Soirée 20 ans April - Radio Libre à Toi
Titre : Soirée 20 ans de l'April
Intervenants : Emmanuel Grégoire, adjoint à la maire de Paris - Claire Besson, Fondation Crédit Coopératif - Ludovic Dubost, XWiki - OliCat - Clara - Frédéric Couchet - Isabella Vanni
Lieu : Le Petit Bain - Paris
Date : 26 janvier 2017
Durée : 2 h 32 min 17
Écouter l'enregistrement de Radio Libre à Toi
Licence de la transcription : Verbatim
Statut : Transcrit MO
Libre à Toi en direct du Petit Bain pour les 20 ans de l’April, avec OliCat, Clara et Christian.
[Bavardages en attendant le début de la soirée]
07’ 50 Introduction de M. Emmanuel Grégoire
OliCat : Pour info on devrait avoir en interview Emmanuel Grégoire qui représente la mairie de Paris, je pense qu’il ne représente pas que lui-même aujourd’hui, à cette soirée. Il y aura un représentant d’Enercoop, son directeur en l’occurrence, c’est Julien Noé qui est un tout nouveau adhérent à l’April. Claire Besson sera également présente, de la Fondation du Crédit coopératif et puis Matthieu Ploquin du Sgen-CFDT, syndicat Éducation nationale. J’espère qu’on va réussir à le choper Matthieu parce que je pense qu’on a plein de choses à lui demander, ainsi que Claire, Julien ou encore Emmanuel. Pour les autres on verra, on improvisera en fonction de qui veut bien causer dans le micro.
Clara: Et puis peut-être qu’on aura le président de l’April aussi, Fred ?
OliCat : Alors c’est le directeur général.
Clara: Je mélange toujours président, directeur général, les associations…
OliCat : C’est toujours compliqué. Surtout que les assos font un peu ce qu’elles veulent. Il y a des directeurs, des présidents. Bon !
Clara: Donc lui c’est le directeur !
OliCat : C’est le directeur général
Clara: Je savais bien que c’est la tête.
OliCat : Absolument. En tout cas il est des fondateurs de l’April.
[Bavardages]
OliCat : Ah ça commence.
Clara: Ça y est.
OliCat : OK. Ça va partir.
Frédéric Couchet : On va bientôt commencer. Ne soyez pas timides, elle n’est pas dangereuse, c’est la mienne qui est au milieu, là. Elle ne va pas vous manger. Vous pouvez y aller, vous approcher. C’est une salle de concert, on peut même ??? à la fin. Non, pas pendant le discours, quand même pas.
Nous avons le plaisir que la séance d’introduction soit faite par M. Emmanuel Grégoire qui est l’adjoint à la maire de Paris en charge des ressources humaines, des services publics, de la modernisation de l’administration, et qui va nous expliquer l’engagement de la ville de Paris autour du logiciel libre qui est de longue date. Et ensuite Isabella, ma collègue, et moi-même, on fera un petit point d’organisation de la soirée pour que tout se passe bien, jusqu’au bout de la nuit. Je laisse d’abord la parole à M. Emmanuel Grégoire.
Emmanuel Grégoire : Merci beaucoup. Merci de m’avoir invité à vous dire quelques mots. Je voulais d’abord vous souhaiter la bienvenue comme c’est l’usage quand il y a des événements importants dans la ville, nous essayons les élus d’être présents parce que vous représentez le tissu riche d’associations qui animent la vie de notre belle cité. Mais au-delà de ça, effectivement, et en résonance avec la délégation qui est la mienne, vous expliquer l’intérêt que la ville de Paris a eu à travailler avec l’April et ce que, au-delà de ça, à titre citoyen, on peut attendre d’une association comme la vôtre, comme la nôtre, puisque, très modestement, j’en suis membre comme représentant de la ville de Paris.
D’abord pour dire que l’engagement de la ville de Paris en faveur du logiciel libre, il est ancien. Je tiens à saluer, d’ailleurs, l’équipe Lutèce qui est là, je l’ai vue, ils sont où ? Voilà. L’équipe Lutèce, parce que vous les savez, enfin beaucoup d’entre vous le savent, et beaucoup d’entre vous beaucoup mieux que moi, le logiciel libre a pris une part croissante, une part stratégique dans le système d’information de la ville de Paris, et ça pour plusieurs raisons. Des raisons qui sont connues, attachées à l’image qu’a le logiciel libre. C’est d’abord un sujet de souveraineté, être capable de maîtriser l’outil, de maîtriser ses évolutions, de ne pas être dépendant d’un tiers qui, quand bien même il le fait avec une grande qualité, mais vous vend une prestation et donc, à un moment, peut ne plus le faire ou ne plus pouvoir le faire.
Le deuxième sujet est un sujet important, et je l’assume très cruellement dans les fonctions qui sont les miennes, c’est que le contexte budgétaire n’est pas simple et que donc le logiciel libre est aussi un levier extraordinairement puissant pour les collectivités territoriales, pour l’État, pour la puissance publique, de développer des systèmes robustes dans des conditions financières soutenables, là où le mode SaaS, qui est à la mode, est souvent parfois plus compliqué pour les budgets de fonctionnement qui sont les nôtres.
Et enfin parce que c’est une philosophie qui nous va bien. C’est une philosophie du partage, de la communauté et nous sommes très heureux d’y contribuer à travers l’April, à travers l’Aful, à travers Lutèce et peut-être certains d’entre vous ont eu l’occasion de développer des choses sous Lutèce.
Et au-delà, je voudrais finir mon propos que je ne veux pas trop long, par le rôle qui est celui de l’April et du contexte compliqué dans lequel nous vivons collectivement. Je lis souvent les positions, comme on dit, de l’association. Parfois j’ai des nuances par rapport à ce qui est dit, mais ce qui est très important, c’est que vous gardiez ce rôle de contre-pouvoir, au sens positif du mot, qui est de contrôler le producteur de la norme qui est notamment le législateur. Notamment dans ce contexte sécuritaire qui conduit à une inflation de contrôles qui pose un problème démocratique et ce n’est pas à vous que je vais le dire. J’imagine que beaucoup d’entre vous en sont convaincus.
On vit une période difficile, où il y a une demande sociale de sécurité, une demande sociale de liberté, parfois beaucoup de difficultés à articuler les deux. Et, un peu en France malheureusement, mais dans, malheureusement, beaucoup d’autres pays de façon très brutale, on observe un développement de systèmes de contrôle qui sont incontestablement extrêmement problématiques, beaucoup plus problématiques que ne le croit l’opinion publique actuellement, et dont les effets pervers se feront, je le crains, douloureusement ressentir dans quelques semaines, y compris de l’autre côté de l’Atlantique.
Et donc, pour ça, c’est très important le travail d’éducation que fait l’April, le travail de sensibilisation, de formation des élus, des fonctionnaires, des agents publics parce que toutes sont traversées par un très puissant mouvement de transformation numérique. Là aussi on essaye, parfois c’est lent parce que la maison est très grande, très complexe, on essaye d’accompagner la transformation numérique de l’administration, la transformation numérique des politiques publiques. Ce qui soulève des questions importantes en matière de protection des données personnelles, en matière d’interopérabilité, en matière d’usages, en matière de lutte contre la fracture numérique. Et là aussi, le logiciel libre a une part extrêmement importante à y prendre.
Donc voilà, je suis très heureux d’être avec vous ce soir, de vous témoigner notre reconnaissance, la reconnaissance de la ville de Paris. On est des tout jeunes membres dans l’association puisque, vous qui existez depuis 1996, nous on n’en est membre que depuis deux ans, de mémoire.
D’ailleurs je profite de l’occasion pour dire que c’est un élu du conseil de Paris qui m’a suggéré d’adhérer à l’April, il s’appelle Jérôme Gleizes, c’est un militant du libre, un militant écologiste, avec lequel j’ai beaucoup de combats et de centres d’intérêt communs. Donc je voulais lui rendre hommage, parce que c’est lui qui a attiré mon attention sur l’association et très vite je me suis dit « oui, c’est une bonne idée allons-y ! » Y compris pour faire la pub de Lutèce et de l’équipe qui bosse très bien sur cette plateforme.
D’ailleurs je dis que cette année nous avons fait un choix très important pour moi politiquement, pour la maire de Paris, c’est que dans le programme de mandature, il y a un truc qui est banal dans le monde commun, mais complexe à la ville de par son histoire, c’est l’idée d’un compte parisien pour ceux d’entre vous qui sont des usagers de la ville de Paris. C’est l’idée que, très simplement, nous ayons un accès numérique unique à l’ensemble des téléservices municipaux et une relation numérique à la ville facilitée, dans une histoire marquée par une organisation en silo, très verticalisée et on essaye, très modestement, de casser un petit peu ces barrières. Et donc on a engagé un grand programme autour de l’identité numérique des usagers et autour de la gestion de la relation usager qui est la forme démocratie citoyenne de ce que, vulgairement, on appellerait le CRM [Customer Relationship Management, NdT] dans le privé. Mais c’est l’idée d’adapter les services publics aux besoins des usagers. Et après de longues réflexions j’ai été convaincu, avec les gens qui devaient prendre cette décision, que développer en logiciel libre était le seul moyen d’avoir quelque chose qui correspondait vraiment à nos attentes, de le faire dans des enveloppes budgétaires soutenables et surtout avec une capacité d’évolution et de mutualisation sur laquelle je compte beaucoup. Donc nous-mêmes on essaie de faire de la pub auprès des collectivités territoriales pour partager tout ça avec elles.
Donc merci à tous pour votre engagement. Merci à l’April pour ce que vous faites avec nous. Dites-nous quand on fait les choses bien. Alertez-nous quand vous pensez qu’on les fait moins bien ; je sais très bien que vous n’hésiterez pas. Merci à tous et je vous souhaite une très bonne soirée.
Applaudissements
17’ 13
Frédéric Couchet : Merci. Je vais passer la parole à Isabella Vanni, ma collègue, et je terminerai à la fin – tu as des fans ? Ah c’est Gibus ! – notamment pour quelques points d’organisations pour cette soirée. Parce que nous ne sommes pas là par hasard à Petit Bain et puis le buffet n’est pas organisé comme ça , avec un traiteur, n’importe comment quoi !
Isabella Vanni : Bonsoir à tous et à toutes. Merci d’être là et de fêter avec nous les 20 ans de l’April. Donc vous êtes là, je ne sais pas si vous connaissiez déjà le Petit Bain. On a choisi cet endroit parce qu’il nous semblait que ça correspondait à nos valeurs. C’est une coopérative qui fait aussi de la réinsertion sociale, qui organise des concerts, qui accueille des associations comme nous.
Vous aurez peut-être noté, à l’entrée, il y a un accueil avec quelques goodies, stickers de l’association. Il y a aussi un livre d’or que vous êtes priés de remplir à la fin de la soirée, ça nous fera beaucoup, beaucoup plaisir, avec quelques mots.
La fête, la soirée se déroulera ici, donc dans la salle de concert du Petit Bain. Vous avez un stand avec les tee-shirts, les mugs, nos marchandises, qui est juste là, en face du bar. Vous avez un petit stand avec des décalcomanies. C’est une grosse nouveauté, donc n’hésitez pas à vous faire des petits tattoos et à poser devant notre photographe de la soirée, Emmanuel Savidan, que je remercie d’être là. Il y a aussi une exposition des tee-shirts April qui ont été réalisés pendant toutes ces dernières années.
Et puis, pour ce qui concerne le buffet en fait, attention parce que c’est un buffet, comment dire, c’est le fruit du travail d’une équipe formidable de bénévoles, qui a participé à un atelier de cuisine ici, dans la cuisine de Petit Bain, toute la journée. L’atelier de cuisine a été organisé et animé par l’association Altrimenti qui est une association, qui lutte contre le gaspillage alimentaire et qui donne une deuxième vie, en fait, aux aliments invendus, déclassés, pour en faire des recettes populaires et gourmandes. L’équipe de bénévoles était composée par des bénévoles de l’April, qui ont répondu présent à l’appel, ils étaient nombreux, par des bénévoles de l’association Altrimenti et par des amis, aussi, qui répondent présent à l’appel. Comment ?
Frédéric Couchet : Et les permanents !
Isabella Vanni : Les permanents, bien sûr. Non, mais vraiment quoi ! Et donc j’espère que vous apprécierez. Il y a aussi de la doc, doc de communication sur l’association, donc servez-vous.
Après, pour ce qui concerne les photos, tu vas le faire, voilà. Et donc du coup il ne me reste que vous dire « profitez de la soirée. Célébrez avec nous et passez un bon moment avec nous ! » Merci d’être là.
Applaudissements
Frédéric Couchet : Je vais essayer de ne pas être très long parce que je sais que certains m’ont déjà reproché de ne pas dire au barman que le bar était ouvert, mais quand même. Il y aura une deuxième sans doute intervention après, juste avant le gâteau, quand il y aura un peu plus de monde parce que le froid a fait que finalement les gens ont décalé.
Déjà je voulais remercier Emmanuel Grégoire d’être intervenu. Le remercier aussi pour le contenu de son intervention, notamment sur l’aspect sécuritaire. Aussi sur la référence à Jérôme Gleizes qui effectivement est un élu vert, qui est ami de longue date. Et initialement, effectivement, c’était un vœu du groupe des Verts, qui a ensuite été, effectivement, soutenu par Emmanuel Grégoire. Je voulais en profiter pour saluer une fois de plus, alors je suis désolé, les amis de Lutece, on va dire qu’on ne parle que de vous. Mais notamment l’équipe Lutece et en particulier mon ami Pierre Levy que j’ai rencontré en 2002, à Montréal, sur une présentation de Lutece. Je rappelle quand même que Lutece c’est la première délibération d’une collectivité qui libérait un logiciel (libre). C’était en septembre 2002. Quelques jours après et je veux saluer, je ne sais pas où il est, Loïc Dayot, il s’est planqué quelque part, ah il est derrière. Quelques jours avant, la mairie de Pierrefitte, qui libérait EPNadmin, qui est un outil de gestion d’espace public numérique. Donc Paris et Pierrefitte ont été vraiment précurseurs de point de vue-là.
Je voulais juste dire, quand même, que 20 ans, je ne vais pas vous faire un historique de toutes les actions. Derrière moi il y a juste le slogan de l’April et le logo, on ne va pas faire toutes les actions qu’on a faites. Par contre il y a aura des photos qui vont diffuser tout au long de la soirée qui vous montreront des gens qui ont été actifs, ensuite qui ont disparu, des gens qui sont encore actifs.
L’essence de l’April c’est vraiment le fait d’être une vraie association, à la fois avec des permanents, c’est vrai, alors aujourd’hui on est trois permanents, il y a quelques anciens permanents qui vont arriver tout à l’heure sans doute. Mais aussi, surtout, effectivement, des bénévoles, des membres et qui sont de plus en plus représentatifs de la diversité du logiciel libre. L’April a été créée il y a 20 ans, on était 5 informaticiens. Aujourd’hui, majoritairement, les gens qui adhèrent ne sont pas informaticiens. Par curiosité, j’ai regardé les dernières adhésions, c’est biochimiste, infirmière, enseignant, étudiant, etc. Et au niveau des personnes morales, c’est aussi l’élargissement. Évidemment on a beaucoup d’entreprises membres de l’April, on a quelques collectivités. Récemment on a, par exemple, eu Enercoop, le fournisseur d’énergie renouvelable. On a eu le Sgen- CFDT, donc qui nous a beaucoup soutenu sur la partie éducation, Je crois qu’il y a Matthieu Ploquin, qui est ic,i qui est là-bas. Il y a la ville de Digne-les-Bains et aussi un syndicat de collectivités du côté de la mairie de Grenoble. Donc voilà ce sont des adhésions qui montrent la diversité de l’April et aussi la force de l’April. Donc c’est vraiment grâce à vous, grâce aux membres, grâce aux soutiens qu’on est là.
D’un point de vue organisationnel, il y a un point important : les photos. Des gens ne souhaitent pas forcément être pris en photos. Vous savez qu’à l’April, les photos qu’on prend on les met sur notre site, sous licence libre. OK ! Ceux qui ne veulent pas être pris en photos, ils ne s’en vont pas, ils sont les bienvenus, parce que tout le monde est évidemment le bienvenu. Il y a simplement un petit protocole, il y a une petite signalétique « No photo » que vous posez là et vous vous signalez à notre photographe officiel qui est Manu, qui est là, il est facile à reconnaître, c’est le seul qui en rouge. Il ne prendra pas de vous de photo et nous on fera évidemment une vérification avant la mise en ligne. Donc c’est important, on respecte cet aspect-là et on demande aux autres photographes de faire la même chose évidemment.
Autre point d’organisation sur les bières. Il y a deux bières spéciales. Je sais que c’est important. On a fait un gros effort sur les bières, croyez-moi ça a été très compliqué. Commander à des professionnels quand on est une association, le manque de confiance de ces gens-là envers les associations est quand même ! Mais bon ! On a quand même réussi à s’en sortir. Je voulais simplement dire il y a deux bières différentes. Il y a une Delirium Tremens. Delirium Tremens, c’est une bière blonde, forte, un peu sucrée, 9 degrés d’alcool. Et il y a une Chouffe Houblon qui est une bière forte, blonde, amère, florale, 8 degrés 5. Ça c’est pour vous donner la différence des deux bières et le degré d’alcool. Je vous encourage à ne pas abuser parce que ça fait mal à la tête à la fin, sachant qu’il y a aussi du vin, il y a des jus de fruits, etc. Donc voilà, il y a deux types de bière qui permettent de combler normalement tout le monde de ce point de vue-là, donc c’est auprès des barmans.
Et je vérifie juste que je n’ai rien oublié sur cette partie-là. Eh oui, si, s’il y a nos amis de Libre à toi qui sont là-bas derrière la régie, voilà ils font coucou, qui diffusent en direct sur Internet, en fait, eh bien cette session de présentation. On sait qu’on a au moins une personne qui écoute, c’est Marie-Odile depuis l’Italie, notre adhérente qui n’a pas pu venir. Elle nous a dit : « On va écouter sur Libre à Toi ». Je vous dis ça aussi parce que l’équipe va faire quelques petites interviews de membres, ceux qui veulent, en direct, ce n’est pas enregistré donc faites attention à ce que vous dites, vous assumez. Donc n’hésitez pas à aller voir l’équipe, là-bas, si vous voulez faire des petites interviews avec ça.
