Politique faveur logiciel libre

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00' transcrit Marie-Odile

Bonjour ! Je suis Luc Fievet comme c'est écrit en bas. Je vais vous parler d'un sujet que j'ai à l'esprit depuis un petit moment qui est de faire un parallèle entre économie politique et logiciel libre. Je suis à l'April et, il y a un problème ? On entend à peine dans le micro ! Je vais passer en mode actif, ça ira mieux !

Donc ce sujet de l'économie politique et informatique libre. Je suis à l'April mais je ne suis pas informaticien. J'ai une formation en sciences humaines et j'ai fait un peu d'économie. Je ne suis pas économiste non plus vraiment. J'ai eu la chance d'aborder l'économie sous un angle très théorique et je parle bien d'économie politique. Je vais vous en dire un peu plus après ça.

L'objet de cette conférence et de ses réflexions c'est de voir comment on peut essayer de modifier notre vision de l'informatique libre et d'essayer d'aborder de nouvelles façons de voir les choses.

Donc premier point, je vais parler un petit peu d'économie politique pour définir ça et vous expliquer un petit peu ce que j’entends par là. Ensuite en quoi ça peut être utile pour le libre. J'aborderai cette question du pouvoir de l'économie, là encore je me situe dans un contexte plutôt idéologique, théorique et pour finir en quoi ça peut avoir une influence pour ce qui nous intéresse tous.

Donc l'économie, on est dans une acceptation assez large, c'est une discipline qui s’intéresse à la production et à l'échange de biens et de services. Donc c'est une définition qui est très large. On a souvent la vision économie égal argent et ça peut être pris comme quelque chose de plus large que ça. Dans le domaine de l'économie par exemple on distingue entre économie marchande où on va échanger des biens pour faire du bénéfice, et avec notamment une monnaie, et une économie non marchande. La notion d'économie non marchande est relativement peu étudiée mais elle existe chez les économistes dans leur réflexion.

L’intérêt de l'économie à mon sens c'est que c’est un outil de description universel, c'est-à-dire qu'on va pouvoir aborder d'un point de vue économique énormément de choses puisque la production et l'échange c'est quelque chose de foncièrement humain, donc on va pouvoir aborder les activités humaines au travers d'une vision économique.

Si j'invoque la notion d'économie politique c'est qu'il me semble important de faire une différence avec ce qu'on appelle la science économique, que personnellement je trouve assez contestable et l’intérêt c'est ce que c'est politique, donc politique au sens large notamment, ça touche nos vies !

J'ai mis ici une petite citation de José Mujica, qui est président de l'Uruguay, qui est réputé être le président le plus pauvre du monde et qui explique que, en quelque sorte l'argent ne fait pas le bonheur, truc assez bien connu, mais qui montre qu'on peut avoir une échelle de valeurs complètement différente et cette question de la richesse c'est juste un choix, un biais qui est pris par certaines personnes, considéré comme étant supérieur aux autres, mais on peut tout à fait en avoir d'autres et ce n'est pas parce qu'on a une échelle de valeurs différente comme par exemple la liberté que la démarche économique est inadaptée.

Dans le libre actuellement, tel que je le vois, les aspects économiques que je peux voir dans le libre, le premier c'est ce que j'appelle l'économie du savoir scientifique. C'est le modèle idéal dont on sait qu'il est un petit peu mis à mal actuellement, donc le modèle idéal de la science qui est le fait de faire des recherches, publier ses recherches auprès de ses pairs afin que le savoir soit partagé par tous et que le travail de recherche s'accumule et qu'il y ait une validation de la pertinence des recherches par ses pairs. Et plutôt que d’être dans quelque chose où je vais faire une recherche, la garder dans mon coin, poser un brevet ou un autre système de verrouillage, je vais au contraire partager, publier, rendre public et ce système a largement prouvé sa valeur depuis quelques siècles. Même si aujourd’hui l'idéal de propriété intellectuelle a tendance à vouloir essayer de mettre des verrous là-dessus.

