Émission Libre à vous ! du 10 décembre 2024

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée sur Radio Cause Commune le mardi 10 décembre 2024

Intervenant·es : Isabelle Carrère - Jérémie Lesage - Vincent Calame - Lorette Costy - Laurent Costy - Frédéric Couchet à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 10 décembre 2024

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue.

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·es mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.

La gestion électronique de documents avec des logiciels libres, un sujet proposé par Laurent Costy, avec Jérémie Lesage de la société Jeci et Vincent Calame. Ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Également au programme, « La maltraitance numérique » dans « Que libérer d’autre que du logiciel », une chronique proposée par Antanak. Et en fin d’émission, « La flemme du paramétrage des données privées ».
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 10 décembre 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission du jour, mon collègue Frédéric Couchet. Salut Fred.

Frédéric Couchet : Salut. Bonne émission à vous.

Étienne Gonnu : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » d’Antanak – « La maltraitance numérique »

Étienne Gonnu : Avant de passer la parole à Isabelle, d’Antanak, pour la première chronique, j’ai un petit quiz pour vous, fidèles auditeurices : qui nous propose la dernière chronique ? Je vous rappelle le titre « La flemme du paramétrage des données privées ». Si vous écoutez en direct, je vous propose de venir partager votre réponse sur le salon web de l’émission accessible depuis le site causecommune.fm. La personne à répondre gagnera des bisous radiophoniques. On se retrouve en fin d’émission pour la réponse.
Il est grand temps de laisser la parole à Isabelle pour sa chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » d’Antanak sur le thème « La maltraitance numérique ».
Salut Isabelle.

Isabelle Carrère : Salut.










La gestion électronique de documents avec des logiciels libres

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte sur la gestion électronique de documents avec des logiciels libres, un sujet proposé et animé par Laurent Costy.
N’hésitez pas à participer à votre conversation au 09 72 55 51 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ». Toutes les références qu’on citera seront rendues disponibles sur la page consacrée à l’émission, sur libreavous.org/229.
Je dis donc bonjour et merci à Laurent pour ce nouveau sujet et je te laisse le micro.

Laurent Costy : Bonjour Étienne. Merci beaucoup.
J’ai un peu innové pour ce début d’émission. D’habitude je passe du temps pour préparer tout ça, mais là, en fait, j’ai confié la rédaction de l’introduction à Vincent Calame qui après passera aussi du côté des personnes qui nous apprendront des choses sur la GED. J’en fais donc de moins en moins et je trouve ça extremement intéressant.
Je te passe donc la parole pour l’introduction Vincent.

Vincent Calame : Merci.
Comme Libre à vous ! est une émission grand public et que le but n’est pas de perdre celles et ceux qui nous écoutent dès les premières minutes de l’émission, je me propose de définir la gestion électronique de documents, autrement dit la GED, à partir de notre pratique quotidienne de l’informatique. Car, oui, je vous l’annonce, Mesdames, Messieurs, pour peu que vous utilisiez un ordinateur, vous faites de la gestion électronique de documents sans le savoir. En effet, que faites-vous quand vous enregistrez un fichier ? Vous lui donnez un nom et vous le placez dans votre arborescence de dossiers. Par ailleurs, votre logiciel lui attribue automatiquement une extension, désignant son type – si c’est un classeur ou un texte, par exemple –, et le système lui attribue une date de création et de dernière modification.
Vous voyez que par ce geste anodin – enregistrer un document – ce n’est pas moins de cinq informations qui lui sont attribuées. Ces informations, c’est ce que nous appelons des « métadonnées » ; retenez bien le terme, parce que je pense que nous allons l’utiliser souvent dans cette émission. Une métadonnée, c’est une donnée qui décrit une donnée, autrement dit, dans notre cas, c’est une information qui décrit votre document. Un des objectifs de ces métadonnées, c’est de retrouver un document.
D’ailleurs, n’avez-vous pas remarqué qu’il est souvent plus facile de retrouver un document en pièce jointe dans vos courriels qu’un document dans votre disque dur ? L’explication est simple, un document en pièce jointe a, de manière automatique, plus d’informations qui lui sont rattachées : il y a le nom de l’expéditeur, le titre du courriel, le texte même du courriel où votre correspondant a probablement décrit le contenu du document qu’il vous a transmis. Tout cela augmente les chances de le retrouver.
Maintenant, attention ! Gardez votre expérience personnelle en tête, souvenez-vous de toutes les fois où vous avez galéré pour retrouver un document dont vous connaissiez l’existence, mais dont vous ne vous souveniez plus du nom et du dossier où vous l’aviez rangé. Hop ! Maintenant, changez d’échelle et imaginez tout cela au niveau d’un collectif, une entreprise, une association ou une collectivité locale. Vous y êtes ? Vous imaginez bien le désordre, pour rester poli, que cela peut être et le temps perdu à retrouver des documents.
Voilà, ça y est. Je pense que vous avez une idée des enjeux de la gestion électronique de documents.

Laurent Costy : Merci beaucoup Vincent. Pendant que tu passes au-dessus de la table, pour aller du côté des invités, j’en profite pour présenter notre deuxième invité, Jérémie Lesage, qui représente la société Jeci, et qui va nous parler d’un logiciel libre de gestion de documents qui s’appelle Pristy.
On va d’abord te demander de te présenter et Vincent expliquera aussi pourquoi il est côté invités aujourd’hui. Jérémie.

