La trépidante histoire du droit d'auteur 2
Titre : La trépidante histoire du droit d'auteur (2) La crise
Intervenants : Olivier Le Brouster de l'association Grésille
Lieu : Ateliers de l'Information - Auditorium de la BU Sciences du campus de Saint Martin d'Hères
Date : 2 juin 2014
Durée : 42 minutes
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00'00 transcrit JFL
Olivier: Bonjour. Pour commencer, je vais vous présenter rapidement l'association Grésille, dans lequel je donne cet exposé. Grésille est une association qui a pour objectif d'apporter une critique autour d'Internet et de l'informatique à Grenoble essentiellement. Et pour cela, on se donne deux axes. Le premier, c'est d'essayer de nous réapproprier les outils sur Internet: les boîtes mails, des listes de diffusion, et l'hébergement de sites webs. Et le deuxième axe, c'est d'essayer de faire ce qu'on appelle un peu d'agitation politique en donnant des ateliers, des conférences ou des exposés comme celui-ci.
00'55 transcrit JFL
Mon exposé fait suite à celui de Louis, qu'il a donné la semaine dernière en parlant de phrases choc autour du droit d'auteur. Et moi, je vais essayer de me concentrer un peu, sur le droit d'auteur et Internet. Et je vais essayer de vous expliquer en quoi il y a une crise.
Pour commencer mon exposé, je vais vous parler d'un bonhomme qui s'appelle Aaron Swartz, qui est mort il y a un peu plus d'un an, en janvier 2013, il s'est donné la mort dans son appartement à Brooklyn. Et Aaron était un activiste, c'était un passionné d'informatique, c'était un hacker pardon, c'était un passionné d'informatique et aussi un activiste. Il militait pour différentes causes et entre autres, il se battait contre les utilisations injustes du droit d'auteur.
02'05 transcrit JFL
Il se trouve que Aaron Swartz était étudiant au MIT et qu'à ce titre là il avait accès à une base de données d'articles scientifiques, qui s'appelle JSTOR. Et JSTOR diffuse des articles scientifiques de manière privée, enfin commerciale. Pour accéder aux articles de JSTOR, il faut payer, sauf parfois comme lorsqu'on est étudiant au MIT. Et les chercheurs qui publient des articles via JSTOR ne sont absolument pas rémunérés. Aaron Swartz considérait que c'était une utilisation du droit d'auteur injuste. Notamment, parce que c'était une façon d'organiser de la rareté sur du savoir scientifique. Il avait donc entrepris de diffuser publiquement l'ensemble du contenu de cette base de données. Et il a donc essayé de télécharger l'ensemble du contenu, il a réussi cependant ça a alerté JSTOR qui a lancé une enquête. C'est allé assez haut puisque le gouvernement fédéral [des États-Unis] a été alerté et le FBI a mené l'enquête. Voyant la chose, Aaron Swartz a rendu tout le matériel qu'il avait téléchargé à JSTOR. JSTOR a cessé ses poursuites, mais le gouvernement fédéral a continué. Aaron Swartz a été arrêté, puis il a été relaché sous caution. Ses actes ont été requalifiés en crimes et il risquait une amende colossale et une peine de prison de 30 ans, je crois. Deux mois après sa mort, allait se dérouler ce procés là. Et sa famille nous dit que c'est une raison très importante dans le choix de se donner la mort.
04'06 transcrit JFL
Pourquoi je vous parle de ça ? Je vous parle de ça, parce que c'est une histoire qui montre à quel point le droit d'auteur est devenu un enjeu très important et amène des États, des entreprises à créer des situations très inquiétantes. Et tout mon exposé va s'attacher à essayer de caractériser cette situation où, au final, on vit une espèce de crise du droit d'auteur.
04'41 transcrit JFL
Je vais commencer par essayer de vous faire un tout petit topo sur le droit d'auteur. D'abord, pour qu'il y ait droit d'auteur, il faut qu'il y ait une œuvre de l'esprit. Une œuvre de l'esprit, ce n'est pas défini dans loi, mais des exemples sont donnés. Ça va du livre, jusqu'au vêtement, en passant par des pièces de théatre ou des logiciels.