J’en profite pour dire que Libre à Toi va bientôt avoir besoin de soutiens. Je peux l’annoncer ou pas ? Voilà ! Parce qu’ils ont déposé un dossier auprès du CSA pour avoir une fréquence partagée sur la bande FM qui vient d’être ouverte. Ils sont acceptables dans la liste des quinze candidatures, je crois, donc je pense qu’ils vont avoir bientôt besoin de soutiens pour faire un peu de sensibilisation auprès du CSA, pour dire qu’une radio sur les communs, parce que c’est le projet de Libre à Toi, serait important sur la bande FM et pas simplement, effectivement, sur Internet.
Et je voudrais juste finir par un énorme remerciement. Alors je vais vous demander de vous lever et de venir par ici, tous les bénévoles et permanents qui ont participé à l’atelier de cuisine parce que c’est quand même aussi la force de cette association. Je voudrais vous remercier : Samantha, tes bénévoles. Il y a une quinzaine de personnes qui ont travaillé aujourd’hui. Il y en a certaines qui sont parties. Il y a Isabella, aussi. Il y a Benj.
Je finis là-dessus parce qu’on a choisi de faire cet évènement à Petit Bain, pas simplement parce que c’est bien placé, parce qu’est une salle de concert. Non ! Parce que Petit Bain a aussi des valeurs. Vous allez voir sur le site, c’est une entreprise d’insertion, ils ont beaucoup de choses qui sont vraiment en résonance avec nous. On a fait vraiment volontairement ça ici. En plus, c’est vraiment super. Et sur le buffet, effectivement, on a fait le choix aussi de faire une démarche à la fois participative, inclusive, et aussi ce qui nous garantit des plats végés, ce qui, évidemment, est un avantage pour beaucoup de gens. Il n’y a que les bières où on a fait appel à des gens extérieurs, parce qu’on s’est dit si on fait faire brasser des bières, peut-être qu’elles ne seront peut-être pas à la hauteur et on connaît l’exigence des geeks sur les bières. Donc voilà !
Je voulais vraiment les remercier et dans le courant de la soirée, il y aura peut-être quelques petites surprises, il y aura peut-être une séance où on vous appellera sur scène pour montrer vos talents. Il y aura, évidemment, bien sûr un gâteau tout à l’heure, mais c’est d’ici une heure ou deux le gâteau. En tout cas, le buffet est ouvert, le bar est ouvert. Passez une bonne soirée et surtout pro-fi-tez !
Applaudissements
27’17 Interview de Mme Claire Besson
OliCat : Comme promis au Petit Bain en direct pour les 20 ans de l’April après trois quarts d’heure de retard nos intervenants passent à notre table. Clara est avec moi, Christian est derrière les manettes et c’est Claire Besson que nous accueillons dans ce plateau improvisé de Libre à Toi. Alors Claire Besson, vous n’êtes pas intervenue dans le cadre du discours d’ouverture. Vous faites partie, pourtant, des gens et là, vous, vous représentez la Fondation ?
Claire Besson : Crédit Coopératif.
OliCat : Crédit coopératif. Quelle est votre position à la Fondation ?
Claire Besson : Je suis la secrétaire générale de la Fondation Crédit Coopératif.
OliCat : Très bien.
Clara : Alors la Fondation Crédit Coopératif, j’ai cherché un petit peu ce qu’elle faisait et j’ai vu qu’elle a trois missions principales, pour lesquelles j’avais envie, peut-être, de vous faire discuter. C’était donc faire reconnaître et reconnaître l’ESS.
Claire Besson : Tout à fait. Premier axe.
Clara : Premier axe. Soutenir un développement durable, deuxième axe, et troisième axe, améliorer la cohésion sociale. En fait, c’était sur le premier axe que j’avais envie de vous demander parce que sur l’économie sociale et solidaire, on entend un peu tout et n’importe quoi. La Fondation Crédit Coopératif, comme une fondation, finance des projets en économie sociale et solidaire. Sur quels critères vous vous basez pour reconnaître les vraies entreprises de l’économie sociale et solidaire ?
Claire Besson : À vrai dire, nous avons effectivement plusieurs critères parce que nous avons plusieurs modes d’intervention sur cet axe-là. Ce qu’il fait savoir c’est que l’axe connaissance et reconnaissance de l’économie social et sociale, c’est notre premier axe parce que c’est notre axe principal, mais c’est également notre axe depuis l’origine. En fait, la Fondation Crédit Coopératif est une fondation d’entreprises, créée par le Crédit Coopératif, depuis plus de trente ans maintenant. Donc c’est vraiment une des doyennes des fondations d’entreprises et c’est depuis l’origine que la Fondation Crédit Coopératif soutient toutes les actions de promotion de l’économie sociale et solidaire. Pourquoi ? Tout simplement parce que créée par le Crédit Coopératif.
Clara : Ah, on n’entend plus rien ! On a fait une petite interruption. Donc pourquoi ?
Claire Besson : Créée par le Crédit Coopératif, qui est une banque, mais la banque de l’économie sociale et solidaire, c’est-à-dire la banque des acteurs de l’économie sociale et solidaire – les associations, les coopératives maintenant les entreprises d’utilité sociale. Mais le Crédit Coopératif est lui-même un acteur de l’ESS, puisque le Crédit Coopératif est lui-même une coopérative.
Clara : Mais encore ! On n’entend plus rien.
OliCat : C’est bon, c’est revenu. C’est très curieux !
Clara : C’est vraiment bizarre.
OliCat : Il n’y a que nous qui sommes coupés en fait. Les auditeurs continuent de vous entendre et c’est nous qui ne nous entendons plus.
Clara : Donc désolée pour les interruptions de ce dialogue à chaque fois tout à fait involontaires.
Claire Besson : Donc quand le Crédit Coopératif a créé sa fondation forcément, il lui a demandé de travailler là-dessus, sur la promotion de l’ESS. C’était vraiment dans les gènes à la fois du Crédit Coop et de sa fondation.
Clara : Excusez-moi i y a un rapport avec la Nef ?
Claire Besson : Il y a un rapport entre le Crédit Coopératif et la Nef. Tout à fait, effectivement. Puisque la Nef, jusqu’à une époque récente, n’était pas encore un établissement de plein exercice donc il avait besoin, je dirais, du Crédit Coopératif pour l’accueillir. Et puis la Nef est en train de prendre son indépendance. Voilà.
Par contre, nous, nous sommes une fondation avec des actions de mécénat. Alors comment faisons-nous ? Sous deux modes je dirais. Il y a les partenariats nationaux et là, la Fondation Crédit Coopératif soutient des travaux de recherche, vraiment des travaux fondamentaux sur l’économie sociale et solidaire. Des travaux aussi de connaissance, par exemple la Fondation Crédit Coopératif soutient les travaux de Viviane Tchernonog pour connaître statistiquement le monde des associations. Donc ça c’est un exemple de nos actions au niveau national. Et puis la Fondation Crédit Coopératif soutient aussi effectivement des projets qui eux, là, sont choisis au plus près des territoires, par les représentants des sociétaires du Crédit Coopératif et la Fondation, par contre, donc finance ces projets. Ce sont les Prix et Trophée de l’initiative en économie sociale qui se déroulent en ce moment jusqu’au 13 février. Les structures de l’économie sociale et solidaire peuvent présenter leurs projets à ce concours, Prix et Trophée de l’initiative en économie sociale.
OliCat : Et là, du coup, c’est véritablement le statut même de la société ou de l’entreprise, de la structure, qui va déterminer leur capacité, leur aptitude, à jouer le jeu de vous déposer un dossier ? Ou une SAS standard, par exemple, qui aurait un objet qui relève du bien commun ou, en tout cas, de l’utilité publique et générale qui peut être considérée comme une structure de l’ESS, peut jouer aussi ?
Claire Besson : Alors oui et non. Oui elle peut jouer et ça c’est grâce à la loi sur l’économie sociale et solidaire de juillet 2014 qui, effectivement, définit l’économie sociale étant certes composée d’acteurs, certes au statut comme précédemment, statut coopératif, mutualisation.
OliCat : Voilà : Scic, Scop, etc.
Claire Besson : Voilà les Scic, les Scop, etc. Mais depuis juillet 2014 sont également acteurs de l’économie sociale et solidaire des entreprises tout à fait classiques, des SARL, des SAS, etc., dès lors qu’elles cherchent à devenir entreprises solidaires d’utilité sociale. Donc là, ça n’est plus un statut c’est un agrément et, effectivement, tout ce que vous venez de citer, agir pour les communs est potentiellement, effectivement, tout à fait relevable, redevable de ce nouveau statut, enfin statut, ce n’est pas statut, mais ce nouveau critère.
OliCat : Alors c’est vrai on ne va pas rentrer dans ce débat, mais, en effet, ce n’était pas tout à fait innocent si nous on vous posait la question, c’est que nous on a remarqué, pour travailler avec beaucoup de structures de l’économie sociale, que cette loi de 2014, justement, elle a quand même ouvert les vannes, des vannes assez opportunistes de structures cherchant, ce que vous avez dit être un agrément et pas un label, pour justement prétendre à certaines ouvertures financières qu’elles n’auraient pas eues si elles n’avaient pas eu cet agrément ou autre.
Claire Besson : Oui, c’est tout à fait ça.
OliCat : Nous, on l’a vu, on en a croisé énormément. Mais on imagine parce que ce n’est pas depuis deux ans que la fondation existe que vous savez plus ou moins à qui vous avez à faire. Alors revenons précisément sur l’April.
Claire Besson : Bien sûr.
OliCat : Alors la Fondation Macif, je ne sais pourquoi je dis la fondation Macif, la Fondation Crédit Coopératif.
Claire Besson : Ça va, ce sont des collègues, on s’entend bien avec eux, il n’y a pas de souci.
OliCat : Je l’imagine. La Fondation Crédit Coopératif a permis à l’April de publier en 2012, si je ne me trompe pas de date, un guide.
Claire Besson : C’est ça. Dix mille exemplaires.
OliCat : Dix mille exemplaires d’un guide qui permettait aux administrations d’avoir un catalogue de logiciels libres.
Claire Besson : Aux associations.
OliCat : Aux associations, pardon, aux associations d’avoir un catalogue de logiciels libres. Alors pourquoi ? Qu’est-ce qui a fait que la Fondation Crédit Coopératif, dans le cadre des missions que vous nous avez décrites et des trois axes sur lesquels vous déployez vos interventions, s’est intéressée à ce guide ?
Claire Besson : Alors pourquoi ? Effectivement pour deux raisons, je dirais. D’une part, pourquoi est-ce que nous nous sommes rencontrés ? D’abord il y a eu, effectivement, une sollicitation qui est arrivée par le Crédit Coopératif et par la direction qui s’occupe du développement des petites et moyennes associations au Crédit Coopératif ; donc c’est arrivé comme ça à la Fondation. Et pourquoi est-ce que la Fondation a répondu positivement ? Pour deux raisons : la première raison c’est, effectivement, c’est une communauté de valeurs entre l’April et la Fondation Crédit Coopératif et entre les logiciels libres et ce que cherche à faire la Fondation Crédit Coopératif, puisqu’effectivement, la communauté de valeurs c’est le partage, c’est la solidarité, c’est le militantisme et puis c’est la liberté, tout simplement, puisque, effectivement, les logiciels libres eh bien par définition sont libres ! Et là, en l’occurrence, l’action qui était à soutenir c’était donc la diffusion d’un guide pour les associations et par définition les associations ont toute liberté de création.
Donc il y avait d’une part cette communauté de valeurs. Nous étions très fiers de soutenir cette entreprise, très heureux de voir que l’April avait déjà, depuis plusieurs années, créé un groupe de travail pour travailler sur les logiciels libres pour les associations. C’est donner vraiment les outils de faire de la pédagogie, ça c’était très intéressant. Et donc, ce qui m’amène à la deuxième raison pour laquelle nous avons soutenu ce projet, c’est parce que tout simplement nous aimons les choses pragmatiques, nous aimons les choses utiles aux acteurs de l’ESS. Donc là c’était, effectivement, d’une utilité formidable, je dirais, pour les associations, très directe, très pédagogique, et parce que, effectivement, on avait constaté à l’époque et j’imagine que c’est encore le cas, même si peut-être un peu moins, on avait constaté à l’époque qu’il y avait beaucoup de freins pour que les associations utilisent des logiciels libres et là, ce guide, c’était à la fois parler des logiciels libres et puis donner une sélection de logiciels utiles aux associations.
Clara : Juste, petite question. Pour conclure parce qu’on a Emmanuel Grégoire juste après vous, j’imagine qu’à la Fondation Crédit Coopératif tout le monde est au logiciel libre !
OliCat : Bon, eh bien c’était la question que je voulais poser. Vous en êtes où à la Fondation ?
Claire Besson : Alors pas tout le monde et pas entièrement parce que, effectivement, nous dépendons de systèmes informatiques qui font que nous-mêmes nous faisons partie des gens à convaincre et maintenant peut être faut-il un guide, un guide logiciels libres et fondations.
OliCat : Mais du coup la Fondation est-elle adhérente de l’April ? Ou même le Crédit Coopératif ?
Claire Besson : C’est une bonne question. J’avoue que je n’ai pas vérifié l’adhésion.
OliCat : Vous remplirez le bulletin d’adhésion !
Claire Besson : C’est une très bonne question. C’est vrai que nous avons été très fiers de soutenir l’April en 2012. Nous avons été très fiers aussi de voir que ce guide avait une réelle utilité puisqu’il a été réédité en 2014 et c’est peut-être pour ça que vous avez parlé de la Fondation Macif tout à l’heure, parce que la Fondation Macif a soutenu la réédition du guide.
OliCat : C’est probable !
Claire Besson : Et bon, ça c’est un guide papier, effectivement. Il ne sera sans doute pas réédité comme ça. Mais je suis très heureuse aussi de voir qu’en 2016 il a été donc réédité sous forme dématérialisée avec Framasoft et moi je trouve ça formidable, c’est vraiment la preuve que ce guide est très utile et que nous avons bien fait de le soutenir !
OliCat : Claire Besson merci.
Clara : Merci
OliCat : A bientôt
Claire Besson : A bientôt.
38’ 52 Interview de M. Emmanuel Grégoire
OliCat : Vous êtes à l’écoute Libre à Toi, la radio. Sur le chat c’est en direct https://chat.libre-a-toi.org/. On est au Petit Bain. Clara est toujours à mes côtés, qui est debout cette fois.
Clara : Eh bien oui, je fais Radio debout !
OliCat : Absolument. Tu es Radio debout. Emmanuel Grégoire, lui, qu’on vous avait promis parmi les personnalités éminentes qu’on allait recevoir ce soir. Non je plaisante !
Emmanuel Grégoire: Personnalité éminente !
OliCat : Vous êtes peut-être éminent.
Emmanuel Grégoire: Mais personne ne le sait !
OliCat : Peut-être qu’une fois que je vous connaîtrai, je vous trouverai effectivement éminent. Emmanuel Grégoire, merci d’être passé au studio improvisé de Libre à Toi
OliCat : Merci à vous.
OliCat : Je suis désolé, je n’ai pas retenu votre carte de visite parce qu’elle est assez impressionnante. Alors vous représentez la mairie de Paris aujourd’hui ici.
Emmanuel Grégoire : Oui. Je suis adjoint d’Anne Hidalgo.
OliCat : Voilà, vous êtes adjoint d’Anne Hidalgo. Vous avez notamment dans vos missions, vos prérogatives, la modernisation de l’administration, et plein d’autres trucs. Je pense que c’est plutôt au titre de la modernisation de l’administration qui vous représentez, aujourd’hui, la mairie auprès de l’April. D’abord, effectivement, vous l’avez dit dans votre discours d’ouverture, le logiciel libre et la mairie de Paris c’est une histoire d’amour qui date.
Emmanuel Grégoire : Absolument.
OliCat : Pour autant, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les faits, les choses que la mairie de Paris, dans ses différentes administrations, met en œuvre qui seraient effectivement en accord avec les combats de l’April aujourd’hui.
Emmanuel Grégoire : Oui. Alors écoutez, simplement, c’est une histoire d’amour ancienne parce que ça a été dit depuis longtemps, la ville de Paris a développé des applicatifs, des téléservices en logiciel libre autour d’une plateforme qui s’appelle Lutece et qui comprend de nombreuses briques applicatives. Et pour vous donner un exemple, à la ville de Paris il y a, grosso modo, à peu près 400 applications métier. La ville de Paris est une grande maison, puisque c’est à la fois une commune et un département, donc c’est un champ très vaste qui va du sport, de l’enfance, mais surtout aux compétences départementales, donc tout ce qui est l’action sociale, le développement économique, l’innovation, etc. Sur ces 400 applications métier, un peu plus de 200 sont en logiciel libre, c’est-à-dire autour de cette brique qui s’appelle Lutece, de ce grand système d’information qui s’appelle Lutece. Et, pour être encore plus précis, pour l’accélération de cette dynamique à la faveur du logiciel libre, depuis le début de la mandature, pour prendre des exemples très concrets qui font écho, sans doute, à des choses que les gens connaissent, eh bien le budget participatif, tout a été développé en libre, la quasi-intégralité des téléservices nouveaux sont développés en logiciel libre et pour la grande innovation de la mandature qui est le compte parisien ; le compte parisien c’est à la fois la convergence de l’ensemble des services numériques de la ville de Paris autour d’un identifiant usager unique, mais aussi derrière un back office de gestion de la relation usager, eh bien c’est développé intégralement sous Lutece et je crois que c’est inédit dans le monde que, la GRU, ce qu’on appelle, je le disais tout à l’heure un peu plus vulgairement la CRM [Customer Relationship Management, NdT], est développée en logiciel libre et donc à la disposition des partenaires qui souhaiteront reprendre les éléments.
Donc c’est un engagement technique, financier et philosophique très fort de la ville de Paris.
Clara : Et de longue date aussi ?
Emmanuel Grégoire : Oui, de longue date, puisque c’est dès le début des années 2000 que la ville de Paris a commencé à libérer ses logiciels (libres), parce qu’on faisait du développement en propre, mais a fait le choix philosophique – c’est Bertrand Delanoë qui l’a initié dès le début des années 2000 – de partager ça, et c’est bien l’esprit, de partager pour en bénéficier collectivement. C’est un bien commun et je crois que c’est quelque chose qui vous importe.
OliCat : Absolument. Alors une petite question très directe concernant Lutece et les différents modules ou téléservices que vous développez en libre, ça veut dire que là, aujourd’hui, n’importe qui peut accéder au code source des ces applications, les télécharger et les modifier, et les redistribuer et les utiliser.
Emmanuel Grégoire : Oui, absolument.
