Émission Libre à vous ! du 3 décembre 2024
Titre : Émission Libre à vous ! diffusée sur Radio Cause Commune le mardi 3 décembre 2024
Intervenant·es : Benjamin Bellamy - Magali Lemaire - Philippe Bareille - Luigi Mistrulli - Julie Chaumard - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 3 décembre 2024
Durée : 1 h 30 min
Page de présentation de l'émission
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Déjà prévue.
NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·es mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
La ville de Paris et les logiciels libres, ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme, en début d’émission, la chronique de Benjamin Bellamy sur le RGDP, le Règlement général sur la protection des données, et, en fin démission, la chronique de Julie Chaumard sur le retour d’expérience de la messagerie libre Galae.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter.
Nous sommes mardi 3 décembre 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission du jour, mon collègue Étienne Gonnu. Salut Étienne.
Étienne Gonnu : Salut Fred. Bonne émission.
Frédéric Couchet : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute. [Jingle]
Chronique « Le truc que (presque) personne n’a vraiment compris mais qui nous concerne toutes et tous » de Benjamin Bellamy sur le RGDP, le Règlement général sur la protection des données
Frédéric Couchet : Nous allons commencer par la chronique de Benjamin Bellamy, « Le truc que (presque) personne n’a vraiment compris mais qui nous concerne toutes et tous ».
Benjamin est fondateur et dirigeant de la société Ad Aures, papa de Castopod et animateur du podcast Rien De Grave Patron.
Le thème du jour, le RGDP, le Règlement général sur la protection des données.
Bonjour Benjamin.
Benjamin Bellamy : Attends, excuse-moi, je referme ma gourde.
Bonjour Frédéric.
Frédéric Couchet : Aujourd’hui, tu vas nous parler de bouchons en plastique, de la planète Mars et du RGPD.
Benjamin Bellamy : Non. Là je ne te parlerai de rien du tout, car, avant tout, mes 666 partenaires et moi-même souhaitons utiliser des cookies et autres traceurs pour mesurer l’audience, pour les réseaux sociaux, pour améliorer ton expérience, pour personnaliser le contenu et mesurer sa performance, pour des publicités personnalisées, pour mesurer la performance des publicités, pour te géolocaliser précisément, pour analyser ton terminal et, pour améliorer ma chronique ! Pas de panique ! Tu peux autoriser ou refuser tout ou partie de ces traitements qui sont basés sur ton consentement ou l’intérêt légitime de mes partenaires, à l’exception, bien entendu, des cookies et traceurs nécessaires au fonctionnement de cette chronique.
C’est bon, tu acceptes tout ? Ou tu veux en savoir plus ?
Frédéric Couchet : Je veux bien en savoir plus, s’il te plaît.
Benjamin Bellamy : OK ! D’abord, il y a les fonctionnalités essentielles, ah non ça je ne te demande pas en fait. Les fonctionnalités liées aux réseaux sociaux, tu acceptes ou tu refuses ?
Frédéric Couchet : Je refuse !
Benjamin Bellamy : Je note. La mesure d’audience, tu acceptes ou tu refuses ?
Frédéric Couchet : Je refuse !
Benjamin Bellamy : Je note. Les fonctionnalités liées à l’amélioration de ton expérience, tu acceptes ou tu refuses ?
Frédéric Couchet : Je refuse !
Benjamin Bellamy : Je note. Personnaliser le contenu éditorial et mesurer sa performance, tu acceptes ou tu refuses ?
Frédéric Couchet : Je refuse !
Benjamin Bellamy : Je note. Personnaliser les publicités et mesurer leur performance, tu acceptes ou tu refuses ?
Frédéric Couchet : Attends ! Il y en a encore beaucoup comme ça ?
Benjamin Bellamy : Oui !
Frédéric Couchet : Mais beaucoup, beaucoup ?
Benjamin Bellamy : Là, on en est à la moitié. Après, il faut qu’on voie ensemble mes 666 partenaires, j’ai besoin de ton consentement pour chacun d’entre eux !
Frédéric Couchet : Mais on va y passer des heures !
Benjamin Bellamy : Ah oui !
Frédéric Couchet : On ne peut pas aller plus vite ?
Benjamin Bellamy : Si tu acceptes tout, c’est fini dans une seconde.
Frédéric Couchet : On n’a pas le temps ! Bon, OK, j’accepte tout.
Benjamin Bellamy : Ah ! Allons-y ! Alors, ces bouchons en plastique ! Ah non attends, avant ! Dis donc, chenapan, le 5 novembre à 15 heures 45, tu étais sur plaisirs-open-source.com ! Du coup, qu’est-ce que tu dirais d’un stimulateur solitaire sous licence GPLv3 ? Je vois que t’es dans le 18e et justement il y a un vendeur, pas loin, qui fait des promos.
Frédéric Couchet : Non merci ! Je vois pas de quoi tu parles.