Jérémie Lesage : Bonjour. Je me présente. Je suis Jérémie Lesage, fondateur de la société Jeci et également l’éditeur du logiciel qu’on appelle Pristy, un logiciel de gestion électronique de documents entièrement libre.

Laurent Costy : Très bien. Merci.
Vincent, toi aussi, finalement, tu baignes dans la GED, d’où cette introduction que j’ai trouvée merveilleuse.

Vincent Calame : Tout à fait. Je conçois de code de logiciels libres et, depuis 2002, mon principal logiciel est effectivement un logiciel de gestion de documents qui s’appelle BDF, pour Base de Fiches, que j’ai commencé un peu comme logiciel métier en travaillant avec la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme et qui, petit à petit, a été travaillé pour devenir plus générique.

Laurent Costy : Donc, si je résume, toi, finalement, c’est par un besoin interne que tu as commencé à développer quelque chose. Est-ce que Pristy, c’est la même logique ? Est.-ce que ça été identifié comme un besoin pour des entreprises, pour des collectivités ?

Jérémie Lesage : Pristy est un logiciel de GED générique qui veut répondre à un maximum de besoins, qui va correspondre à toutes les entreprises, toutes les structures, publiques ou privées. Nous avons une approche, justement, d’avoir des interfaces spécialisées plutôt métiers, plus orientées vers les utilisateurs, pour rendre la chose moins technique.

Laurent Costy : Très bien.
Vincent, de ton côté, finalement, tu as répondu à un usage interne et est-ce que, après, ça s’est ouvert vers d’autres structures ?

Vincent Calame : Oui, c’était le but, sachant que ce n’était pas totalement évident, parce que, justement, quand ça répond à une logique initiale, ça ne s’adapte pas forcément à tous les besoins de tout le monde. Ce qui est intéressant dans cette idée de rendre ça générique. On l’utilise également pour faire des sites de ressources documentaires et j’ai également, comme autre client, une autre fondation. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard, si ce sont deux fondations : elles ont les mêmes besoins, les mêmes exigences et elles ont des sous, elles ont un budget pour financer ça et, surtout, elles ont des exigences de rapports, de comptes-rendus, beaucoup plus fortes que ne peuvent l’avoir une simple association.

Laurent Costy : Très bien, merci. Du coup, je vais vous poser une question qui n’était pas prévue, attention. Finalement, la licence libre vous a-t-elle facilité la circulation du logiciel ? Vous a-t-elle facilité le déploiement auprès de partenaires, auprès de clients ? Jérémie.

Jérémie Lesage : Ça nous a permis de le construire, en fait. On prend le meilleur d’autres logiciels libres, on les assemble et après, on construit, par-dessus. Ça nous a permis, en fait, de produire un logiciel de manière très rapide en recyclant, en réutilisant ce qu’ont fait d’autres personnes. C’est là, pour nous, l’intérêt du logiciel libre.

Laurent Costy : Du coup, quelle est la brique initiale, pour Pristy ?

Jérémie Lesage : Le moteur principal, c’est Alfresco, qui est aussi un logiciel libre. On a gardé le moteur, mais il y a aussi une base de données que tout le monde connaît, PostgreSQL, et on peut trouver un moteur de recherche qui s’appelle Solr. C’est donc un assemblage de briques, très technique, et nous essayons de masquer tout cela derrière une interface simplifiée.

Laurent Costy : C’est ça. Il faut que l’utilisateur n’ait absolument pas de vision de tout ce qu’il y a derrière, c’est ce qui rend le logiciel très utilisable. Je sais pas si on peut aborder la technique côté BDF, Vincent.

Vincent Calame : Oui, même chose. Comme Jérémie, c’était naturel. J’ai pu développer ça parce qu’il y avait du logiciel libre et des bibliothèques libres qui étaient disponibles. Je n’imagine pas développer ça sans logiciel libre. Ça me semblait tout naturel de continuer là-dessus. D’ailleurs, je suis venu à la militance dans le logiciel libre de manière générale, par mon expérience de codeur, j’avais envie de rendre un petit peu tout ce que j’avais pu gagner grâce au logiciel libre.

Laurent Costy : Oui, dans un premier temps, on utilise, on découvre, et, après, ça semble logique, naturel, de renvoyer à la communauté ce qu’on a amélioré, ce qu’on a développé.

Vincent Calame : Complètement, ne pas être un parasite.

Laurent Costy : On en connaît ? On va pas citer de noms ! [Rires]
Déjà merci pour cette entrée en matière.
Vincent, tu as un peu expliqué comment tu es arrivé par le logiciel libre. Jérémie, de ton côté ?

Jérémie Lesage : J’ai commencé assez jeune. J’ai bidouillé l’ordinateur de la maison quand j’étais petit et j’ai été formé par le LUG de Caen, Calvix, le groupe des utilisateurs de Linux. Je n’habite plus Caen, malheureusement, depuis plusieurs années. C’est grâce à ce que les gens, qui faisaient partie de cette association-là, m’ont donné que j’ai pu progresser très vite, apprendre et, pour moi, c’est une valeur essentielle. On est obligé de partager son savoir, le garder, ce n’est pas le faire progresser. Donc, l’entreprise que je pousse, c’est dans l’esprit de partage, mais on fait aussi de l’argent, on est là aussi pour faire progresser notre affaire, mais pas aux dépens des autres.

