de question pour nous de devenir porte-parole d’un mouvement qui est hyper-diversifié.
Je ne pense pas qu’ici, à la Maison des Rancy, il y a des gens qui confondent Framasoft avec startup mais comme ça rime avec Microsoft, ce sont des choses qui nous arrivent arrive régulièrement dans d’autres milieux que celui-là, c’est-à-dire que les gens vont notamment penser que puisque « Dégooglisons » Internet marchait, on n’a qu’à faire une offre payante et puis on va gagner encore plus d’argent, on pourra embaucher plus de gens et du coup on pourra servir non pas 500 000 personnes mais 5 millions ou plus encore derrière.
Je rappelle la base de ce qu’on est et ça, ça n’a pas changé.
D’abord on est une association loi 1901 et on est plutôt fiers d’être une association, c’est-à-dire qu’on ne souhaite pas se transformer en SCOP ou en société coopérative d’intérêt collectif qui est un modèle de SCOP encore un peu plus radical, c’est-à-dire que, concrètement, on veut être hors système marchand. On ne veut pas avoir des clients, on veut avoir des utilisateurs, des utilisatrices. C’est un choix politique, évidemment on peut nous le reprocher, on pourrait nous dire du coup si vous voulez être sérieux ou machin, etc., vous n’avez qu’à. Sauf que le « vous n’avez qu’à », c’est pareil, on se le prend sur les épaules et, en fait, on ne veut pas.
Le modèle d’affaires c’est le don et j‘ai dit qu’on ne veut pas de clients.
On n’empêche pas des entreprises de bâtir sur ce qu’on construit. Dans CHATONS il y a des entreprises qui peuvent gagner de l’argent sur la base des logiciels qui sont faits par Framasoft ou qu’on a améliorés et elles peuvent vendre du service autour de ça. Si vous avez choisi d’être une entreprise autour du logiciel libre et d’avoir un modèle économique autour de ce qu’on a fait, vous pouvez le faire. Franchement moi j’en serai ravi. Il y a quelques entreprises qui le font et j’espère qu’il y en aura, entre guillemets, « de plus en plus ».
Sur le modèle de croissance, c’est probablement le point le plus important, on a choisi d’arrêter de grossir. Je vous ai expliqué qu’on était passé de deux à neuf salariés et concrètement on a fait le choix, entre les salariés et les bénévoles de l’association, de ne pas dépasser les dix salariés, ce qui n’est pas du tout à la mode aujourd’hui. Je ne sais pas si ça frictionne dans votre tête : quand vous avez un projet qui marche, que ça soit une association, une entreprise, peu importe, et que cette structure vous dit : « Nous on a atteint ce qu’on voulait faire et ce qu’on pouvait faire et on ne va pas aller plus loin ». Ça choque. Je vous invite à vous interroger sur pourquoi ça choque. Donc nous on a décidé. Pour moi qui suis directeur de l’association c’est simple, je pense que mon cerveau ne peut gérer que mes huit ou neuf autres collègues, c’est-à-dire connaître le nom de leur femme, de leurs enfants, savoir s’ils vont bien, etc. Je pense que si on passait à 20 ou 30 personnes, du coup il y a des gens que je ne connaîtrais pas, donc je ne travaillerais pas de la même façon avec eux, je n’aurais pas le même plaisir à travailler avec eux, etc.
Donc c’est un choix qu’on a fait. Encore fois je ne dis pas que c’est le bon choix pour d’autres structures, mais en tout cas pour nous c’était le bon choix de dire qu’on allait se limiter à dix.
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On préfère être épanouis qu’avoir raison ; ça aussi c’est quelque chose d’assez important pour nous. On essaye aujourd’hui d’être bien dans l’association et dans la structure, avant de dire que nécessairement il faut qu’on convainque un maximum de gens.
Vous voyez que mon discours est très politique et beaucoup moins logiciel libre, mais si vous étés militant, militante dans des structures, travailler l’aspect épanouissement et l’aspect bien-être dans la structure plutôt que de dire il faut absolument être partout ou avoir raison.
On pense à note propre compostabilité, c’est-à-dire que moi, dans mon travail, j’intègre maintenant systématiquement qu’est-ce qui se passe si demain Framasoft met la clef sous la porte ? Qu’est-ce qui reste ? Eh bien on sait qu’il y a CHATONS, on sait qu’il y a de la documentation, tout ce qu’on a fait est sous licence libre, etc. Le fait que j’aie demandé à ce que cette conférence puisse être filmée permet effectivement de dire que même si on n’est plus là dans cinq ans, ce qui aura été dit aujourd’hui pourra être rediffusé plus tard et pourra servir ou pas, mais en tout cas pour moi ça fait sens de travailler cet aspect compostabilité. Voilà.