05'04 transcrit JFL
Ensuite, dans le droit d'auteur, on distingue deux grandes branches. Il y a d'abord les droits moraux, qui sont inaliénables et perpétuels. Inaliénables, ça veut dire qu'on ne peut pas les céder. L'auteur ne peut pas céder ces droits là. Perpétuels, c'est qu'ils durent à l'infini. Dans ces droits moraux, il y a notamment; je ne vais pas détailler trop les droits d'auteur parce qu'on n'a pas beaucoup de temps; mais dans ces droits moraux, il y a notament le fait de revendiquer la paternité de l'œuvre. C'est quelque chose qu'on ne peut pas enlever à l'auteur. Il y a aussi le droit de première divulgation, le droit de retrait, etc, etc…
05'43 transcrit JFL
La deuxième branche du droit d'auteur, c'est les droits patrimoniaux. Ceux-là sont cessibles et temporaires. C'est complètement à l'opposé des droits moraux. Dans les droits patrimoniaux, on retrouve le droit de reproduction. Enfin, le privilège de reproduction. C'est à dire ce qui permet à un auteur d'être est le seul de pouvoir faire des copie de l'œuvre. Et le privilège de reproduction. C'est à dire ce qui permet à l'auteur d'être le seul à pouvoir faire des "exécutions" de l'œuvre. C'est à dire de projeter un film, chanter une chanson, etc, etc…
06'30 transcrit JFL
Dit comme ça, on s'imagine bien que ça marche pas. Il y a tout un tas d'exceptions au droit d'auteur. Ce qui permet de rendre un équilibre entre l'auteur et les usages des œuvres. Ça va être, par exemple, le droit pour une bibliothèque de traduire une œuvre en braille, c'est ce qu'on appelle l'exception pour handicap. Ou ça va être, par exemple, le droit de citation, qui permet sans demander à l'auteur de citer une œuvre. Ça va être la copie de sauvegarde, la copie privée. Il y a une multitude d'exceptions.
07'04 transcrit JFL
Je vais aussi vous définir un terme que je vais utiliser par la suite. Je disais que les droits patrimoniaux sont cessibles. Quand on cède les droits patrimoniaux à quelqu'un, ce quelqu'un devient un ayant-droit. Un ayant-droit est une personne à qui on a cédé les droits patrimoniaux qui n'est pas auteur de l'œuvre. C'est assez important.
07'30 transcrit JFL
Le droit d'auteur est né au 18ème siècle. Depuis le 18ème siècle, on constate une croissance de l'importance des droits partimoniaux pour essentiellement deux raisons. La première raison, c'est une raison technologique, que l'on peut résumer sur une thèse de Laurence Lessig. Professeur de droit aux États-Unis, qui dit qu'à la fin du 20ème siècle on est arrivé à la fin d'un mode de dévelloppement de la culture en "lecture seule". Il explique cela par l'évolution de la technologie: avant le phonographe, pour massivement diffuser des œuvres, il fallait se les réapproprier et en faire une représentation. Avec l'arrivée du phonographe, puis de la radio et de la télévision. Ce ne sont plus les humains qui transmettent les œuvres, mais la technologie. C'est un changement qui est très important. Nous sommes arrivés à une situation où quelques acteurs possèdent les moyens de diffusion de la culture. Ces acteurs là sont massivement des ayants-droit. Et on va dire, des consommateurs, même si je n'aime pas ce terme là, qui sont passifs. Ça change comment est construite la culture.
08'59 transcrit JFL
La deuxième raison c'est le cadre légal, qui a changé. Le droit d'auteur, la structure du droit d'auteur n'a pas tellement changée. Par contre, elle s'est énormément compléxifiée. Un des points notables, c'est que la durée des droits patrimoniaux à augmentée d'une manière très importante. Je vais parler seulement du cas de la France: quand le droit d'auteur est apparu, la durée des droits patrimoniaux, je vous disais que les droits patrimoniaux étaient temporaires, la durée des droits patrimoniaux était de 5 ans après la mort de l'auteur. Actuellement c'est uniformisé, notamment via un organisme qui s'appelle l'OMPI au niveau mondial, et massivement et de manière générale est de 70 ans après la mort de l'auteur. C'est un gros changement.