Laurent Costy : Existe-t-il encore le groupe d’utilisateurs de logiciels libres à Caen ?

Jérémie Lesage : À priori, il existe encore. Maintenant, j’habite Dijon.

Laurent Costy : On va les saluer quand même, ce n’est pas grave !

Jérémie Lesage : Oui. Je garde un très bon souvenir de Calvix.

Étienne Gonnu : Je me permets de signaler que je vais vérifier sur agendadulibre.org, je fais un peu de pub pour cet outil qui permet de lister toutes les associations locales du logiciel libre partout en France, sur lequel on peut les retrouver. Je vais vérifier s’il existe toujours à Caen. Voilà pour cette petite parenthèse.

Laurent Costy : Du coup, je reviens sur une des briques initiales, puisque, Jérémie, tout à l’heure tu en as cité plusieurs, Alfresco. Y a-t-il un retour aussi vers cette communauté-là, quand vous développez Pristy. Y a-t-il des échanges ? Cela s’articule, finalement, à une forme de partenariat, une forme de travail en commun ?

Jérémie Lesage : On a vu, avec Alfresco, un problème. C’est une entreprise qui a été rachetée par une entreprise américaine et, depuis le rachat, le côté libre est devenu secondaire. Nous rendons nos développements compatibles, nous pouvons travailler, nous ne sommes pas en concurrence aujourd’hui, nous pouvons utiliser nos outils avec Alfresco. Mais c’est vrai qu’il n’y a pas d’échange communautaire, il n’y a pas vraiment d’ambition de cette entreprise-là de développer un vrai esprit logiciel libre, comme on pourrait le voir avec d’autres produits.
Nous sommes donc à côté. On suit, on est un petit peu comme le petit poisson qui suit la grosse baleine, on profite un peu de l’écosystème qui a été créé et de cette image-là.

Laurent Costy : Très bien. Et toi, Vincent, comment cela se passe-t-il avec les communautés des briques logicielles libres que tu utilises ?

Vincent Calame : De ce côté-là, je dois avouer que je ne participe pas du tout, c’est parfois à un niveau qui me dépasserait. Je n’utilise que 10 % des fonctionnalités qu’ils me proposent et je ne participe pas activement à ces communautés-là. L’expérience a montré que quand je veux utiliser des briques un peu trop innovantes, ça pose problème, parce que c’est innovant sur le moment et puis ce n’est pas maintenu, on se rend compte que ça ne marche pas. Donc, en général, je prends des choses qui ont cinq ans d’âge comme briques logicielles, parce que c’est plus sûr. Du coup, effectivement, je ne suis pas très dynamique dans l’innovation des outils. Le logiciel se base sur Tomcat, un serveur d’applications Java, j’en suis à la version 8 et je vois qu’on est déjà à la 11, mais je vérifie que c’est compatible !

Laurent Costy : OK ! On sait que, par ailleurs, tu contribues au logiciel libre en faisant beaucoup la promotion à la radio, par exemple. Tu es donc rattrapé ! Parlez-moi un peu des structures qui portent le projet, le statut de la structure, quelle équipe s’il y en a une. Jérémie

Jérémie Lesage : Jaci, c’est l’entreprise que j’ai créée. On développe entièrement le produit. On a quelques contributions externes pour nous dire qu’il y a des petits bugs, mais ça reste encore très minime. Notre produit a trois ans, on n’a donc pas eu le temps de développer une vraie communauté. Cependant, on travaille beaucoup – on en parlera tout à l’heure – avec les collectivités publiques et elles sont demandeuses de créer une communauté d’utilisateurs, même d’ouvrir de la capacité à contribuer. Nous sommes tout à fait preneurs. Après, il faut respecter les règles pour que les développements des autres s’intègrent dans le nôtre, mais c’est notre ambition.

Laurent Costy : OK. En faire un commun numérique réellement. Je fais une petite parenthèse. à ma petite échelle, j’ai constaté, que quand le logiciel part d’une structure, pour après, essayer de s’émanciper, la question de la communauté n’a pas forcément été pensée en amont. Du coup, ce développement de la communauté est un réel enjeu pour que le logiciel devienne un vrai commun numérique avec, justement, une communauté d’utilisateurs, de développeurs, etc.
Vincent.

Vincent Calame : Ce n’est pas terrible. Au niveau du codage, c’est une communauté d’homme blancs, occidental, de plus de 50 ans ; on peut dire que je suis tout seul dedans ! Je n’ai pas une grande diversité. Il y a plein de raisons. Il y a aussi le fait que les destinataires du logiciel ne sont pas forcément ceux qui sont les plus actifs dans le monde du Libre. Pour l’instant, j’ai très peu de contribution en termes de code. Par contre, j’ai l’avantage, dans cette structure, d’être en contact direct avec les gens qui l’utilisent, je n’ai pas de filtre et, là, j’ai énormément de retours directs de développements possibles. C’est très agréable. Je suis en discussion directe avec ceux qui l’utilisent

Laurent Costy : Tu m’as dit aussi que tu es en lien avec une documentaliste.

Vincent Calame : Oui, qui m’aide sur certains projets, parfois avec certains clients. Par contre, c’est bien d’être en contact direct. Et, justement, elle a cette fonction de discussion avec un client pour monter une base de données.