Dans le logiciel libre on a une économie qui est celle de la notoriété. Certes le code est en général téléchargeable assez facilement, la question de la notoriété importante. Un développeur inconnu qui va se lancer dans un projet, y contribuer, aider les autres personnes qui sont dans ce projet-là ou s'il est tout seul dans son projet, faire un logiciel efficace, etc, il va effectivement produire du code, mais il va également produire de la notoriété. Il va être connu, reconnu. S'il travaille mal il va être également connu et reconnu mais de façon négative et ça, ça va jouer de façon assez considérable dans les échanges qui vont pouvoir y avoir derrière. C'est-à-dire que quand Richard Stallman par exemple appelle les gens à soutenir une cause ou se lancer, à faire quelque chose de particulier, il est beaucoup plus écouté que quand c'est moi qui parle.

Ça c'est typiquement un exemple d'économie non marchande. On n'est pas dans un bien ou un service, on est dans de la réputation et cette réputation elle s'échange et elle se construit.

Autre exemple qu'on connaît bien, ce sont les entreprises du logiciel libre qui sont finalement très proches puisqu’elles sont soumises aux mêmes règles que les entreprises conventionnelles, mais dont on peut se dire qu'elles ont une approche assez particulière par rapport à un modèle capitaliste ou on va arriver, faire un gros investissement, aller chercher du capital, faire un gros investissement pour développer du code par exemple qui sera propriétaire et où on va essayer de rentabiliser cet investissement. Les entreprises du libre peuvent partir avec moins de moyens, puisqu'elles peuvent bénéficier d'un logiciel libre qui a déjà été développé et avec déjà des milliers d'heures de travail intégrées dans ce logiciel. Elles n'ont pas besoin de partir de zéro, de mettre les gros chèques sur la table. Il y a nécessairement des investissements, mais disons que c'est déjà d'un point de vue économique un pas de côté qui est intéressant.

Et là on rejoint notre histoire bien connue du fait que le libre n'est pas gratuit. Cette notion de gratuité finalement est assez trompeuse, parce que même dans notre économie de la notoriété qu'on peut avoir entre geeks, quelqu’un qui va contribuer bénévolement à un logiciel libre et bien de cette notoriété il va pouvoir avoir des bénéficies, donc on peut tout-à-fait considérer et il y a plein d'étudiants qui vont par exemple participer à des projets libres et qui vont pouvoir, après ça, quand ils vont chercher du travail mettre ça dans leur CV, montrer ce dont ils sont capables ; et tout ça, ça a une valeur.

Comme je vous le disais, pour moi l’intérêt de cette approche en terme d'économie politique c'était d'avoir des angles de vue différents ce ceux qu'on a actuellement pour essayer d'enrichir notre vision du libre.

Les points de vue que je vois actuellement dominants sur la question de l'informatique libre, on a la philosophie de la liberté, c'est pour ça que j'ai mis une photo de Stallman, c'est vraiment le point d'entrée.

On a cette question du droit d'auteur, puisque en Europe notamment, le code est régi par le droit d'auteur.

On a des aspects techniques, même s'ils ne sont pas totalement exclusifs au logiciel libre mais en tout cas on a des logiciels et donc on va pouvoir en parler d'un point de vue technique.

On a des organisations avec des projets de différentes formes. Donc on va pouvoir parler de tel type d'organisation, tel type de licence, tel type de business model pour une entreprise, mais on a effectivement ce côté business pur et dur. On a des entreprises qui sont dans un circuit économique marchand, classique et de ça on va en parler également.