Benjamin Bellamy : Tant pis. J’ai un peu perdu le fil. Ah oui, les bouchons. Je ne sais pas si vous avez vu cette polémique, en particulier sur un certain réseau social en pleine perdition, sur les bouchons de bouteilles plastique. La colère gronde. Pourquoi ? Figurez-vous que, fidèle à sa légendaire créativité législative, l’Europe a encore réussi à nous étonner. Attention nouvelle règle ! Désormais les bouchons des bouteilles en plastique doivent être solidaires des dites bouteilles. « Révolte ! C’est une atteinte à notre liberté de jeter du plastique dans la mer ! » [Prononcé à forte voix, NdT]. Déjà je vous rappelle que l’eau du robinet c’est 4 euros 34 pour 1000 litres, soit 300 fois moins que l’eau en bouteille. Passons !
Un post en particulier a retenu mon attention. Un crypto bro mettait côte à côte deux photos. Sur la première on y voyait une majestueuse fusée SpaceX s’élançant vers l’infini et, sur la seconde, un stupide bouchon en plastique, s’élançant vers nulle part, parce qu’accroché à sa bouteille comme une moule à son rocher. Et l’auteur du post de commenter un truc dans le genre : « Pendant que les Américains se préparent à aller sur Mars, eh bien, en Europe, on attache les bouchons aux bouteilles ! ». Sans doute pour mettre en exergue la futilité rétrograde de nos lois européennes face à la grandeur conquérante de l’esprit américain !
Alors là, stop. Déjà, parce que moi, sur Mars, je n’irai pas. Et vous non plus ! Et nos enfants non plus ! Nous allons tous rester vivre sur Terre et, jusqu’à preuve du contraire, nous allons tous y mourir aussi et probablement plus vite que prévu si on continue à balancer du plastique dans la nature !
Je ne sais pas si vous avez vu la semaine dernière à Busan, en Corée – non, pas les zombies qui courent pour essayer d’attraper le dernier RER un jour de grève –, le sommet de la toute dernière chance contre la pollution plastique. Finalement, ils ont décidé qu’ils allaient plutôt ne rien décider du tout et continuer à ne pas recycler 90 % des 13 millions de tonnes qu’on balance tous les ans dans les océans, parce que, bon, flemme, pas trop envie !
Frédéric Couchet : Très bien, mais quel lien avec le RGPD ?
Benjamin Bellamy : Tout cela pour dire que la créativité législative, ce n’est pas un gros mot, même quand ses effets en font râler plus d’un et que ça gâche leur rêve débile d’aller passer leurs vacances sur Mars. Le RGPD, c’est exactement la même chose. Un Règlement européen qui se soucie plus du bien être de nous toutes et de nous tous que de l’enrichissement d’une poignée de mégalomanes. Ai-je l’air d’être énervé là ?
Frédéric Couchet : Un peu, oui !
Benjamin Bellamy : OK, je suis peut-être un petit peu en colère, mais j’ai une bonne raison : une étude récente, reprise par moult articles putassiers, accuse le RGPD d’être « un gouffre monumental de productivité à l’échelle européenne ». Rendez-vous compte ! À cause du RGPD, on perdrait 575 millions d’heures par an, soit plus de 14 milliards d’euros, 2 milliards rien que pour la France. En cause, les fameux cookies banners que le RGPD nous « impose », ces bandeaux cookies dont le souci de notre vie privée est la priorité, mais, s’ils nous enquiquinent ce n’est pas leur faute, c’est la faute au RGPD !
Re-stop. Le RGPD n’a jamais – j’insiste bien, jamais – dit que tous les sites de la planète devaient devenir pénibles. Ce que le RGPD dit, en revanche, c’est que c’est fini la fête du slip des données personnelles, arrêtez de faire n’importe quoi avec, dorénavant le traitement de ces données personnelles est encadré. Attention, c’est passé vite, donc je vais répéter, car chaque mot compte : « traitement, données, personnelles.
Pas de données personnelles, pas de bandeau cookies.
Pas de traitement de données personnelles, pas de bandeau cookies.
Et dans le cas où il y a traitement de données personnelles, et dans ce cas-là uniquement, le RGPD dit que ce traitement doit être licite, loyal et transparent. Et que les données collectées doivent être minimales et traitées de manière à en garantir la sécurité et la confidentialité. C’est tout ! Je ne sais pas vous mais, à moi, ça ne me paraît pas exagéré, surtout quand on voit que nos données fuitent de partout toutes les semaines.
Je te connais, tu vas me dire « globalement je vois bien, mais concrètement, ça veut dire quoi licite ? »
Frédéric Couchet : Oui, concrètement ça veut dire quoi « licite » ?
Benjamin Bellamy : Tu ne vas pas le croire, mais dans son article 6 justement, le RGPD a anticipé ta question. Et, pour que ce soit vraiment bien clair, il a même listé les six cas de figure de traitements licites. Six et pas un de plus.
- 1. Le traitement est nécessaire à l’exécution d’un contrat, par exemple votre adresse dans le cadre d’un service de livraison.
- 2. Au respect d’une obligation légale, par exemple une réglementation bancaire.
- 3. À la sauvegarde des intérêts vitaux, par exemple votre dossier médical si vous êtes dans le coma.