Laurent Costy : Merci. Jérémie, tu voulais compléter.

Jérémie Lesage : C’est vrai qu’on développe tous les deux un logiciel qui est à destination des entreprises, donc, on ne va pas créer une communauté d’individus. Ce n’est pas comme un produit genre Nextcloud que les gens vont pouvoir installer chez eux et se sentir un petit peu propriétaires du produit. Si nous devons créer une communauté, ce sera avec d’autres entreprises, avec des développeurs salariés, c’est donc plus difficile à développer, c’est moins naturel, c’est moins spontané, il faut le structurer. C’est pour cela qu’on n’a pas une communauté qui se développe naturellement autour de ce genre de produit.

Laurent Costy : D’accord. L’État tente ce genre de choses. Je pense qu’au niveau de la DINUM, la Direction interministérielle du numérique, des choses se passent quand même, me semble-t-il, pour justement, mettre en lien les gens qui développent pour l’État. Il y a des initiatives pour essayer de mettre en lien les développeurs qui travaillent justement pour l’État, qui développent des logiciels libres. À un moment donné, il y a bien une pertinence et un intérêt à essayer de les mettre en lien. Par contre, il y a effectivement des moyens pour réussir à faire aboutir ça et ce n’est pas simple ; c’est du temps, des moyens et des gens pour pouvoir mettre en lien, animer une communauté. C’est aussi un vrai métier finalement.

Jérémie Lesage : La différence, c’est qu’on ne va pas attirer de bénévolat sur ce genre de produit vu qu’il est fait pour les entreprises. Personne ne va vouloir passer ses dimanches pour développer le projet. Donc, même la DINUM va financer des développeurs.

Laurent Costy : C’est un bel éclairage. Je trouve intéressant d’avoir ces différents éclairages.

Étienne Gonnu : Je peux juste dire qu’on avait reçu la DINUM qui avait notamment parlé de ce sujet-là, la communauté Blue Hats des différents développeurs et développeuses de logiciels. au sein de l’administration publique. C’est l’émission 177, si vous voulez en apprendre plus.

Laurent Costy : Combien êtes-vous dans la société Jaci ?

Jérémie Lesage : Aujourd’hui, nous sommes quatre dans la société. On a dû, malheureusement, réduire un petit peu la voilure, mais, normalement, la croissance devrait reprendre l’année prochaine, je l’espère. Quatre, c’est un peu juste pour faire ce qu’on développe.

Laurent Costy : Avec des compétences essentiellement de développeurs ? Majoritairement ?

Jérémie Lesage : En gros, nous sommes trois ingénieurs pour la partie développement et on a Lucie, qui fait plutôt office de Product Owner, cheffe de projet en langage informatique, c’est elle qui va définir un petit peu ce que les utilisateurs attendent et demander à ce que ce soit réalisé d’un point de vue technique. Ce qui est intéressant pour nous, c’est que, justement, c’est une personne qui n’est pas informaticienne à la base, qui va donc vraiment avoir une vision utilisatrice. C’est très important pour nous de ne pas avoir que des informaticiens dans l’équipe, sinon on produit des outils qui sont beaucoup trop techniques et que les gens n’apprécient pas.

Laurent Costy : Très bien, merci. Rentrons un peu dans les structures qui utilisent respectivement le logiciel BDF ou Pristy. Pouvez-vous un peu détailler, essayer de rendre concret un peu l’usage qui peut être fait du logiciel dans une structure. Vincent, tu commences ?

Vincent Calame : Oui. Au début, pour moi, c’est pour la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès l’Homme, et là, c’est la question de la gestion de la mémoire interne, à la fois comptes-rendus de réunions, annuaires, archivage de l’ensemble, gestion de comptabilité analytique. On a donc construit progressivement, d’année en année, chaque fois, on a rajouté une nouvelle chose qu’on mettait dans la base de données qu’on mutualisait.
Je précise qu’on travaille au quotidien. On a également un Nextcloud, mais, en fait, l’outil Fichothèque va servir sur toute la partie archivage. Nextcloud, pour moi, est pratique pour un travail au quotidien, je sauvegarde ce que les gens font, et puis, ensuite, il y a la partie vraiment d’archivage et aussi de transmission.
Un point important, c’est que ça marche quand il y a aussi une volonté. Ce sont des logiciels qui sont destinés à des structures qui ont une volonté de la direction d’avoir des archives, de faire un effort d’ailleurs inclus dans le contrat de travail des gens pour qu’ils mutualisent, qu’ils centralisent l’information. Toutes les structures, malheureusement, ne le font pas. On voudrait essayer de les convaincre de le faire, mais on s’aperçoit qu’il y a quand même beaucoup de structures qui laissent ça un peu au soin des disques durs qui traînent.
Il est important que la structure ait cette volonté initiale. Je veux donner l’exemple de la deuxième fondation pour laquelle je travaille. En fait, c’est parti d’un cas classique. Ils avaient un tableur, puis, un jour, ils se sont rendu compte qu’avec un tableur on ne peut pas tout faire, il faut passer à l’étape au-dessus pour mieux stocker et mieux centraliser l’information, parce que tout traîne à droite et à gauche. Mais ça demande que la structure fasse cet effort, qui est aussi un effort de management. C’est vraiment là-dedans qu’il faut qu’on soit pour que ça marche, sinon on a les bonnes habitudes électroniques, ou, comme je disais en introduction, tout traîne en pièces jointes, donc à quoi bon passer par ces interfaces compliquées, même si on essaye de les faire les plus simples possible, ce sera toujours moins habituel qu’un Google Drive ou que je ne sais quoi.