Et puis sur l’aspect startup, toujours, on a décidé de sortir, y compris sémantiquement, des termes « innovation sociale à impact positif dans le digital », ce genre de phrase qui est tout à fait valable dans le milieu de la startup, pour parler finalement beaucoup plus politique et donc on utilise, et on n’en pas honte du tout, la force de frappe toute relative mais malgré tout existante qu’a Framasoft pour porter des discours plus politiques, notamment sur comment est-ce qu’on fait ensemble, avec d’autres, la question de l’archipellisation etc., dont je parlais tout à l’heure.
Le deuxième point par rapport à la startup nation c’est qu’on est absolument convaincus, là il y a consensus dans l’association pour dire que le capitalisme et le capitalisme de surveillance ne sont pas compatibles avec des enjeux écologiques. Pour moi on ne peut pas avoir les deux, on ne peut pas avoir de croissance verte ; le développement durable n’existe pas, ce n’est pas vrai selon nous. Donc on porte aujourd’hui, y compris dans une association qui est très numérique, la question des enjeux de l’anthropocène, de l’effondrement, etc., alors que ce n’est pas du tout notre sujet de base. C’est-à-dire que pour nous ça ne sert à rien de faire du Libre si demain le numérique pompe toutes les ressources de la planète et que le Bitcoin pompe, je ne sais pas, 20 % d’électricité mondiale. Aujourd’hui le Bitcoin, en termes de consommation énergétique, c’est plus que la consommation énergétique de l’Irlande. Du coup ça nous pose quand même des problématiques et on est obligé de se poser ces questions-là. Donc on a un discours qui s’est, on va dire, effectivement radicalisé ces dernières années.
Points de vigilance
Sur les points de vigilance, on souhaite ne pas exploser.
Expliquer ce qu’on fait de votre argent.
Garder l’humour et l’humain au cœur du projet.
On a beaucoup bossé, mais on n’a rien résolu, j’aime beaucoup ce gif [chat qui sans cesse remonte un toboggan puis glisse vers le bas, NdT], on peut le laisser deux minutes ; c’est sans fin en fait : à peine on aura fini avec un logiciel, il faudra un autre logiciel et puis encore un autre, donc on pourrait être aujourd’hui à 50 services, à 100 services, on n’en finirait jamais selon nous.
Il faut qu’on travaille plutôt les questions systémiques qu’il y a derrière. « Dégoogliser » ne suffit pas, tout comme composter ne suffit pas, donner ne suffit pas, faire sa part, spéciale dédicace aux Colibris, ne suffit pas, manifester ne suffit pas, être végan ne suffit pas. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, ça veut dire que ça ne suffira pas si on ne travaille qu’un seul sujet. Il faut être capable de travailler sur son sujet et agir là où on est fort tout en étant en liaison avec d’autres.
Explorer d’autres continents
Le Libre au service de la transition je vous en ai rapidement parlé.
Je vous aurais bien parlé de la société de contribution mais je ne vais pas trop avoir le temps.
Donc on a sorti, je vais revenir là-dessus, ça c’est notre nouvelle campagne, donc celle qui suivait « Dégooglisons Internet », qui s’appelle Controbutopia[11]. Vous voyez qu’en termes d’image on est volontairement sorti d’Astérix, on est resté sur quelque chose de dessiné parce qu’on aime ça. On a choisi ce type de dessin qui est fait par un illustrateur libre qui s’appelle David Revoy, donc l’illustration est libre vous pouvez la reprendre ; il nous a fait plein de dessins sous licence libre que vous pouvez tous reprendre. L’idée c’était de dire qu’il faut aussi indiquer au travers de ces images-là que, concrètement, on ne s’adresse pas à la startup nation. Du coup, si vous êtes dans la startup nation, ce qui est peut-être le cas de certains ou certaines d’entre vous, que vous avez votre startup, que vous travaillez pour une startup, peu importe, on sait que ça ne ressemble pas du tout à ce que veulent les gens dans la startup avec un design qui est complètement différent. Donc il y a eu un choix politique qui se traduit jusque dans notre communication, à dire voilà, ça peut paraître très kawai, très manga, très machin, etc., mais c’est aussi se poser la question de quelle image on veut donner de façon à ne pas attirer les mauvaises personnes qui vont être déçues, derrière, par ce qu’on va faire.
Injections paradoxales
Pourquoi est-ce qu’on a voulu « Dégoogliser » ? C’était toutes ces injonctions paradoxales :
il faut maintenir tout ça, mais on n’a que 24 heures ;
les gens nous font confiance mais, d’un autre côté, il ne faut pas qu’ils nous fassent trop confiance non plus parce qu’on va se foirer ;
on reçoit 500 000 personnes par mois mais on n’est que neuf salariés ;
il y a beaucoup de pression et pourtant on aime bien rigoler ;
il faut explorer d’autres choses, le tout sans exploser.
Et ça c’était hyper-compliqué dans les années 2017 à 2019, à suivre.
Solution ? « Déframasoftiser »
Donc la volonté qu’on a eue ça a été un petit peu de vider le sac à dos de Framasoft en fermant des services, ce qui a généré une vague de panique, j’ai bien compris, derrière.
Du coup pourquoi déframasoftiser, donc déconstruire la frama-dépendance. Il y a de gens qui utilisent quasi exclusivement nos services. À la fois c’est super, mais ils ne se posent pas la question, eux-mêmes, de savoir dans un an, dans deux ans, si on sera toujours là et vous avez compris que potentiellemnt on est passés plutôt près du burnout, on l'a un peu touché. Et puis ce n’est pas du tout la logique de l’association.
Deuxième point, c’était lutter contre la centralisation et les égos, c’est-à-dire qu’on ne souhaite pas, encore une fois, devenir porte-parole ou devenir le Google du Libre, etc. Donc ça nous permet, tout de suite, de redonner du pouvoir à d’autres.
Finalement cette image d’un grand arbre très vaste, etc., c’est très chouette, seulement ça fait de l’ombre et ça peut empêcher d’autres arbres de pousser dessous. Comme on est un peu anars sur les bords, on ne va pas se voiler la face, l’idée de dire on va couper quelques branches pour donner un peu de soleil à des chatons pour qu’ils puissent pousser plus facilement, ça nous paraissait beaucoup plus intelligent, beaucoup plus aligné, finalement, avec nos valeurs que de dire on n’a qu’à continuer à grossir, mais en fait plus votre structure est grosse, moins elle laisse d’espace aux mauvaises herbes ou aux jeunes pousses, pour reprendre le terme de startup, derrière. Donc on a vraiment fait ce choix de dire il faut qu’on fasse plus d’espace aux CHATONS.
Et puis se concentrer sur des projets qu’on estime essentiels que sont Mobilizon[12] et PeerTubeErreur de référence : Balise fermante </ref>
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qui est, pour moi, une bonne pierre angulaire par exemple pour une association qui souhaiterait sortir de Google. NextCloud est l’équivalent d’un Google Doc plus Drive plus Google Spreadsheet, etc., NextCloud est un très bon logiciel pour ça, donc on va sans doute proposer du NextCloud avec du LibreOffice en ligne ou du Omni Office, peu importe, pour que les associations puissent découvrir ce logiciel. Et plutôt que de se trimballer 30 services, comme Framasoft auparavant, c’est d’en avoir un dans lequel elles peuvent tout découvrir et après aller chez le chaton, typiquement Hadoly, qui propose du NextCloud aux membres. Si vous devenez adhérent ou adhérente de Hadoly, vous pouvez demander, je crois que c’est automatique, vous avez un compte NextCloud qui vous est proposé. Du coup nous on fera quelque chose qui permet de découvrir NextCloud par les associations.
Donc on ne vous abonne pas. Je rappelle que dans les services qui restent ouverts après 2021, vous avec Framadate, les Framapads, My pad, Framagenda, Vox , Talk, MyMap, Framinetest qui est l’alternative à Minecraft, Framaghit et Framacarte. Ces services-là restent ouverts, ne bougent pas.
Il y a ceux dont on va restreindre les fonctionnalités dans les deux ans qui viennent. Framalistes, par exemple, vous n‘aurez plus la possibilité, sans doute, de créer de nouvelles listes. Ça ne veut pas dire que les listes que vous utilisez vont fermer. C'est juste que vous ne pourrez plus en créer de nouvelles, il faudra aller les créer ailleurs. Framapiaf va probablement fermer les comptes, on a déjà plus de, je ne sais plus, 5000 ou 6000 comptes sur Framapiaf qui est notre alternative à Twitter. Donc vous ne pourrez plus vous créer de comptes, par contre vous pourrez vous créer des comptes ailleurs, sur ce qu’on appelle des instances, sur d’autres logiciels équivalents.
Ces logiciels-là vont être restreints et ceux qu’on va fermer, vous voyez, là il y en a quelques-uns qui vont fermer entre 2019 et 2020 et les autres, on parle de 2021. Je pourrais faire un sondage rapide dans la salle : qui utilise Framanews ? Personne. Qui utilise Framabag ? Personne. Qui utilise Framanotes ? Personne. Donc ces services-là vont fermer et ça ne va pas vous changer la vie. Globalement, ce qui intéresse l’immense majorité du public c’est Framadate, Framabag, Framaforms.
Donc soyez rassurés, on ne laisse personne sur l’aire d’autoroute derrière.
Je termine avec trois minutes de retard.
[Applaudissements]
- ↑ Framasoft
- ↑ Révélations d’Edward Snowden
- ↑ Reconnaissance faciale, taxe GAFA... les lois et le numérique en France [Café vie privée]
- ↑ Cambridge Analytica
- ↑ Dégooglisons Internet - Liste des services
- ↑ CHATONS
- ↑ Hadoly - Hébergeur associatif décentralisé et ouvert à Lyon
- ↑ Framalibre
- ↑ Framabook
- ↑ Contribateliers
- ↑ Controbutopia
- ↑ Mobilizon- Ensemble, on va plus loin