On pourrait donc tout à fait adopter d'autres points de vue, là j'en ai mis trois qui sont ceux qui me sautent aux yeux, mais je pense que chacun peut trouver en fonction de son parcours et de son environnement d'autres trucs. Moi je vois par exemple celui de la sociologie du travail. Je trouve par exemple extrêmement symptomatique que les libristes s'arrogent une légitimité à dire comment on travaille bien et quelle est la bonne façon de travailler sur les codes et en informatique. C'est-à-dire qu'ils veulent partager leurs codes, ils veulent le faire et le partager avec d'autres et avec des méthodes spécifiques. Et ça, quand on se replace dans une question de sociologie du travail, sur la forme du travail qu'on a en Occident traditionnellement, on a une notion de pouvoir. C'est pour ça que je cite Gorz ici qui dit dans La Métamorphose du Travail que la première priorité d'une entreprise c'est de conserver le pouvoir sur le travail de ses salariés. On a des notions où un salarié répond aux ordres de la personne qui l'emploie, donc il va louer son temps de travail etc, et aujourd'hui dans ce que je vois chez les libristes, ce modèle-là qui est hiérarchique, qui est modèle de pouvoir, est mis en cause par les libristes.

On peut également avoir une approche en terme de sciences de l'information et de la communication et notamment pour comprendre comment justement toutes ces informations circulent, comment elles sont partagées, ce genre de choses. On a d'autres trucs en termes d'infos, l'information et la communication qui sont à mon sens assez symptomatiques. On va prendre par exemple un site comme LinuxFR qui est un site, je ne sais pas si tout le monde le connaît, mais qui est assez communautaire, dans lequel les informations des dépêches vont être rédigées, des informations vont être amenées. Je trouve très intéressant que la communauté garde le pouvoir sur ce truc-là. C'est très important. Il y a beaucoup de domaines avec des amateurs, des gens qui partagent l’information, qui travaillent tous sur un même sujet, bien peu à mon sens ont le pouvoir sur leur outil de communication, ils vont souvent se fédérer autour d'une revue tenue par des professionnels, des journalistes professionnels, un groupe de presse et quand on voit le monde du libre, on a comme ça des îlots autogérés de gestion de l'information.

Et donc le dernier, c'est évidemment l'économie politique que j’aborde ici aujourd'hui.

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Donc, on avait ce signal qui effectivement était une bonne surprise et qui a suscité beaucoup d’enthousiasme dans la communauté parmi les entreprises du libre. D'ailleurs, ça a surpris, a priori, au niveau gouvernemental à quel point ce texte-là a été repris parce que pour eux une circulaire, c'est un texte qui sort, sans qu'ils en sortent tous les jours, ce n'est pas forcément autant important qu'un texte de loi ou autre. C'est vrai que c'était un texte qui était très attendu. Il y a vraiment de grands espoirs.

Mais, dans le même temps, on voit en ce moment des occasions manquées finalement de concrétiser ce texte. Et donc là on est sur la deuxième étape, on a un texte qui est bien, qui est très bien, qui est enthousiasmant, mais au final dans la pratique on n'y est pas encore complètement.

Des occasions manquées, j'en citerai deux. Il y a eu déjà tout le dossier du brevet unitaire qui nous a beaucoup occupés en 2012 et fin de l'année 2012 notamment, qui est un texte qui revoit les règles d’attribution des brevets. Au départ ça ne nous concerne pas directement parce que ce sont des questions de qui donne les brevets, qui juge les brevets, etc. Sauf que, en réalité ,on se retrouve avec des personnes qui vont avoir quand même un pouvoir important sur le champ de la brevetabilité parce que ce sont elles qui vont dire si quelque chose est brevetable ou pas, qui sont des personnes qui sont complètement en faveur des brevets logiciels. Donc là, on se rend compte qu'il il y a un danger très clair pour le logiciel libre.

On a expliqué. On a fait quand même un travail d'information, de sensibilisation important. Au niveau européen on a eu quelques relais même si au final malheureusement le Parlement a fini par adopter le projet de règlement, par contre en France, ça a été encore très difficile de faire comprendre ce type de chose et c'est là qu'on voit qu'on a encore un gros travail d'information à faire parce que il y a une logique toujours oui mais le brevet c'est bon pour l'innovation. Plus de brevets égal plus d'innovation alors que le lien n'est absolument démontré que dans des pays où il y a très peu de brevets qui sont déposés, on peut avoir beaucoup d'entreprises qui se créent, beaucoup de nouvelles technologies qui se développent, etc, et l'inverse est vrai. On a des contre-exemples aujourd'hui, avec les États-Unis notamment, où on des batailles des brevets qui sont très importantes, qui au contraire sont nuisibles pour l'innovation, pour le développement de nouvelles entreprises, pour le développement de nouvelles technologies, de nouvelles idées, parce que finalement on dépense aujourd'hui beaucoup plus en avocats et en frais donc d'avocats, de juristes de brevets, qu'en frais simplement de R & D. On a vraiment un gros manque à ce niveau-là.