Laurent Costy : Si je comprends bien, si on remonte dans les archives de la fondation, on peut retrouver le compte-rendu de l’instance de gouvernance qui a décidé qu’il fallait gérer ça de manière plus propre que précédemment ?

Vincent Calame : En tout cas, la première fiche de suivi date de 1986, on la retrouve dans la base de données.

Laurent Costy : Ah oui ! C’est une belle base de données. Du coup, on y retrouve à la fois des comptes-rendus, j’imagine qu’on y retrouve les suivis de projet de la fondation ?

Vincent Calame : Toutes les conventions avec les partenaires. En fait, c’est tout le bilan des financements donnés aux partenaires sur une très longue durée. Pour les conventions, ça, remonte à 2002. C’est l’ensemble des partenariats, les échanges avec un partenaire. Tout est là.

Laurent Costy : On pourrait comparer avec des structures qui n’auraient pas fait ce choix de penser la GED et de voir à quand remonte leur structuration de données, ce serait sans doute beaucoup moins ancien, enfin, j’imagine. On peut retrouver des données, mais j’imagine. Que ça risque d’être beaucoup plus épars et beaucoup moins organisé.

Vincent Calame : On imagine le disque dur qu’on a tous, qu’on peut tous avoir dans un tiroir. C’est forcément quelque part dans un disque dur. Après, comment on cherche dedans, c’est une autre paire de manches.

Laurent Costy : OK, merci. Pour Pristy, si on devait un peu rendre concret pour les personnes qui nous écoutent. Un exemple concret avec une collectivité

Jérémie Lesage : C’est vrai qu’on peut déployer la solution partout. Récemment, on travaille avec des départements. Par exemple, le logiciel va servir à consulter des demandes d’assistance sociale ou des demandes d’agrément ??? [37 min 29]. Par exemple, si une personne a besoin d’aide sur un handicap, elle va faire la demande auprès du département. Il y a tout un dossier par individu qui est géré, qui va être stocké et regroupé dans la GED, en tout cas pour ces clients-là. Ça permet le contrôle des pièces, mais ça permet aussi de s’assurer que les pièces seront bien détruites, quand on n’en aura plus besoin. Ça permet, éventuellement, de faire des contrôles à posteriori. Il y a donc des cas d’usage, comme ça, très concrets.
C’est vrai que la plupart des projets ce sont, de plus en plus, des dossiers de travail : j’ai une équipe, je veux travailler avec un ensemble de personnes sur des pièces communes, je vais créer un espace de travail conjoint, je vais inviter des personnes et je vais échanger, comme on pourrait le faire dans un drive américain. La différence, c’est que, là, on sait où sont les fichiers, on sait à quoi ils servent. Ils sont sur nos serveurs ou ceux des clients.
On a des usages assez divers : soit des usages vraiment bureautiques où ce sont les humains qui vont, dans le logiciel, créer du contenu, des rapports, des classeurs et compagnie, soit on va récupérer des données qui viennent d’autres logiciels. Par exemple, quand vous saisissez un formulaire en ligne, soit le formulaire finit dans une base de données, mais, parfois, il va finir en format PDF et ce document-là va créer un dossier. Votre dossier va être stocké quelque part dans la GED.

Laurent Costy : Qu’est-ce qu’apporte de plus Pristy que, par exemple, utiliser Nextcloud ? On pourrait se dire aussi que, dans Nextcloud, je peux partager mon dossier avec qui j’ai envie de travailler, je peux aller déposer toutes les pièces liées à un dossier. Qu’est-ce que ça apporte de plus ? De la métadonnée ? Beaucoup plus de métadonnées qui vont s’accumuler automatiquement ? Si tu peux réexpliquer en passant ce que sont les métadonnées, Vincent en a parlé dans l’introduction.

Jérémie Lesage : Une des grandes différences, là où on peut aller beaucoup plus loin avec Pristy qu’avec Nextcloud, c’est sur les métadonnées. Les métadonnées, c’est ce qui va donner de la valeur à la donnée, qui va l’enrichir. Un fichier tout seul, il faut l’ouvrir pour savoir ce que ce qu’il contient. En mettant des métadonnées, on va pouvoir décrire ce qu’il contient, savoir quel client est concerné, quelle personne est concernée. Et on peut, avec le moteur qui est derrière, Alfresco, définir des contraintes très fortes sur ces métadonnées. Ce n’est pas quelque chose de très fluide dans le sens où on ne peut pas définir des métadonnées à la volée, mais on va avoir une démarche de réflexion en amont en disant « j’ai tel type de document, je veux que tous les documents de ce même type aient des métadonnées similaires, comme cela je pourrai filtrer dessus. Par exemple l’auteur, la métadonnée la plus classique, je vais pouvoir filtrer dans mes 10, 20 ou 50 millions de fichiers tous les documents qui ont le même auteur de manière assez rapide. »

Vincent Calame : Pour compléter, parce que je ne connais pas très bien Alfresco, il y a aussi toute la question de la gestion des droits d’accès aux données. Dans Nextcloud, à part juste partager le fichier avec un groupe, on ne peut pas faire grand-chose, alors qu’on peut être face à des données pour lesquelles il est important de savoir qui a droit de les regarder parce que beaucoup sont confidentielles.

Laurent Costy : On a un réglage plus fin, c’est ça ?

Jérémie Lesage : On peut aller très loin dans les permissions, on essaye de cacher, parce que ça devient très complexe, mais on peut être très limitant. Ce que nous mettons aussi en avant dans Pristy, c’est la traçabilité. On est capable de savoir, pour chaque document, pour chaque fichier, quelle personne a lu le fichier, l’a consulté, l’a copié, l’a supprimé. C’est très compliqué à faire dans Nextcloud, je ne dirais pas que c’est impossible, en tout cas notre solution est adaptée pour ce genre de besoin. Alors, forcément, ça ne concerne pas un usage familial ou personnel, c’est intéressant pour les entreprises qui ont des données qu’on dit sensibles en termes de RGPD. Je n’ai pas besoin de préciser ce qu’est le RGPD, malheureusement ??? [41 min 28]. Je crois que tout le monde sait que c’est le Règlement général de protection des données. Normalement, tout le monde est censé être sensible à ça. On a donc des règles, en particulier pour les données dites sensibles, qui concernent la santé des personnes, les religions, le positionnement politique. On doit faire encore plus attention pour ces documents-là, donc nous fournissons un service pour pouvoir tracer nominativement, après, qui a lu, qui a consulté, qui a copié ou imprimé ces documents-là.

Laurent Costy : Étienne, tu avais une question.

Étienne Gonnu : La pause musicale va arriver. J’avais une question, peut-être une illustration, Vincent pourra me corriger, peut-être un exemple d’usage, de l’utilité que peut avoir Base de Fiches. Pour Libre à vous !, Vincent a développé un outil qui nous a aidé à mettre en valeur les musiques libres. Donc, maintenant, si vous allez sur le site, vous avez tout un tableau qui récapitule, avec toutes les métadonnées qui vont bien, les musiques libres. Nous avons des accès spécifiques pour pouvoir agir sur ces données-là. Et, si je ne me trompe pas, tu es parti de BDF. Est-ce que c’est de la GED ? En termes de mise en valeur de ces données et de manière de les gérer, je vois ce que ça a pu impacter.

Vincent Calame : Oui, c’est vrai que les frontières sont floues, et il y a plein de logiciels qui permettent de faire de la GED, on reviendra là-dessus. J’utilise ce logiciel-là. Je dirais que si on avait mis également les fichiers audio, le document enregistré, ce n’est pas le cas, on fait un renvoi, mais c’est l’idée. En tout cas, pour chaque type de contenu, il faut définir les métadonnées qui nous intéressent et avoir une interface pour les saisir et les mutualiser. Typiquement nous aurions pu, dans un premier temps, gérer ça dans un tableur et, progressivement, nous nous serions rendu compte que le tableur devenait très gros, ça aurait été compliqué. C’est un peu une étape au-dessus du tableur.

Étienne Gonnu : D’accord, merci beaucoup. Je veux aussi parler d’un retour d’utilisateur. Avec mes collègues, nous t’avons remonté nos besoins quand tu as créé cette base et c’était très intéressant d’avoir cet échange : « On veut faire ça, on aimerait faire ça ». Tu nous disais « ça c’est possible, ça pas, voilà, comment on peut faire. » Voir cet outil se construire par nos échanges, d’un point de vue non-informaticien, j’ai trouvé ça très intéressant.
Comme je disais, nous allons faire une petite pause musicale avant de poursuivre cet échange fort intéressant. Nous allons écouter Girl From the City of Steel par HoliznaCC0. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Girl From the City of Steel par HoliznaCC0.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Girl From the City of Steel par HoliznaCC0, disponible sous licence Creative Commons CC0. Je précise que cette licence n’est pas, en tant que telle, directement applicable en France, où un auteur ou une autrice ne peut, d’un point de vue juridique, renoncer à ce qu’on appelle ses droits patrimoniaux. Quoi qu’il en soit, cette licence CC0 permet la liberté, l’utilisation, la modification, la diffusion et le partage de cette musique, y compris à des fins commerciales.

[Jingle]

Deuxième partie 48’ 22

Étienne Gonnu : Vous écoutez toujours

Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy - « La flemme du paramétrage des données privées »

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec notre dernier sujet, « La flemme du paramétrage des données privées », une chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » proposée pas Laurent et Lorette Costy. Laurent est avec nous en studio, mais on va quand même laisser à Laurent du passé et à Lorette du passé. On se retrouve jsue après. Belle journée à l’écoute de cause commune, la voix des possibles.

[Virgule sonore]

Laurent Costy : Bouboula, j’ai la flemme d’écrire une chronique. On va meubler, ma louloute, aujourd’hui. On va ressortir des vieilles news du milieu de l’Internet. Tiens justement, la version 1.12 de La Bataille pour Wesnoth vient de sortir en ce début d’année 2015 !

Lorette Costy : Bon jeu libre, sympathique effectivement. La Bataille pour Wesnoth est excellent pour aiguiser sa stratégie tour par tour. Publié sous licence GNU GPL v2+, traduit en français, on peut jouer en solo via des campagnes ou en multijoueur dans un univers médiéval fantastique. Mais, en 2024, la version à jour est plutôt la 1.18 !

Laurent Costy : J’ai la flemme je te dis ! Comment je peux faire pour outrepasser cette flemme ?

Lorette Costy : Comme L’Outreterre des Royaumes oubliés dans Donjons & Dragons, 2015 est l’outrepassé de La Bataille pour Wesnoth.
Pour ta flemme, j’ai la solution. Elle est plutôt visuelle, mais elle marche : tu vas rotationner à 180° dans ta tête le premier « e » de flemme et voilà que le mot se transforme en flamme ! Voici le feu bouté à ton enthousiasme et encore un début de chronique complètement foutraque que tout le monde va devoir réécouter trois fois.

Laurent Costy : Certes, mais grâce à toi, on peut attaquer ! Je crois que j’ai très envie, finalement, de te parler de données et de sécurité.

Lorette Costy : Mais c’est super ! Youkaïdi, Youkaïda ! Ça me rappelle toutes les histoires que tu me lisais avant de m’endormir quand j’étais petite. Quel bonheur ! Laurent Costy : Toi qui fais du sport, tu connais sans doute l’application Strava. Je sais que tu ne l’utilises pas pour éviter de faire de la peine à ton pauvre père qui verrait, sinon, les données et les performances de sa fille être exposées sur les internets.

Lorette Costy : Je confirme, je ne l’utilise pas, mais je connais et comme dit le site, « Strava est le réseau social des athlètes ».

Laurent Costy : Ah oui ! Alors ce n’est vraiment pas pour moi ! Éventuellement, quand j’étais jeune et performant, j’aurais peut-être aimé gaver les autres avec mes modestes exploits sportifs, mais je me demande de plus en plus qui ça peut intéresser.

Lorette Costy : Attends, je continue : « Enregistrez votre activité pour la retrouver dans votre flux Strava, où vos amis et les personnes qui vous suivent peuvent également partager leurs propres courses et entraînements, donner des kudos pour féliciter les performances de chacun, et laisser des commentaires. »

Laurent Costy : Donner des cadeaux pour faire une course ?

Lorette Costy : Non, Papa, des kudos, c’est un terme anglais pour désigner « la gloire et le renom qui découlent d’une action réussie », selon Wikipédia. Il faut toujours des mots bizarres dans une appli pour que la communauté se sente unique, pour qu’elle puisse expliquer aux autres ce que ça veut dire, etc.

Laurent Costy : Et quand on sait ça, on se sent appartenir à la communauté ! Je comprends. Mais, j’y pense, je te filerai plutôt un kudo pour Noël.

Lorette Costy : Ta lutte contre le capitalisme est bien pratique pour dissimuler ta pingrerie, mon cher Papa ! Revenons à Strava et commençons par regarder ce que dit le site ToS ; DR de Strava.

Laurent Costy : « ToS ; DR de Strava. », c’est limpide comme expression. C’est évident : tout le monde comprend en un clin d’oreille. Bon, plus sérieusement, Strava, je commence à cerner, on vient d’en parler, mais tosdr, il faut que tu éclaircisses pour nos poditeurs et poditrices plongé·es dans le noir inquiétant de la méconnaissance.

Lorette Costy : ToS ; DR, site accessible grâce à l’URL https://tosdr.org, est aussi un acronyme anglais pour Terms of Service ; Didn't Read, autrement dit, en français, « conditions d’utilisation non lues ». C’est un merveilleux site pour celles et ceux qui ont la flamme, non, la flemme, de lire les conditions générales d’utilisation d’un service sur Internet, avant de commencer à l’utiliser.

Laurent Costy : Est-ce bien utile de créer un tel site ? Tout le monde les lit les CGU !

Lorette Costy : Ce n’est pas parce que tu m’en lisais après m’avoir parlé de données et de sécurité pour m’endormir le soir, que tout le monde prend le temps de faire ça, Papa ! Hélas. Mais passons Strava à la moulinette de ToS ; DR pour voir.

Laurent Costy : Bisque, ce n’est pas joli, joli. Les couleurs ne sont pas rassurantes. D’abord classe E , c’est le plus mauvais score. Prends garde alors à ta vie privée ! Pour ne prendre que deux points problématiques, je cite « Les annonces présentées à d’autres utilisateurs peuvent faire référence à vous en tant qu’approbation implicite. Vous risquez de donner des informations sur votre mode de vie personnel à des inconnus. »

Lorette Costy : Ou encore « Ce service peut collecter, utiliser et partager des données de localisation ».. Certes, le but de Strava est de collecter des données géographiques, mais là où c’est crasse pouilleux et problématique, c’est concernant le partage à priori par défaut avec tout le monde. Remontons dans le temps, moins d’un an après le lancement de l’application, début 2018. Plusieurs personnes et médias signalent qu’il est assez simple, à partir de la carte Strava accessible publiquement, de désanonymiser des personnes.

Laurent Costy : Fin janvier 2018, un étudiant de Sydney, Nathan Ruser, a mis en évidence que l’application permettait de révéler la localisation de plusieurs bases militaires secrètes. Le Canard Enchaîné – oh, ça me fait penser au Lama déchaîné de l’April et à la campagne en cours. Pensez à faire don ou à adhérer si vous ne l’avez pas encore fait et merci à celles et ceux qui ont déjà choisi de nous soutenir !

Lorette Costy : Comme c’est gentil, mais je te décerne la médaille de l’opportunité : tu gagnes direct 42 kudos. Bon, tu mentionnais donc un article du Canard Enchaîné début 2018 suite à la révélation de Nathan Ruser.

Laurent Costy : Le titre est explicite : « La course à pied nuit gravement aux espions » et avait comme sous-titre : « Lorsqu’ils pratiquent le jogging avec un appareil muni d’un GPS, les agents de la DGSE sont repérables et très facilement identifiables »

Lorette Costy : Bon, c’était le début, ils ne savaient pas, on peut leur pardonner !

Laurent Costy : Ce n’est pas faux. Soyons magnanimes et tolérons les erreurs de jeunesse qui permettaient même de trouver leurs adresses et toute leur vie personnelle sur les réseaux sociaux – femme, enfants, activités, vacances…

Lorette Costy : Sauf que le temps a passé et que peu de choses semble avoir changé.
En 2020, Médiapart écrit un article et produit une vidéo qui explique les enjeux et les fuites qui perdurent.
Puis, un article de Jean-Marc Manach, sur Next, le 1er juillet 2022 titrait : « Des centaines d’agents de services de renseignement étaient « à poil » sur Strava, depuis 4 ans ». Et ce malgré les diverses annonces de responsables en 2018 qui disaient qu’ils allaient considérer le problème.

Laurent Costy : Pourquoi montrer son zizi ou sa foufoune sur Strava ? Quelque chose m’échappe. Mais nous voici en 2024 et ce sont trois articles du journal de Le monde qui montrent une nouvelle fois que rien ne change et que c’est partout pareil. Des agents sont identifiés grâce aux traces laissées sur Strava en France, dans la proximité du président de la République, aux États-Unis autour de Biden, et en Russie autour du champion mondial, toutes catégories, de la paranoïa, Vladimir Poutine.

Lorette Costy : Celui-là même. C’est difficile de comprendre pourquoi le problème persiste. Pourtant, en France, la question de l’anonymat des troupes d’élite est inscrite dans le Code pénal. La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende « la révélation ou la divulgation, par quelque moyen que ce soit, de toute information qui pourrait conduire, directement ou indirectement, à l’identification d’une personne comme membre des unités des forces spéciales ». Mais, comme dit Médiapart, le législateur n’avait peut-être pas prévu que ces informations jugées sensibles seraient largement partagées… par les principaux concernés.

Laurent Costy : On peut tenter d’imaginer ce qu’il se passe chez les militaires et les agents secrets à ce sujet.

Voix off : Vous excuserez la scène suivante dans l’hypothèse où vous la trouveriez insuffisamment réaliste. En effet, le père Costy a été objecteur de conscience et sa fille Lorette n’a même pas fait son SNU. Ceci étant, au regard du résultat qui tend irrémédiablement vers la pissade dans un violon, cette interprétation en vaut une autre.

Lorette Costy : Soldat. Gaaaaaarde à vous ! C’est quoi ce bordel dans la presse ? Ce n’est pas la première fois en plus. Déjà en 2018, 2020 et 2022 ! Il faut me promettre d’arrêter de diffuser toute information qui pourrait conduire, directement ou indirectement gnagnagna, 75 000 euros d’amende, gnagnagna vous connaissez la suite, Lorette l’a dit juste avant dans la chronique. [Prononcé à voix haute, NdT]

Laurent Costy : Chef oui chef. Mais on se fait grave iéch’ quand même ! Et si on ne peut plus comparer nos performances et savoir qui a la plus grosse, on risque de mourir d’ennui chef ! Faut nous comprendre chef !

Lorette Costy : C’est bon pour cette fois mais, vous allez me faire le plaisir, d’arrêter de vous faire plaisir. C’est un peu la sécurité quand même ! Vous me ferez trois pâtés, deux ovaires, mais surtout, vous allez relire dix fois le guide des bonnes pratiques édité par le ministère des Armées et en particulier, si c’est trop long et qu’il n’y a pas assez d’images, le paragraphe sur les réseaux sociaux et les applis qui géolocalisent.[Prononcé à voix haute, NdT]

Laurent Costy : Chef, oui chef !

Lorette Costy : Non, mais c’est vrai quoi ! Sinon, on passe pour des guignols. Comment voulez-vous qu’on comprenne, après, qu’on confisque aux gens les bouchons de leur bouteille avant d’entrer dans un concert alors qu’on a des agents secrets qui sont identifiables sur Instagram et Facebook. Crotte de bique, faites un effort les gars, sérieux !

Laurent Costy : Ah oui, je suis d’accord avec vous chef. Ça m’a gonflé qu’on me confisque mon bouchon au dernier concert ! Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de bouchon que je ne peux pas la lancer la bouteille !

Lorette Costy : Moi aussi ça m’a gonflée, on pourrait faire un courrier commun, mais c’était pas le sujet d’abord ! Bon, vous pouvez disposer. Et on surveillera la prochaine chronique de Laurent et Lorette Costy, on ne sait jamais.[Prononcé à voix haute, NdT]

Laurent Costy : Chef, oui, chef. Je vous salue bien bas et je vous dis à la prochaine ! Bisous.

Lorette Costy : Bisous, bisous !

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter une chronique proposée par Laurent et Lorette Costy.
Nous arrivons à la fin de l’émission. Je vais terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

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