09'50 transcrit JFL
Ces deux raisons là, nous amènent à une situation où au final, on a l'impression qu'il y a un certain renversement du droit d'auteur, où ce n'est plus l'auteur qui est au centre de ces droits là mais l'ayant-droit. Le droit d'auteur à la base était prévu pour protéger les auteurs des commerçants. À la fin du 20ème siècle et encore maintenant, le droit d'auteur protège massivement les ayants-droit des consommateurs. C'est massivement son utilité.
10'28 transcrit JFL
L'informatique et Internet arrivent dans ce contexte là, à la fin du 20ème siècle. Ils viennent donner un coup de pied dans la fourmillière pour plusieurs raisons. D'abord, parce que l'Internet et l'informatique rétablit massivement un mode de diffusion de la culture en "lecture/écriture" pour reprendre l'expression de tout à l'heure. Le fait qu'il y ait une certaine réciprocité sur Internet, qu'il soit très facile pour n'importe qui de publier du contenu, change fortement la manière avec laquelle est diffusée la culture. Les gens qui possédaient les moyens de diffusion, qui possédaient les canaux de télévision voient leur pouvoir énormément remis en cause par l'arrivée d'Internet pour cette raison là.
11'27 transcrit JFL
Ensuite, un deuxième point qui vient pertuber beaucoup la donne, c'est l'obsolescence de certaines activités. Notamment, toutes les industries qui visent à poser sur des galettes plastiques des œuvres. On a trouvé un moyen plus efficace et moins coûteux que ça. Du coup, ces industries là tendent à, peut-être pas forcément disparaître parce que dans l'histoire de l'humanité quand il y a eu des révolutions et des industries qui devenaient obsolètes ne disparaissaient pas forcément totalement. En tous cas, il y a une forte crise dans ces industries là.
12'07 transcrit JFL
Une troisième raison, c'est le fait que globalement on assiste à un partage massif de toute œuvre numérisée sur Internet. Ça boulverse aussi beaucoup les modes de diffusion de la culture. Ça remet en cause la posture qu'avaient et qu'ont encore partiellement les ayants-droits à la fin du 20ème siècle.
12'33 transcrit JFL
Vous imaginez bien que ces ayants-droits, qui avaient acquis une posture de pouvoir très importante, se défendent et organisent depuis le 21ème siècle une riposte assez importante et même plusieurs ripostes. Il y a une citation de Marieti, qui un des plus grands ayants-droits sur des images, qui dit « La propriété intelectuelle est le pétrôle du 21ème siècle. » J'aime bien cette citation parce qu'elle dit deux choses. Elle dit premièrement que les droits patrimoniaux tendent à disparaître. Ça, à mon avis, c'est plutôt une bonne nouvelle. La deuxième chose qu'elle dit, c'est qu'on est en quelque sorte en guerre sur cette question là. Les ayants-droits vont essayer de s'accaparer cette ressource rare qui est la propriété intelectuelle et qui tend à disparaître.
