Les logiciels libres - RdGP

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche


Titre : Les logiciels libres

Intervenants : Aeris - Benjamin Bellamy

Lieu : Podcast Rien De Grave Patron

Date : 6 novembre 2024

Durée : 56 min 43

Podcast

Présentation du podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l’April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : L’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni aux droits de l’homme et aux droits de l’homme, ni à la vie privée, à la vie privée ni aux libertés individuelles.

Benjamin Bellamy : Bonjour et bienvenue pour ce nouveau numéro de RdGP, le podcast sérieux qui vous emmène au cœur des enjeux des droits numériques, des libertés individuelles et de la vie privée.
Aujourd’hui, de quoi allons-nous parler à Aeris ?

Aeris : Nous allons parler de Libre.

Benjamin Bellamy : De libre, de libre, de logiciel libre, j’imagine.

Aeris : Bien sûr, de logiciel libre !

Benjamin Bellamy : Eh bien, allons-y.
Logiciel libre, logiciel libre ! C’est quoi le logiciel libre ? Déjà, on parle de logiciel libre, de logiciel open source, de logiciel gratuit, tout ça, c’est un peu la même chose, non ?

Aeris : C’est la même chose et pas la même chose en même temps. On va peut-être commencer par faire un historique : d’où vient le logiciel libre. Ça a démarré dans les années 80. On s’est retrouvé avec un personnage qui s’appelle Richard Stallman, chercheur dans un laboratoire du MIT, et il est confronté à une imprimante. Il essaye d’imprimer des documents et ça ne marche pas.

Benjamin Bellamy : Je pense que nous sommes tous confrontés à des imprimantes tous les jours, peut-être pas tous les jours maintenant, parce qu’on imprime de moins en moins, mais nous nous sommes tous énervés sur une imprimante au moins une fois dans notre vie.

Aeris : C’est la grosse malédiction des imprimantes et il l’a vécue. En fait, l’imprimante se bourrait tout le temps, il y avait toujours un bourrage papier et, à chaque fois, il fallait qu’il se déplace pour aller la débourrer. Il a demandé au fabricant s’il pouvait corriger le problème, éviter que ça se bourre en permanence et le fabricant n’a rien fait. Il a commencé à en avoir marre, du coup, il a dit « c’est bizarre, cette imprimante, je peux rien en faire. Il y a du logiciel dedans, il suffit juste de patcher le logiciel. »

Benjamin Bellamy : C’était un problème logiciel, un problème corrigeable par logiciel ?

Aeris : C’est ça, c’était corrigeable par logiciel. Il a dit « je suis un peu embêté parce que le fabricant ne me donne pas le logiciel, du coup, je ne peux pas le corriger moi-même. Il ne veut pas le faire, et je ne peux pas le faire moi-même. » Du coup, il va lancer la Free Software Foundation et le projet GNU en 83/84, autour, justement du concept de « je dois pouvoir contrôler l’informatique en général, l’informatique ne doit pas me contrôler ». Du coup, il décide d’établir les quatre lois, les quatre libertés du logiciel libre, qui permettent, entre guillemets, de « garantir » que l’informatique restera toujours sous le contrôle des humains et pas l’inverse.

Benjamin Bellamy : Donc, c’est moi qui possède l’imprimante, ce n’est l’imprimante qui me possède.
Quelles sont ces quatre lois du logiciel libre ?

Aeris : La première des libertés, la plus importante, c’est la liberté d’exécution, vous avez droit d’exécuter comme vous voulez. Il n’y a pas de conditions à ce que vous ayez le droit d’exécuter un programme dont vous êtes le propriétaire, ce qui paraît logique, c’est pour ça que c’est un peu la base, quand même, des quatre libertés. Ce n’est pas toujours le cas. Il y a des usages interdits, par exemple les usages commerciaux. Du coup, si vous voulez faire de l’argent dessus, vous n’aurez pas le droit de l’utiliser. Il y a aussi la fameuse licence Json qui est un format de données. Ils ont mis à l’intérieur : « Vous n’avez pas droit d’utiliser le logiciel pour faire le mal ». La définition de mal est à l’appréciation de chacun, mais, si vous faites le mal, vous n’avez pas droit d’utiliser ce logiciel. Donc, la liberté 0 interdit ce genre de critère. Vous avez tout le temps le droit d’utiliser un logiciel dont vous êtes le propriétaire.

Benjamin Bellamy : La première liberté, qui est numérotée 0 – on ne parle pas d’informatique pour rien – me garantit la liberté d’exécuter un programme. OK.

Aeris : La liberté numéro 1, ensuite, c’est la liberté d’étudier le fonctionnement. C’est un peu comme s’est retrouvé Stallman dans son institut, avec une imprimante : j’ai le logiciel, oui, mais je ne peux pas l’étudier parce que je n’ai que le binaire, en fait, je n’ai que le résultat, je n’ai pas le code source, j’ai juste le résultat, la fin, le gros binaire. Du coup, je n’ai pas la possibilité d’aller l’étudier correctement. Cela vient avec la publication du code source : si vous avez le binaire, si vous avez le programme, vous devez avoir la manière dont il a été conçu, donc le code source, pour pouvoir savoir comment il fonctionne exactement et être capable de le comprendre.

