Droits d'auteur biens communs ressources éducatives partie II

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Titre : Droits d'auteur, biens communs et ressources éducatives

Intervenant : Hervé Le Crosnier, Maître de conférence en informatique

Lieu : Caen, CRDP76

Date : Décembre 2013

Durée : Deuxième partie 19 min 37

Lien vers la vidéo  : [1]


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... quelque part ça existait déjà avec des livres dont on avait une forme socialisée d'existence vu que ce sont souvent les conseils généraux qui achètent les livres, ou les conseils régionaux maintenant, pour les mettre à disposition des élèves. Mais c'est plutôt le fait que ces ressources elles-mêmes peuvent être réutilisées, au même sens que les logiciels, c’est-à-dire on peut les améliorer, on peut ne se servir que d'une partie, on peut rajouter ses propres exercices et faire recirculer à nouveau le travail pédagogique, en ressource éducative libre. Donc c'est en fait comment on organise les échanges entre enseignants et vous savez combien dans l'enseignement on est souvent tellement seul devant sa classe, tellement seul devant sa préparation, que d'organiser cet échange devient quelque chose de création d'une communauté enseignante qui malheureusement n'a plus tellement court. Ah si il y a quand même un autre bien commun de la connaissance centrale, c'est Wikipédia. Pas besoin de dire plus de mots que de montrer le logo. Vous savez très bien aujourd'hui qu'on ne peut plus avoir aucune conversation dans un restaurant, sans que quelqu'un un jour ou l'autre, à un moment donné, ne sorte son appareil pour aller vérifier sur Wikipédia. Donc on a là quelque chose qui a été construit en commun par des gens, par les propres utilisateurs de Wikipépédia, qui améliorent, modifient, et en même temps qui ont des règles, des règles de la communauté des wikipédiens, qui permettent d'assurer la maintenance en fait de ce bien commun et de garantir aussi qu'il ne sera pas approprié, puisqu'il y est en licence Creative Commons By-SA, c'est-à-dire que tout ce qui est mis dans Wikipédia restera disponible à tout le monde pour toujours par la licence elle-même.

Si enfin, j'en avais prévu, il y en a des choses dans les communs, des mouvements qui montrent en fait quand on construit des communs, c'est quand on commence à voir apparaître y compris de la production de biens matériels en peer to peer, c'est-à-dire en réseau collaboratif en commons-based peer production comme dit Yochai Benkler.

C'est l'idée qu'en fait on va pouvoir partager le design, vous savez que dans la production de produits il y a une place très importante au design et au plan, au patron. Donc comment est-ce qu'on va pouvoir partager ça et ça c'est rendu possible par l'infrastructure qui est le numérique et l'internet, la capacité de collaboration, et puis comment après, on va pouvoir, y compris aller jusqu’à la fabrication avec les imprimantes 3D et le début des fab labs, les fab labs qui commencent à s'implanter souvent maintenant dans des lycées, ou au moins dans des universités. C'est l'idée qu'on va mettre en commun des outils pour fabriquer des objets, à une condition, c'est que ce qui a été travaillé dans le fab lab en commun, donc travaillé en commun, restera en commun, c'est-à-dire que le plan lui-même, le design pourra être réutilisé par tous les autres membres des communautés de fab labs. Donc ça ce sont des éléments très importants et enfin on voit apparaître aussi une share économie, c'est privilégier en fait le partage face à la possession ; c'est-à-dire trouver des moyens d'avoir un usage plutôt que devoir posséder quelque chose, cas typique c'est le covoiturage par exemple.

On a vu qu'il y a dans les communs la question des enclosures donc des volontés de privatiser, de marchandiser, de transformer ce qui est organisé en commun. On a vu qu'il y a des mouvements de résistance qui au contraire développent l'idée de produire en commun, de partager des ressources. Après il y a du travail parce que tout ça c'est une dynamique. Qui dit dynamique dit il faut faire de la recherche pour essayer de comprendre ce que sont les communs. Or quand on veut étudier les communs j'aime beaucoup cette phrase d'Elinor Ostrom qui est là en portrait : « Chaque commun est un cas particulier ». Elinor Ostrom est la première femme à avoir eu le prix Nobel d'économie, en 2009, justement pour son travail sur les communs. Ce qui était très étonnant, c'est dans la presse française, le jour où elle a eu son prix Nobel, elle l'a eu conjointement avec Williamson, qui lui travaille sur les logiques de partage internes à la firme, donc les structures internes des firmes, ça ils savaient très bien décrire les journalistes économiques ; sur le ce travail d'Elinor Ostron ils ne savaient rien dire, si ce n'est qu'elle a travaillé sur les colocataires. Ce qui est quand même très faible par rapport à son apport ! Alors depuis ça c'est développé, mais c'est bien de vous dire aussi que ce que je disais au début, c'est-à-dire on est dans une période où le terme des communs était très peu connu en 32009, la preuve en effet vous regardez les journaux du jour du prix Nobel d'Elinor Ostrom, et maintenant, aujourd'hui, où c'est quand même devenu quelque chose de plus répandu.

Quand on étudie les communs, si chaque commun est un cas particulier, comment on va s'en sortir ? En fait il faut à mon avis étudier quatre points. Le premier c'est la nature de la ressource partagée. Quelle est sa nature ? Est-ce qu'elle est additive ou soustractive ?

Le deuxième c'est le bundle of rights. Là aussi on a tendance à dire il y a deux cas, c'est public ou c'est privé. En réalité ça ne marche pas comme ça. Il y a toute une série d'exemples, y compris en Europe, qui viennent des traditions, qui font qu'on a des choses partagées : les bassins versants, l'affouage de l'eau, enfin il y a toute une série de choses qui restent du passé et qui font qu'il y a des droits collectifs. Il y a des règles d'usage, des Creative Commons créent des règles d'usage. C'est parce que je suis propriétaire, au sens de la déclaration de Bern, de l’œuvre que j'ai créée que je peux transformer, mettre un droit d'usage qui est différent, par exemple le droit de recopier, de faire circuler, etc. Donc on a en fait un faisceau de droits et pas uniquement des droits de propriété.

Le troisième point, troisième pilier, c'est quel est le processus de gouvernance. En fait quelles sont les règles ? Les communs c'est avant tout une structure sociale. C'est comment les gens se sont mis ensemble, se sont fixés de règles et comment d'ailleurs ces règles sont acceptées par le reste de la société. C'est-à-dire comment en fait, par exemple la General Public license, depuis a fait la preuve de sa validité devant les tribunaux. Donc on voit bien qu'il y a une relation de force entre les règles internes que se produisent une communauté et leur acceptation par l'ensemble de la société.

Enfin quatrième point à étudier c'est quel est le type spécifique de risque d'enclosure qui porte sur ce commun particulier. On peut distinguer de ce point de vue-là les communs universels des communs locaux. Les communs universels nous font toucher quelque chose de très compliqué. Qui va protéger la communauté ? Faire que la ressource marine reste partageable ? Qui va faire en sorte que l’Antarctique ne devienne pas une ressource minière et qu'on protège l’Antarctique ? Pour l'instant il y a un traité international de l'Antarctique, mais enfin c'est un traité qui est sans arrêt remis en cause. Qui va faire en sorte que l'air que nous respirons ne soit pas en permanence enclos, c'est-à-dire pollué en fait, empêchant notre respiration pour les profits des vendeurs de machines diesel ? D'accord ? Donc quelles sont les formes de communauté qui sont adaptées à ces communs universels, là c'est très compliqué. Soit on pense que ça va être les états, on le voit avec les questions justement de pollution, de réchauffement climatique que les états ne sont pas la meilleure solution aujourd'hui parce que chacun pèse d'un côté bien sa responsabilité face aux communs universels, dans les grandes déclarations ça a été toujours présent, mais en même temps pèse ses formes de développement, ses intérêts particuliers, etc, et donc c'est toujours ceux-là qui l'emportent, je ne sais pas pourquoi. Donc on a une problème en fait de comment on fait que ces biens communs universels soient réellement pris en charge par la société, c'est-à-dire par les gens qui vont avoir la volonté de les défendre, notamment parce qu'ils appartiennent aussi à leur culture. Ces communs universels sont des sources et des ressources, la nature elle-même, d’éléments culturels ce qui fait dire à certains qu'il faut avoir des Rights of Mother Earth, c'est-à-dire des droits de la terre mère, qui elle-même la nature, aurait elle-même des droits et pourrait être quelque part une personne capable d'ester en justice.

Ce n'est pas simple parce qu'on ne sait pas forcément quels sont les gardiens de ces communs universels. On le sait pour les forêts, on sait par exemple que ce sont les peuples des forets, pour la haute montagne on sait que ce sont les peuples qui vivent en haute montagne. Mais il y en a plein d'autres où on ne sait pas et donc c'est là que l'on revoit qu'il y a une liaison très forte entre l'engagement citoyen et cette question des communs.

09' 32

A coté de ces communs universels donc qui préexistent en fait il y a tous les communs construits