13'43 transcrit JFL
On est en guerre, mais c'est pas sûr qu'on en sorte indemne et que la diffusion de la culture, au final, en ressorte grandie. La riposte que mènent les ayants-droit est multiple. Il y a une riposte morale, je vais pas m'étendre, Louis en a parlé bien, très bien, la dernière fois, notamment sur la phrase choc « Pirater, c'est voler ». Il y a ensuite une riposte juridique. Depuis les années 2000, on voit apparaître une multitude de lois qui visent toutes à criminaliser les pratiques de partage ou à renforcer les procédés technologiques qui visent à restreindre les droits numériques. Ensuite, on assiste à une riposte judiciaire. L'exemple sur lequel j'ai commencé cet exposé, l'illustre bien. Si cela vous intéresse, on en parlera tout à l'heure pendant les questions. Enfin, la riposte qui est peut-être la plus importante, c'est la riposte technologique. On a commencé à voir apparaître ça avec ce qu'on appelle les DRM. DRM, ça veut dire Digital Right Management, en français: Gestion des Droits Numériques. Ça va de choses assez simples comme la gestion des zones géographiques sur les DVD. Je ne sais pas si vous vous souvenez, maintenant c'est moins présent, mais quand les DVD sont arrivés, la planète a été découpées en zones. Les appareils, qui étaient capables de lire les DVD, étaient associés à une zone et les DVD étaient aussi associés à une zone. Si les deux ne correspondaient pas, on ne pouvait pas lire le DVD. C'est un exemple de DRM. Il y a des exemples un peu plus compliqués et beaucoup plus poussés. Comme par exemple, les liseuses des livres électroniques. Je vais donner une anecdote pour que vous compreniez. Amazon, via sa liseuse de livres électroniques Kindle, permet d'acheter des livres. Notamment, pendant un moment donné, a permi d'acheter le livre « 1984 » de Georges Orwell. Un certain nombre de gens ont acheté ce livre sur leur liseuse. Il se trouve que Amazon s'est rendu qu'ils n'avaient pas les droits de vendre ce livre là. Un beau jour, les gens, qui avaient acheté le livre, se sont retrouvés à ne plus pouvoir le lire sur leur liseuse. Ce qu'il s'est passé, en fait, c'est que les gens n'avaient pas acheté le livre. Ils avaient acheté un droit limité de représentation du livre sur leur liseuse. Les DRM ça sert à ça. Ça sert à contrôler les droits sur des ordinateurs, sur des téléphones, sur des appareils électroniques.
16'45 transcrit JFL
C'est très problèmatique. Notamment, parce que l'environnement numérique confère un pouvoir de contrôle bien plus important que dans un environnement analogique. La copie est au cœur de tout, du fonctionnement de tout appareil numérique. Le droit d'auteur qui régule spécifiquement la copie prend une proportion énorme dans un environnement numérique. Ça, c'est très problématique. En plus, il y a une autre problèmatique qui est la question de qui fait la loi; qui garanti les droits. Si à un moment donné, c'est vos appareils électroniquent qui décident si vous pouvez, ou pas, faire telle ou telle chose, ça pose un vrai problème.
17'41 transcrit JFL
Toujours la même personne, Laurence Lessig, a développé une thèse qui s'appelle « Code is law », dans laquelle il dit une chose intéressante et je vais vous lire une citation de Michael Kurby, qui est juge suprème en Australie et qui a essayé de résumer un peu cette pensée et il dit:
Nous sommes `a un point de l’histoire, où, de plus en plus, la loi sera explicitement expriḿee non pas dans des textes, [discutées et validés par les institutions australiennes] mais dans la technologie elle-même […]. Embarquée dans les objets, valable sur le plan international, effective à travers les frontières, la loi s’appliquera, appliquée par la technologie elle-même. C’est une évolution nouvelle et très importante. Elle n’a pas été initiée par des législateurs d’une façon démocratique. Il ne s’agira pas de régler des équilibres et d’ajuster la balance entre les usages libres de droit, les usages légitimes, la liberté d’expression et la protection des droits d’auteurs. Cela ne se fera pas ainsi. Cela se fera dans les grandes entreprises, qui protégerons leurs intérêts.
18'52 transcrit JFL
C'est pour essayer de bien vous faire comprendre ce qui est en train de se passer. Ce qui est en train de se passer, c'est que les usages, que l'on peut faire des œuvres, vont être décidés dans les gens qui fabriquent nos outils. Les juges, la justice de manière générale va prendre une importance, tend a être moins importante sur cette question là.