Après un autre dossier qui est sans doute encore plus clair en terme d'occasion manquée de mettre en œuvre cette politique, ça a été la question de l'open bar Microsoft Défense. Pour contexte, qu'est-ce que c'est que cet open bar ? C'est un contrat qui existait déjà depuis 2007 mais qui devait ou vient, on ne sait pas, d’être renouvelé ou en tout cas qui le sera cette année entre donc Microsoft et le Ministère de la Défense en France. Alors pourquoi un contrat open bar ? Simplement parce que c'est un contrat de location, donc pas du tout d'achat, mais où les différents services du ministère peuvent se servir dans toutes les licences Microsoft, sans avoir à payer de coût supplémentaire, etc, ils peuvent piocher dans un catalogue et prendre ce qu'ils veulent au nombre qu'ils veulent. Sachant que c'est un contrat de location, c'est-à-dire qu'à la fin du contrat ils n'ont plus rien. Ils ont soit le choix entre acheter les licences alors que ça fait quand même quatre ans qu'ils payent pour les utiliser, soit renouveler un contrat de location, donc continuer à être enfermés dans ce système là, soit abandonner complètement les logiciels même s'ils sont installés sur leur ordinateur parce qu'ils n'ont plus le droit de les utiliser.

Au point de vue coût, ça représente des coûts assez importants. On parlait de 100 euros par poste et par an, donc plusieurs millions d'euros. En terme d’indépendance technologique, c'est assez catastrophique parce que comme les différents services n'ont pas l'impression de payer pour les logiciels vu que de toutes façons tout est compris dans le prix, on passe au tout Microsoft parce que de toutes façons Microsoft ne coûte rien et qu'ils sont déjà là, donc on a une forme de monopole qui se crée complètement et en plus, c'est le non respect complet de tout ce qui règle les marchés publics, etc, parce que c'est passé le tout sans aucun appel d'offre, ni mise en concurrence, ni quoi que ce soit. Donc, on a vraiment une problématique. Et en plus, un contrat où ça implique des choses comme le fait que Microsoft ait un centre de compétences au sein même du Ministère de la Défense en France aujourd'hui. Donc il y a des gens de chez Microsoft qui travaillent à l'intérieur. Ils sont très compétents, je n'en doute pas !

Il y avait eu quand même un certain nombre d'articles, notamment un hebdomadaire qui s'appelle le Canard enchaîné qui avait publié un article là-dessus où il avait réussi à interviewer quelqu'un du Ministère de la Défense qui avait répondu que ben oui mais de toutes façons les américains n'avaient pas besoin des back doors de Microsoft pour pouvoir savoir ce qui se passait au Ministère de la Défense. Depuis, on a eu l'histoire de Prism, etc, donc on se rend d'autant plus compte que c'est vrai, mais il reste qu'en terme de souveraineté ou d’indépendance c'est quand même relativement problématique pour le moins et surtout dans un État où on dit que maintenant il faut vraiment envisager le logiciel libre systématiquement quand on fait des achats publics et autres.

