Economie politique et informatique libre conf Luc Fievet

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00' transcrit Marie-Odile

Bonjour ! Je suis Luc Fievet comme c'est écrit en bas. Je vais vous parler d'un sujet que j'ai à l'esprit depuis un petit moment qui est de faire un parallèle entre économie politique et logiciel libre. Je suis à l'April et, il y a un problème ? On entend à peine dans le micro ! Je vais passer en mode ???, ça ira mieux !

Donc ce sujet de l'économie politique et informatique libre. Je suis à l'April mais je ne suis pas informaticien. J'ai une formation en sciences humaines et j'ai fait un peu d'économie. Je ne suis pas économiste non plus vraiment. J'ai eu la chance d'aborder l'économie sous un angle très théorique et je parle bien d'économie politique. Je vais vous en dire un peu plus après ça. L'objet de cette conférence et de ses réflexions c'est de voir comment on peut essayer de modifier notre vision de l'informatique libre et d'essayer d'aborder de nouvelles façons de voir les choses.

Donc premier point, je vais parler un petit peu d'économie politique pour définir ça et vous expliquer un petit peu ce que j’entends par là. Ensuite en quoi ça peut être utile pour le libre. J'aborderai cette question du pouvoir de l'économie, là encore je me situe dans un contexte plutôt idéologique, théorique et pour finir en quoi ça peut avoir une influence pour ce qui nous intéresse tous.

Donc l'économie, on est dans une acception assez large, c'est une discipline qui s’intéresse à la production et à l'échange de biens et de services. Donc c'est une définition qui est très large. On a souvent la vision économie égal argent et ça peut être pris comme quelque chose de plus large que ça. Dans le domaine de l'économie par exemple on distingue entre économie marchande où on va échanger des biens pour faire du bénéfice, et avec notamment une monnaie, et une économie non marchande. La notion d'économie non marchande est relativement peu étudiée mais elle existe chez les économistes dans leur réflexion. L’intérêt de l'économie à mon sens c'est que c’est un outil de description universel, c'est-à-dire qu'on va pouvoir aborder d'un point de vue économique énormément de choses puisque la production et l'échange c'est quelque chose de foncièrement humain, donc on va pouvoir aborder les activités humaines au travers d'une vision économique.

Si j'invoque la notion d'économie politique c'est qu'il me semble important de faire une différence avec ce qu'on appelle la science économique, que personnellement je trouve assez contestable et l’intérêt c'est ce que c'est politique, donc politique au sens large notamment, ça touche nos vies ! J'ai mis ici une petite citation de José Mujica, qui est président de l'Uruguay, qui est réputé être le président le plus pauvre du monde et qui explique que, en quelque sorte l'argent ne fait pas le bonheur, truc assez bien connu, mais qui montre qu'on peut avoir une échelle de valeurs complètement différente et cette question de la richesse c'est juste un choix, un biais qui est pris par certaines personnes, considéré comme étant supérieur aux autres, mais on peut tout à fait en avoir d'autres et ce n'est pas parce qu'on a une échelle de valeurs différente comme par exemple la liberté que la démarche économique est inadaptée.

Dans le libre actuellement, tel que je le vois, les aspects économiques que je peux voir dans le libre, le premier c'est ce que j'appelle l'économie du savoir scientifique. C'est le modèle idéal dont on sait qu'il est un petit peu mis à mal actuellement, donc le modèle idéal de la science qui est le fait de faire des recherches, publier ses recherches auprès de ses pairs afin que le savoir soit partagé par tous et que le travail de recherche s'accumule et qu'il y ait une validation de la pertinence des recherches par ses pairs. Et plutôt que d’être dans quelque chose où je vais faire une recherche, la garder dans mon coin, poser un brevet ou un autre système de verrouillage, je vais au contraire partager, publier, rendre public et ce système a largement prouvé sa valeur depuis quelques siècles. Même si aujourd’hui l'idéal de propriété intellectuelle a tendance à vouloir essayer de mettre des verrous là-dessus. Dans le logiciel libre on a une économie qui est celle de la notoriété. Certes le code est en général téléchargeable assez facilement, la question de la notoriété importante. Un développeur inconnu qui va se lancer dans un projet, y contribuer, aider les autres personnes qui sont dans ce projet-là ou s'il est tout seul dans son projet, faire un logiciel efficace, etc, il va effectivement produire du code, mais il va également produire de la notoriété. Il va être connu, reconnu. S'il travaille mal il va être également connu et reconnu mais de façon négative et ça ça va jouer de façon assez considérable dans les échanges qui vont pouvoir y avoir derrière. C'est-à-dire que quand Richard Stallman par exemple appelle les gens à soutenir par exemple une cause ou se lancer, à faire quelque chose de particulier, il est beaucoup plus écouté que quand c'est moi qui parle par exemple.

Ça c'est typiquement un exemple d'économie non marchande. On n'est pas dans un bien ou un service, on est dans de la réputation et cette réputation elle s'échange et elle se construit.