Pour terminer mon exposé, je vais vous parler de l'informatique de confiance, qui illustre bien ça. À la base, l'informatique de confiance c'est cette idée que nos appareils électroniques, nos ordinateurs, nos téléphones portables, nos tablettes, sont dans un environnement sujet à de nombreuses attaques informatiques, à des virus, etc, etc… Il s'agit de vouloir protéger ces outils là contre du code malicieux. Ça paraît quelque chose de très louable. Sauf que, si on regarde de plus près, on s'aperçoit que les gens qui portent cette dynamique là, ce sont les pricipaux contructeurs de matériel associés aux principaux éditeurs de logiciels et de contenus. Ils se sont réunis dans un consortium qui s'appelle Trusted Computing Group, depuis une petit dizaine d'années. Leur volonté c'est de, petit à petit, installer des procédés de chiffrement à l'intérieur de nos ordinateurs, de nos téléphones, etc, pour empêcher l'exécution de logiciels qui n'auraient pas été validés par le constructeur du matériel. Donc, sur une base matérielle, l'idée c'est que votre téléphone, ou ordinateur, ou tablette, n'exécutera plus du code qui n'aurait pas été signé par le fabriquant. Ça pose un réél problème, parce qu'on imagine bien que les fabriquants comme AMD, HP, ou Intel ou autre, autoriseront sur la base de contrats qu'ils auront passés avec les éditeurs de contenus ou de logiciels. L'idée qu'il y a derrière ça, c'est en fait de contrôler toute la chaîne de diffusion de la source jusqu'à votre écran; d'empêcher sur une base matérielle qu'on puisse d'autres choses avec les œuvres que ce qui aura été décidé par les ayants-droits. Pas par les auteurs, parce que les gens qui ont du pouvoir sur la diffusion des œuvres, c'est pas les auteurs, c'est les ayants-droits, actuellement dans la société dans laquelle nous sommes.
21'48 transcrit JFL
Ça pose vraiment le problème de confiance. C'est à dire que l'idée à la base, qui était louable, d'empêcher de faire fonctionner des logiciels néfastes. En fait, c'est une idée qui ne marche pas, parce qu'elle repose sur un principe où ce n'est pas vous qui décidez si le logiciel est néfaste ou pas, c'est le fabriquant de logiciel. Si ça vous intéresse, il y a un article qui été écrit par Stallman, qui s'intitule « Pouvons-nous faire confiance à notre ordinateur », qui est assez intéressant sur ce sujet.
22'28 transcrit JFL
Je vais finir par vous donner deux exemples, qui sont liés à l'informatique de confiance. Des exemples que vous avez peut-être rencontrés. Le premier, c'est la norme HDCP. La norme HDCP, c'est quelque chose qui est apparu avec, je ne sais pas si ça vous parle, les prises DVI et HDMI, qui sont les successeurs des prises VGA, derrière nos ordinateurs. C'est des prises que l'ont retrouve derrière nos ordinateurs, mais aussi derrière des lecteurs de salon, sur des téléviseurs, comme sur des écrans. Ces normes là permettent une autre norme, qui s'appelle HDCP. Dont l'objet est de chiffrer le flux d'informations entre le lecteur et l'écran. L'idée qu'il y a derrière, c'est d'empêcher que l'ont puisse reproduire l'œuvre qui est lue. Ce qu'il se passe, en fait, si par exemple vous avez un lecteur HDCP et un écran pas HDCP, c'est que soit le contenu est dégradé, vous avez une œuvre qui peut être lue en 1080p ou en 720p, elle sera lue dans une qualité bien plus médiocre, ou pire: l'œuvre ne se lit pas du tout. En fait, HDCP c'est encore présent, mais les clés de chiffrement qui sont à la base de ce protocole là ont été dévoilées. Un grand nombre de fabricants se sont mis à faire du matériel qui contourne cette norme là.
