Sciences - Internet et Logiciel Libre - Elzen
Titre : Sciences, Internet & Logiciel Libre
Intervenant : Elzen
Lieu : Ubuntu Party - Paris
Date : Novembre 2016
Durée : 1 h 02 min 30
Licence de la transcription : Verbatim
Statut : Transcrit MO
00'
Elzen : Bonjour tout le monde. Je crois que je vais faire beaucoup de bruit en soufflant dans le micro. Je suis désolé.
Public : Mets un peu plus bas. Pas trop !
Elzen : Comme ça, ça va ?
Public : Nickel !
Elzen : Je disais bonjour tout le monde. Je vais donc vous parler aujourd’hui de : Sciences, Internet et logiciel libre. Pour la petite histoire c’est la deuxième fois que je fais cette conf parce qu’en fait je l’ai préparée le mois dernier pour la fête de la science. Et puis les gens de l’Ubuntu Party m’ont demandé de venir faire une conf ici je n’avais pas spécialement le temps de préparer, je me suis dis « Fête de la science, Cité des sciences, ça va à peu près ensemble, on va reprendre la même. » Donc voilà. Donc je vais vous parler de sciences, d’Internet et de logiciel libre.
Donc de quoi on va parler un peu plus précisément que ça ? Je ne détaille pas le plan, on verra au fur et à mesure. C’est une conf dans laquelle je vais vous demander votre avis à plusieurs reprises en cours de route, assez rapidement. La dernière fois on a fait plein de discussions en cours de route et puis, finalement, la conf a pris deux heures. Là, on n’a qu’un créneau d’une heure, on va peut-être faire un peu plus court, mais ça devrait aller. Je vais vous demander votre avis pour la première fois sur qu’est-ce que le mot science veut dire d’après vous ? Le mot science, comment vous définiriez ça ? Il y a quelqu’un qui a envie d essayer de répondre ?
Public : C’est tout simplement la recherche de nouveautés dans tous les domaines : médical, informatique ou autres, mathématique.
Public : ??? ça implique déontologie et puis on va les structurer
Elzen : C’est bien. Vous êtes déjà sur la même longueur d’onde que moi, tout va bien. En général, quand on demande la définition du mot science, il y a, à peu près, quatre définitions qui reviennent fréquemment. D’ailleurs, j’ai oublié de changer de tee-shirt à ce moment-là :
ensemble des connaissances d’une personne et d’une société. Donc la science de telle région du monde à telle époque. Par exemple voilà. Quand on dit : « Arrêté, quelle est ta science ? », ce genre de choses ;
l’ensemble des applications qui sont issues de cette connaissance ;
on peut aussi utiliser le mot science pour parler de l’institution scientifique. Donc l’ensemble des gens qui font de la science ;
et puis c’est une démarche d’obtention des connaissances. Normalement je porte un tee-shirt avec ce joli petit logo dessus come back to try science. Donc ce dont je veux vous parler ici, c’est ce dernier point donc la démarche d’obtention des connaissances.
C’est une démarche qui, comme ces messieurs l’ont dit, qui est soumise à certaines règles de déontologie, entre autres, pour bien fonctionner. En particulier, il y a quatre piliers de la démarche scientifique qui sont, d’abord, le scepticisme initial sur les faits et leurs interprétations. C’est-à-dire qu’on ne prend rien pour définitivement acquis. Il est toujours possible que les découvertes ultérieures viennent remettre en cause ce qu’on connaissait avant. Donc le plus important est de ne jamais arrêter de se questionner, comme disait un certain monsieur Albert Einstein. Donc la science est, par nature, le contraire du dogmatisme. On remet toujours systématiquement en cause tout ce qui a déjà été fait , y compris par nous.
Le deuxième point c’est le matérialisme de méthode. C’est-à-dire que la façon dont on fait de la science, faire de la science, le principe général, c’est s’appuyer sur les choses et regarder comment elles régissent. Donc, par définition, on ne peut faire de la science que sur les choses sur lesquelles on peut appuyer. On en parle régulièrement des conflits possibles entre science et religion. La religion, le concept de dieu, par définition, c’est un truc sur lequel on ne peut pas appuyer. Donc avec la science on ne peut pas travailler avec. On ne s’y oppose pas, juste ce sont deux domaines différents.
Le troisième point c’est le réalisme. Le réalisme c’est l’hypothèse selon laquelle il existe une réalité matérielle qui va se manifester de la même manière à tout le monde. C’est-à-dire qu’on travaille en appuyant sur les choses et on regarde comment elles réagissent et on fait le pari que quelle que soit la personne qui va appuyer sur la chose, si on appuie de la même manière, la réaction sera la même.
Et le dernier pilier, c’est le fait de se conformer à la logique et au principe de parcimonie. Donc on construit des raisonnements qui doivent tenir la route. Et le principe de parcimonie, c’est un principe d’économie d’hypothèse. Ça veut dire que si on peut expliquer la même chose, avec le même degré de fiabilité, de deux manières différentes, mais qu’il y en a une qui est plus simple que l’autre, on va préférer celle qui est la plus simple.
Voilà ! Donc ça ce sont les quatre piliers de la démarche scientifique. Et il y a un point qui est important à souligner c’est que la démarche scientifique sert à produire des données. Vous avez déjà un exemple que j’aime bien prendre, vous avez déjà probablement tous entendu, quand vous étiez enfant, tout ça, qu’il ne faut pas laisser les bouteilles traîner par terre parce que le verre met quatre mille ans à se décomposer. Si vous vous êtes déjà demandé quel est le lien logique entre les deux propositions, vous avez tout à fait raison. On ne dit pas qu’il pas qu’il ne faut pas laisser les bouteilles traîner parce que le verre met quatre mille ans à se décomposer. Si on ne dit que ça, il manque un morceau. Le morceau qui manque c’est : on a l’intention que les gens qui passeront le lendemain ne trouvent pas les déchets. C’est un point extrêmement important ça, parce que c’est le point de la responsabilité citoyenne, de la démarche collective, et de l’usage qu’on fait de la donnée scientifique. Le point fondamental, dans cette histoire-là, c’est celui qu’on ne dit pas. C’est celui qu’on veut que les gens trouvent l’endroit dans le même état le lendemain. Le fait que le verre mettre 4 000 ans à se décomposer, c’est une donnée. C’est un truc qu’on utilise pour prendre la décision, mais ce n’est pas ça qui motive la décision.
Quand vous avez des gens qui viennent vous dire « la science dit que machin, donc il faut faire comme ça », il manque toujours une étape et c’est cette étape qui est la plus importante. C’est quel est l’objectif ? Pourquoi on prend dette décision-là ? La donnée scientifique est une donnée qui ne sert pas à prendre la décision par elle-même. On s’appuie sur les données pour prendre les décisions, mais les données sont le fruit d’une volonté politique qu’on met en plus.
Maintenant la science au quotidien comment ça marche ? L’exemple que je donne régulièrement, je pense que les gens qui étaient à ma conférence il y a six mois ont déjà dû voir ça. Ça c’est l’arbre de la vie tel qu’on le dessinait à l’époque de M. Charles Darwin, l’arbre des relations entre les différentes espèces, avec un tronc qui montait vers le haut, avec l’homme tout en haut, au sommet de l’évolution, et plein de branches, de trucs primitifs derrière. Ça c’est l’arbre de la vie comme on le dessine maintenant, qui part dans toutes les directions. Si vous cherchez l’homme, c’est un petit point quelque part par là, parmi plein d’autres. Il n’y a pas un sommet de l’évolution. Ça c’est un exemple que je donne assez régulièrement pour montrer le fait que la démarche scientifique n’est jamais quelque chose de figé. On va perpétuellement travailler, retravailler ce qui a été fait. Donc l’activité scientifique au quotidien c’est lire ce que les autres scientifiques ont publié. Ils vont proposer des manips pour prouver ce qu’ils avancent, on va refaire les manips pour vérifier si c’est bon ou pas. On va trouver des trucs qui ne vont pas qui peuvent être améliorés. Donc on va proposer des choses pour les améliorer. On va faire de nouvelles manips pour montrer, pour vérifier que les améliorations sont bien puis, ensuite, on va publier les résultats. Ça c’est l’activité de chercheur au quotidien.
Publier les résultats, à l’époque, enfin pendant longtemps ça se faisait sur papier. Maintenant on a un truc un peu génial qui s’appelle Internet, donc ça va être mon point suivant.
08’ 53
Est-ce que vous savez d’où vient Internet ?
Public : L’armée américaine.
Elzen : Alors, l’armée américaine. On entend souvent dire ça, que ça aurait été une invention de l’armée américaine. En fait, ce n’est pas vrai : ça a été commandité par l’armée américaine. Ça a été commandité par l’armée américaine qui voulait un réseau qui soit indestructible : le petit oiseau blindé, là, l’armure. Mais les gens qui ont vraiment fabriqué Internet c’étaient des scientifiques dans les universités américaines, c’étaient des gros hippies, et ce qui les intéressait là-dedans c’est qu’ils ont réfléchi deux secondes et qu’ils se sont dit que indestructible ça veut dire incontrôlable. S’il n’y a pas moyen de détruire la chose, il n’y a pas moyen de faire pression dessus pour faire des saletés avec. Et c’est ça qui est le point fondamental d’Internet. Ça a été réclamé par des militaires pour un truc indestructible mais, de fait, si c’est indestructible, ça a la possibilité de devenir un énorme espace de liberté.
Maintenant comment est-ce que ça marche tout ça ? Alors pas comme ça. Ça c’est le réseau à l’ancienne comme on en fait depuis qu’on a les d’ordinateurs pour les brancher les uns sur les autres. Je ne sais pas si ça se voit bien ces petites machines-là sont des Minitels, parce que c’est exactement comme ça que ce réseau-là fonctionnait. Les réseaux à l’ancienne on a un gros serveur au centre, qui fait tout, qui gère tout, et tous les terminaux autour, tous les petits ordinateurs qu’on a en périphérie du réseau, sont des trucs fondamentalement bêtes, qui ne servent qu’à se connecter au truc central. Ça, évidemment, sur le côté indestructible c’est nul ! Il suffit d’attaquer le truc au milieu et il n’y a plus rien qui marche !
Donc, pour faire Internet, on a décidé de faire exactement le contraire et donc on a fait ça. Donc le principe d’Internet c’est que toutes les machines intelligentes sont en périphérie du réseau et il n’y a pas de machine au centre. Au centre, il n’y a que des câbles. Ce n’est pas vrai. En vrai, il y a des machines au centre aussi, mais leur rôle est simplement de transférer l’information du point A au point B et d’être totalement transparentes. Le but du jeu est qu’on fait comme si ces machines n’existaient pas, comme si c’était juste des câbles. Le but c’est juste de transférer l’information du point A au point A et toute l’intelligence est autour. Le réseau lui-même est bête. Ça, c’est ce qui change fondamentalement par rapport au réseau à l’ancienne et c’est ce qui fait qu’Internet est indestructible et donc incontrôlable. En théorie. Maintenant, on va voir sur le papier il y a des choses à redire, mais on va en reparler.
Maintenant comment ça marche ? Attention je vais vous montrer une slide super technique. Donc vous retrouvez mon bazar de câbles derrière, c’est devenu des rails, et toutes les informations qui doivent circuler sur ces rails donc sur les câbles d’Internet, [les gens qui sont derrière, si vous voulez venir vous asseoir il y reste des places], donc toutes les informations qui doivent circuler sont découpées en petits paquets et on envoie ces petits paquets sur le réseau. On a ce qu’on appelle des adresses IP, ce sont des suites de nombres, comme ça, avec des points ou avec des deux points si on prend la version récente, qui servent à identifier les machines et on envoie des tas de paquets sur le réseau qui vont aller d’une machine à une autre. Voilà ! Internet, ça marche globalement comme ça. C’était une slide super technique, je vous avais prévenus.
Maintenant, qu’est-ce que ça apporte Internet au juste ? Je ne sais pas si cette slide-là passe très bien, on ne comprend pas toujours du premier coup d’œil. Mais là, ce que je vous montre, mine de rien, ce sont les trois grandes révolutions de l’humanité. La première, c’était il y a à peu près 5 000 ans, c’est quand on a inventé un truc qui s’appelait l’écriture. Avant, quand on voulait des infos, on était obligé de tout retenir de tête et si je voulais transmettre l’info à quelqu’un j’étais obligé d'aller lui parler et de m’assurer qu’il retienne tout, parce qu’il n’y avait aucun moyen de noter.
La première grande révolution, c’est quand on a commencé à pouvoir écrire des choses. Ce qui voulait dire que je pouvais mettre les choses sur papier, poser le papier quelque part et puis la personne qui venait après pouvait lire le papier, pouvait accéder à l’information sans que je sois présent. Ça, au niveau de notre rapport aux connaissances, ça change énormément de choses, déjà.
La deuxième grande révolution c’était un peu plus récent, c’était il y a 500 ans – 5 000 ans c’est vieux on ne se rappelle pas forcément, 500 ans c’était hier, ça va – ça s’appelle l’imprimerie. Ce qui change fondamentalement, c’est que quand qu’on a inventé l’écriture, eh bien il faut quand même écrire à la main, ça prend du temps. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais les bouquins qui circulaient le plus à l’époque c’était les trucs genre la Bible, c’est très long à recopier. L’imprimerie permet de produire des quantités phénoménales de texte en très peu de temps, donc permet de produire du texte en masse et ça, ça change fondamentalement les choses, parce que ça permet à l’ensemble de la population de lire. Ça permet à tout le monde d’accéder à l’information et de lire mais, il y a un mais qui est absolument capital, une presse à imprimer ça coûte cher, ce n’est pas à la portée de tout le monde, il n’y a que quelques personnes qui vont pouvoir décider ce qu’on va pouvoir écrire. Et donc ça, ça nous crée une société extrêmement verticale, qu’on va retrouver dans les autres modèles ensuite, y compris la télévision, surtout la télévision, où on a quelques personnes qui décident ce qui va être diffusé et toute la population, derrière, qui ne peut que accéder à l’information et qui n’a pas son mot à dire sur ce qu’on va diffuser. Donc ça, ceci était très vertical : quelques personnes décident, tout le reste suit.
Ce qui change fondamentalement avec la troisième grande révolution de l’humanité qui est en train de se jouer en ce moment qui est le numérique et internet, c’est que Internet, on l’a dit, l’intelligence est à la périphérie : tout le monde peut monter une machine et mettre du contenu à disposition. Internet c’est donner la possibilité à tout le monde d’écrire. C’est-à-dire qu’un concept qui est assez intéressant qui s’appelle la liberté d’expression, avant le numérique, avant Internet ça n’avait pas de sens. Ça n’avait pas de sens parce qu’il y avait d’énormes barrières à l’entrée pour permettre aux gens d’écrire. Maintenant, si vous voulez tenir un blog vous pouvez le faire sans problème. C’est ça la troisième grande révolution de l’humanité, c’est qu’on est en train de mettre en place un système dans lequel tout le monde a le droit à la parole. Donc un système qui va être beaucoup plus égalitaire, qui va être, qui ne l’est pas encore, parce qu’on a encore les réflexes d’avant, on a encore beaucoup de choses à changer, mais on est dans la troisième grande révolution de l’humanité qui est en train de se jouer en ce moment. C’est assez intéressant à noter et ça permet de jolis trucs comme ça où se met à travailler tous ensemble, tout le monde travaille ensemble partout sur la terre – ça c’est une page de promo, je l’ai trouvée sur un moteur de recherche en deux minutes – mais, pour arriver à faire ce genre de choses, il y a quand même une nécessité c’est qu’il faut qu’on arrive à communiquer tous ensemble. Vous connaissez l’histoire de la tour de Babel : les gens commençaient à construire leur truc, tout ça, et puis les dieux n’étaient pas d’accord. Alors ils ont dit : « On va leur faire parler plein de langues différentes, comme ça ils ne se comprendront plus, ils ne pourront jamais s’arrêter. »
Le principe c’est un peu le contraire, c’est que si on veut que si tout le monde réussisse à faire des choses ensemble, il va falloir qu’on se débrouille pour que au moins les machines parlent la même langue. Les humains, on s’arrangera, mais les machines, au moins, doivent pouvoir se comprendre. C’est là qu’intervient notre troisième larron. Donc on a fait sciences, Internet, maintenant le logiciel lire.
16’ 48
Alors le logiciel libre, d’où ça vient ?