Autre exemple qu'on connaît bien, ce sont les entreprises du logiciel libre qui sont finalement très proches puisqu’elles sont soumises aux mêmes règles que les entreprises conventionnelles, mais dont on peut se dire qu'elles ont une approche assez particulière par rapport à un modèle capitaliste ou on va arriver, faire un gros investissement, aller chercher du capital, faire un gros investissement pour développer du code par exemple qui sera propriétaire et où on va essayer de rentabiliser cet investissement. Les entreprises du libre peuvent partir avec moins de moyens, puisqu'elles peuvent bénéficier d'un logiciel libre qui a déjà été développé et avec déjà des milliers d'heures de travail intégré dans ce logiciel. Elles n'ont pas besoin de partir de zéro, de mettre les gros chèques sur la table. Il y a nécessairement des investissements, mais disons que c'est déjà d'un point de vue économique un pas de côté qui est intéressant.

Et là on rejoint notre histoire bien connue du fait que le libre n'est pas gratuit. Cette notion de gratuité finalement est assez trompeuse, parce que même dans notre économie de la notoriété qu'on peut avoir entre geeks, quelqu’un qui va contribuer bénévolement à un logiciel libre et bien cette notoriété il va pouvoir avoir des bénéficies de celle-ci, donc on peut tout-à-fait considérer et il y a plein d'étudiants qui vont par exemple participer à des projets libres et qui vont pouvoir, après ça, quand ils vont chercher du travail mettre ça dans leur CV, montrer ce dont ils sont capables et tout ça ça a une valeur.

Comme je vous le disais, pour moi l’intérêt de cette approche en terme d'économie politique c'était d'avoir des angles de vue différents ce ceux qu'on a actuellement pour essayer d'enrichir notre vision du libre.

Les points de vue que je vois actuellement dominants sur la question de l'informatique libre, on a la philosophie de la liberté, c'est pour ça que j'ai mis une photo de Stallman, c'est vraiment le point d'entrée.

On a cette question du droit d'auteur, puisque en Europe notamment, le code est régi par le droit d'auteur.

On a des aspects techniques, même s'ils ne sont pas totalement exclusifs au logiciel libre mais en tout cas on a des logiciels et donc on va pouvoir en parler d'un point de vue technique.

On a des organisations avec des projets, différentes formes. Donc on va pouvoir parler de tel type d'organisation, tel type de licence, tel type de business modèle pour une entreprise, mais on a effectivement ce côté business pur et dur. On a des entreprises qui sont dans un circuit économique marchand, classique et de ça on va en parler également.

On pourrait donc tout à fait adopter d'autres points de vue, là j'en ai mis trois qui sont ceux qui me sautent aux yeux, mais je pense que chacun peut trouver en fonction de son parcours et de son environnement d'autres trucs. Moi je vois par exemple celui de la sociologie du travail. Je trouve par exemple extrêmement symptomatique que les libristes s'arrogent légitimité à dire comment on travaille bien et quelle est la bonne façon de travailler sur les codes et en informatique. C'est-à-dire qu'ils veulent partager leurs codes, ils veulent le faire et le partager avec d'autres et avec des méthodes spécifiques. Et ça, quand on se replace dans une question de sociologie du travail, sur la forme du travail qu'on a en Occident traditionnellement, on a une notion de pouvoir. C'est pour ça que je cite Gorz ici qui dit dans La Métamorphose du Travail que la première priorité d'une entreprise c'est de conserver le pouvoir sur le travail de ses salariés. Avec on a des notions, où un salarié répond aux ordres de la personne qui l'emploie, donc il va louer son temps de travail etc, et aujourd'hui dans ce que je vois chez les libriste, ce modèle-là qui est hiérarchique, qui est modèle de pouvoir, est mis en cause par les libristes.

On peut également avoir une approche en terme de sciences de l'information et de la communication et notamment pour comprendre comment justement toutes ces informations circulent, comment elles sont partagées, ce genre de choses. On a d'autres trucs en termes d'infos, l'information et la communication qui sont à mon sens assez symptomatiques. On va prendre par exemple un site comme linux.fr qui est un site, je ne sais pas si tout le monde le connaît, mais qui est assez communautaire, dans lequel des informations, de dépêches vont être rédigées, des informations vont être amenées. Je trouve très intéressant que la communauté garde le pouvoir sur ce truc-là. C'est très important. Il y a beaucoup de domaines avec des amateurs, des gens qui partagent l’information, qui travaillent tous sur un même sujet, bien peu à mon sens ont le pouvoir sur un outil de communication, ils vont souvent se fédérer autour d'une revue tenue par des professionnels, des journalistes professionnels, un groupe de presse et quand on voit le monde du libre, on a comme ça des îlots autogérés de gestion de l'information.

Et donc le dernier, c'est évidemment l'économie politique que j’aborde ici aujourd'hui.

11' 20

Donc je le disais au début