24'13 transcrit JFL
Un autre exemple, plus questionnant, qui lui va vraiment plus proche de ce qu'est l'informatique de confiance, c'est quelque chose qui est appelé « Secure Boot » et c'est quelque chose qui est porté par Microsoft. Au démarrage de nos ordinateurs, il y a un petit programme qui est exécuté, qui est le premier programme. Jusqu'à il n'y a pas très longtemps, ce programme c'était ce qu'on appelait le BIOS. Récemment, il a été remplacé par un nouveau programme, et ce programme implémente cette norme Secure Boot dont l'unique objectif est de faire en sorte que le système d'exploitation qui sera chargé derrière, les seuls systèmes d'exploitations qui puissent être chargés derrière c'est les systèmes d'exploitation qui auront été signés par Microsoft. Sur votre ordinateur, il y a des clés de chiffrement, qui disent ce système d'exploitation est homologué Secure Boot. Actuellement, il y en a deux. Vous imaginez bien que ça pose un vrai problème sur l'informatique et notamment au niveau des Logiciels Libres. C'est quelque chose qui est optionnel. Je ne suis pas utilisateur de Windows 8, parce que ça apparaît dans Windows 8. Je ne serai pas étonné qu'il y ait de usages de Windows qui soient bridés si cette fonctionnalité n'est pas activée. Pour l'instant, ça reste optionnel. Mais l'informatique de confiance avance, petit à petit. Informatiquement, c'est un vrai problème. On peut se poser la question de qu'est-ce qui se passerait, qu'est-ce qu'il se passerait si l'informatique de confiance "gagnait". Si c'était vraiment le monde dans lequel on vivait. Les anecdotes, je n'en ai pas citées beaucoup, parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Mais les anecdotes que l'on voit ici ou là à cause du droit d'auteur, ne seraient plus des anecdotes.
26'17 transcrit JFL
Par exemple, Facebook qui interdit la diffusion d'un tableau sur son réseau social, ça deviendrait quelque chose de courant. Apple, qui impose régulièrement sa morale sur ses outils, ça deviendrait quelque chose de courant. Amazon, qui retire un livre parce qu'il se rend compte qu'il n'a plus les droits et ses utilisateurs ne peuvent plus lire le livre, ça deviendrait quelque chose de courant. Google ne permettrait que de rechercher dans du contenu homologué. C'est déjà en partie le cas: il y a des tonnes de contenus dans lesquels on ne peut pas chercher sur Google. Encore Google: Google vous imposerait de monétiser des vidéos sur sa plateforme Youtube, et vous aurez probablement pas beaucoup d'autre choix pour diffuser des vidéos. Microsoft aurait réussi à tuer les Logiciels Libres. Disney continuerait…
27'17 transcrit JFL
Ah oui, je ne vous ai pas dit la petite anecdote. Je vous ai dit que la durée des droits patrimoniaux avait augmenté. En fait, ce qui se passe à chaque fois, quand elle augmente, c'est qu'il y a un lobbying énorme par les ayants-droit pour augmenter les droits d'auteur pour éviter que leurs œuvres s'élèvent dans le domaine public. À un tel point, que ces lois là, aux États-Unis d'Amérique, on les a appelé les lois Disney, les lois Mickey.
27'54 transcrit JFL
Disney pourrait continuer à se réapproprier la culture populaire pour en faire quelque chose de propriétaire. Et etc, etc…
Merci. (APPLAUDISSEMENTS)
28'16 transcrit JFL
Est-ce qu'on trouve Secure Boot sur tous les ordinateurs actuellement ?
Oui. Je disais que jusqu'à il n'y a pas très longtemps le programme qui démarrait les ordinateurs d'appelait BIOS. En fait, il est remplacé par un autre programme qui s'appelle UEFI. Dans la version qui est installée, de base sur tous les ordinateurs qui sont diffusés actuellement, existe la possibilité d'activer Secure Boot. Ça va être la personne qui fabrique et qui configure le BIOS, donc le fabricant.
Ça peut être désactivé manuellement, actuellement. C'était pas le projet au départ. Et c'est certainement pas le projet: le but, c'est de verrouiller le système qui peut être exécuté sur l'ordinateur, ou sur le téléphone…
29'12 transcrit JFL
(salle) Non, je ne suis pas sûr que (???) ça ne m'étonnerait pas beaucoup. Je ne sais pas.
Ah oui, pardon [la question est:] Est-ce que ça existe sur les Mac ?
Je ne suis pas sûr que ça existe sur les Mac. UEFI est quand même une norme, comme toutes les normes à ce niveau là, qui met du temps à apparaître. À mon avis, si ça n'existe pas sous Mac, ça va exister dans pas très longtemps.
29'46 transcrit JFL
C'est une vraie question: est-ce qu'il existe une solution pour redonner du pouvoir aux auteurs ?
