Le logiciel libre : un enjeu politique et social. Discussion autour de l’action institutionnelle de l’April - Étienne Gonnu

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Titre : Le logiciel libre : un enjeu politique et social. Discussion autour de l’action institutionnelle de l’April

Intervenant : Étienne Gonnu

Lieu : Rencontres mondiales du logiciel libre 2018 - Strasbourg

Date : juillet 2018

Durée : 42 50 min

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Licence de la transcription : Verbatim

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Description

Par les libertés qu’ils offrent, les logiciels libres sont d’une certaine manière la traduction informatique des éléments structurant d’une démocratie, notamment exprimé dans la devise : liberté, égalité, fraternité. Cette analogie, souvent entendue, n'a rien perdu de sa justesse : le logiciel libre est plus que jamais un enjeu fondamentalement politique et social. Et c'est fort de cette conviction que l'April mène ses actions visant à défendre et promouvoir les libertés informatiques de toutes et de tous. Cette conférence se propose ainsi de présenter et d'échanger sur les différentes actions institutionnelles de l'association : priorité au logiciel libre, Open Bar Microsoft, directive droit d'auteur, Éducation, logiciels libres de caisse, etc.

Transcription

Bonjour. Je pense qu’il est l’heure, on peut commencer. Du coup je vais être au pupitre professoral, mais très bien ! Je m’appelle Étienne Gonnu. J’ai la chance d’être chargé de mission affaires publiques pour l’April, l’April donc l’association de promotion et de défense du logiciel libre dans l’espace francophone. Est-ce qu’il y a des gens qui ne connaissent pas l’April Ici ? J’ai cette chance-là. Je suis donc chargé de mission affaires publiques depuis janvier 2016. Rappel rapide, créée en 1996, à peu près 4000 personnes physiques et morales adhérentes. On est à présent quatre permanents :

  • Frédéric Couchet, qui est un des fondateurs et d’April et le délégué général de l’association ;
  • ma collègue Isabella Vanni qui s’occupe de tout ce qui est aspect sensibilisation, vie associative ;
  • on a Elsa Pottier qui nous a rejoints il y a quelques mois pour s’occuper de la gestion des adhérents parce que 4000 adhérents ça représente du boulot et pas mal d’aspects administratifs ;
  • et moi-même,
  • et on s’appuie sur énormément d’activités bénévoles très actives sans qui on ne pourrait pas mener les actions qu’on mène.

Avant de rentrer juste pour peut-être me présenter rapidement, je ne suis pas du tout technicien, ce n’est pas quelque chose que je dis pour m’excuser, mais justement je le revendique pour dire que pour moi le logiciel libre n’est pas du tout juste une question, une problématique pour informaticiens et informaticiennes ; c’est vraiment un enjeu de société global. J’ai une formation de juriste, tout d’abord en droit comparé, puis je me suis spécialisé en droit du numérique ce qui m’a amené à travailler à l’April depuis deux ans et demi maintenant.

Je pense que je n’ai pas besoin de rentrer dans les grandes lignes pour expliquer ce qu’est le logiciel libre ; je pense que si vous êtes ici c’est que vous connaissez déjà. Comme il y a une captation vidéo on peut rappeler très rapidement que ça s’appuie sur quatre libertés essentielles :

  • la liberté d’utiliser le logiciel comme bon nous semble ;
  • de pouvoir en étudier le fonctionnement, d’accéder à son code source ;
  • de pouvoir le modifier, l’adapter à ses besoins ;
  • et puis de pouvoir distribuer soit le logiciel, le diffuser que ce soit le logiciel en lui-même ou les modifications qu’on a pu en faire.

Pour peut-être juste donner un plan aussi rapide. Là je vais présenter rapidement ce pourquoi on considère que le logiciel libre est indispensable pour une société libre, surtout dans une société où l’informatique est omniprésente. Je vous présenterai rapidement quelques actus de ce début d’année, actualités institutionnelles, et puis je vais essayer de passer le maximum de temps sur notre dossier chaud du moment qui est la directive droit d’auteur, d’autant qu’on a eu le 5 juillet une belle victoire au Parlement européen, un vote qui nous permet d’avancer dans une bien meilleure direction que celle dans laquelle on était engagés jusqu’à présent. C’est un dossier qui est assez fourni, assez complexe, donc je vais essayer de vous en donner un aperçu dans les grandes lignes, je vais essayer d’éviter les raccourcis et puis surtout je vais essayer de ménager du temps pour qu’on puisse échange, si vous avez des questions à ce sujet. Voilà !

Donc c’était notamment sur notre tee-shirt pour les 20 ans de l’association on porte fièrement « logiciel libre, société libre ». Pourquoi est-ce qu’on dit ça ? Pourquoi est-ce qu’on considère que le logiciel libre est aussi important pour une société libre ? Je vais citer simplement, mais je trouve que la formule, en fait, est très parlante ; vous l’avez souvent entendue je pense. Richard Stallman le fondateur de la Free Software Foundation, un de premiers vraiment penseurs on va dire, celui qui a posé les bases de la réflexion sur le logiciel libre aime comparer, considérer que le logiciel libre est l’incarnation informatique de la devise liberté, égalité, fraternité : liberté d’utiliser le logiciel comme bon nous semble ; fraternité parce que c’est quelque chose qui s’appuie sur la collaboration et puis l’égalité parce qu’on est tous égaux par rapport aux libertés qu’on a et surtout que le logiciel bénéficie à tous sans distinction de classe et ainsi de suite.

Moi j’aime bien rajouter à ça, pour compléter cette idée, comparer un peu le logiciel libre aussi à ce qu’on peut considérer étant comme les éléments structurants d’une démocratie. Tout le monde peut avoir sa définition de ce qu’est une démocratie. Moi je pense qu’on ne peut pas vraiment avoir des conditions qui sont essentielles dans une démocratie c’est-à-dire la capacité à tous les membres de la société d’avoir un accès aux règles qui sont imposées à nous ; donc ça veut des règles intelligibles, des règles facilement accessibles et puis la capacité surtout du coup, une fois qu’on a l’accès à ces règles, de pouvoir agir dessus et participer à leur élaboration ; ce que permettent, effectivement, les quatre libertés que je mentionnais.

Un autre aspect qui vient finalement dans la continuité de ce que j’évoquais c’est ce qui est écrit dans la déclaration, que je tire de la déclaration universelle des droits de l’homme de 89, qui dit qu’on a un droit de résister à l’oppression. La version 93 parle même d’un droit sacré de s’insurger contre un régime injuste. Là où je tire ce parallèle c’est que je trouve qu’une des forces du logiciel libre c’est sa capacité, ce qu’on appelle le fork : pouvoir reproduire le logiciel, pouvoir reparti de zéro, repartir avec des éléments, repartir comme on veut finalement pour pouvoir proposer autre chose avec d’autres personnes ou seul, avoir cette capacité aussi de faire autrement, parce qu’on considère que les règles ne nous plaisent pas ou parce qu’on a juste d’autres idées, d’autres envies.

Effectivement on vit dans une société extrêmement informatisée. L’informatique va conditionner de nombreuses autres libertés fondamentales, typiquement la liberté d’expression ou le respect de notre privée, finalement les aspects les plus parlants.

Bien sûr le logiciel libre, avoir une informatique libre ne garantit pas de facto que la société, que les outils qu’on va utiliser soient libres que la société soit plus juste, plus solidaire. Finalement c’est aussi ça qu’on défend, mais ça va amener une brique indispensable. Quelque part on peut dire que sans logiciel libre, il n’y a pas de société libre, ou alors une société sans informatique. Mais si on veut promouvoir une société plus libre, une société où l’informatique, où les outils informatiques sont aussi présents, on ne peut pas le faire sans logiciel libre.

Pour appuyer ce propos, on parle souvent d’innovation ; c’est un terme, un buzzword qu’on entend régulièrement mais finalement qui est assez vide de sens. Innover, faire du nouveau, OK ! Pour quoi faire ? Qui décide ? Quels sont les intérêts en cause ? Le logiciel libre par les quatre libertés – c’est important aussi de dire que les quatre libertés sont cumulatives ; c’est la somme de ces libertés qui fait que le logiciel libre a du sens – est un outil potentiellement d’émancipation parce qu’il nous donne ces capacités collectivement de déterminer, finalement, ce qu’on va considérer comme une innovation pour une société libre. Typiquement, je ne sais pas, la lutte contre l’obsolescence programmée ça peut être une innovation qu’on va considérer plus juste. Des innovations qui vont permettre d’améliorer la reconnaissance faciale dans la rue ou qui vont améliorer l’efficacité de drones tueurs ou de surveillance, eh bien on peut se poser des questions quant à la valeur sociale que ça a, que ça amène.

Donc comme je vous disais, pour conclure ce propos, pour moi ce n’est vraiment pas juste un problème d’informaticiens ou d’informaticiennes parce que ça conditionne énormément d’aspects de notre société.

Ce n’est pas parce qu’on n’est pas en mesure de lire du code que ça ne nous concerne pas. Je pense qu’il peut y avoir un débat : est-ce que c’est intéressant pour tous les membres de la société d’être en mesure de lire du code ? Moi je n’ai pas de réponse, mais je pense qu’il y a un débat qui peut être intéressant là-dessus. Ce qui importe, finalement, c’est que par la transparence de ces outils, par leur manière de fonctionner, quiconque puisse avoir accès aux règles, puisse les modifier, puisse agir dessus. Pour prendre un exemple tout simple, une autre analogie : la liberté de la presse ; on n’est pas tous journalistes, on n’a pas tous la capacité, mais c’est une liberté qui va bénéficier à tous en termes de liberté en général par l’accès à l’information que ça nous donne, par la manière de pouvoir suivre aussi ce qui se passe ailleurs pour pouvoir diffuser l’information.

Maintenant que ce constat est fait, que fait l’April pour essayer de promouvoir le logiciel libre pour une société plus libre ? Comment on agit ?

Nous on a vraiment deux angles d’attaque ; on appelle ça la priorité au logiciel libre. D’abord notre action priorité au logiciel libre pour les individus, au niveau individuel ; ça c’est notre plan d’action sensibilisation. Si ce n’est pas fait vous pouvez aller discuter avec nos camarades au stand April dans le Village associatif ; ils pourront échanger avec vous voir ce qui peut être fait. Et puis l’autre pan ça va être sur la promotion, la priorité au logiciel libre à un niveau collectif et c’est là où on va mettre en place, où s’exprime notre action institutionnelle.

Pour vous donner les grandes lignes, moi en tant que chargé de mission affaires publiques, je fais en fait du lobbying pour l’intérêt général qu’on considère ; c’est du plaidoyer politique. En gros j’essaye d’influencer les politiques publiques pour que les libertés informatiques soient promues et défendues.

Je vais essayer de passer, on pourra en discuter par la suite, mais je voulais quand même mentionner ces trois actualités importantes.

9’ 22

D’abord