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Donc, on a vraiment encore cette hésitation et ce qu'il faut voir qu'on a quand même une volonté politique d'avoir plus de logiciel libre. Après on a de mauvaise habitudes et un contrat type open bar en est l'exemple type qui sont très ancrées et on a vraiment ce basculement entre les deux. Donc, à partir de là comment est-ce qu'on en part ? Comment est-ce qu'on évolue ? Déjà la première étape qui va être intéressante et qui promet d’être intéressante dans les prochaines semaines et prochains mois, c'est une série de réponses qui sont en train d'être publiées en ce moment des différents ministères sur leur application de cette circulaire de septembre 2012, dans leurs administrations. En fait, c'est une député écolo, Isabelle Attard qui a posé 37 questions à chacun des ministères pour savoir exactement où ils en étaient. Donc, on a les premières réponses qui ont commencé à arriver. Donc, notamment le ministère des Affaires Étrangères et donc tous les ministères qui sont raccrochés, le Développement Durable, la Francophonie et les Français de l’Étranger, donc, comme les quatre ont en fait les mêmes services il y a une seule réponse qui correspond aux quatre et aussi le Ministère de l’Agriculture. C'est vrai que c'est intéressant de lire, parce que déjà se plier à cet exercice de transparence ça permet d'avoir une première réflexion sur est-ce qu'on a une stratégie logiciel libre ou non en interne et aussi de publier sur le fait qu'on en ait une ou pas ; et aussi déjà d'annoncer quelle sont les aussi évolutions possibles et envisagées.

Alors, au Ministère des Affaires Étrangères, il y a quand même un certain nombre de choses qui sont faites, qui sont intéressantes, on peut penser notamment à l'installation systématiquement de suites bureautiques libres sur les ordinateurs, encore en parallèle aujourd'hui des suites Microsoft, mais c'est un premier pas. Des choses aussi comme les machines sécurisées pour tout ce qui est diplomatie, qui sont sous Ubuntu, sur une version modifiée d'Ubuntu. On a quand même un certain nombre d'utilisations. Dans ce ministère, on peut le regretter, on n'a pas de chiffres.

Le Ministère de l'Agriculture lui a aussi donné des chiffres, notamment en termes de dépenses entre logiciel libre et logiciel propriétaire en faisant un certain nombre de distinctions et c'est vrai que c'est intéressant de voir même s'il dépense en logiciels propriétaires aujourd’hui mais que le le gros de la dépense sur le logiciel propriétaire c'est sur des questions de bases de données ou autre, et par contre effectivement eux ont fait par exemple une transition complète sur des suites bureautiques libres dans l'ensemble des services. Donc, c'est plutôt intéressant de voir ces choses-là.

Et maintenant on va voir, des autres ministères, quelles sont les réponses et ça permettra, on l'espère, d'avoir un panorama un peu plus complet de la situation du logiciel libre et aussi quelles sont les volontés des différents acteurs. Parce que c'est aussi la question, est-ce qu'ils ont envie de bouger, de faire plus de logiciel libre, dans quelles conditions, etc.

Donc, ça c'est une première étape. Et une deuxième étape, qui est vraiment d'actualité parce que c'est quelque chose qui va se jouer cet après-midi, donc on est vraiment en plein dedans, c'est l'idée d'inscrire le logiciel libre dans la loi. Ce sont des dispositions qui ont déjà présentées à plusieurs reprises, qui était l'idée de mettre une priorité au logiciel libre dans certains services publics.

Donc, on a d'abord eu une occasion manquée. C’était le projet de loi sur la refondation de l'École de la République. Il y a avait une disposition qui avait été introduite par le Sénat qui disait que le nouveau service public du numérique éducatif allait utiliser en priorité du logiciel libre et des formats ouverts. La disposition était passée, avait été proposée en commission au Sénat. Elle avait été adoptée sans difficulté, sans mention aucune par le gouvernement, d'un problème ou autre, en première lecture donc en plénière au Sénat. Ça avait été adopté à nouveau en commission à l'Assemblée Nationale et finalement ça avait été retoqué pendant la séance publique à l’Assemblée sur un amendement du gouvernement qui a, en fait, complètement vidé la disposition de sa substance en disant donc que le service public du numérique éducatif prenait en compte l'existence d'une offre en logiciel libre si elle existe.