Oui, il en existe. Il existe des solutions légales et illégales. Dans les solutions légales, il y a de repenser l'économie autour du droit d'auteur. Il y a beaucoup de manières de financer les auteurs d'une œuvre. Je peux en donner quelques exemples. Il y a, par exemple, ce qu'on appelle le financement participatif. Il y a, depuis quelque temps, des plateformes qu'on appelle de crowdfounding qui apparaîssent sur Internet et qui permettent de financer à priori un projet sur la base d'une intention. C'est une manière de se détacher des ayants-droit dont je parlais. Il y a, par exemple, tout ce qui est licence libre, qui peuvent être associées aussi à ce type de financement. Tout ce qui est licences libres, qui vont préserver le cadre de diffusion d'une œuvre, qui vont empêcher des gens de se reapproprier une œuvre, qui vont empêcher quelqu'un de devenir propriétaire des droits d'une œuvre et d'empêcher des usages de cette œuvre là.
31'24 transcrit JFL
D'autres solutions, d'autres manières de repenser l'économie d'une œuvre, ça va être d'axer la diffusion d'une œuvre sur son premier droit de divulgation. D'essayer de décoréler la possibilité de partager une œuvre avec le fait de la diffuser, en gros. Ça peut être par les dons, par exemple.
32'05 transcrit JFL
La question c'est: est-ce que les droits moraux et les droits patrimoniaux existent juridiquement ?
Oui. Ils existent juridiquement.
La différence entre les droits moraux et les droits patrimoniaux, ça va être leurs caractéristiques. Par exemple, ce que je disais tout à l'heure: les droits moraux sont perpétuels et inaliénables. Les droits patrimoniaux sont cessibles et temporaires. Dans les types de droits qu'il y a dedans, les droits patrimoniaux ça va être essentiellement ce qui va être utilisé majoritairement pour monétiser une œuvre. C'est le privilège de représentation et le privilège de reproduction. Il y a d'autres choses dans les droits patrimoniaux, mais c'est essentiellement ça. Les droits moraux, il va y avoir dedans le droit à la parternité: associer une personne à une œuvre, le fait qu'elle en est l'auteure. Il va y avoir le droit de première divulgation de l'œuvre. Il va y avoir le droit de retrait: le fait d'imposer à ce qu'une œuvre ne soit plus diffusée, sous contrepartie financière, probablement. Il y [en] a d'autres. C'est ce type de droits là.
33'33 transcrit JFL
Est-ce que je peux détailler la nouvelle politique concernant la diffusion du contenu sur Youtube ?
Je ne suis pas au courant des détails, du coup je ne peux pas en parler précisément. Je peux parler quand même du mécanisme mis en place par Google là-dessus, qui existe depuis le début, en fait. Parce que l'activité de Google, de Youtube n'est pas de diffuser des vidéos. L'activité de Youtube c'est de vendre des espaces publicitaires. Ça c'est son activité principale. Il se trouve que ils ont trouvé que les vidéos, c'était un bon moyen. Depuis le début, Google a un algorithme qui s'appelle Content-ID, depuis que Youtube existe en tous cas depuis que Google l'a racheté. Il y a un algorithme qui s'appelle Content-ID, qui permet de rechercher des similitudes entre le contenu qui est publié et une base de données fournie par des ayants-droits. C'est quelque chose qui est automatique: à chaque fois qu'une vidéo est publiée, il y a cet algorithme qui tourne.
34'49 transcrit JFL
Il peut se passer plusieurs choses. Selon la gravité qui est décrétée par cet algorithme, soit il peut y avoir ce que Google appelle un avertissement, qui n'est pas forcément visible, pour la personne qui publie la vidéo. Au bout d'un certain nombre d'avertissements, la personne se voit contraint de ne plus du tout, par exemple, mettre d'extraits d'œuvres protégés par des ayants-droits dans sa vidéo. En gros, on lui demande de ne pas faire de vidéos de plus d'une certaine durée. Ça c'est une chose qui peut se passer.
35'27 transcrit JFL
La deuxième chose qui peut se passer, c'est qu'on vous oblige de soit retirer votre œuvre, soit mettre de la publicité. Ce qui est l'activité première, quand même de cette plateforme là. Dont les revenus irons aux sois-disants ayants-droit de ce que vous avez publié. Mais c'est assez grave ! C'est à dire que actuellement sur Youtube, le droit de citation n'est pas respecté.