OliCat : Et vous avez une plateforme dédiée
Emmanuel Grégoire : Il y a une plateforme dédiée qui est accessible. Je laisse aux techniciens et aux informaticiens les subtilités d’accès à ce type de service. Et c’est d’ailleurs moi, à titre personnel, même une priorité, j’ai souhaité qu’on puisse accélérer la population de Lutece pour que la communauté de développement soit la plus large possible. Et, par exemple, pour vous citer des partenaires qui travaillent sous Lutece, qui est un nom du coup impropre puisque l’intérêt va au-delà de Paris : Météo-France, la ville de Marseille, la ville de Lyon, ont pris Lutece, mais ont eux-mêmes développé des choses et reversé au pot commun des briques que nous-mêmes, derrière, nous récupérons pour en bénéficier.
OliCat : Là on est d’accord, la stratégie est d’essaimer, de faire en sorte que cette dynamique en faveur de la libération du code et du développement de logiciels libres ne se restreignent pas à Paris. Est-ce qu’il existe, justement, des suprastructures qui permettent entre les différentes collectivités de pouvoir échanger sur ces questions ?
Emmanuel Grégoire : Non. Paradoxalement, pas tellement.
OliCat : Et que font les développeurs de Lutece ?
Emmanuel Grégoire : Mais du coup, paradoxalement, c’est l’April qui joue en partie ce rôle en favorisant les contacts avec la communauté. Il faut bien comprendre que la raison stratégique de l’engagement de la ville de Paris en faveur du logiciel libre, elle est triple. La première c’est une question de souveraineté. C’est-à-dire que quand on est un acteur public, que ce soit l’État ou une grande collectivité comme la ville de Paris, nous ne voulons pas, ou éviter autant que possible, de nous retrouver pieds et poings liés avec un éditeur, parce qu’il y en a beaucoup de grande qualité.
OliCat : Mais le jour où il ferme les portes, voilà
Emmanuel Grégoire : Promouvoir le logiciel libre, ça ne veut pas dire critiquer, les éditeurs ; il y a aussi des éditeurs de grande qualité.
OliCat : Oui, tout à fait, absolument.
Emmanuel Grégoire : Mais simplement, autant que possible, sur ce qui est la partie stratégique de nos systèmes d’information, nous souhaitons rester aussi indépendants que possible. La deuxième raison est financière. C’est qu’on fait à chaque fois l’étude et autant que possible, dès lors que c’est le plus intéressant, nous promouvons l’utilisation du logiciel libre. Et la dernière, c’est une question philosophique et c’est aussi une question d’intérêt, c’est l’idée que, en promouvant le logiciel libre, on promeut une communauté de développement. On partage ce qu’on fait et on bénéficie collectivement de ce partage. Et donc, c’est pour ça que, notamment sur la GRU qui est la brique la plus innovante en matière de développement récent à la ville de Paris, nous souhaitons, le plus vite possible, la partager avec le plus grand nombre de collectivités territoriales.
OliCat : OK ! Non, mais je m’attendais à ce qu’il y ait une plateforme commune !
Emmanuel Grégoire : Moi souvent je leur dis. Comment on fait plus de pub, parce que moi, vous savez, je suis un méchant, moi je suis un élu.
OliCat : Forcément ! Là on vous voit.
Emmanuel Grégoire : Je leur dis : « Vous comprenez il faut qu’on soit le plus de développeurs possibles sur Lutece et donc faites de la pub. Faites de la pub pour qu’il y ait le plus de gens possibles. » Donc il y a une plateforme accessible sur Lutece, elle est connue des gens de la communauté qui utilisent déjà Lutece. Mais c’est vrai qu’on peut sans doute faire mieux en termes de communication sur la disponibilité de ces outils-là et l’April y joue un grand rôle.
OliCat : Très bien. Je vous ai entendu parler, dans le cadre de votre discours d’ouverture, de la lutte contre la fracture numérique. Effectivement, il y a 20 ans, on pouvait parler de fracture numérique, aujourd’hui on parle plutôt de fracture des usages, puisque accéder au numérique aujourd’hui est assez aisé ou en tout cas, ça s’est popularisé. On sait qu’il existe des structures publiques, les EPN [Espace Public Numérique, NdT] – ça a été cité d’ailleurs par Frédéric Couchet – qui, parce qu’on a eu l’occasion dans le cadre des activités de Libre à Toi de travailler avec certains d’entre eux, sont aujourd’hui en difficulté. À Paris on avait des chiffres, mais je ne les ai plus en tête tu te souviens Clara ?
Clara : Il me semble qu’il y avait 20 EPN, et qu’il n’y en avait plus que 16 et que la moitié des EPN allait encore disparaître. Il n’en resterait plus que 7.
OliCat : Là sur 2017 ?
Clara : Sur 2017, il devrait en rester moins de 10, peut-être même…
Emmanuel Grégoire : Moi je ne sais pas, je n’ai pas les chiffres précis en tête, parce qu’il ne s’agit pas d’acteurs publics en réalité, il s’agit d’acteurs, pour la plupart associatifs, et donc beaucoup d’entre eux relèvent de la Fédération nationale des centres sociaux.
OliCat : En tout cas dont la création a été initiée.
Emmanuel Grégoire : Absolument. Et il y a eu, en fait, une évolution du besoin. D’abord ce sont des acteurs très importants qui occupent une place centrale et qui ont occupé une place centrale dans le développement, la popularisation des outils numériques.
OliCat : Informatiques, oui.
Emmanuel Grégoire : Simplement on est face à une difficulté qui, du coup, par répercussion, peut avoir des conséquences difficiles pour ces structures. D’abord, moi je considère que quand on est une collectivité territoriale, pour ce qui relève de la fracture numérique et de la médiation numérique, on doit aussi assumer nos responsabilités. Et donc nous avons souhaité à la ville de Paris monter en gamme, on va dire ça comme ça, autour de la facilitation numérique pour accompagner les usagers, notamment ceux qui sont les plus exclus de ces usages numériques. D’ailleurs, pour être très franc, on retrouve les mêmes populations que celles qui avaient déjà du mal à accéder aux services publics physiques.
OliCat : Absolument !
Emmanuel Grégoire : C’est-à-dire on trouve une barrière culturelle, linguistique, des personnes en situation de handicap, qui avaient des problèmes pour accéder aux services publics, en général, et pas plus ou pas moins aux services numériques. Et donc, notamment, on a développé à la ville de Paris, tout un service public de facilitation numérique qui a été expérimenté dans plusieurs mairies, dans quatre, dans lequel nous avons testé plusieurs choses, à la fois des dispositifs techniques – qu’est-ce qu’il est le plus satisfaisant pour aider les usagers à utiliser nos propres téléservices, nos services numériques ? Deuxièmement, à organiser physiquement l’accueil des usagers pour permettre ça, parce qu’il y a à la fois le besoin d’être accompagné, mais aussi un besoin de confidentialité, donc on a testé des choses. Et troisièmement quelle est la formation qu’on doit donner à nos agents pour accompagner ça.
Après il y a le vrai sujet que vous évoquez et c’est vrai qu’il crée des difficultés parce que le contexte budgétaire est complexe, etc., qui est celui de l’inclusion numérique. L’inclusion numérique c’est, au-delà de aider les usagers à utiliser nos services numériques, c’est plutôt la mission citoyenne d’un acteur public qui est la ville de Paris. Comment a ville de Paris aide les usagers à mieux s’adapter à cette transformation numérique de la société ?
OliCat : Oui, parce qu’aujourd’hui les services publics sont dématérialisés.
Emmanuel Grégoire : Exactement. Mais même pas que les services publics. C’est évidemment chercher du boulot et ne sont pas concernés que les acteurs publics. Chercher du boulot, chercher une maison, les vacances.
OliCat : Absolument, c’est la CAF.
Emmanuel Grégoire : C’est la CAF.
Clara : Sur le travail toutes les agences Pôle emploi ont des ordinateurs à disposition, c’est vrai que…
Emmanuel Grégoire : Absolument. Même faire ses courses, acheter. Voilà il y a plein de sujets. Et pour ça les EPN ont rempli une place essentielle, à nos yeux un peu moins récemment, mais certains d’entre eux pourront avoir une place centrale. Et hier même, avec ma collègue Dominique Versini, puisque c’est Dominique Versini au titre de la dimension sociale de sa délégation qui travaille là-dessus avec moi, nous avons lancé le premier temps de la construction d’un schéma stratégique pour l’inclusion numérique, dans lequel, en discutant avec les acteurs, nous allons essayer de définir les meilleurs outils, les meilleures méthodes pour favoriser l’inclusion numérique. Et pour vous donner un exemple très précis sur les EPN, hier j’ai répondu, sans doute un peu rapidement, à une question qui m’avait été posée par un EPN, qui me disait : « Est-ce vous envisagez le chèque numérique ? » J’avais déjà réfléchi à cette question. J’étais plutôt sur le non, parce que, pour moi, le chèque numérique a un défaut c’est que c’est une nouvelle forme de financement et ça veut dire qu’on se préoccupe d’abord du financement avant de se préoccuper de l’usager et de ce qu’on doit faire. Or, je dis que j’ai répondu un peu vite, parce que j’y ai re réfléchi hier soir – parce qu’on a toujours des moments où on peut réfléchir un peu plus – je me suis que ça méritait peut-être qu’on en discute un peu plus parce que ça au moins un avantage, le chèque numérique, c’est que ça cible très précisément la prestation que l’on veut donner à quelqu’un en particulier. On en a rediscuté avec Dominique Versini, ça fait partie du champ de possibles que nous allons évoquer. Oui, c’est vrai, les EPN ont besoin d’être réassurés dans leurs missions, dans leurs modes de financement. Évidemment les décisions que nous avons prises sont difficiles, je le regrette mais le contexte est difficile. Mais nous allons discuter avec eux.
OliCat : Mais ils s’exprimaient politiquent. On nous expliquait que, à la mairie de Paris en l’occurrence, puisqu’il était question d’EPN parisiens, d’abord il y avait un élu qui était consacré, enfin qui se consacrait à la gestion des EPN et puis, pendant une mandature, il a complètement disparu et puis, à la mandature suivante, il y a eu quelqu’un qui pouvait avoir dans le champ de ses compétences la gestion de ces EPN. En fait, ils ont eu l’impression d’être complètement abandonnés. Mais ce que j’entends aussi dans ce que vous dites…
Clara : Surtout qu’il y a un point qu’on n’a pas abordé, quand même, par rapport aux EPN, c’est la mission d’intégration sociale.
OliCat : Mais c’est ça, justement, c’est ce que j’allais dire.
Emmanuel Grégoire : Ils ne la remplissent pas, vous le savez aussi, ils ne la remplissent pas du tout de la même façon, parce qu’ils n’ont pas tous exactement la même vocation historique.
OliCat : Absolument.
Emmanuel Grégoire : Le même type d’usagers qui les fréquentent. Je les connais bien les EPN. Vous avez raison il y a eu un petit glissement qui traduit aussi des priorités, qui traduit aussi l’air du temps. Les EPN, avant, étaient dans le secteur social, avant 2008. À partir de2008, c’est Jean-Louis Missika, au titre de la délégation innovation universités recherche, qui s’en est occupé, je le sais, j’y étais très impliqué. E pendant cette mandature, en 2014, on retrouve une priorisation sociale, puisque c’est ma collègue Colombe Brossel, au titre de la politique de la ville qui a récupéré la supervision des EPN.
Il faut aussi comprendre, et ça nous on l’assume et parfois c’est difficile, que par moments nous identifions des priorités. La priorité 2008/2014 c’était accélérer la transformation numérique de la société. Aujourd’hui, il nous semble que la priorité c’est plutôt les grands exclus de l’accès aux services numériques et donc ça nous impose un peu de tâtonnement pour l’instant. Hier, je vous dis, on a lancé les travaux sur ce schéma stratégique. Je m’excuse que ça prend toujours un peu de temps. On prend du temps parce que tout ça coûte de l’argent et donc on veut être sûrs que ça remplisse les objectifs politiques qu’on se fixe collectivement. Mais clairement, aujourd’hui, notre priorité c’est deux choses : c’est l’inclusion c’est-à-dire pour toutes les populations qui sont les plus exclues socialement et la facilitation numérique, parce que nous accélérons la transformation numérique de la ville de Paris, c’est notre devoir d’accompagner les citoyens pour ne pas les laisser au bord de la route en termes d’accès aux services publics parisiens.
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OliCat : Mais là, malheureusement, on est sur une vraie volonté, une vraie dynamique, moi je suis tout à fait enclin à vous croire et j’entends parfaitement votre propos et je comprends aussi que les EPN se sont peut-être endormis sur leur mission initiale et n’ont pas, non plus, bien géré et voilà. Mais on est à Paris, là. Comment ça se passe dans les autres villes ? Comment cet accès et cette résorption de cette fracture véritable des usages dans le cadre d’une citoyenneté de plus en plus dématérialisée – aujourd’hui exister, avoir un compte Pôle emploi, enfin voilà, être au chômage ou travailler ou, comme vous disiez, faire ses courses ça implique, alors vous, je sais, vous êtes élu municipal, vous êtes élu parisien, je ne vais pas vous interroger sur la politique globale – mais comment vous imaginez que l’ensemble puisse devenir cohérent ?
Emmanuel Grégoire : Si vous voulez c’est aussi une bonne nouvelle. C’est qu’il y a beaucoup d’acteurs. Pendant longtemps les EPN ont eu un rôle quasiment exclusif en termes d’inclusion numérique. Et la bonne nouvelle c’est que beaucoup d’acteurs se sont rendu compte qu’ils devaient aussi faire ça. Je vais vous citer plusieurs exemples, mais la ville de Paris a développé « Ma mairie Mobile » qui est un bus dans lequel on va le plus proche possible des populations qu’on considère exclues pour les accompagner là-dessus. Il y a les PIMMS qui ont pris un rôle croissant en matière d’inclusion numérique.
Clara : Qu’est-ce que c’est les PIMMS ?
Emmanuel Grégoire : Les PIMMS, c’est le point d’information médiation multiservices, c’est une association qui regroupe l’assurance maladie, la CAF, EDF, la Poste, la ville de Paris, dans lequel on essaye de prendre un usager dans le sens transversal pour l’aider sur les problèmes qu’il peut avoir avec l’administration et, notamment, sur la médiation numérique, remplir les dossiers.
Clara : Donc c’est une prise en charge globalisée, globale d’une personne.
Emmanuel Grégoire : Globale. Absolument. Moi je crois beaucoup que les acteurs publics doivent s’adapter aux usagers et donc en matière de médiation, pas que numérique d’ailleurs, mais en matière de médiation sociale, pour les populations les plus exclues, ils doivent faire des guichets qui sont capables de répondre à la globalité de leurs problèmes, parce que si on continue à les envoyer au guichet municipal, au guichet social, au guichet, parce que le département avait des guichets particuliers, à la Poste, à la médiation de l’assurance maladie, etc., ça ne peut pas fonctionner. Et puis aussi parce que des grands acteurs des politiques sociales, de l’accompagnement social, je vais prendre un exemple parmi tant d’autres Emmaüs Connect, beaucoup ont développé des services d’accompagnement numérique et donc nous, on essaye, toujours imparfaitement, je le reconnais, mais on essaye d’accompagner l’évolution de l’écosystème et en se posant la question, en essayant des choses, parfois en faisant des erreurs, de trouver la meilleure solution pour ce qui nous semble être la priorité. Et la priorité, en ce moment, c’est l’inclusion des grands exclus en matière de numérique.
Clara : Alors Marie-Odile avait deux questions sur le chat.
Emmanuel Grégoire : Bonjour Marie-Odile.
OliCat : Marie-Odile, c’est une fervente de l’April.
Clara : Et donc le ne pouvait pas venir vu qu’elle est en Italie, ai-je compris. Donc les questions qu’elle avait c’était de revenir plus en détail sur le chèque numérique. Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que ça recouvre ? Comment ça se présenterait si ça se mettait en place ? Et puis, la deuxième question, c’était aussi par rapport aux écoles de la ville de Paris.
OliCat : C’est marrant, parce que ça c’est une question que j’allais poser.
Clara : Comment se mettait en place le logiciel libre dans les écoles. Moi j’avais une autre question, qui était un peu similaire, sur les bibliothèques municipales. Est-ce que la ville de Paris a contribué à mettre en place la plateforme ?
Emmanuel Grégoire : Oui. Enfin je vais répondre dans le désordre, alors. La bibliothèque oui, pour une raison simple, c’est que c’est intégralement des services publics municipaux. Donc évidemment ! Et c’est un service dont on est très fiers parce que je crois qu’il y a eu, ces dernières années, une montée en gamme importante en termes de qualité pour les usagers et les agents. On a beaucoup simplifié le système, c’est devenu assez simple.
OliCat : C’est génial !
Emmanuel Grégoire : Les retours qualité sont plutôt sympas
OliCat : Je suis d’accord. C’est vraiment très bien.
Emmanuel Grégoire : Sur les écoles. Je vais finir par les écoles parce que c’est sujet le plus complexe. Le chèque, pour être très clair, il y a différentes formes qui existent. Mais globalement ça consiste à cibler une aide publique financière, sous forme de chèque à valeur monétaire, mais dont on dit : « On ne vous donne pas de l’argent et vous en faites de ce que vous voulez », c’est « on vous donne un potentiel d’achat pour une prestation qui, en l’occurrence, est de l’accompagnement, de la formation, etc ». Et l’intérêt c’est que, ce que je disais tout à l’heure, c’est que vous êtes sûr que vous ciblez l’aide sur un segment particulier dont vous considérez que c’est un besoin social. Et c’est aussi, je le crois, c’est pour ça que beaucoup de structures associatives sont intéressées, elles voient un moyen de relais de financement basé sur l’activité qu’elles mettraient en œuvre pour faire ça, à une époque où beaucoup de ces structures fonctionnaient à la subvention.
OliCat : Ce n’est plus trop la mode, là.
Emmanuel Grégoire : Ce n’est plus trop la mode, parce qu’il y avait des glissements, c’est-à-dire que des acteurs faisaient plein de choses, et vous donniez des subventions, et quand vous financiez un nouveau programme eh bien vous observiez, deux ans après, que tout l’argent que vous aviez mis sur ce nouveau programme n’était pas forcément mobilisé pour ça. Bref, c’est un problème inhérent à toutes les structures financées de cette façon, avec des avantages et des inconvénients, mais le chèque, voilà. Je n’étais pas fan, à priori. Je souhaite qu’à la ville de Paris on y réfléchisse un petit peu plus.
Clara : Mais ce serait des montants variables selon les besoins ?
Emmanuel Grégoire : Oui en fonction des besoins, des lieux, des publics, etc.
OliCat : C’est un travail avec les EPN, en fonction, justement de ce qu’ils sont.
Emmanuel Grégoire : Pas que les EPN.
OliCat : Ça peut aussi se travailler avec les EPN.
Clara : Ça veut dire aussi que les associations peuvent chiffrer les services qu’elles rendent et ce n’est pas toujours facile.