Donc, c'est pour le moins limité. Ça ne veut rien dire. C'est une manière de supprimer la disposition sans le faire. Ce qu'il faut voir, c'est qu'on a eu un lobbying très fort des éditeurs propriétaires qui ne voulaient pas du tout voir ce type de disposition entrer dans la loi. Et simplement pourquoi ? Parce que, si effectivement le service public du numérique éducatif ce n'est pas leur cœur de métier, ce n'est pas le plus gros, la plus grosse chose qui les concerne, c'est l'idée même qu'on inscrive dans la loi l'idée d'une priorité au logiciel libre, même sur un secteur donné. C'est quand même presque une révolution. En tout cas, c'est quand même un gros changement, un gros changement de mentalité et c'est quelque chose d'important. C'est un appel d'air qui est assez fantastique pour toutes les entreprises du logiciel libre bien évidemment, parce que ça montre que l'État voudrait du logiciel libre, en demande à un moment ou à un autre, donc c'est quand même quelque chose qui est fondamental. C'est aussi une légitimité et une importance donnée, par le gouvernement et par la loi, au logiciel libre et déjà même le logiciel libre n'est actuellement pas mentionné dans la loi, il l'est dans des règlements dans des circulaires, donc simplement de l'inscrire dans la loi, on a une évolution qui est très forte. Eux l'ont bien reconnu, c'est bien pour ça que ça les a beaucoup inquiétés. Donc il y a eu pleins de courriers, d’articles de presse ou autres envoyés notamment par la AFDEL, par le Syntec numérique, et finalement le lobbying a fini par payer, au moins pour ce projet de loi là puisque la disposition finalement elle ne veut plus rien dire.

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C'est dommage vraiment pour la refondation de l’École de la République, parce qu'en plus quand on parlait vraiment d'école et de service public du numérique éducatif on était en plus, symboliquement, sur un domaine intéressant.

Par contre, on a quand même une deuxième chance. On va avoir la réponse finale aujourd'hui. C'est donc le projet de loi enseignement supérieur et recherche, dont la dernière lecture a lieu cet après-midi à l'Assemblée, Assemblée qui devrait voter définitivement le texte en fin d'après-midi et donc dans ce projet de loi, de la même manière, on a une disposition qui dit, cette fois-ci, que le service public de l'enseignement supérieur utilise en priorité des logiciels libres. Il y a toujours le dernier vote, donc on continue d’être vraiment dans l'expectative, mais cette disposition elle avait été à nouveau introduite par Sénat, ensuite elle a été validée par ce qu'on appelle la commission mixte paritaire, c'est-à-dire comme le texte était en lecture accélérée, il n'y a eu qu'une seule lecture, et donc après on a eu sept députés et sept sénateurs qui se sont retrouvés dans une pièce pour discuter et pour négocier, pour avoir un texte commun, qui convienne à priori à tout le monde. Donc, ces députés et sénateurs ont décidé de garder cette disposition, en faisant simplement une modification rédactionnelle qui était logique pour la mettre en place.

Le Sénat a voté sur le texte final, il a voté la semaine dernière. Il a dit d'accord. Donc à cette disposition on ne touche plus. Aujourd'hui c'est à l'Assemblée Nationale, qui si tout se passe bien devrait voter le texte de la même manière et donc on aurait cette disposition qui entrerait enfin en vigueur. Et donc là on vraiment quelque chose qui est important qui est en train de se passer. Même si on a des hésitations et je terminerai sur une note positive, comme ça, parce que ça fait du bien, c'est la première fois qu'on peut faire un conférence positive depuis quelques années sur ces questions. Même si on des hésitations, même encore des choses manquées, on en aura encore, mais là aujourd'hui, on a un moment crucial où on peut vraiment pousser pour faire en sorte que ce type de disposition non seulement passe dans la loi entre en vigueur et soit réellement appliqué par de plus en plus d'administrations, par de plus en plus de collectivités, qu'on ait vraiment une politique publique du gouvernement en faveur du logiciel libre en France et pourquoi pas ailleurs aussi ensuite également.

Voilà. Je vous remercie. Je ne sais pas si on a un peu de temps pour les questions où si ça va aller très vite. On a encore du temps ? OK. Si vous avez des questions, surtout n'hésitez-pas !