- 4. À l’exécution d’une mission d’intérêt public, un recensement par exemple.
- 5. Aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le site, pour limiter la fraude par exemple.
- 6. La personne a consenti au traitement de ses données, par exemple la prospection commerciale.
Et comme le RGPD est très laxiste – si, le RGPD est laxiste –, sur ces six bases légales, nous ne pouvons pas nous opposer aux quatre premières : contrat, obligations légales, intérêts vitaux, intérêt public. Donc, là, ça va vite, pas de case à cocher ou à décocher. On ne peut s’opposer qu’aux deux dernières : intérêt légitime et consentement. Et encore, pour l’intérêt légitime, ça peut être coché par défaut. Le consentement, lui, doit juste être libre, spécifique, éclairé et univoque. Normal.
Bref, tout cela veut dire que quand vous voyez un bandeau cookies, ce n’est pas la faute au RGPD, c’est la faute au responsable de traitement du site, qui est en train de se gaver avec vos données personnelles. Mais un simple cookie de session pour se connecter ne nécessite aucun bandeau cookies. Exemple : le site e-commerce qui utilise mon adresse, pas de bandeau cookies ; le journal payant en ligne qui a mon numéro d’abonné, pas de bandeau cookies ; le site de ma banque qui doit sûrement vérifier deux/trois trucs sur moi, pas de bandeau cookies ; la page RGPD du site du ministère de l’Économie qui ne devrait traiter aucune donnée personnelle, pas besoin de bandeau cookies !
Pour faire simple, un site tire ses revenus de la publicité, parce que, pourquoi pas, on ne paye pas son loyer avec de la visibilité !, bandeau cookies, OK, je veux bien. Pour tous les autres, non ! Un site qui ne vit pas de la pub n’a aucune bonne raison d’afficher un bandeau cookies, sauf à caresser son tableur avec nos données personnelles. Oui, je l’ai déjà dit il y a deux mois, mais il va falloir vous y habituer, car je le répéterai tant qu’ils seront là !
Et enfin, un site qui vous dit « le respect de votre vie privée est notre priorité » vous ment. C’est un menteur. Si c’était vraiment le cas, il ne traiterait pas vos données personnelles en dehors des besoins du contrat, il n’aurait pas besoin de ce bandeau et il ne l’afficherait donc pas. Et nous, on économiserait 575 millions d’heures par an, par exemple pour partir en vacances et se la couler douce sur des plages sans plastique, en buvant de l’eau dans nos gourdes. À votre santé !
Frédéric Couchet : Merci Benjamin, on te retrouvera l’année prochaine et, d’ici là, tous les mercredis dans ton podcast RdGP, il n’y a pas de faute, c’est Rien de Grave Patron, rdgp.fr, le podcast sérieux qui vous emmène au cœur des enjeux des droits numériques, des libertés individuelles et de la vie privée.
Frédéric Couchet : Merci Frédéric. Bien évidemment, les auditrices et auditeurs auront démasqué mon horrible mensonge ! Je précise que le 5 novembre, à 15 heures 45, tu n’étais pas sur plaisirs-open-source.com puisque tu étais déjà ici en train de me donner la réplique.
Frédéric Couchet : Merci Benjamin.
En régie, on me dit « priorité à l’actualité ». Je crois que la rédaction du Lama déchaîné veut intervenir une cinquantaine de secondes.
Message de la rédaction du Lama déchaîné
[Virgule sonore]
Gee : Ici, en direct de la rédaction du Lama déchaîné, nous vous parlons d’une actualité brûlante.
Bookynette : La campagne de soutien financier de l’April ?
Gee : Oui. Pour bien finir l’année, l’association a besoin de pas moins de 20 000 euros. Alors, pour vous convaincre d’adhérer ou de faire un don, elle nous a embauchés, bénévolement, pour publier un hebdomadaire chaque mercredi.
Bookynette : Mais c’est demain le prochain numéro, alors ?
Gee : Eh oui ! Et il y en aura jusqu’à la fin de l’automne. Ça parle des actions de l’April, de ses membres, mais pas que !
Bookynette : Il paraît qu’il y a même des mots croisés et des anecdotes rigolotes.
Gee : Oui, la plume a également été proposée à d’autres associations ou à des personnes non-membres.
Bookynette : Rendez-vous sur April.org/campagne. Le lien sera sur la page de présentation de l’émission.
Gee : On compte sur vous pour soutenir le travail essentiel de l’April.
[Virgule sonore]
Frédéric Couchet : Donc rendez-vous mercredi 4 décembre 2024 pour le numéro 7, qui sera l’avant-dernier.
Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous parlerons de la ville de Paris, de sa stratégie logiciels libres. En attendant, nous allons écouter Un fantôme dans la maison par Odysseus. On se retrouve dans une minute quarante. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Un fantôme dans la maison par Eric Querelle aka Odysseus.
Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Un fantôme dans la maison par Odysseus, disponible sous licence Art Libre.
[Jingle]
Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.
[Virgule musicale]
Paris et logiciels libres avec Magali Lemaire et Philippe Bareille
Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal