Relire Foucault à l'ère Snowden - Oriane Piquer-Louis

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Titre : Relire Foucault à l'ère Snowden

Intervenant : Oriane Piquer-Louis

Lieu : Bazar du libre - Toulouse

Date : novembre 2015

Durée : 51 min

Visualiser la conférence

Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

Transcription

De quoi on va parler ? On va parler de Michel Foucault. Je tiens à faire un premier disclaimer qui est que cette conférence ne sera pas un cours de philosophie. Pour ceux qui voulaient rattraper pour le bac, eh bien, c’est dommage, puisque déjà je n’ai pas forcément le niveau pour faire des cours de philosophie, mais c’est surtout que ce n’était pas le but. Le but ici de cette conférence, de ce dont on va se parler pendant 45 grosses minutes, puis un petit quart d’heure de questions qu’on pourra prolonger après au bar, c’est de faire une lecture de ce monsieur que j’aime beaucoup, mais une lecture qui est une lecture, militante est peut-être un mot un peu fort, mais une lecture avec l’œil d’une personne qui a travaillé sur des questions de liberté, sur des questions de liberté individuelle. C’est une lecture avec ce prisme-là et ce prisme de terrain. C’est vrai que ce n’est pas forcément quelque chose de classique comme lecture.

De quoi on va parler de manière plus précise ? Je suis très emmerdée, d’habitude je bouge et là je ne peux pas. [Oriane porte un plâtre]. On va commencer par, déjà, situer Foucault dans le monde dans lequel il vit et dans sa pensée, pour que vous ayez une idée de qui est ce bonhomme, quand même, pour ceux qui ne connaissent pas bien, et pour aussi situer ce discours dans cette lecture militante. Et après on va parler des deux grands concepts que j’ai envie de vous présenter dans la pensée de Foucault, qui est le concept du panoptisme que vous avez déjà sur les stickers de La Quadrature, pour ceux qui ont déjà compris ce que c’était. Le panoptisme. Ouais. Ah vous ne voyez pas ?

Public : Si c’est bon, je ne voyais pas le mot.

Oriane : Et le deuxième ? En fait, si tu veux traduire, c’est le fait de regarder toujours, tout le temps. Voilà. C’est joli, hein ? Et la deuxième chose, c’est le concept de parrêsia, sur lequel on va s’arrêter un peu plus longtemps, parce que c’est un texte de Foucault qu’on présente très peu. Surveiller et punir est connu, et ce texte-là, pas du tout.

La pensée de Foucault. Il faut savoir une chose, c’est que Foucault, il fait un peu comme moi. Il a commencé son travail sur du terrain qui est du terrain militant. Surveiller et punir est un bouquin qui n’est pas sorti de nulle part. Il n’est pas sorti d’un travail en bibliothèque uniquement, en fait. Il fait partie de ces penseurs qui ne sont pas du tout des penseurs dans leur tour d’ivoire, du tout. Il faut vraiment se représenter Foucault comme quelqu’un qui a fait beaucoup de terrain. Là je vous ai cité, dans le beamer, une citation d’un vrai papier scientifique en philosophie, d’une personne qui présentait la méthodologie de Foucault de manière un peu précise, en disant qu’il fait toujours un équilibre entre la critique de l’actualité, une critique située de l’actualité et une réinterprétation des textes. C’est toujours en allers-retours, et ça, je tenais vraiment à insister sur ce point du boulot de Foucault. C’est un peu ce qu’on fait, nous, quand on est étudiant en philosophie ou étudiant en sciences humaines, on lit toujours l’actualité avec son œil de militant, et vice-versa. On est militant avec ce regard d’étudiant en sciences humaines. Et en fait, on fait des allers-retours entre notre pensée et notre travail de terrain. Et Foucault faisait ça. Il a notamment fait ça pour Surveiller et punir, il a fait ça avec son travail sur les prisons au GIP. Le GIP c’est le Groupe d’Information sur les Prisons. C’est une très vieille association qui a disparu aujourd’hui, je crois. En fait, c’est la première association qui a essayé de faire sortir des prisons des questionnaires venant des prisonniers eux-mêmes sur leurs conditions de vie, et qui a posé de manière un peu contemporaine, on parle de 1980, mais de manière un peu contemporaine à l’époque, le problème de la condition de vie en prison. Et c’est à partir des enquêtes du GIP, que Foucault a pu produire ce livre qui s’appelle Surveiller et punir. Ce n’est pas du tout venu d’une réflexion tour d’ivoire. Cet engagement et cette réflexion critique continue ; c’est un modèle, je pense, qu’on peut tous adopter en fonction de nos lectures à nous, de nos parcours à nous, et de toujours faire les allers-retours parce que, en fait, on enrichit l’un et l’autre par cet aller-retour.

La deuxième chose, là je vais m’arrêter un peu plus. Surveiller et punir c’est un livre chez Tel-Gallimard pour ceux qui ont très envie de l’acheter, et vous avez très envie de l’acheter, qui ne coûte pas très cher du coup – Tel-Gallimard c’est une jolie édition – qui pose, parmi les milliards de trucs desquels ça parle ; en fait le livre trace une ligne, si vous voulez, une ligne directrice, ce livre il sort des fils, comme ça, dans l’histoire de la prison et des modes d’action du rapport entre surveillance et punition, dans l’État, du 18e à nos jours, enfin nos jours, 1980. Après il est mort, donc il ne pouvait pas, il ne pouvait plus réfléchir à ça. C’est pour ça qu’il faut relire Foucault. En fait, on passe de, alors je vous donne tout mon texte, on passe d’un moment, le 18e siècle, c’est l’époque de la torture, c’est l’époque d’un pouvoir royal qui s’inscrit, de manière excessive et agressive, dans le corps du condamné. Tous les mots sont importants. C’est comme en philo. C’est une vengeance royale, du pouvoir royal qui est un pouvoir excessif, de manière excessive, sur le corps du condamné. Donc on est sur ces espèces de grandes fêtes populaires où tout le peuple est rassemblé autour d’une personne qu’on va déchiqueter en morceaux, littéralement. On va lui écrire des morceaux de la loi qu’il a enfreinte sur la peau. On va le tatouer, on va lui couper la main s’il a volé. On va faire des choses extrêmement visuelles et extrêmement cruelles sur ce condamné-là, pour donner exemple et pour montrer de manière extrêmement, on va dire, graphique, enfin de manière très forte, le pouvoir excessif du roi qui vient imposer, sur le corps même du condamné, son pouvoir. Ça c’est le modèle du 18e siècle et on assiste à un mouvement, entre le 18e et le 19e/20e, d’entre guillemets « humanisation » de la punition, qui va être, en fait, le degré de supportabilité du peuple.

Il s’est passé une chose, c’est que le peuple a commencé à prendre part, dans ces endroits où il était en public, il était public, ce public-peuple a commencé à prendre part du côté du condamné, à ces fêtes-là, a commencé à prendre fait et cause pour les condamnés. On faisait des chaînes, on faisait des processions avec des condamnés qui devaient aller aux galères, vous savez on leur mettait des gros colliers comme pour les esclaves un peu plus tard, des gros colliers de fer et puis on les traînait, comme ça, à la chaîne, et puis ça traversait tout la France. Et ces processions-là, en fait, étaient l’occasion de monstrations de sympathie pour des voleurs, pour des condamnés. En fait, tous ces criminels-là, qui étaient souvent pas des grands criminels, ce n’était pas des grands bandits, toujours, en fait il y avait une certaine sympathie du peuple. Le pouvoir royal commençait à se rendre compte que ça sentait un peu le soufre, parce que, du coup c’était des moyens de montrer que le peuple était contre. C’était des moyens de libérer une parole populaire, une parole d’espace public populaire contre le pouvoir. Et c’était un peu emmerdant pour le pouvoir.

Alors ils ont commencé à, progressivement, retirer le condamné de la visibilité du public. On a commencé à faire des pendaisons sous des voiles noires. Il y avait un voile entre le public, on ne voyait que le corps qui tombait, la tête qui restait sur la potence, mais on ne voyait plus le corps. Et puis, progressivement, on a de moins en moins vu le corps, on est passé aux exécutions dans les enceintes des prisons, etc. En tout cas ce fil-là.

Et le modèle du panoptisme arrive à un endroit où la prison s’inscrit dans une réforme judiciaire qui voulait une humanisation de la punition. Je ne vais pas l’expliquer très bien parce que c’est très curieux comme mouvement. C’est un mouvement extrêmement curieux. Il faut savoir que les réformateurs juridiques de l’époque, donc fin 18e, qui ont dit on va arrêter de condamner à mort et de déchiqueter les gens, ce n’est pas possible, c’est après la Révolution, nous sommes quand même dans le temps des Lumières, on n’est pas des barbares, on va arrêter de déchiqueter les gens. En gros l’argument c’était ça. Pour faire ça, puisque le bien principal est la liberté, on va priver les gens de leur liberté. Ça c’est la raison numéro 1.

Sauf qu’il y a d’autres raisons à l’existence de la prison, sinon ce n’est pas drôle. Ce qui est arrivé, c’est qu’ils ont commencé à installer la prison, et la prison a fonctionné un peu comme une sorte de gangrène à l’intérieur du système judiciaire, c’est qu’elle s’est imposée et elle a commencé à mettre des espèces de rouages en marche qui ont fait que ça a produit de plus en plus de surveillance. Ça a produit la prison idéale, donc c’est la prison panoptique. La prison panoptique c’est quoi ? C’est une prison qui fonctionne un petit peu comme cette image extrêmement célèbre de la prison de Statesville aux États-Unis, où il y a une tour au centre, et vous avez toutes les cellules qui sont tout autour et qui sont vitrées. Ce qui se passe c’est que vous mettez un gardien au centre, là, au milieu, et le gardien il a vue sur tous les condamnés. Et qu’est-ce que font les condamnés dans leurs cellules ? Ils se sentent, en permanence, surveillés. Ils ne sont pas forcément regardés là, maintenant, tout de suite, par le gardien qui est en haut de sa tour, mais comme la tour les regarde, le gardien il pourrait ne même pas être là, en fait ça crée un système de discipline qui fait qu’ils ne vont pas s’enfuir. En fait, vous avez des prisons très légères, du coup. C’est ce qui dit Bentham. En fait, on attribue cette pensée à Foucault, mais Foucault ne fait que citer le travail de Bentham sur la pensée du panoptisme. Donc si vous voulez une large explication de ce que c’est la prison panoptique, je vous invite à lire Bentham, c’est hyper joyeux comme lecture. C’est un truc trop bien. En ce moment c’est un truc parfait ! Vous prenez un whisky après, quand même.

En fait ce que Bentham expose, c’est un système, on est, au cas où vous oublieriez, on est au 18e, c’est un système idéal. Il pose la prison idéale, en fait, mais il ne l’a pas construite. Après Bentham, on a commencé à construire des prisons panoptiques. Donc on a celle de Statesville ; la prison de la Petite Roquette était faite comme ça, mais elle a disparu. On avait quelques prisons, comme ça, qui sont construites sur le modèle panoptique. En fait, ce que ça produit, là on voit arriver un concept foucaltien qui est très important, c’est le concept de dispositif, voir sans être vu.

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Le dispositif c’est une technologie. En fait, le dispositif ce n’est pas un seul objet, c’est une composition d’objets. Ça va être à la fois les murs de la prison, la manière dont elle est organisée, la manière dont elle est construite et conçue, vous voyez bien, c’est l’architecture de la prison qui fait tout. Ça va être les textes de loi qui vont amener, le système législatif qui va amener ces gens-là à se retrouver en prison. C’est un peu à la fois administratif, architectural, ça peut être la pensée, ça peut être des gestes. Le dispositif c’est toute cette architecture technologique. Quand je dis technologique, ça peut être la technologie de la pensée, ça peut être la sophistication d’une pensée administrative, ça relève de la technologie, enfin dans la pensée foucaltienne. Et en fait, on a ce mécanisme-là qui se met en place avec tous ses rouages qui sont ensemble, qui produit de la surveillance. Il faut qu’il y ait cette prison, qui soit construite comme ça, qui va, avec cette organisation du temps précise ; Foucault insiste beaucoup, là je ne vais pas le faire, mais dans le livre il insiste beaucoup sur l’importance cruciale de l’organisation du temps dans les prisons. Les prisons ont des emplois du temps réglés, mais même pas à la minute, à la seconde. C’est des trucs : vous vous levez à 8 heures 01, à 8 heures 02 vous avez fait votre lit.

En fait, la discipline du corps et la discipline du condamné rentrent de manière pas violente, mais de manière insidieuse, tous les jours par, à la fois, ce système architectural qui fait que vous êtes vu en permanence, sans être vu, enfin sans que le surveillant soit vu ; vous êtes vu en permanence par un surveillant qui, lui, est caché de vous. Et vous êtes, en permanence, sollicité par un système qui vous remet toujours dans la discipline. C’est une discipline, du coup, très maternante à laquelle vous ne pouvez pas échapper. Parce qu’elle est toujours autour de vous, parce que c’est un dispositif, ce n’est pas seulement une prison avec des barreaux, c’est beaucoup plus compliqué que ça.

Une chose très intéressante que raconte Foucault à propos de panoptisme, c’est que le pouvoir dépend du savoir, et le savoir dépend du pouvoir à ce moment-là. C’est le fait de produire un savoir : savoir qui, à quelle minute, a bougé le petit doigt dans quel sens, qui va permettre d’avoir du pouvoir sur cet personne-là. Donc, je vous le reformule en ère Snowden. Qui a acheté un tee-shirt Capitole à 14 heures 22, puis est arrivé dans cette salle de conf ? Ça permet de produire du pouvoir. Ou qui a appelé son médecin à 14 heures 15, puis son assurance à 14 heures 44, puis son, voilà ! Puis ses parents, puis l’association de lutte contre le sida à 15 heures ? Voilà. Et vous savez ! C’est ça qui produit. C’est exactement cette ligne-là qui continue. Produire du savoir sur les personnes, même si le savoir est censé vous permettre d’acheter des chaussures à votre goût. Produire un savoir sur les personnes produit du pouvoir parce que plus on en sait plus on installe ce système panoptique.

Et il y a aussi une chose aussi très intéressante dans la relecture, [j’en ai marre d’être à demi habillée, oui je sais, c’est comique cette conf], il y a une autre chose, ça c’est très intéressant. On insiste toujours beaucoup sur le panoptisme comme système de surveillance idéal, et je ne vais pas insister beaucoup dessus parce que vous voyez bien à quel point on vit dans une société panoptique, et vous voyez bien à quel point vous êtes regardé par des algorithmes. Et regardez les algorithmes, ce sont des machines. En fait, on ne développe plus de violence du pouvoir, parce que le pouvoir est installé dans des technologies fines et complexes qui font tout le travail, qui ne demandent pas tellement de travail et de trucs. Il suffit juste que les gens se sentent surveillés. Et ça produit cet immobilisme et cet atavisme que même la Cour de Justice de l’Union européenne, elle avait vu que ce n’était pas très bien pour la démocratie. Même eux, c’est dire ! Ils ont lu Foucault aussi !

Vous voyez bien ce mouvement panoptique. Le mouvement qu’on voit moins dans Surveiller et punir, c’est la création du délinquant. La prison, ce qui fait, qu’en fait, elle n’est pas du tout faite pour le but pour lequel elle est censée faire, l’idée, grosso modo, c’était la réformation du délinquant en une personne qui va être réinsérée dans un milieu social. Les gens qui travaillent sur les prisons, dans la salle, savent très bien que c’est faux ! En fait, ce que fait la prison, c’est qu’elle forme des délinquants. Elle construit la catégorie sociale du délinquant. Aujourd’hui, ce qu’on est en train de construire, ce n’est pas la catégorie du délinquant parce que, il n’y a plus de délinquants vraiment, le délinquant il est déjà là de toutes façons. Aujourd’hui on produit le jeune auto-radicalisé qui porte le trouble à la société. C’est une autre catégorie d’anormal. Vous voyez bien que ça tombe dans l’anormal.

En fait, ce que produit le système de surveillance et la prison, c’est ce partage qui va se faire dans les individus d’une société, entre le normal, donc le mec qui paye ses impôts il est tranquille, et qui est dans son canapé et qui regarde TF1, il est normal, et le mec bizarre, là, qui a des cheveux longs, qui va à la Zad, qui donne à La Quadrature du Net. Il n’est pas normal le mec, il a des activités bizarres. Son ordinateur déjà il est bizarre ; c’est le mec bizarre ! La prison permet de créer la catégorie sociale du mec pas normal, qui est déviant, qui est déviant par rapport à un système social et qu’on va coincer dans ce système de déviance.

C’est-à-dire qu’en fait, la prison ce qu’elle fait, c’est qu’elle crée des délinquants, parce que les délinquants se retrouvent tous au même endroit ; c’est vachement bien, ça fait du réseau ! Ils se retrouvent au même endroit, ils peuvent discuter entre eux, c’est vachement sympathique ! Et du coup, en fait, quand tu ressors d’une prison, tu es marqué à vie parce qu’il y a un fichier, ça s’appelle le casier judiciaire, tu as un fichier qui dit : « J’ai été en prison à ce moment-là ». Tu n’es plus embauchable pareil. J’adorerais qu’il y ait quelqu’un du GIP pour nous parler des sorties de prison et de réinsertion sociale des condamnés. Ça explique ça. Ça montre ça avec des chiffres d’aujourd’hui. C’est tout pareil, aujourd’hui, en 2015. En fait, ça produit des gens qui sont complètement dans un autre circuit et qui sont complètement éjectés en dehors de la société parce qu’ils sont déviants. Et ils sont marqués, de manière indélébile, comme déviants. Là il n’y a plus besoin de fer rouge, vous voyez bien. Il suffit d’avoir des fichiers informatisés qui se baladent entre tous les systèmes de police et vous avez le même marquage, mais juste, ce n’est pas nouveau, et c’est humain. Ah, c’est humain !

Pour moi, le fil qu’on peut tirer de la formation du système du délinquant, cette formation du délinquant fin 18e, début 19e, aujourd’hui c’est la formation du mec auto-radicalisé, pour reprendre la formulation du nouveau texte de loi, du mec qui « porte trouble manifeste à l’ordre public ». Trouble manifeste à l’ordre public, je pense que lutter pour La Quadrature du Net ça marche aussi. Enfin c’est ce mec anormal, et là on change un petit peu la catégorie d’anormal, mais on va éjecter de la société une autre catégorie de gens.

L’idée, en fait, c’est là où ça produit de la surveillance, c’est que, comme vous avez ces gens anormaux qui sont dangereux, donc les terroristes, les gens auto-radicalisés, du coup les gens acceptent la surveillance parce qu’on cherche ces gens-là. Du coup ils acceptent d’être surveillés. Les gens acceptaient les services généraux, le tout début des services généraux en France, parce qu’il y avait ces délinquants qui venaient d’apparaître ; la catégorie sociale du délinquant venait de se construire, et les gens voyaient ces gens qui sortaient des prisons et qui étaient potentiellement dangereux, parce qu’ils sortaient des prisons et qu’ils avaient envie de récidiver, parce que ce n’était pas fait pour, ce n’était pas fait pour qu’ils n’aient plus envie, du coup eh bien ils continuaient. Du coup, les gens acceptaient parce qu’ils se sentaient en danger, parce qu’il y avait ces gens anormaux, qui étaient désignés comme, et qui étaient, avec tout un discours qui disait : « Ils sont dangereux » – c’est exactement le même discours qu’on a avec les terroristes, vous changez le mot, juste – qui disait : « Ils sont dangereux, on les cherche, du coup il faut vous surveiller, du coup on va voter des lois d’exception ». C’est tout pareil !

Et Foucault, là, je vous laisse méditer la citation qui est juste en dessous dans le point, la formation du délinquant. Les gens se mettent à accepter quelque chose qui est un système de documentation individualisant et permanent. Je ne sais pas pour vous, mais moi ça me rappelle les boîtes noires. « Un interrogatoire qui n’aurait pas de terme, une enquête qui se prolongerait sans limite, dans une observation minutieuse et toujours plus analytique ». Vous voyez bien que ce dont avait rêvé les gens qui ont commencé ce travail de panoptisation, si vous voulez, de la société, pour produire plus de pouvoir, et produire du pouvoir de plus en plus simplement, avec de moins en moins de moyens. L’idée c’est de produire du pouvoir avec les moyens les plus légers possibles. C’est qu’il n’y a plus besoin de violence. Il n’y a plus besoin de violence puisqu’on crée du savoir à la place.

Ça, je pense qu’on arrive vraiment, là, à ce décrit Foucault, dans cette partie-là du texte. Pour vous donner le contexte, il voulait décrire l’idéal de surveillance que les gens voulaient atteindre. On l’atteint cet interrogatoire sans fin, puisque quand vous avez une boîte noire qui surveille vos faits et gestes sur Internet ! Ils n’arrêtent pas de vous surveiller. Il n’y a même plus, il n’y a plus besoin de vous situer, à un moment donné, dans une garde à vue, ça ne sert à rien, vous pouvez aller et venir, c’est tout pareil. On est vraiment dans cette observation minutieuse et toujours plus analytique. Et je pense que ce sont vraiment les boîtes noires qui se profilent, là, dans le texte de Foucault.

22’13

Bon, alors on va parler de choses plus rigolotes,