Emmanuel Grégoire : Absolument. Il faut que les associations puissent avoir des justes financements de leurs coûts de structure. C’est une évidence. Parce que la baisse des subventions, les conduit sinon mécaniquement à des impasses budgétaires que chacun comprend bien.
Sur l’école, c’est plus compliqué parce, que l’école, comme vous le savez, est sous double responsabilité historiquement : une responsabilité Éducation nationale pour, grosso modo, tout ce qui touche à la pédagogie et à la prise en charge des personnels de l’Éducation nationale. Et la ville, les villes historiquement, avaient une mission c’était de construire les écoles et les entretenir. Voilà.
OliCat : Les structures.
Emmanuel Grégoire : Exactement, les structures. Ça a beaucoup évolué, suite à la réforme des rythmes scolaires, parce que, via la mise en place de l’aménagement des rythmes éducatifs, eh bien les villes ont été amenées, à la fois parce qu’elles devaient gérer du temps périscolaire en plus, mais aussi parce qu’il y avait une demande des parents d’un service public de qualité à s’intéresser un peu à des domaines qui ne touchent pas la pédagogie – je n’oserais pas dire ça, sinon je me ferais tirer les oreilles – mais qui touchent en tout cas à des domaines un peu lus intéressants que construire des murs et les peindre ensuite. Et notamment, évidemment, le numérique a une place centrale. Moi je vais être très franc je trouve que l’Éducation nationale, malgré les efforts considérables qui ont été faits ces dix dernières années, a un retard stratosphérique en matière de pédagogie de transformation numérique sur les méthodes d’enseignement, sur les niveaux d’équipements, parce que c’est bien gentil de demander aux profs de faire de l’enseignement à la transformation numérique, etc., mais enfin on ne leur donne juste pas d’ordinateurs, etc.
OliCat : C’est ça.
Emmanuel Grégoire : Évidemment, si on veut leur demander ça, il faut aussi y mettre les moyens conséquents. Mais bon, l’Éducation nationale a mis en place des plans d’investissement numérique avec des appels à projet, il y a plein d’appels à projets sur les équipements en classe, comment utiliser la tablette. Il y a par ailleurs des vraies interrogations de fond et je suis totalement incompétent sur la question, sur quelle est la juste place du numérique en matière d’enseignement. Est-ce que, en gros, on doit prendre acte que tous les enfants ont accès à des portables et donc basculer là-dessus ? Ou est-ce que le rôle de l’école ce n’est pas, un peu, de tempérer ça et de garder, quand même, certains un garde-fous par rapport à la surexposition des enfants aux écrans.
OliCat : Aux écrans.
Emmanuel Grégoire : Qui est un vrai problème de santé publique et peut-être même un problème cognitif. Et la ville a souhaité engager aussi des moyens en matière de numérique. D’abord nous entretenons le parc informatique de la plupart des écoles avec des dotations en ordinateurs, pas assez, c’est vrai, mais ma collègue Alexandra Cordebard qui s’occupe de tout ça, a présenté un plan d’accélération des équipements, de renouvellement des équipements, et là-dessus quelle est la place du libre ?
OliCat : C’est ça, parce que, au-delà de l’équipement, il y a ce qu’il y a dedans !
Emmanuel Grégoire : Absolument. L’équipement, si vous voulez, c’est toujours le truc ! Les parents d’élèves vous disent : « Eh bien moi je vous donne mon ordinateur, j’ai un ordinateur dans ma cave, il ne sert plus ». Le problème c’est que s’il est dans la cave, c’est bien généralement parce qu’il est un peu vieux et donc il n’y a pas de raison que nous on s’en serve beaucoup mieux qu’eux s’ils y ont renoncé, donc ce n’est pas toujours la bonne solution. Mais, incontestablement, dans les équipements des ordinateurs, on a cette réflexion en permanence, on a le souci d’essayer d’éduquer les enfants à d’autres standards que uniquement les big??? comme on dit, avec lesquels ils sont familiers. Sans non plus les couper parce que sinon ça les éloignerait un peu de la vraie vie, parce que la réalité…
OliCat : C’est un peu compliqué parce les enseignants, eux-mêmes, grâce au contrat entre l’Éducation nationale et Microsoft, sont éduqués, enfin biberonnent du logiciel propriétaire, donc c’est compliqué de transmettre autre chose quand même, non ?
Emmanuel Grégoire : Absolument. Après, si vous voulez, moi je pourrais vous faire croire que je condamne le truc, etc., ce serait facile en étant à cette soirée. Ce n’est pas ça que je pense parce la réalité c’est qu’une fois qu’on a pris des positions de principe il faut aussi développer tout ça. Si vous mettez un Ubuntu, un Linux devant quelqu’un qui n’a jamais été formé à ça, il va juste vous regarder en vous disant : « Mais qu’est-ce que tu fais là ! » Donc derrière le développement des logiciels libres…
Clara : Vous exagérez un peu peut-être !
Emmanuel Grégoire : Non ! Mais Je vous le dis !
OliCat : C’était vrai il y a quelques années, ça l’est beaucoup moins.
Clara : C’est quand même clefs en main. On allume un ordinateur sous Ubuntu, c’est comme s’il était sous Windows ou sous Mac ! Il ne faut pas…
Emmanuel Grégoire : Non ! Je vous assure, ce n’est malheureusement pas aussi simple que ça. Et pour vous donner un exemple précis, à la ville de Paris, on a trente mille ordinateurs avec une suite bureautique que vous connaissez très bien, je n’ai même pas besoin de la citer.
Clara : Avec Office ?
Emmanuel Grégoire : Voilà, avec Office connu.
Clara : 2011 ou 2015 ?
Emmanuel Grégoire : Non, non un vieux justement.
Clara : Un vieux ? 2007 ?
Emmanuel Grégoire : Et donc la question va être de le renouveler et j’ai demandé à ma DSI d’explorer le champ des possibles. Moi je n’ai aucun a priori, je vais vous dire je, suis quelqu’un de très ouvert, si on me convainc que ça fonctionne, etc. Simplement on s’alerte collectivement.
OliCat : La gendarmerie l’a fait.
Clara : L’Assemblée nationale aussi. Non, mais l’Assemblée nationale aussi, ils sont passés…
Emmanuel Grégoire : Oh j’ai dû voir quelques postes à l’Assemblée nationale et je suis familier du lieu, qui n’étaient pas tous sur d’autres OS que celui auquel on pense.
OliCat : Donc allez-y, excusez-nous. Je vous écoute.
Emmanuel Grégoire : Simplement, quand on fait des migrations sur d’autres suites logicielles, que ce soit d’ailleurs des suites propriétaires ou des suites libres, ça demande de la préparation, de l’anticipation et de la formation.
OliCat : Il y a de la conduite de changement, c’est évident.
Emmanuel Grégoire : Exactement. Et donc il faut faire de la formation, de la popularisation, c’est d’ailleurs la mission de l’April de le faire, expliquer aux administrations. Parce que, si vous voulez, l’un des écueils, quand même, parfois, du choix du libre quand il est formulé, notamment par certaines administrations centrales, c’est qu’il n’est pas fait pour faire du libre, il est fait pour que ça coûte moins cher. Et je ne suis pas convaincu que ce soit toujours une très bonne idée.
OliCat : Et c’est une erreur, en fait. Mais absolument, c’est une erreur.
Emmanuel Grégoire : Moi j’ai plutôt un tropisme pro libre philosophique, mais après, il faut que ça se fasse dans des conditions organisationnelles, opérationnelles, qui soient soutenables pour la continuité des services en général et du service public en particulier. Mais oui, et notamment c’est une mission de l’April, d’essayer de faire découvrir tout ça aux agents publics, aux administrations, pour les rassurer. Et moi je suis convaincu que oui, dans la suite bureautique dont a besoin quelqu’un qui a une mission de secrétariat, peut-être que l’intégralité des fonctionnalités et de développement en VBA ne s’impose pas.
OliCat : Non, absolument !
Emmanuel Grégoire : Et que justifier, centrer, mettre en gras et en italique peut suffire. Quand on sait que, par ailleurs, il y a des logiciels de bureautique libres qui ont des puissances extrêmement importantes.
Clara : LibreOffice, c’est beaucoup plus stable, d’ailleurs.
Emmanuel Grégoire : Moi je suis un client, donc je n’ai pas d’avis. Mais c’est incontestablement une voie qu’il faut explorer et on le fera dans les mois et années à venir.
OliCat : Vous nous assurez que la dynamique est là, en tout cas.
Emmanuel Grégoire : Oui, elle est réelle.
Clara : Juste pour chiffrer sur le parc informatique de la ville de Paris, trente mille postes, ils sont tous, donc, en Windows ? C’est ça ?
Emmanuel Grégoire : 100 % moins deux postes.
OliCat : Dont le vôtre.
Emmanuel Grégoire : Par contre, ce n’est pas le cas sur les serveurs. Par exemple, sur les serveurs, on est à deux tiers, deux tiers des serveurs fonctionnent en logiciel libre, ce qui est déjà pas mal dans une administration.
OliCat : Non, non, effectivement, mais c’est un peu ça. Dans le monde deux tiers des serveurs sont sous logciel libre.
Emmanuel Grégoire : On est juste moyens !
OliCat : Merci Emmanuel Grégoire.
Emmanuel Grégoire : Merci à vous.
OliCat : J’espère qu’on ne vous a pas trop ennuyés.
Emmanuel Grégoire : Non, non, c’est très bien vous êtes là pour ça.
OliCat : Et très belle soirée à vous.
Emmanuel Grégoire : Merci à vous.
OliCat : À bientôt.
1 h 09’ 24 Interview de M. Ludovic Dubost
OliCat : Vous êtes à l’écoute de Libre à Toi, la radio. Tu vas mettre un casque. Tu vas prendre un micro. Bonjour à toi. Qui es-tu ?
Ludovic Dubost : Je suis Ludovic.
OliCat : Ludovic. On est, Ludovic, avec toi, à cette soirée d’anniversaire, ce sont les 20 ans de l’April que nous fêtons ce soir au Petit Bain. Alors tu fais quoi toi, Ludovic ?
Ludovic Dubost : En fait, je suis donc Ludovic Dubost et je suis président-fondateur de XWiki.
OliCat : Ah ! Mais ça veut dire que nous avons une éminente personne avec nous ce soir.
Ludovic Dubost : C’est vite dit !
OliCat : C’est vite dit ! Alors explique-nous. C’est quoi ta structure, d’ailleurs. Je ne la connais pas.
Ludovic Dubost : XWiki c’est un éditeur de logiciels libres, qui existe depuis douze ans et qui fait, comme son nom l’indique un petit peu…
OliCat : Du wiki.
Ludovic Dubost : Un wiki et un wiki pour les entreprises, donc 100 % libre. C’est une entreprise qui fait quand même 35 personnes aujourd’hui, donc qui a un peu de poids et qui a des utilisateurs dans le monde entier.
OliCat : Pourquoi l’April ? Vous êtes adhérent ?
Ludovic Dubost : On est adhérents et on sponsorise l’April depuis assez longtemps, au moins cinq ans depuis qu’on a un peu de sous, depuis qu’on a les moyens. D’abord parce que oui, l’April défend nos intérêts, défend l’intérêt du logiciel libre et donc c’est quelque chose qui, pour nous, est important. Parce que le logiciel libre c’est un engagement aussi de notre côté. Déjà c’est quelque chose quand j’ai créé XWiki, je l’ai créé sous forme de logiciel libre dès le début. Donc c’était un projet d’entreprise et un projet d’entreprise libre en même temps.
OliCat : Ce qui est intéressant c’est que du coup avec toi, Ludovic, on va pouvoir aborder l’économie du logiciel libre. Pourquoi déjà te transformer en société et quel type de société tu as fondé autour de la production de ce logiciel libre ? Et quel est le modèle économique que tu as retenu ? Est-ce que c’est le classique qui consiste à donner le code et à vendre du service autour, du support notamment, de l’installation, du développement à la demande de modules ? Est-ce que, si c’est le modèle que vous avez retenu, ces modules sont eux aussi reversés dans le logiciel libre ou restent privatisés à l’entreprise pour laquelle vous les avez développés ? Bref, des thèmes intéressants qu’on va pouvoir évoquer, Ludovic.
Ludovic Dubost : Effectivement ce sont des thèmes assez intéressants. En fait, quand j’ai créé Xwiki, je n’avais pas forcément d’à priori. Finalement, je ne connaissais pas assez. C’est-à-dire que j’ai découvert en marchant.
OliCat : Comme beaucoup. Nous aussi on découvre en marchant.
Ludovic Dubost : Et donc d’abord je l’ai fait libre par conviction que le libre changeait quelque chose.
OliCat : En quelle année d’année d’ailleurs ?
Ludovic Dubost : En 2004. J’ai commencé le logiciel en 2003 et j’ai créé la société en 2004. Déjà, pour moi c’était une évidence, parce que déjà les wikis c’était une invention du libre. Et les wikis me passionnaient, je les ai utilisés en tant qu’ingénieur, directeur technique d’une boîte, et c’était un peu une évidence de dire je vais prendre des idées du libre, il faut peut-être que je le fasse en libre. D’ailleurs au début je me disais le collaboratif m’intéresse, les problématiques collaboratives m’intéressent, on va le faire en libre, c’était aussi ça. Après, finalement, c’était de dire faire notre propre logiciel c’est venu assez rapidement derrière. Mais au départ, en fait, je m’étais posé la question de, je suis un peu perdu dans ce que je voulais dire, je l’ai oublié, je l’avais en tête, je l’ai oublié. Donc au début, j’ai mis le logiciel en libre sur l’aspect wiki. Et je voulais voir un peu déjà si ça intéressait les gens. Et en fait pourquoi le libre aussi ? C’est parce que j’avais vu des sociétés comme Red Hat se monter, des sociétés comme JBoss se monter et en tant que personne qui utilisait des logiciels en fait, j’avais été dans une société qui avait vécu cinq ans et on avait fait des choix techniques au début de ces cinq ans et j’avais regardé, à la fin des cinq ans, est-ce qu’on aurait fait des choix différents. Et finalement la seule qui aurait changé dans ces choix techniques, c’était le libre. C’est-à-dire que tous les choix qu’on avait fait cinq ans avant, eh bien si on les avait refaits cinq ans plus tard, on n’aurait pas mis du Oracle on aurait mis du MySQL, on n’aurait pas mis du Sun, on aurait mis du Linux, etc.
OliCat : Au bout des cinq la société aurait peut-être vécu, c’est ça ?
Ludovic Dubost : Non, ça n’aurait peut-être pas changé forcément grand-chose.
OliCat : Tu ne sais pas.
Ludovic Dubost : Mais en tout cas on aurait fait différemment
OliCat : Ç’aurait été des orientations
Ludovic Dubost : Ç’aurait été des orientations techniques différentes, Ça n’aurait pas forcément changé son business pour autant. On faisait des statistiques, nous, en fait la société où j’étais avant, et elle a fini chez Nielsen dans une boîte de statistiques. Et donc je m’étais dit il y a quand même quelque chose qui se passe au niveau déjà technologique. Et donc ça m’a amené à le faire en libre. Après j’ai fait le logiciel et après on faisait un logiciel applicatif, et ça c’est différent. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de technologie libre, il s’agit d’une application libre. Et ça c’est un métier qui est différent et d’ailleurs, les logiciels libres ils gagnent beaucoup typiquement, Linux, etc. Bon, après tout le monde n’en vit pas forcément. Tous les gens qui ont créé ces logiciels libres, la Fondation Apache, tous les modules qu’on peut trouver chez la Fondation Apache, il n’y a pas forcément des entreprises derrière à chaque fois, qui sont derrière chacun des logiciels. Maintenant, sur un applicatif, on est encore sur autre chose. On est sur quelque chose qui va être mis dans les mains des utilisateurs. On n’est pas sur une brique logicielle utilisée par les autres éditeurs de logiciels. Nous on s’adresse directement à un utilisateur final. Et alors ça a été un challenge. On a développé en libre. C’était un modèle de développement et d’interaction avec les utilisateurs et les autres développeurs pour comprendre si on faisait un bon logiciel.
OliCat : Et la communauté donc du coup, qui pouvait émerger autour de ce logiciel.
Ludovic Dubost : Ça, ça a bien marché dès le début et j’ai eu des contributions, j’ai eu des gens qui m’ont aidé. Des gens trouvaient ça intéressant, ont dit : « Je peux aider, je peux faire un bout du logiciel. » Au début j’ai eu beaucoup d’aide et ça a doublé, triplé les capacités de développement des premières années. Après quand j’allais face au client, la problématique libre, n’était pas…
OliCat : Tu vas trop vite. Parce que là tu passes déjà au moment où tu avais créé la société autour de ce logiciel. Quel type de société ?
Ludovic Dubost : Une société normale : SA, SAS, à l’époque SARL ; maintenant c’est une SAS. Société normale m’appartenant, voilà !
OliCat : Avec quelle cible en fait ? Les entreprises ? Les particuliers ?
Ludovic Dubost : L’entreprise. Nous c’est une cible vraiment entreprise. J’avais regardé un peu est-ce qu’on peut faire des wikis publics sur Internet et j’avais éliminé, un peu, cette possibilité.
OliCat : Il se passe quelque chose là. Parenthèse. Eh bien oui ce sont les 20 ans de l’April, normalement on va être interrompus.
1 h 16 55
Gâteau d'anniversaire
1 h 24' 22
OliCat : Allez, on revient en direct, enfin on était déjà toujours en direct d’ailleurs, mais on revient dans le vif des sujets intéressants. Pardon ? Non ça va je ne vais pas m’asseoir, je vais rester debout. Ça me rappelle la Place de la République tout ça c’est plutôt sympa. Mais je ne t’entends pas Clara.
Clara : C’est normal, j’avais oublié le micro !
OliCat : Ah ! C’est pour ça ! Forcément ça ne marche pas bien. On pourra retenir de cette soirée de l’April, quand même, l’excellent choix de bières.
Clara : Oui, efficace.
OliCat : Efficace. Absolument ! Ludovic on reprend. On en était au moment où, en 2004, après un an de développement du logiciel, c’est ça ?
Ludovic Dubost : Non quelques mois, en fait !
OliCat : Quelques mois ?
Ludovic Dubost : Le développement a commencé en août/septembre et puis la boîte a été créée en juillet, donc neuf mois.
OliCat : Avec un wiki, Xwiki. OK ! Avec un cible entreprises.
Ludovic Dubost : Entreprises.
OliCat : Donc j’imagine qu’il y a tout un discours autour de l’intérêt qu’une entreprise pourrait avoir à acquérir ce wiki. C’était quoi le discours ? C’était collaboration ?