Inaudible

J. T. : Elle n'a pas fait la même chose au niveau collectivités encore. La difficulté c'est que pour les différents ministères il y avait une manière simple de poser la question. C'était les questions écrites parce que quand un député pose des questions écrites au gouvernement, le gouvernement est tenu de répondre, alors que pour les collectivités ce n'est pas le cas. Mais effectivement, ce serait aussi intéressant et important de dresser le même type de tableau au niveau local ensuite. Oui.

Inaudible

J. T. : Ça fait partie de ce genre de démarches, effectivement, la possibilité de demander des licences libres notamment pour les travaux de recherche et des choses comme ça. On commence à le voir, c'est encore nouveau, mais on commence à voir un certain nombre notamment d’appels d'offres au niveau même national, souvent pour des choses spécifiques qui demandent spécifiquement des licences libres. Déjà, c'est tout à fait possible. On commence à en voir. C'est sans doute quelque chose auquel il faudrait pousser et après juste pour compléter, il y a aussi un aspect intéressant qui est que sur les marchés publics on peut tout à fait demander un logiciel libre spécifique, à partir du moment où il est librement disponible, qu'on peut librement y accéder, etc. C'est le Conseil d'État qui avait rendu une décision sur ce sujet, en septembre 2011, qui expliquait qu'en fait comme finalement on n'achète pas de logiciels, donc il n'y a pas de prestation d'achat, c'est simplement une fourniture de service, de maintenance, de déploiement, éventuellement de développement ultérieur, ça permet en fait à n'importe quelle entreprise de candidater puisque tout le monde a accès au code, tout le monde peut modifier et réutiliser, donc du coup il n'y a pas du tout de restriction à ce niveau-là. Et donc ça veut dire que concrètement une collectivité, l'État peut dire qu'il veut passer un marché pour du Libre Office, pour du Firefox, pour ce genre de chose, puisque ça ne limite pas à une seule entreprise la possibilité de répondre.

Inaudible

J. T. : Donc, il y a déjà eu deux réponses au final, même si en réalité il y a en a cinq, mais il y a en a quatre qui se ressemblent, donc on ne va pas vraiment les compter, donc il y a eu Affaires Étrangères et Agriculture, donc elles sont plus ou moins détaillées, de toutes façons ce sont des réponses qui font moins d'une demi-page, donc c'est relativement court. Mais n’empêche, ça permet de connaître, surtout sur des ministères comme ça, on ne connaît pas nécessairement, on ne communique pas d'habitude sur leurs choix logiciels, d'avoir un premier indice. Donc, en gros dans les deux cas, ce qu'on voit c'est une assez forte homogénéité des systèmes d'exploitation de Microsoft, mais quand même des initiatives logiciels libres notamment plus sur tout ce qui est Back office, etc. Un développement de l'usage des suites bureautiques libres qui est de plus en fort et qui est intéressant. C'est le Ministère de l'Agriculture, de mémoire, qui a décidé de faire de l'ODT son format d'échanges de documents complètement standard. Ils n'utilisent plus que ça aujourd'hui, pour échanger des documents en traitement de texte, donc c'est intéressant. Après, on a un existant qui est assez fort, notamment en terme de bases de données ou autres où là, c'est le logiciel propriétaire qui est très dominant.

Mais voila, on a déjà une première image. Ce qui est déjà nouveau parce que simplement souvent on ne sait même pas ce qu'il y a et comment ça se passe. Et c'est intéressant d'avoir cet exercice de transparence de la part de différents ministères.


Voila. Je pense qu'on va laisser la place effectivement. Mais, je suis sur le stand de l'April à côté de l’entrée, au rez-de-chaussée. N'hésitez pas à passer. Pareil, sur les questions de marchés publics ou autre, j'ai une conférence demain si ça intéresse du monde et je suis sûre qu'il y en plein d'autres sur des sujets liés, aussi toute la journée.

Merci à tous.

Applaudissements.