35'56 transcrit JFL
Est-ce qu'il y a une loi qui dit que toute œuvre est libre jusqu'à une 20aine de secondes ?
Je ne sais pas. Je ne connais pas les détails. Je pense qu'il s'agit de l'exception pour citation, par rapport aux droit patrimoniaux. Je ne connais pas les détails pour les œuvres audio-visuelles, qui caractérise l'exception pour citation.
36'21 transcrit JFL
Est-ce que la distinction entre droits moraux et droits patrimoniaux est quelque chose d'international ou c'est quelque chose de spécifique au droit français ?
C'est spécifique au droit français. C'est quelque chose, alors je ne sais pas si dans l'unification il n'y pas des bouts de droits moraux qui ont été rapportés, mais en tous cas c'est quelque chose qui est fortement lié au droit français. Le droit de paternité, par exemple, c'est quelque chose qui est français.
36'54 transcrit JFL
Qui sont les ayants-droit ?
Un ayant-droit n'est, par définition, pas un auteur. L'ayant-droit est la personne à qui l'auteur a cédé ses droit patrimoniaux. Du coup, ça va être des gens comme, si on veut parler des gros, ça va être des gens qui participent à des syndicats comme la MPAA, ou Motion Picture Association of America. Donc, ça va être des producteurs de films, de gros producteurs de films. Les grosses majors. Ça, ce sont des ayants-droit. Ce sont les principaux gros ayants-droit. Youtube est probablement, je n'ai pas regardé précisément les contrats qui sont passés avec les gens qui publient sur Youtube, mais Youtube est probablement un ayant-droit.
37'46 transcrit JFL
C'est la question des droits moraux et des héritiers de l'auteur. Effectivement, je ne peux pas te répondre là-dessus. Effectivement, le droit au respect de l'intégrité d'une œuvre est un droit moral, si je ne me trompe pas. Les héritiers peuvent faire respecter ce droit là. Je ne sais pas, après juridiquement si les céder ou pas. Cela s'est déjà vu: je ne sais plus en quelle année, mais les héritiers de Victor Hugo ont tenté et ont réussi à interdire une suite ou plusieurs suites, même, des Misérables. Sous prétexte que les suites ne respectaient pas l'intégrité de l'œuvre.
Donc oui, c'est possible.
38'51 transcrit JFL
Il est question d'une œuvre de Houellebecq(?) qui utilisait beaucoup de citations de Wikipédia et du fait que cette œuvre a été publiée sur Internet sous ce prétexte là. Je ne connais pas l'affaire, du coup, je ne peux pas tellement en parler.
39'26 transcrit JFL
Est-ce que il existe des avancées politiques ou sociétales sur la problématique que la technologie prends le pas sur le politique. Il y a quelques victoires sur ce front là. Je peux notamment citer la victoire qui a eu lieu contre ACTA au niveau européen. ACTA, c'est un traité qui a été négocié en secret entre différents pays et qui est arrivé au parlement européen. Il y a eu toute une discussion, une bataille autour de ce traité là parce que notamment… Alors ACTA, c'est énorme, mais dans ce traité là, il y avait un certain nombre de choses qui visaient à rendre responsable les intermédiaires techniques vis-à-vis de certains, crimes je ne sais pas, mais de certains usages non légaux. C'était très vicieux parce que l'idée était de donner plus de pouvoirs aux intermédiaires techniques pour faire le travail de la justice. C'était problématique sur le plan de l'informatique par rapport, par exemple à tous les hébergeurs, qui se retrouvaient à devoir appliquer des choses avant même que ce ne soit passé par la case tribunal. Mais c'était aussi problématique pour tous ce qui est semences agricoles ou médicaments génériques. ACTA n'a pas réussi à passer au niveau européen. Sur ce sujet là, il y a une association qui est plus sur le plan informatique, qui s'appelle la quadrature du net, qui a fait un énorme travail de lobbying. Ils sont en partie grâce à eux qu'on n'a pas ACTA au niveau européen.
(APPLAUDISSEMENTS)