Ludovic Dubost : Mieux gérer l’information dans l’entreprise.
OliCat : Qu’est-ce qui vous différenciait d’une GED par exemple ?
Ludovic Dubost : Justement un des points c’est d’essayer de faire sortir les gens de la GED.
OliCat : Explique aux auditeurs de Libre à Toi qui ne savent pas ce que c’est qu’une GED.
Clara : Et à moi aussi, parce que je ne sais pas.
OliCat : Et Clara non plus ne sait pas.
Ludovic Dubost : GED c’est gestion électronique de documents. Déjà c’est assez avancé, parce que, en fait, l’entreprise moyenne n’a même pas de GED. Elle a des fichiers qu’elle échange par mails, et malheureusement on est en 2017 et c’est encore le cas.
OliCat : Absolument ! Et le leader de la GED reste Affresco aujourd’hui ?
Ludovic Dubost : Ouais, c’est Affresco maintenant en GED ou Nuxeo qui marche pas mal aussi.
OliCat : Ouais, c’est vrai.
Ludovic Dubost : Mais Affresco est probablement un des plus importants. Mais en 2004, il n’y avait même pas de GED. Il y avait un peu de SharePoint, ça commençait.
OliCat : Déjà !
Ludovic Dubost : Ouais, je crois qu’il y avait un truc.
OliCat : Microsoft ! Ah ils étaient forts !
Ludovic Dubost : Microsoft proposait déjà de la gestion de vos fichiers en ligne. Déjà quand les entreprises ont SharePoint, elles ne l’utilisent pas tant que ça, en fait. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas très contents et ils continuent à s’échanger tout par mails.
OliCat : C’est vrai. Ou avoir un Drive Google !
Ludovic Dubost : Maintenant il y a Drive Google.
Clara : Excusez-moi parce que là vous parlez un peu geek, c’est comme le cloud ?
Ludovic Dubost : Ça peut être en cloud.
Clara : Ça peut ? C’est un peu l’idée.
Ludovic Dubost : À l’époque ça ne l’était pas c’était pas. À l’époque c’était un disque partagé sur le réseau local.
OliCat : En fait, c’est un système de centralisation de la documentation.
Clara : D’accord ! Ah oui, mais si, mais je connais, parce que j’ai bossé en entreprise !
OliCat : Avant d’être exploitée par Libre à Toi ! Tu as bossé !
Clara : Non, mais on avait, c’était le dossier public !
Ludovic Dubost : C’est ça, le dossier public dans lequel met des fichiers et on crée des dossiers, des sous-dossiers et on met des fichiers. Le problème de ça, en fait, c’est que ça fait des silos d’informations. En fait chaque fichier est une sorte de mini silo. Les gens ne sont encouragés à créer un fichier que s’ils ont une quantité de contenu non négligeable à mettre dans le fichier et il ne va mettre un phrase. Ils ne vont pas faire un document avec un paragraphe, ça n’a pas de sens. Ils vont le faire par mail. Ça crée plein d’informations disparates envoyées un peu partout et puis, après, de temps en temps des gros fichiers, mais qui ne sont pas connectés entre eux.
OliCat : Du coup, c’est la dispersion des compétences aussi.
Ludovic Dubost : Et derrière, c’est la connaissance, la compétence c’est encore peut-être autre chose. C’est le fait de savoir qui sait faire quoi dans la boîte, etc. Mais c’est vraiment la dispersion de la connaissance, il y a des gens qui savent des choses, ils vont les mettre éventuellement dans des fichiers. En fait, rapidement avec les fichiers, les gens sont découragés d’aller regarder dedans. Ils ont les fichiers, ils sont là, on les a créés à un moment donné, mais personne ne va jamais regarder dedans parce qu’ils sont découragés sur le fait qu’on les trouve.
Après les entreprises ont investi beaucoup dans les moteurs de recherche pour essayer de rendre ça un peu meilleur, mais en fait ça ne marche pas tant que ça. Et alors les wikis cassent un peu ce système-là et ils arrivent sur l’idée de dire « eh bien vous allez déjà être plus encouragés à créer peu de contenu rapidement et à le faire collaborativement, à faire évoluer le document que les autres créent », et ça, ça fonctionne vraiment. Et moi je j’ai vu fonctionner avant, en fait en faisant un système documentaire avant et en mettant dans mon équipe un système de wiki et c’est ça qui m’a encouragé à créer des wikis.
Après, dans XWiki, on a rajouté un peu d’innovation là-dessus. C’est-à-dire que moi je me suis rendu compte que c’était sympa le document en lui-même, mais on voulait aller un peu loin sur l’information. À un moment donné, il faut se dire « le document, ce n’est pas ça qu’on veut ». Ce qu’on veut c’est de l’information et information égale pas document, en fait. Et l’information elle peut être structurée. Typiquement, pour donner un exemple de ce que ça veut dire une information structurée, c’est si j’ai un projet un projet a un chef de projet ; un projet a une date de début, une date de fin ; un projet est actif ou pas actif. Et ça, dans un document, cette information est très difficile à accéder. Dans XWiki on a fait un système qui permettait de structurer cette information et de la rendre accessible. Et donc on a dit : « On va mettre l’information, mais sous des formes différentes de uniquement un document texte ». Donc on peut faire du document structuré ».
OliCat : Donc vous avez réinventé le Gantt.
Clara : Le quoi ?
Ludovic Dubost : Ce n’est pas le Gantt, parce que le Gantt ce sont les tâches avec le suivi des tâches, etc.
Clara : Ça veut dire quoi Gantt ?
Ludovic Dubost : Les diagrammes de Gantt. C’est dans la gestion projet, on fait des tâches et on fait un planning, etc.
Clara : OK.
OliCat : J’en avais installé pour Libre à Toi, personne ne l’a utilisé.
Clara : Ce ne s’appelait pas comme ça, ça s’appelait YunoHost, et moi je m’en suis servi. Je suis désolée, mais j’étais quand même la seule à tenir l’agenda à jour et je trouve ça vachement pratique !
OliCat : En fait il y avait un module dans YunoHost.
Clara : Le truc c’est qu’à trois, bon eh bien l’agenda tu te le dis ! Tu n’as pas besoin d’avoir...
Ludovic Dubost : Ça dépend combien on est. Ça devient intéressant quand vous êtes un peu plus nombreux, quoi !
OliCat : Nous on s’est fondé comme une multinationale, mais en fait on était trois.
Ludovic Dubost : À trois, c’est vrai qu’on peut discuter sur l’intérêt des wikis. Nous, quand on était trois on a utilisé des wikis, mais c’est parce qu’on se disait, effectivement, qu’on allait être un peu plus que trois plus tard et que ça allait être une information intéressante et importante pour les autres. Si on fait une liste de projets, en fait, dans un wiki, on va créer une page, on va créer des pages projet et chaque projet va avoir une page. Mais a bout d’un moment on se dit : « Mais attendez, lesquels sont encore actifs ? » Alors là, manuellement, on dit : « Je vais mettre ceux qui sont actifs au début, je vais éditer la page pour mettre ceux qui sont inactifs à la fin » et puis, au bout d’un moment, j’en ai marre de le faire tout le temps, de le faire moi-même. Et donc, l’information structurelle va permettre de faire ça de façon automatique. Dire « eh bien finalement les projets il y a des actifs, des inactifs, je vais les éditer en éditant la donnée sur le fait et la page d’accueil va automatiquement me trier les projets en fonction de s’ils sont actifs ou inactifs ».
OliCat : J’entends bien tout l’intérêt que peut avoir ce type de logiciel pour l’entreprise. Donc depuis 2004, on est en 2017 aujourd’hui, est-ce que tu as le sentiment que ceux qui ont été les plus intéressés par ce type de logiciel, finalement, concerne toujours une typologie de boîte ? On sait très bien, toi et moi, que ça peut concerner toutes les sociétés, en fait, tous types de production. Est-ce que tu as noté que c’était plutôt des sociétés numériques ou informatiques ou des administrations ? Comment ça s’est distribué, en fait ?
Ludovic Dubost : Il y a eu des phases, en fait. D’abord, au début, on a mis le logiciel. Les premiers clients ont été les gens qui avaient un peu des problématiques qui s’intéressaient au wiki, qui avaient quelque chose d’un peu compliqué à faire. Donc ils nous ont demandé d’améliorer le logiciel.
OliCat : Donc plutôt de la gestion de projet un peu complexe.
Ludovic Dubost : Ou non, pas forcément. Les tout premiers projets, ils n’avaient même presque rien à voir avec le wiki. Ils nous ont permis d’améliorer le logiciel, mais pas forcément dans notre objectif à nous. On faisait quelque chose pour eux et on se faisait payer pour le faire et ça nous a permis de financer un peu de logiciel. Et puis, autrement, il y avait quelques fans de wiki et qui voulaient qu’on leur mette la connexion à l’annuaire de l’entreprise, ce genre de choses. Ce sont les premiers types de projets qu’on a faits.
OliCat : C’était quoi ? Vous réinventiez LDAP à ce moment-là ?
Ludovic Dubost : Eh bien on connectait à LDAP, etc. C’est un peu les premiers projets qu’on a faits. Après, effectivement, les geeks sont plus à l’aise avec les wikis. Maintenant, nous ce qu’on a vu c’est que, en open source, les geeks ce ne sont pas des gens qui allaient nous payer.
OliCat : Malheureusement non !
Ludovic Dubost : Ils prenaient le logiciel et ils le mettaient. Et donc, en fait, en tant qu’entreprise on s’est plutôt adressés aux non geeks, c’est-à-dire démocratiser, amener le wiki vers des usages non geeks, avec les problèmes que ça peut poser. Au début, par exemple, on s’est beaucoup battus sur la syntaxe wiki versus le WYSYWYG et avec « non mais le WYSYWYG, ce n’est pas important au début », et puis, finalement, eh bien si c’est important. C’est-à-dire que si on veut que ça soit mis dans les mains de non techniques.
OliCat : Si tu veux que tous les employés d’une entreprise utilisent ça !
Ludovic Dubost : Il fallait du WYSYWYG. Au début on était un peu réfractaires à se dire « ah non, il n’y en a pas besoin », finalement on l’a fait et on a beaucoup investi sur ces aspects-là. On s’est adressé de plus en plus à des gens qui n’étaient pas forcément très connaisseurs de wikis et on leur a offert des solutions à base de notre logiciel. Alors plutôt des grandes entreprises, mais maintenant on s’adresse de plus en plus à des plus petites.
1 h 35’ 07
OliCat : Revenons un petit peu, Ludovic, au modèle économique. Comment ça marche ta boîte ? Ce n’est pas grave !
Ludovic Dubost : Il y a beaucoup d’animation.
OliCat : Ouais ! Eh bien, oui, mais en même temps c’est le direct c’est comme ça. Tu as ton soft. Il est versé où le code d’ailleurs ?
Ludovic Dubost : Il est sur GitHub et il est disponible sur xwiki.org.
OliCat : D’accord. OK ? Est-ce que le code qui est versé sur GitHub intègre toutes les évolutions qui vous avez produites pour vos clients, ou pas ?
Ludovic Dubost : Quasiment toutes et quand elles ne le sont pas ce n’est pas pour des raisons de ne pas vouloir le faire. C’est pourdes raisons qu’elles ne sont pas mûres pour être partagées. C’est-à-dire qu’elles sont trop spécifiques, trop faites à la va vite pour être mises dans le cœur de logiciel. Nous on fait tout en 100 % en libre, et on ne se garde pas de parties non libres.
OliCat : D’accord. Parce qu’il y a des exemples. Par exemple Dolibarr aujourd’hui, qui est un CRM open source, il y a tout un tas de modules, en fait, qui ont été développés par les équipes Dolibarr pour certains clients qui ne sont pas libres du tout. Alors attention, je ne critique pas forcément le modèle, je n’ai aucun problème avec ça.
Ludovic Dubost : On s’est beaucoup posé beaucoup la question, nous.
OliCat : Vous avez un joli site, XWiki
Ludovic Dubost : J’espère !
OliCat : Il est sympa votre site. Vous le développez en interne ?
Ludovic Dubost : Il est fait avec XWiki.
OliCat : C’est vrai ?
Ludovic Dubost : On peut faire ça avec des wikis, c’est étonnant !
OliCat : Mais je vais vraiment m’intéresser à ton soft, Ludovic.
Ludovic Dubost : On peut faire beaucoup de choses avec XWiki.
OliCat : Il est très joli !
Ludovic Dubost : On utilise notre propre logiciel pour faire notre site.
OliCat : D’accord, pour développer OK. C’est efficace. Ouais, je ne m’attendais à ce qu’on puisse faire ça avec un wiki.
Ludovic Dubost : En fait, dans Xwiki, il y a beaucoup de flexibilité. On peut modifier l’interface. Il y a pas mal d’aspects innovants au-delà d’être un wiki, on va dire state of the art. Mais en fait, c’est un framework de développement en plus d’être un wiki.
OliCat : C’est quoi la techno derrière ?
Ludovic Dubost : C’est du Java.
OliCat : Oh !
Ludovic Dubost : Les gens n’aiment pas. C’est du Java mais avec un langage de script dedans. Donc quand on veut modifier XWiki, on a un langage de script pour modifier. C’est comme PHP, mais ça marche mieux.
OliCat : OK. Je regarderai ça et je t’enverrai un petit mail, Ludovic.
Ludovic Dubost : Pas de problème.
OliCat : Vas-y ! Raconte-moi le modèle économique.
Ludovic Dubost : L’histoire du Java, alors.
OliCat : Raconte-moi le Java, alors.
Ludovic Dubost : Je venais du Java et l’objectif c’était d’avancer l’entreprise et d’être acceptable pour les DSI. Ma vision c’était que, avec PHP, ça n’allait pas être le cas.
OliCat : Le problème c’est que tu viens des applications métier et elles sont toutes en Java en fait. Je comprends.
Ludovic Dubost : Non, je venais plutôt de l’entreprise qui fait des développements spécifiques.
OliCat : Mais tu m’as parlé d’applications métier, puisque c’était ça.
Ludovic Dubost : Statistiques, etc.
OliCat : D’accord. Donc le modèle éco, comment vous faites ?
Ludovic Dubost : D’abord on a commencé principalement par le service et notre objectif c’est de faire surtout du support. Et alors, dans le modèle éco, l’élément le plus important c’est la criticité du logiciel. Je veux être très clair. Il faut faire attention, tous les business, tous les types de logiciels, ne peuvent pas avoir le même modèle économique. Ce que nous on fait est valable pour notre cas. Et notre cas, c’est qu’on a quand même un logiciel qui n’est pas grand public, mais qui est toutes les entreprises. Donc on n’a pas une niche particulière et ce genre de chose. Toutes les entreprises peuvent utiliser XWiki potentiellement, et donc on a une problématique de diffusion qui est très importante. C’est-à-dire qu’il faut essayer d’être le plus diffusé possible. Donc ça c’est une chance pour nous, quand même, le fait de pouvoir être massivement utilisé par n’importe qui. Ça veut dire qu’on peut utiliser le modèle de « j’ai x gratuits et puis j’ai un petit pourcentage de payants ». Et donc c’est ce qu’on fait sur le support. Et le deuxième élément qui est important, justement pour vendre du support, c’est est-ce que ton logiciel va être critique ? Et notre logiciel peut être critique. Une fois qu’on a l’information de l’entreprise dedans, il est critique, et donc on vend du support. Donc aujourd’hui XWiki fait plus de 50 % de revenus de support. On est même à 60 % de revenus de support en 2016.
OliCat : Ce qui est bien, enfin voilà, par rapport au modèle, c’est assez efficace.
Ludovic Dubost : Rapport au modèle ça commence à être pas mal. Ça a monté tout le temps, mais au début c’était plutôt du revenu de service. Et dans le revenu de service d’ailleurs, il y a une part…
OliCat : Qu’est-ce que tu intègres dans le revenu de service ?
Ludovic Dubost : Il y a deux types de revenus de service. Il y a celui qui contribue à la R&D et il y a celui qui est plutôt du spécifique pour le client et qui ne contribue pas à la R&D. Et en fait dans le revenu de service, on a des choses qui contribuent à al R&D.
OliCat : Et ça, c’est ce qui est versé dans le code public ?
Ludovic Dubost : Et on le reverse dans le code public. En même temps je vois un petit icône « Amazon méchant ». Pour nous Amazon, ils sont gentils.
OliCat : C’est vrai ?
Ludovic Dubost : Enfin ils sont gentils, pas pour tout ce qu’ils font. Enfin pour nous ils sont gentils parce qu’ils nous ont payé 150 000 euros de développement sur XWiki.
OliCat : Pas mal !
Ludovic Dubost : Donc ils sont un peu sympa. Donc ça ce sont les choses qu’on a faites et y compris avec des boîtes américaines. Peut-être même plus avec les boîtes américaines qu’avec les boîtes françaises, c’est-à-dire qu’on a eu du financement de R&D.
OliCat : Ce qui moi ne m’étonne pas quand je vois que Google finance énormément le logiciel libre ou, en tout cas, reverse énormément de code. D’ailleurs je lisais une <em<news cet après-midi où Google souhaitait que son algo d’intelligence artificielle soit versé dans le code public. Enfin voilà !
Ludovic Dubost : Ils contribuent énormément à l’open source.
OliCat : OpenSSL ,merci Google, par exemple.
Ludovic Dubost : Ils donnent de l’argent et il y a des grosses boîtes américaines qui donnent. Maintenant, en pourcentage de leurs revenus, ce n’est pas énorme, mais par contre Google est probablement un des plus gros contributeurs de l’open source, et pour nous ils ont été gentils aussi parce qu’on a participé au Google Summer of Code , on a eu des financements et des ingénieurs pour notre logiciel, donc on ne s’en plaint pas et on a toujours été assez contents.
OliCat : Justement, aujourd’hui tes financements ils viennent d’où ? Est-ce que ton capital est ouvert ? C’est quoi ton type d’actionnariat, en fait, dans ta SAS ?
Ludovic Dubost : La société appartient à ses employés et ex-employés. Moi j’ai 65 % aujourd’hui. Le reste ce sont d’autres employés. Notre ??? est à 20 et quelques pour cents, et le reste ce sont des employés et ex-employés. On a fait un choix à un moment donné. À un moment donné, je me suis posé la question de la levée de fonds et j’ai regardé.
OliCat : C’est une bonne question.
Ludovic Dubost : Et en fait, quand je présentais notre modèle, le problème c’est que j’avais un sentiment que ce que je leur racontais ça ne leur plaisait pas. C’est-à-dire que, en gros, si je ne leur disais pas « je suis là pour faire du pognon et voilà comment je vais faire. Je vais faire de l’open source et puis en fait, à un moment donné, je vais trouver les moyens de monétiser comme un malade », en fait ça ne collait pas. Si j’expliquais qu’on va faire quelque chose de très ouvert, etc., ça ne passait pas. Donc à un moment donné j’ai dit « bon, allez ça suffit » et on a arrêté de se dire qu’on allait lever des fonds et on a décidé de se développer plutôt plus progressivement. Et en même temps, on a découvert les projets de recherche : projets de recherche français, projets de recherche européens et, en fait, ça a représenté beaucoup d’argent, de financements chez XWiki. Donc on a déposé des demandes de projets de recherche et, en fait, j’ai découvert ça grâce à quelqu’un, un externe, qui est venu me chercher au début, il me disait : « Tiens tu ne veux pas participer à nos projets en tant que XWiki ? » J’ai dit : « Oui, super, on y va », et puis, après, on a vu comment ça fonctionnait et maintenant on participe à des projets régulièrement et ça nous représente 30 % de notre financement.
OliCat : Pas mal !
Ludovic Dubost : Donc ça a été extrêmement important dans notre R&D. Quand on combine ça avec le financement de la R&D que les clients apportent, eh bien ça nous permet de financer des équipes permanentes sur le logiciel.
OliCat : Donc aujourd’hui, Ludovic, depuis 2004, 35 collaborateurs, tu m’as dit tout à l’heure. Est-ce que tu es serein par rapport à l’avenir ? Est-ce que tu vois des écueils ? Enfin quelles sont les perspectives ?
Ludovic Dubost : XWiki c’est globalement une entreprise assez stable. Elle est capable d’équilibrer ses comptes à tout moment. Ce qui est plus compliqué c’est dire comment on peut accélérer.
OliCat : Mais est-ce qu’il le faut ? Je ne sais pas, c’est une question très conne que je te pose.
Ludovic Dubost : Eh bien ça dépend. Il le faut ? En fait, honnêtement je sais pas.
OliCat : C’est toujours la problématique du croître ou périr.
Ludovic Dubost : On peut devenir obsolètes. C’est un risque, on ne le sait pas. C’est un élément de risque et ça je ne suis pas tout à fait capable de dire est-ce qu’on risque l’obsolescence ? Ce que je sais c’est qu’on est capables, assez facilement, d’équilibrer nos comptes et de jouer. L’enjeu est plutôt de savoir à quel point on investit. C’est-à-dire que si on veut réduire et faire de la marge, on peut en faire.
OliCat : D’ailleurs ton niveau d’investissement, il est comment ?
Ludovic Dubost : Nous, notre fonctionnement, c’est qu’on dépense ce qu’on vend. C’est-à-dire qu’en gros, si on planifie de vendre pour un million cinq, eh bien on va équilibrer le budget à un million cinq, plus les projets de recherche.
OliCat : OK !
Ludovic Dubost : La problématique va être plutôt une problématique de trésorerie. En gros, après, on va chercher un peu de trésorerie et d’emprunts pour y aller. Et ça, ça c’est plutôt bien passé. On a eu des emprunts, des prêts de banque, etc., pour essayer d’être un peu plus agressifs que juste attendre d’être sûrs d’avoir l’argent pour le faire. Maintenant dans les dix années, c’est resté tendu. C’est-à-dire qu’on a des moments où il n’y avait pas grand-chose sur le compte et je me disais est-ce qu’il y a des dangers si un client ne paye pas ou ? Voilà. Mais globalement, ça on en est un peu sortis. Mais c’était plus une problématique de croissance. C’est-à-dire que du fait de croître on a beaucoup d’argent chez les clients. Et c’est une des difficultés, il faut du cash.
OliCat : Ouais, je comprends. C’est le problème. Absolument.
Ludovic Dubost : La réalité c’est qu’on a du cash, mais il est chez les clients. C’est un peu ça et on a mis de l’argent de côté, régulièrement, mais il est chez les clients.
OliCat : Tu parlais du risque du coût de l’obsolescence.
Ludovic Dubost : On a un risque d’obsolescence à tout moment sur ce qu’on fait. Il faut mettre à jour la technologie, mais on le fait régulièrement. Par exemple nous, il y a deux/trois ans, on a mis Bootstrap, alors qu’on avait commencé en 2004. On ne l’avait pas du tout, quoi !
OliCat : Ça veut dire que maintenant tes clients ils peuvent manipuler la plateforme wiki que tu leur a installée sur leur mobile ?
Ludovic Dubost : Voilà, exactement !
OliCat : Est-ce qu’il y a une application ? Est-ce que vous avez fait une application ?
Ludovic Dubost : On a fait un proto d’appli mobile, mais on n’est pas très contents de l’application qu’on avait faite et, pour le moment, nos clients sont plutôt satisfaits de l’aspect responsive et ça leur suffit, en fait. Mais on peut être obsolètes. Maintenant ce qu’il faut savoir c’est que dans les wikis, nous on est petits. On a à peu près 3000 installations.
OliCat : C’est qui vos concurrents d’ailleurs ?
Ludovic Dubost : C’est Atlassian, c’est Confluence, qui est présent chez tous les développeurs et qui ont, a priori, au moins 35 000/40 0000 installs actives. Et nous on a 3000 installs gratuites. Eux, ils ont 40 000 installs payantes. Donc on a de la marge de manœuvre quoi ! Donc le risque c’est d’être complètement obsolètes. Mais par contre, technologiquement on ne se sent pas mal face à Atlassian.
OliCat : Moi je trouve ça imbitable Atlassian. Franchement !
Ludovic Dubost : Ouais, il y a des gens qui se plaignent. C’est peut-être aussi parce que chez Atlassian, ils ont tellement de logiciels maintenant que Confluence ce n’est pas forcément leur truc le plus important. Alors que nous XWiki c’est notre truc, quoi ! Et moi, mes équipes ne bossent que là-dessus, et on commence à nous dire qu’en fait c’est plus simple qu’Atlassian. Mais on a beaucoup travaillé. Il a fallu travailler beaucoup. Par exemple l’UX [user experience, NdT] ça a été un vrai problème, et dans le logiciel libre c’est une vraie difficulté.
OliCat : C’est un problème du logiciel libre, en règle générale.
Ludovic Dubost : Tout le monde le voit. On l’a eu mais nous on a une ingénieure UX permanente chez XWiki et elle a un boulot de malade.
OliCat : Excellent choix !
Ludovic Dubost : Elle a un boulot de malade. Il y a une époque, elle sortait dix propositions par an, on en développait une, parce qu’on n’avait pas les moyens de les mettre dans la roadmap et ce genre de choses. Donc c’est un travail important et qui est compliqué. Donc nous, face à Atlassian, le problème c’est le volume.
OliCat : Clara veut poser une question. Non Pas du tout. Elle me faisait des signes !
Clara : Je voulais dire à Ludovic que je lui avais rapporté une part de gâteau et qu’elle était pour toi.
Ludovic Dubost : Le problème c’est parler et manger, ce n’est pas facile.
OliCat : C’est sûr. En plus il parle beaucoup, Ludovic.
Ludovic Dubost : Oui, je suis un peu trop bavard !
Clara : Non, non, ce n’est pas ça ! C’était juste pour info.
Ludovic Dubost : En fait, je ne m’attendais pas forcément que tu me poses autant de questions sur le modèle économique. Je trouve ça passionnant.
OliCat : Et ça t’étonne ?
Ludovic Dubost : Non !
OliCat : Ah bon ! Quand même. Ce sont des professionnels qui sont en face de toi, on ne fait pas de la radio pour se faire plaisir !
Ludovic Dubost : Je trouve ça extrêmement intéressant parce que, je pense que c’est un sujet qui n’est pas assez traité. Peut-être, aussi, c’est parce que vous n’avez pas assez de gens qui viennent vous en parler.
OliCat : Non. Pas du tout ! Toi je te tiens ! Je fais ça, on fait ça à chaque fois ! J’ai posé les mêmes questions à Stallman.
Clara : Le modèle économique, tout ça.
Ludovic Dubost : Le modèle économique de Stallman c’est quoi ? C’est faire des conférences ?
OliCat : C’est lui !
Clara : C’est son succès !
Ludovic Dubost : C’est son nom.
Clara : C’est son nom ! Voilà !
OliCat : Donc j’ai bien compris, un UX designer à temps plein. Évidemment, c’est essentiel.
Ludovic Dubost : Il faut être compétitifs et c’est ça qui n’est pas évident, parce que l’open source ça ne suffit pas. Il faut être compétitifs.
1 h 49’ 56
OliCat : Alors justement, ton équipe de 35, elle se distribue comment ? Tu as combien de commerciaux, combien de devs ? Comment ça se passe ?
Ludovic Dubost :On doit être 70/80 % de devs, de techniciens.
OliCat : D’accord. Et la communauté continue de… ?
Ludovic Dubost :Oui. Alors on a de la contribution. C’est compliqué pour la communauté de suivre une fois qu’il y a des permanents, ce n’est pas évident.
OliCat : Eh bien là j’ai vu sur GhitHub, dernière version de code, il y a sept heures, donc ça y va.
Ludovic Dubost : Les développeurs, ils bossent. Surtout on a sorti la 9.0-rc-. Donc la 9.0 va peut-être sortir. Les développeurs bossent en permanence surtout qu’on descend les cycles à un mois maintenant.
OliCat : Ah oui ! C’est quoi vous êtes en agile, ou comment ça se passe ?
Ludovic Dubost : Eh bien oui, c’est de l’agile, on peut dire ça.
OliCat : Il y a des forks de XWiki que vous suivez ou pas ?
Ludovic Dubost : Non, il n’y a pas de forks. Ah ben si, Amazon a son fork.
OliCat : Ils vous ont payé 150 000 dollars pour ça, ils peuvent forker. OK !
Ludovic Dubost : Ils peuvent ! Il y a des forks sur les modules à droite à gauche, mais non il n’y a pas de forks. Il y a pas mal de contributions sur les bugs, sur les fonctionnalités. On a un modèle très ouvert même si, finalement, dans le cœur, il n’y a pas tant de contributions que ça, tout notre modèle de développement est en ouvert. Et donc ça veut dire que tout est proposé, même si ce sont nos équipes qui ont décidé de le faire, et il y a des reviews et des avis qui sont demandés. Il y a des utilisateurs avancés qui répondent. On a des utilisateurs de XWiki qui, régulièrement, participent. On a aussi des gens autour. Là, par exemple, en ce moment, on a un gars qui contribue, c’est un peu celui qui a commencé à faire les modules Docker pour installer XWiki.
OliCat : Ah ben oui, aujourd’hui s’il n’y a pas de Docker de XWiki, vous êtes has been.
Ludovic Dubost : Mais maintenant il y en a un, alors c’est plutôt bien.
OliCat : Moi ça me gonfle Docker, mais bon !
Ludovic Dubost : Ça commence à être pas mal. C’est assez pratique quand même, c’est intéressant, mais c’est compliqué.
OliCat : C’est pratique, mais après tu ne maîtrises rien quand tu veux gérer ton truc.
Ludovic Dubost : On ne sait pas trop ce qu’il y a dedans. On ne sait pas trop où il a foutu les data. C’est un peu compliqué !
OliCat : Ah ! C’est l’angoisse. En termes de maintenance, là je n’ai pas compris, j’ai laissé tomber.
Ludovic Dubost : Après ça dépend si on l’utilise pour du dev ou pour de la prod.
OliCat : Pour du dev, je pense que c’est génial, effectivement tu déploies ton pool de machines, c’est génial, mais pour de la prod je ne vois pas l’intérêt.
Ludovic Dubost : Alors on a un gars qui a contribué, il a commencé à faire un module Docker et là, maintenant, il fait des migrations MediaWiki de son wiki, il contribue, il discute ce qu’il a réussi à faire, pas réussi à faire. Et finalement, ça c’est très important pour l’amélioration du logiciel, d’avoir des utilisateurs un peu experts
OliCat : Oui, absolument !
Ludovic Dubost : Qui sont capables de vous dire ce qui est bien, ce qui n’est pas bien dans le logiciel, ça a une vraie valeur. Moi ce que je trouve extrêmement intéressant c’est le contact direct que ça fait aussi entre le développeur et les utilisateurs. Parce que, finalement, le modèle un peu classique c’est le marketing qui dit aux développeurs ce qu’ils vont faire. Le problème c’est qu’il y a une déperdition assez importante et si on peut augmenter la compréhension utilisateur des développeurs, on fait des meilleurs logiciels. Et ça c’est élément qui est important. Nous, on est une société qui n’a pas beaucoup de marketing, qui n’a pas beaucoup de moyens sur la remontée des utilisateurs.
OliCat : J’allais te poser la question justement.
Ludovic Dubost : Alors on a nos équipes de projets clients qui sont en contact avec les utilisateurs, mais après il faut qu’ils viennent remonter l’information aux développeurs ce qui n’est pas forcément évident et ce qui n’est pas si simple que ça à mettre en œuvre. Donc le fait que les développeurs aient quand même des gens en face d’eux qui leur disent : « Tiens, là il y a un bug », ça aide à l’amélioration dela qualité du logiciel.
OliCat : Avant de conclure, Ludovic, juste on va revenir un petit peu en arrière concernant les risques et surtout les perspectives. C’est quoi demain ? Tu es le président de XWiki, quand même, le fondateur. C’est quoi demain ? XWiki, comment tu le vois ?
Ludovic Dubost : Déjà il y a le cloud. Le support est un modèle de revenus très important. Après, sur les petites sociétés, ce dont on se rend compte, c’est que ce n’est pas si simple de vendre des petits contrats de support, les clients ne savent pas bien s’ils en ont besoin. Par contre, sur les petites sociétés, ce qui est vraiment un modèle intéressant, c’est le cloud.
OliCat : Donc l’ordinateur de quelqu’un d’autre !
Ludovic Dubost : Ouais, l’ordinateur de quelqu’un d’autre.
OliCat : Le nôtre !
Ludovic Dubost : Celui de OVH. Et donc c’est d’offrir XWiki en cloud. Donc ça on le fait et aujourd’hui on commence à avoir des sociétés plus petites qui viennent.
OliCat : Donc, en fait, c’est du SaaS, que vous proposez.
Ludovic Dubost : C’est du SaaS. Oui. C’est du SaaS. Et toute la question c’est la façon dont on peut les accompagner à avoir du succès avec XWiki.
OliCat : Ça veut dire quoi, pour une boîte, d’avoir du succès avec XWiki ? Bien l’utiliser ?
Ludovic Dubost : En fait ils ont un peu la peur de la page blanche quand ils démarrent avec XWiki et on doit leur donner les moyens de bien comprendre l’outil, comment l’utiliser. En fait, un logiciel collaboratif ça ne se met pas en œuvre comme ça. Ce n’est pas du jour du lendemain. Si on veut que les petites sociétés puissent le mettre en œuvre il faut qu’on leur donne les moyens, à coût relativement bas, de mettre en œuvre le logiciel avec succès. Et c’est pour ça que, finalement, on a pris dix ans à l’amener aux petites sociétés. Et ça, ça commence à être fait de plus en plus. C’est-à-dire que autant vous filez Google Drive aux gens, ils ont des fichiers, ils comprennent, ils les mettent et après c’est le bordel au bout de six mois.
OliCat : C’est clair !
Ludovic Dubost : Le wiki, il faut expliquer un peu comment l’utiliser, ce que vous devez et ne pas faire. Donc on travaille beaucoup là-dessus. Donc on espère vendre de plus en plus aux plus petites sociétés, et en cloud. Et pour l’open source on pense que c’est un modèle revenu extrêmement intéressant. Le cloud est un vrai modèle de revenu pour l’open source, tout en restant open source. Alors après, tout à l’heure on parlait des modules payants. Nous, on n’a pas de modules non open source. Par contre, on se pose la question de modules payants open source, open source mais payants.
OliCat : J’entends bien, je comprends.
Ludovic Dubost : Alors on en a lancé un, module Active Directory. Donc on commence par des modules qui sont liés au logiciel propriétaire, c’est une solution assez simple. Dire si finalement vous utilisez du logiciel propriétaire, eh bien pourquoi pas.
OliCat : Mais du coup, qui est l’acheteur ?
Ludovic Dubost : Celui qui en a besoin. Après, ce qu’on pense, c’est que si on veut vendre des modules payants, il faut avoir un gros volume d’installs. Et donc on pense qu’on ne les a pas forcément encore, donc on a encore du boulot avant d’arriver à ce niveau-là. Mais il y a des boîtes comme PrestaShop qui sont assez efficaces sur ce modèle des modules payants pas chers, modules payants pas chers. Et en fait on s’est posé cette question.
OliCat : Une sorte d’App Store quoi !
Ludovic Dubost : On a un App Store, en fait. Mais dans notre App Store il y a beaucoup de modules. Tout est gratuit et tout est open source et on s’est dit « eh bien peut-être qu’on aurait dû en faire un peu plus payants pour générer des modèles de revenu ». Moi, une de mes bagarres justement, c’est d’expliquer aux gens que l’open source ce n’est pas gratuit.
OliCat : Eh bien non, le libre ce n’est pas gratuit !
Ludovic Dubost : Et d’expliquer cette différence. Mais même chez nos développeurs ce n’est pas évident. Quand je leur dis qu’on va faire des modules open source payants, ils ne comprennent pas tout à fait. « Mais attendez, pourquoi on ne les met pas propriétaires dans ce cas-là ? » Je dis «Mais non, justement, parce que justement ce n’est pas une question d’open source.
OliCat : C’est quoi le profil de tes développeurs du coup, justement ?
Ludovic Dubost : Ce sont des développeurs. Ils sont passionnés par l’open source.
OliCat : Tous ?
Ludovic Dubost : Oui, quand même, par contre pas forcément quand ils sont arrivés. Quand ils sont arrivés dans la boîte ils ne l’étaient pas spécialement, ils n’avaient pas forcément compris comment ça fonctionnait. Mais ils sont assez passionnés. Nous on a la moitié de la boîte en Roumanie.
OliCat : D’accord. Les devs sont en Roumanie, en fait ?
Ludovic Dubost : Non, ils sont partout. C’est mélangé. Un peu de tout partout. On a le support surtout, en Roumanie. Mais on a des devs produit en Roumanie, on a des devs produit en France. Donc on a les deux. Et on a des passionnés d’open source en Roumanie.
OliCat : Oui, non, je sais bien. J’ai d’autres expériences en Web agency, en l’occurrence. Les devs roumains sont plutôt performants.
Ludovic Dubost : Ils sont bons il n’y a pas de problème. Il n’y a aucun problème de niveau et il n’y a pas de problème par rapport à ça, et ils peuvent être passionnés par l’open source. Mais quand ils y arrivent, ils ne savent pas forcément où ils mettent les pieds non plus. Comme moi quand j’ai démarré. C’était sympa l’open source, mais je n’avais pas forcément complètement compris tous les éléments et j’ai appris beaucoup d’éléments. Et puis j’ai acquis une sensation d’importance de cet aspect open source, c’est-à-dire que du fait qu’il faut que notre code soit libre et que c’est quelque chose qu’on va laisser et c’est ça qui est intéressant. Moi, en tant que patron de boîte, ça ne me suffit pas de dire on va gagner notre vie bien, beaucoup, un peu, etc. Le fait de laisser quelque chose derrière, c’est intéressant.
OliCat : Ce sera ta conclusion ta conclusion, Ludovic.
Ludovic Dubost : J’ai un truc de plus parce que,en fait, je ne voulais te parler que de XWiki. Dans nos projets de recherche on a lancé un autre projet.
OliCat : C’est vrai ? Tu vas me parler de radio, un peu ?
Ludovic Dubost : Non pas du tout. C’est un projet qui s’appelle cryptpad.fr.
OliCat : CryptPad.
Ludovic Dubost : De quoi ça pourrait parler ?
OliCat : D’un pad crypté.
Ludovic Dubost : Exactement. Eh bien on a fait, dans nos projets de recherche, c’est un Américain qui a fait ça chez nous. Pas par hasard, pour lui ce n’est pas par hasard, mais pour moi c’est par hasard parce que ce n’était pas l’objectif. L’objectif c’était de faire de l’édition en temps réel dans le wiki et, en fait, il nous l’a fait avec un système chiffré.
OliCat : Excellent !
Ludovic Dubost : Et on a le premier pad temps réel chiffré aujourd’hui disponible sur Internet.
OliCat : Il est où ?
Ludovic Dubost : Cryptpad.fr. Tu peux créer un pad.
OliCat : Il est où le code, je peux l’installer sur mon serveur ?
Ludovic Dubost : Oui, c’est GhiHub. C’est sur GhitHub, tu prends, c’est du Node. js, ce n’est pas du Java.
OliCat : Ah Node.js !
Ludovic Dubost : Ce n’est pas du Java, c’est mieux.
OliCat : Tous les trucs sympas que je trouve, en ce moment, c’est du Node.js !
Ludovic Dubost : C’est à la mode.
OliCat : Je n’arrête pas de mettre du Node.js partout ! Génial !
Ludovic Dubost : Et donc en fait, le serveur a le fichier mais crypté, enfin chiffré pardon !
OliCat : En fait on a un chat comme ça sur Libre à Toi. Tous les échanges sont chiffrés sur une base SQLite Je ne peux rien, voilà. Donc là c’est le même principe, en fait.
Ludovic Dubost : C’est un peu le même principe. Et en fait, l’objectif de CryptPad, c’est de développer un ensemble de systèmes chiffrés, temps réel, à base de pads. Donc on va avoir d’autres pads. On a un pad de présentation, par exemple. Tu veux faire une présentation Marckdown, avec une feuille de style. Tu peux créer une présentation, elle est chiffrée aussi.
OliCat : Une présentation aussi. Génial !
Ludovic Dubost : En fait, la clef de chiffrement est dans le h de l’URL, il n’y a que le client qui l’a. C’est un peu comme ???, je ne sais pas si tu connais ???.
OliCat : Non, je ne connais pas.
Ludovic Dubost : ???, c’est pour mettre des fichiers. Tu peux mettre des fichiers ou un ???. C’est un peu comme ???, mais chiffré.
OliCat : Oui, d’accord.
Ludovic Dubost : Et donc CryptPad, c’est ça en chiffré, et donc on aimerait bien le faire connaître plus parce qu’on pense que la vie privée c’est un élément important.
OliCat : Génial ! Eh bien écoute, tu auras un cryptpad.libre-à-toi.org dans deux jours.
Ludovic Dubost : Vas-y, n’hésite pas.
OliCat : Dès que j’ai le temps. En fait j’ai installé un pad.
Ludovic Dubost : Etherpad ?
OliCat : Eh bien oui.
Ludovic Dubost : Ah quelle erreur !
OliCat : Oui, j’ai installé un Etherpad, mais il y a un an et demi maintenant. Donc on va migrer vers CryptPad.
Ludovic Dubost : Au passage, Cryptpad est un pad qui est meilleur en WYSIWYG.
OliCat : En plus, je vois que l’interface est plus attrayante, déjà.
Ludovic Dubost : En fait, c’est lié à la techno. C’est-à-dire qu’il y a deux technos balaise dans CryptPad. La première c’est celle de chiffrement et la deuxième qui est balaise c’est la synchronisation de l’HLML qui fonctionne avec un autre système que le système d’Etherpad et qui permet de mettre tous les boutons du WYSIWYG et alors qu’Etherpad ce n’est pas possible.
OliCat : Effectivement il y a plein de fonctionnalités que je n’ai pas vues, qu’il n’y a pas…
Ludovic Dubost : On a tous les boutons. C’est un CKEditor complet.
OliCat : Excellent !
Ludovic Dubost : Et en fait demain on pourra faire SVG. Nos objectifs, tout ce qui est HTML pourra être synchronisé. Il y a un ??? aussi, il y a un équivalent à Framadate en chiffré.
OliCat : Il est où ?
Ludovic Dubost : Il est sur la home de CryptPad. Tu as quatre pads en bas de page.
OliCat : Attends !
Ludovic Dubost : Tu as quatre boutons.
OliCat : Un pad de code, Sondages. On a aussi un Framadate.
Ludovic Dubost : Donc on a Sondages, le CodeMirror, et le pad WYSIWYG. Mais c’est le pad WYSIWYG le truc le plus balaise.
OliCat : Là, le pad WYSIWYG, j’adore.
Ludovic Dubost : Mais il y aura des trucs en plus dans le futur. En fait il va y avoir des améliorations déjà au mois de février et puis, après, on va encore ajouter beaucoup de choses, mais le point clef sera le chiffrement.
OliCat : OK ! C’est sur GhitHub. Très bien. Super. CryptPad bientôt sur Libre à Toi.
Ludovic Dubost : Avec plaisir et vous nous renvoyez des retours.
OliCat : Évidemment, Ludovic, évidemment. Qui est la jeune fille à côté de toi, qui a l’air de te subir, en fait ?
Ludovic Dubost : En fait je pense qu’elle veut te parler. C’est mon amie déjà, qui est Roumaine, et qui est, en plus, une contributrice de Open Food Facts. Tu connais Open Food Facts.
OliCat : Mais bien sûr, allez, viens !
Ludovic Dubost : Et elle a envie de te parler de Open Food Facts.
OliCat : Mais vas-y, parle-nous.
Ludovic Dubost : Au revoir.
OliCat : Ciao Ludovic, merci.
Ludovic Dubost : Et elle travaille chez XWiki aussi.
OliCat : Ah ! Eh bien oui, évidemment.
2 h 04’ 17
OliCat : Bonjour à toi. Quel est ton prénom ?
Anca : Bonjour. Je m’appelle Anca.
OliCat : Anca. Alors Open Food Facts. Super. Tu sais que Open Food Facts, France en tout cas, a été soutien de la candidature de Libre à Toi pour une fréquence FM au CSA. Donc je suis d’autant plus heureux de t’avoir pour nous parler d’Open Food Facts. Qu’est-ce c’est ?
Anca :Open Food Facts, c’est une base de données d’informations sur les produits alimentaires. Il y a beaucoup de gens qui font des signes.
OliCat : Où ça ?
Anca : Non, mais je ne sais pas. C’est compliqué ici. C’est la fête.
OliCat : Oui, mais attends ! Mais non, là c’est compliqué de se concentrer sur une conversation alors qu’il y a plein de choses qui se passent autour !
Anca : Et qu’on bave devant ce gâteau super qui est devant nous.
OliCat : Mais regarde, Ludovic s’en est très bien sorti. On dirait qu’il a fait de la radio toute sa vie.
Anca : Mais Ludo a des capacités spéciales.
OliCat : C’est le président de XWiki en même temps.
Anca : Open Food Facts c’est une base de données d’informations sur les produits alimentaires. C’est le Wikipédia des produits alimentaires. L’idée c’est de pouvoir apprendre des choses sur ce qu’on mange. Apprendre des choses dans le sens d’essayer de comprendre un peu toutes ces informations qui sont écrites sur les étiquettes des produits soit trop petites, soit des infos différentes sur chaque étiquette. Il y a quelqu’un qui va marquer un additif avec un E quelque chose, l’autre qui va marquer l’additif avec les lettres.
OliCat : Mais c’est le même en fait.
Anca : C’est exactement le même, voilà. Donc ça permet de comprendre un peu les étiquettes des produits. Et moi, une fonctionnalité que j’adore, c’est de comparer les produits. Comme c’est une base de données énorme, en France je pense qu’on est à peu près à 80 000 produits.
OliCat : Oui. C’est absolument énorme.
Anca : C’est énorme.J’espère que je ne me trompe pas. Si ce n’est pas 80 000, c’est 60 000.
OliCat : Effectivement ce chiffre m’évoque quelque chose
Anca : C’est très élevé, donc ça permet de comparer les produits entre eux et d’apprendre, par exemple, qu’il y a des produits de le même catégorie que le produit qu’on vient de manger qui n’ont pas le même additif. Moi une surprise que j’ai eue, je mangeais des soupes. Moi je ne suis pas une fofolle de l’alimentation, voilà, je ne faisais pas et je ne fais toujours pas attention particulièrement à ce que je mange, mais ça m’intéresse. J’ai une curiosité, comme tout le monde, tout le monde est un peu curieux par rapport à ce qu’on mange, moi aussi. J’ai appris plein de choses.
OliCat : Et notamment ?
Anca : Je mangeais cette soupe. C’est une soupe en brique, machin. J’ai lu l’étiquette, enfin je l’ai scannée bien sûr, parce que Open Food Facts ça marche avec son téléphone mobile, je ne l’ai pas dit.
OliCat : Raconte-nous comment ça marche.
Anca : Il faut dire comment ça marche. Il y a une appli mobile. On prend son téléphone. On scanne le produit, le code barre de ce produit.
OliCat : Tu accèdes à la base.
Anca : Tu accèdes à la base.
OliCat : Totale de sa composition.
Anca : Aux informations qui sont disponibles sur ce produit. S’il n’y a pas d’infos disponibles, l’application va te proposer de prendre toi-même les photos de l’emballage pour qu’on puisse remplir, après, les informations sur le produit à base de ces photos. C’est important d’avoir les photos et c’est important d’avoir les informations à base des étiquettes de produits parce que toutes les lois, en France, sont pour les étiquettes. Ce n’est pas pour autre chose. Par exemple si le fabriquant veut présenter des choses sur son site web par rapport à la composition de ses produits, les lois sont beaucoup moins strictes sur ça que sur ce qui est présent effectivement sur l’étiquette. Donc les lois sont là-dessus, donc on utilise ça comme source d’informations.
Et donc, j’ai pris mon téléphone mobile, j’ai scanné cette soupe, et j’ai découvert qu’il y avait dedans des additifs controversés. Je ne vais pas dire le nom parce que je ne veux pas que les gens écoutent et se disent : « Ah, ça c’est mauvais sur la santé ! » Chacun juge avec ses propres connaissance et avec ses propres informations si c’est bon ou pas. Donc j’ai trouvé qu’il y avait un additif controversé et je me suis dit – parce que c’était un exhausteur de goût, maintenant tout le monde sait de quoi je parle, bon bref – et je me dis c’est normal, c’est une soupe dans un carton, qui est valable trois ans, c’est normal qu’il y ait des exhausteurs de goût, ça ne peut pas avoir un goût. Et en cherchant dans cette base de données énorme.
OliCat : Tu as trouvé la même soupe ?
Anca : Non, j’ai trouvé le même type de produit.
OliCat : Sans cet exhausteur de goût !
Anca : Sans cet exhausteur de goût ! Et je me suis rendu compte que oui, il n’y en pas qu’une seule, il y en plusieurs et que, finalement, c’est aussi un choix du fabricant de mettre ou pas un certain additif dans les produits, etc.
OliCat : Et tu as goûté la fameuse autre soupe ?
Anca : Ouais.
OliCat : Et alors ?
Anca : Il n’y a aucune différence, en fait.
OliCat : Eh bien voilà !
Anca : Peut-être que j’ai le palais pas assez affûté, mais en fait non, pour moi il n’y a aucune différence entre les deux. Et pareil pour les biscuits, par exemple. On regarde un biscuit, on trouve qu’il y a 50 % de sucre dedans, en regardant les infos nutritionnelles, on n’a pas forcément besoin d’Open Food Facts pour ça, mais ça aide. Et en fait, on se dit c’est un peu normal que les biscuits soient à 40 grammes de sucre par 100 grammes de produit. Mais en fait, en regardant la grande base de données, on se rend compte que non. On se rend compte qu’il y a des biscuits qui sont à beaucoup moins que ça. Et c’est ça la grande valeur, enfin une des grandes valeurs de cette base de données, c’est que ça nous permet de comparer les produits et ça nous permet d’appendre des choses sur ce qu’on mange. De sortir un peu, comment dire, d’aller un peu plus loin que on va au supermarché, on prend toujours les choses qui nous plaisent bien et on mange toujours la même chose et on ne se pose pas de questions.
OliCat : Ou alors qu’on achète par critères de prix aussi.
Anca : Mais le critère de prix peut rester en fait. Il ne faut pas se dire que tout le monde peut choisir, peut ignorer ce critère.
OliCat : Non ce n’est pas ce que je veux dire.
Anca : Oui, il y a plein d’autres critères. Ça nous permet, enfin, d’apprendre des choses. Voilà. Moi ça m’a permis d’apprendre des choses.
OliCat : Juste un petit point de détail, j’ai oublié ton prénom excuse-moi !
Anca : C’est Anca.
OliCat : Anca. Concernant ceux qui nous écoutent, Open Food Facts, la base de données elle est accessible uniquement sur l’appli qu’on télécharge ou il y a un site web ?
Anca : Non, non. Il y a un site web. Donc il y a le site web openfoodsfacts.fr et c’est d’ailleurs là qu’on peut trouver ces informations d’agrégation des infos sur les produits. Et aussi la base de données est libre, c’est ça l’idée en fait. L’idée principale c’est que ces informations-là sont dans une base de données libre et accessible à tout le monde et réutilisable. Donc c’était l’idée, justement, de fournir ces données, de les mettre ensemble et de les rendre disponibles aux gens qui vont faire des choses avec. Et faire des choses avec, ça commence avec des applications pour détecter les allergènes, parce qu’il y a des gens qui ont besoin.
OliCat : Oui. Absolument.
Anca : Et ça fini sur des jeux sur « devinez combien de sucre il y a dans cette bouteille de ketchup ? »
OliCat : Et alors, Anca, Ludovic t’as présentée comme contributrice de Open Food Facts . Qu’est-ce que tu fais Pour eux ?
Anca : Eh bien je remplis des produits pour commencer. Je remplis aussi des produits roumains,
OliCat : Tu vis en Roumanie ?
Anca : Non, pas en Roumanie, je vis à Paris, mais je voyage. Il y a des pays qui ne sont pas très remplis sur Open Food Facts. La France a très bien décollé, mais il y a d’autres pays qui ne sont pas si remplis que ça. Donc je scanne des produits de France ou de Roumanie. Donc déjà, je contribue avec de produits et je participe aussi. Je participe aussi...
OliCat :Tu vends très bien, en fait, la chose, déjà à la radio !
Anca : Je vends la chose à la radio !
OliCat :Tu es la responsable de com’ pour la France ?
Anca : Non ce n’est pas moi. Il y des gens qui parlent encore mieux que moi. Donc je traduis des choses, donc je rends le logiciel accessible. Je traduis, par exemple, l’interface du logiciel ou la catégorisation des produits et tout ça en roumain, donc je fais ça sur la langue que je parle. Et puis, après, j’ai aussi participé en mode de développement. J’essaye de contribuer, des petites améliorations aux logiciels, soit à l’application mobile, soit le logiciel qui fait le site web. Et aussi, depuis peu, je suis membre dans le conseil d’administration de l’association Open Food Facts.
OliCat : C’est une asso, à la base.
Anca : C’est une association 1901, et je fais partie du conseil d’administration. Donc j’essaye d’aller un peu plus loin, d’être impliquée, un peu plus dans la vie de Open Food Facts. Donc il faut quand même donner les remerciements. Donc je voudrais remercier les gens qui ont créé le projet, parce que ce n’est pas mon projet à moi.
OliCat : Alors c’est qui ?
Anca : Voilà, justement c’est Stéphane.
OliCat : Ce n’est pas grave, continue à parler. Il y a le retour qui est coupé, mais ça continue en fait.
Anca : Donc c’est Stéphane Gigandet qui a créé le projet il y a, peut-être, je pense que c’est plutôt vers 2007, un truc comme ça. Lui il a créé le projet. Il a fait une bonne partie du chemin tout seul, avec des contributeurs de produits. Maintenant on est plusieurs dans le projet qui travaillons autour de cette idée qui nous plaît beaucoup. Et il y a aussi des petits bébés de ce projet-là : il y a le projet Open Beauty Facts.
OliCat : C’est quoi ? Alors je ne le connais pas.
Anca : C’est la même chose avec les produits de beauté, c’est très simple. C’est exactement la même chose avec les produits de beauté.
OliCat : Il y a de quoi faire, je pense. En termes de composition c’est pareil. Il y a déjà un site, une appli, de quoi scanner ? Il y a tout ?
Anca : Oui il y a quasi tout. C’est juste la base de données, elle est beaucoup plus petite que la base de données des produits alimentaires
OliCat : Forcément. Donc tu vas contribuer ?
Anca : Oui, je mets aussi des produits de beauté quand j’ai occasion. La différence c’est que pour transférer les informations, l’idée c’est qu’il y a des gens, il y a des contributeurs, il y a tous ces contributeurs, en fait, qui transfèrent les informations des photos, les textes des photos dans des informations texte, dans la base de données. On a de la reconnaissance de texte qui aide, mais ça ne suffit pas, parce que je ne sais pas si vous avez déjà essayé de lire les étiquettes des produits alimentaires, mais des fois c’est complètement illisible !
OliCat : C’est relou. C’est clair.
Anca : Et on imagine qu’on prend une photo dans des conditions très bizarres, et on essaie, après, d’utiliser un logiciel pour reconnaître le texte, ça peut être assez difficile. Donc il y a plein de gens qui recopient, on va dire, les étiquettes. Il y a une différence énorme entre recopier « farine » et recopier « deuxtroispolybutanol de je ne sais pas quoi ». Voilà. C’est extrêmement compliqué. Donc les ingrédients des produits de beauté sont complètement différents des ingrédients de produits alimentaires.
Clara : Et c’est pire, en plus ! Ils sont beaucoup plus longs. Ils sont en latin. C’est insupportable !
Anca : Oui, ils sont beaucoup plus longs, ils sont en latin, mais dans les produits alimentaires, il y a aussi des choses qu’on a du mal à prononcer.
Clara : C’est beaucoup plus codifié : le E131, le E, etc.
Anca : En fait c’est très très codifié dans l’industrie cosmétique aussi. C’est-à-dire que dans l’industrie cosmétique tous les ingrédients sont codifiés
Clara : Eh bien oui, parce qu’il y a une nomenclature internationale.
Anca : Tout existe. Il y a une nomenclature et tout ça.
Clara : Mais elle existe aussi pour les produits alimentaires, plus ou moins. Ils ont des passe-droits sur certains ingrédients.
Anca : Plus ou moins. Il y a tous les additifs et tout ça, mais les ingrédients, si c’est un ingrédient naturel, je pense qu’on peut le mettre direct sur l’étiquette.
Clara : Même additifs, ils ont droit de mettre juste le nom : ils ont le droit de mettre caramel au lieu de mettre E951.
OliCat : Ah, les enfoirés.
Anca : Tout à fait. C’est là qu’Open Food Facts ça donne un coup de main à comprendre toutes ces choses-là et à comprendre qu’en fait, finalement, c’est la même chose.
2 h 16’ 16
Clara : Moi j’avais une question sur Open Food Facts par rapport au bio.
Anca : Oui. Par rapport au bio ?
Clara : Est-ce qu’il y a une prise en compte des ingrédients d’origine biologique dans les produits ?
Anca : C’est une prise en compte des labels et pas que les labels bio, tous les autres labels. Donc il y a une zone où on peut remplir les labels qui sont présents sur l’étiquette du produit. Si c’est label bio, on va dire bio, ça va être reconnu, ça va être mis en avant donc on va avoir même logo du bio sur le site, on va avoir ces choses-là.
Clara : Oui, mais ingrédient par ingrédient, parce que maintenant le bio est complètement dévoyé. Tu peux avoir un produit bio…
OliCat : Avec des E machins.
Clara : Avec 50 %, 60 %, non 80 % de produits, donc des ingrédients qui peuvent ne pas être biologiques de toutes façons.
OliCat : C’est le problème du AB.
Anca : Ça, ça va être plutôt un problème du label et c’est très lié, en fait, à l’idée de label lui-même. C’est-à-dire qu’un label a tout un cahier des charges derrière et toute une spécification : à qui on donne ce label, comment on le donne, etc. C’est lié à l’information.
Clara : Eh bien, oui, mais comme c’est tellement le bazar entre le bio, entre le nature et progrès, le bio européen, les labels biodynamiques, enfin, il y a tellement de différences, le label AB [Agriculture biologique, NdT] aujourd’hui, ne vaut plus rien.
OliCat : Mais là ce que je trouve intéressant justement.
Clara : Enfin on n’en était pas là. C’était Open Food Facts.
Anca : Non, mais c’est très intéressant.
OliCat : Non, mais Clara tu as tout à fait raison. Là, justement, en fait on passe au-delà de ça, puisque c’est une base de données très objective
Clara : Oui, mais justement c’était par rapport aux ingrédients, c’était s’il y avait une case de prévue par rapport à la composition d’un produit, pour marquer que cet ingrédient était d’origine biologique.
OliCat : Oui, c’est le cas.
Anca : L’idée c’est de recopier.
OliCat : Mais justement ça peut permettre, du coup, de voir que certains, pas ingrédients, mais certains produits labellisés bio vont avoir autant de merde que certains autres produits, en fait. Mais on ne va pas pondérer positivement un truc bio par rapport à un autre truc. La base de données est très objective.
Clara : C’était la base des ingrédients. Si les ingrédients bio étaient identifiés comme ingrédients bio ?
Anca : Tout autant que c’est identifié que sur l’étiquette du produit. C’est-à-dire que nous on ne fait pas plus que l’étiquette du produit.
OliCat : En fait, il y a deux trucs : soit tu peux scanner le produit, tu scannes le code barre et donc tu as la liste, soit tu recopies à la main, c’est la majorité des contributions ou pas ? Comment ça se distribue les contributions à la base de données entre les scans et les re copies manuelles ?
Anca : Le scan ce n’est pas une contribution en elle-même. C’est-à-dire qu’on scanne le produit. On rajoute les images si elles ne sont pas là. Tout est une contribution manuelle, en fait. Toutes c’est une recopie de l’étiquette. En fait, l’idée c’est de renseigner les infos qui se trouvent sur les étiquettes des produits dans la base de données.
OliCat : D’accord. Donc c’est vraiment ce que les gens écrivent, en fait.
Anca : C’est vraiment ce qui est sur l’étiquette, parce que c’est la photo qui est reine on va dire. C’est-à-dire que s’il y a une info qui apparaît sur le site qui n’est pas présente sur une photo, s’il n’y a pas la preuve que l’information était vraiment sur l’étiquette du produit, dans ce cas-là on un petit problème. C’est-à-dire que peut-être qu’on va changer l’information sur le site, pour garder l’info en synchronisation avec la photo. Donc il faut qu’il y ait vraiment la preuve que cette info-là se trouve sur l’étiquette du produit. Donc l’étiquette gagne, toujours, c’est ça l’idée, c’est que ce qui est sur l’étiquette c’est ça qui est la vérité, on va dire, même si ce n’est pas vraiment la vérité, mais nous on ne peut pas vérifier ça, ce n’est pas notre travail.
OliCat : Non, c’est juste la data.
Anca : C’est la data voilà, c’est la data obtenue des étiquettes de produits. Donc nous on va recopier ce qui est sur l’étiquette du produit et sur l’étiquette du produit, oui, très souvent sur les produits bio, il y a une petite étoile dans la liste des ingrédients.
Clara : Voilà, c’est ça, comme ça il est identifié.
Anca : Qui dit tel produit…
Clara : … Est issu de l’agriculture biologique.
OliCat :Oui. Issu de l’agriculture biologique.
Anca : Issu de l’agriculture biologique. Après nous ce qu’on va faire c’est qu’on va essayer de mettre des données en relation pour permettre aux gens de s’informer et c’est ça qui est le plus important. C’est vrai que, par exemple sur un additif peut-être qu’on ne va pas dire forcément : « Celui-là est bon, celui-là est mauvais », parce que sur les additifs très, très souvent c’est extrêmement controversé, il y a des gens qui disent que c’est bon, il y a des gens qui disent que ce n’est pas bon.
Clara : À partir du moment où c’est autorisé, on peut imaginer que ce n’est pas spécialement mauvais. L’autorité européenne n’autoriserait pas des poisons, sur nous !
OliCat : Non, eh bien non ! Ça n’existe pas !
Anca : L’autorisation is a fact et l’idée d’Open Food Facts c’est de présenter des facts. Voilà ! Donc nous ce qu’on va dire, on va dire : « Voilà, telle chose est autorisée ! » Après à vous d’interpréter, est-ce que ça nous convient, ça ne nous convient pas ou je ne sais pas, on a d’autres idées, ça ne nous plaît pas et tout ça. Nous, ce qu’on va essayer de faire, on va essayer de mettre en relation des informations. Donc vous allez trouver un additif, vous allez trouver des liens de cet additif vers Wikidata qui vont permettre d’identifier l’additif, etc., de trouver les infos qui sont ailleurs et ça va permettre à la personne de s’informer. Mais nous on essaye quand même de rester assez facts c’est-à-dire rester sur les faits, et puis chacun s’informe comme il sait le faire.
OliCat : Justement est-ce que vous savez si les gens s’informent ?
Anca : Moi je me suis informée par exemple.
OliCat : Oui, tu nous l’as expliqué tout à l’heure.
Clara : Il y a combien de contributions, par exemple, sur la base. Est-ce qu’on arrive à chiffrer à peu près le nombre de contributeurs ?
Anca : Les contributeurs, je ne veux pas dire de conneries parce que je n’ai pas les chiffres exacts.
Clara : Une fourchette, tu vois.
Anca : C’est quelques milliers.
Clara : Quelques milliers. En France ?
Anca :En France, en fait, la base de données est la plus riche en France, je l’ai dit tout à l’heure, on est à peu près à 80 000 produits remplis, enfin pas remplis, pardon, renseignés et les contributeurs ça doit être quelques milliers, quelques bons milliers.
Clara : Est-ce que vous êtes proches d’autres organisations comme, par exemple, Foodwatch ? J’imagine que vous connaissez.
Anca : Non, pas vraiment.
Clara : Foowatch, c’est une ONG, internationale, qui travaille justement sur la composition des aliments. C’est par exemple eux qui ont attaqué Leclerc l’année dernière parce qu’ils affichaient, non pas Leclerc, on ne va pas citer de marque, mais une marque de yaourts.
OliCat : Non. Il faut en citer trois !
Clara : On s’en fout. Mais si, on peut balancer aussi, mais comme je ne les ai plus. Ah oui, la marque Les 2 Vaches, par exemple, Les 2 Vaches qui faisaient des yaourts.
OliCat : Les yaourts au chocolat sont super bons.
Clara : Des yaourts aux myrtilles, des yaourts bio aux myrtilles sans myrtilles, quand même, ou avec très peu de myrtilles. Ou Maggi qui faisait du potage, attends c’était un potage au bœuf sans bœuf, enfin tu vois, des trucs ! Je ne sais pas si ça te dit quelque chose, ils ont fait pas mal de campagnes de presse l’année dernière et justement ils sont beaucoup là-dessus, sur dénoncer les incohérences de composition alimentaire. C’est une ONG internationale. Ils sont en Allemagne.
Anca : On n’est sûrement pas les seuls à faire ce genre de choses.
Clara : Mais ils n’ont pas le même protocole. Enfin si, ils appellent aussi les citoyens il me semble, je ne sais plus, enfin bref ! Excuse-moi. Vas-y continue ! Donc Foodwatch ne te dit rien !
Anca : Non, moi perso. Mais moi, comme je l’ai dit tout à l’heure, je ne suis pas quelqu’un de, comment dire, moi je ne suis pas militante là-dessus. C’est-à-dire que l’idée me plaît, j’aime bien l’idée de renseigner les données et de faire cette base de données libre, parce que c’est ça finalement, le fond. C’est d’avoir toutes ces infos et toutes ces données qu’on peut réutiliser derrière. Après, comment on les réutilise, et c’est plutôt là que Foodwatch agit en fait. Nous, notre rôle, enfin notre idée, c’est collecter l’info.
Clara : C’est de collecter l’info.
Anca : Nous, on collecte l’info et on la rend disponible. Après ce que les gens font avec, et si les gens veulent aller faire des procès ou des manifestations ou protester et dire : « Arrêtez d’appeler ça des myrtilles, alors qu’il n’y a pas une myrtille dedans », etc., nous on va voir ces choses-là, parce qu’on les voit en fait, c’est marqué myrtilles dessus et finalement.
Clara : II y a 0 virgule.
Anca : On va les voir, on va dire « oui il y a cette chose-là », mais notre rôle c’est juste de fournir ces informations aux gens, mais pas forcément d’aller agir suite à ces choses-là.
Clara : Une question Ludovic ?
Ludovic : Moi j’ai une petite question. Finalement c’est super cette base de données, mais il n’y a pas un moyen de savoir s’il faut manger le produit ou pas, ou si c’est bon pour la santé, ou mauvais pour la santé ?
Clara : C’est une très bonne question. Après chacun fait comme il peut.
Anca : Non, pour le bon pour la santé, mauvais pour la santé, il y a d’autres gens qui se préoccupent pour ça, pas que Open Food Facts. Le projet Open Food Facts implémente une des formules de calcul d’indicatif nutritionnel des aliments qui ont été soumis à une expérimentation cet automne, je pense, donc il y a une grande expérimentation avec ça. Et nous on implémente, en fait, la notation de A à E et on l’implémentait même avant. C’est une formule qu’on implantait depuis très longtemps. Ça a été proposé et finalement il y a eu cette expérimentation, etc. Donc si on scanne un produit qui a les informations nutritionnelles remplies, on pourra avoir cette note calculée de A à E qui est une des notes qui a été soumise à l’expérimentation dont les résultats on les attend toujours, je pense.
Ludovic : C’est vachement intéressant cette notation. Pourquoi on ne l’a pas dans les magasins ?
Clara : Ça va venir ?
Ludovic : Question innocente !
Anca : Question très innocente !
Clara : Déjà quand tu vois la difficulté parce qu’il y avait un projet d’étiqueter les produits qui ont des teneurs très élevées en matières grasses, de mettre un code couleur pour repérer les produits qui ont du mauvais gras. Et les industriels ont tellement fait le forcing pour que ça ne se fasse pas ! On n’imagine pas qu’ils ne fassent pas le forcing pour qu’il n’y ait pas d’étiquetage.
Anca : Il y a eu effectivement tout le débat cet automne à propos de cet étiquetage des produits alimentaires. Je ne vais pas m’exprimer par rapport à la qualité de l’étiquetage ou pas.
Clara : Moi je veux juste dire un truc qu’un nutritionniste m’avait expliqué c’est que eux s’étaient battu pour que sur l’étiquetage, eh bien quand c’est gras, ça s’affiche rouge, quoi, tu vois, comme un truc « attention danger ». Mais les industriels ont trouvé ça beaucoup trop agressif. Eux ils préféraient avoir du violet, du rose, enfin des choses beaucoup plus douces que du rouge, tu vois qui te dit « attention danger »
Anca : C’était un des débats de cet automne à propos de cet étiquetage, etc.
Ludovic : Il y avait une très bonne émission de télé sur France 2 sur le sujet.
Anca : On ne va pas faire la pub d’une émission de télé.
Ludovic : Où l’industriel expliquait : « Vous comprenez, ça va faire baisser les ventes ! » Eh bien oui, justement.
Clara : C’est l’idée !
Ludovic : C’est bien l’objectif !
Anca : Pour revenir au but d’Open Food Facts, nous on essaie de fournir les informations et justement de donner la possibilité aux gens qui veulent faire une appli qui juge de la composition ou de ces choses-là, ils peuvent faire ça. Notre but c’est de fournir les données et de renseigner ces données, et notre base de données, mine de rien, elle est quand même assez importante. C’est-à-dire que c’est une sorte de petit rêve.
Clara : Oui. Est-ce qu’on peut faire des recherches ? On peut faire des recherches, j’imagine dedans ?
Anca :Justement j’ai expliqué tout à l’heure.
Clara : Eh bien, mais je ne vais pas te faire répéter. J’écouterai. Question déjà posée, mauvaise note pour moi, excuse-moi !
Anca :On a parlé tout à l’heure du pouvoir de la puissance de comparaison, on va dire. Quand on a une telle base de données, on peut faire tout un tas de comparaisons, on peut faire des graphiques, regarder sur le graphique, par exemple, constater que justement que les, comment ça s’appelle ça, les bouillons bio n’ont pas moins de sel qu’un bouillon non bio.
Clara : Tout à fait !
Anca :Mais quand on voit bio, on se dit il faut acheter bio, c’est très bon. Mais en fait non, pas du tout. Le label bio ne te dit pas combien de sel tu vas mettre dans ton bouillon, le bouillon cube, pardon, on ne va pas te dire combien de sel tu vas mettre. Ils vont mettre pareil, c’est juste que le persil qui est dedans va être bio.
Clara : Et le sel bio, là on fait autre chose-là
Anca : Le sel bio, je pense que ça n’existe pas d’ailleurs. Parce qu’il y a une catégorie de choses pour lesquelles ça n’existe pas du bio. L’eau, par exemple.
Clara : L’autre question que j’avais est-ce qu’il y a la valeur énergétique dedans ? Ça c’est indiqué.
Anca : Oui, tout à fait. Les informations nutritionnelles qui sont sur l’étiquette vont être renseignées sur le site, donc les informations nutritionnelles telles qu’on les trouve sur l’étiquette. C’est-à-dire que s’il y a des produits alimentaires qui ne renseignent pas ça, si j’ai bien compris, c’est devenu obligatoire depuis un petit moment maintenant, enfin un petit moment c’est-à-dire quelques mois, je pense. C’est devenu obligatoire de renseigner les informations nutritionnelles et donc, si elles sont là, elles vont être sur le site Open Food Facts et on va pouvoir comparer les produits entre eux par rapport à ces informations-là.
Clara : Super. Alors openfoodfacts.org, j’imagine ?
Anca : .org, .fr, la version française elle existe en .fr. Mais s’il y a des auditeurs à l’international, en fait ça existe à peu près pour tous les pays de l’Europe, au moins, pour tous les pays du monde. Ça existe ce n’est pas point, ça ne va pas être point quelque chose d’autre, ça va être plutôt le préfixe du pays .openfoddfacts.org. Et là on va trouver son pays. Moi je trouve mon pays à moi, moi je viens de Roumanie donc je trouve là les produits roumains, il n’y en a pas beaucoup, mais il y en a.
Clara : Est-ce qu’il y a le prix aussi dessus ?
Anca : Il n’y a pas le prix.
Clara : C’est dommage !
Anca : C’est dommage ! Il n’y a pas le prix, mais il y avait eu l’idée de mettre le prix. On a des infos sur, par exemple, sur ou est-ce que le produit a été acheté, dans quel magasin, quelle ville, etc. Il n’y a pas encore le prix, il n’y a pas le prix, en fait. Il n’y a pas de projet précis là-dessus, mais il y a des idées de rajouter des prix, parce que ça ne va pas être un seul prix, ça peut être plusieurs prix, rajouter des prix pour pouvoir renseigner sur les prix aussi. Après pareil, comme pour toutes les autres informations, les gens vont utiliser cette information comme ils veulent, parce que c’est l’idée.
Clara : Eh bien oui ! Ludovic, tu as une autre question peut-être ?
Ludovic : Non, non vas-y, il faut remplacer l’animateur, apparemment il a déserté.
Clara : Il est parti.
Anca : L’animateur a dû trouvé le gâteau
Ludovic : Il n’est pas loin, il a trouvé les bières, c’est surtout ça.
Anca : Ah il a trouvé les bières l’animateur.
Ludovic : On peut le remplacer ce n’est pas un problème.
OliCat : Il faut conclure.
Ludovic : Donc merci beaucoup, Anca, d’être venue sur Libre à toi. C’était vraiment une très belle présentation et Open Food Facts c’est un superbe projet. Il va être mis sur Libre à toi la semaine prochaine ! Openfoodfacts.libreatoi.org
Clara : On va faire une petite coupure musicale et on se retrouve très vite. Merci à toi Anca.
Anca : Merci à vous !