Benjamin Bellamy : En fait, c’est un peu la naissance du mouvement hacker et la possibilité de bidouiller. La traduction française de hacker, c’est bidouiller, donc la possibilité d’ouvrir le moteur, de voir comment c’est fait et de pouvoir l’adapter à ses besoins, c’est-à-dire le modifier. En informatique, concrètement, ça veut dire avoir le code source du logiciel pour pouvoir le modifier, puisque les logiciels, en général, sont édités dans des codes lisibles par des êtres humains – ça dépend lesquels, en tout cas quelques-uns –, puis compilés et le code, une fois compilé, exécuté sur les ordinateurs, lui, pour le coup, il n’est compréhensible que par des machines. L’idée, c’est donc d’obliger, dans le cadre du logiciel libre, de fournir le code source.
C’est là où on voit déjà une première différence entre logiciel open source et logiciel libre : open source, c’est la loi numéro 1, donc la deuxième, puisqu’on est parti de 0, je vous le rappelle ; open source, ça correspond à la loi numéro un des quatre libertés.

Aeris : Ensuite, la liberté numéro 2, c’est la liberté de redistribuer des copies. Une fois que vous avez le code source, vous avez droit de le modifier. Vous le comprenez, puisque, du coup, la liberté numéro 1 vous autorise à étudier son fonctionnement. Vous avez le droit, ensuite, de recompiler le logiciel et de le redistribuer comme vous voulez, avec les mêmes les mêmes libertés, bien entendu, les libertés sont transitives. Vous avez le droit de recompiler, de redistribuer, exactement de la même manière que quand vous avez vous-même pris le contrôle du logiciel.

Benjamin Bellamy : Donc, ça veut dire que je peux retransmettre à d’autres personnes le logiciel que l’on m’a fourni.

Aeris : C’est ça. On ne peut pas vous interdire, les entreprises, en particulier, ne peuvent pas vous interdire de redonner ce que vous avez acheté, par exemple au titre de la propriété intellectuelle, ou de la protection commerciale ou, etc. À partir du moment où vous avez le logiciel, vous avez le droit de le donner.

Benjamin Bellamy : Et c’est indépendant des modifications que j’ai faites.

Aeris : Oui, c’est ça. Avec ou sans les modifications parce que, justement, la liberté numéro 3, c’est la liberté de redistribuer aux autres des copies modifiées du logiciel. La liberté zéro, c’est redistribuer à l’identique et la liberté numéro 3, vous avez le droit de modifier le logiciel vous-même, de devenir éditeur, en fait, et d’en distribuer des copies à la fin.

Benjamin Bellamy : Si je résume :

  • 0, j’ai le droit d’utiliser un programme ;
  • 1, j’ai le droit de l’étudier et de le modifier ;
  • 2, j’ai le droit de le redistribuer ;
  • 3, j’ai le droit de l’améliorer et de distribuer ces améliorations, donc de redistribuer la bidouille que j’ai faite.

Dans le cadre de mon imprimante, qui avait des problèmes de bourrage papier, ça veut dire que :

  • liberté 0, j’ai le droit d’imprimer ;
  • liberté 1, j’ai le droit de corriger le firmware de l’imprimante pour qu’elle arrête ses bourrages papier ;
  • liberté 2, ça veut dire que j’ai le droit de redistribuer le firmware de l’imprimante, je ne vois pas trop l’intérêt dans ce cas précis, mais on comprend que c’est important ; v
  • liberté 3, j’ai le droit de redistribuer le firmware que j’ai modifié, qui empêche les bourrages papier.

Aeris : C’est ça. Du coup, dans le cas de l’imprimante de Stallman, Stallman aurait pu envoyer le firmware de l’imprimante à tous les labos qui auraient été dans le même cas pour régler problème à la place du fabricant qui ne voulait rien faire. Mais il se trouve que le logiciel de l’imprimante n’était pas un logiciel libre, donc Stallman n’a jamais pu modifier lui-même le logiciel, en tout cas, ça a été l’acte fondateur des quatre libertés, en 83/84, et derrière ça, il a commencé à développer le projet GNU, un acronyme récursif qui veut dire que GNU's Not Unix, parce que, à l’époque, le système d’exploitation qui était utilisé était Unix, un système d’exploitation privateur, privé, qui n’était pas libre et Stallman s’est dit « je vais essayer d’en faire un qui respecte les quatre libertés ». Il a commencé à développer le projet GNU et il a fallu l’aide, un peu involontaire, quelques années plus tard, en 91, d’un certain Linus Torvalds qui est arrivé en disant « il n’y a pas que le système d’exploitation dans la vie, il y a aussi le kernel ». Ce sont un peu des détails techniques, le kernel, ce qu’on appelle le noyau, est un peu l’interface entre le matériel et le logiciel, il vient faire la liaison entre le matériel physique et le logiciel virtuel. Torvalds arrive en 91avec le projet Linux qu’on connaît aujourd’hui. Le couple GNU/Linux donne, en 91, un système complet, entièrement libre, avec les principes du logiciel libre pleins et entiers pour un ordinateur personnel.

Benjamin Bellamy : Si je reprends mes questions du début, différence entre logiciel libre, logiciel open source et logiciel gratuit, je pense qu’on a un peu répondu à tout. On voit bien que :

  • logiciel libre correspond aux quatre libertés qu’on a énoncées ;
  • logiciel open source correspond uniquement à la deuxième des libertés, c’est-à-dire à voir ce qu’il y a dedans, mais ça n’implique pas les trois autres ;
  • et gratuit, je pense que tout le monde a pigé, ç a veut dire qu’on ne paye pas.

On peut avoir du logiciel gratuit qui n’est pas open source et qui n’est pas libre. C’est ce qu’on appelait les freewares. On n’en voit plus beaucoup, mais ça existe encore.

Aeris : Il y avait un zip à l’époque, sous Windows, qui était comme ça ; il y avait Winrar pareil, vous pouviez le télécharger et l’installer gratuitement, etc.

Benjamin Bellamy : Mais ce n’était pas libre, on ne pouvait pas le modifier, on n’avait pas accès au code source.
Du logiciel open source qui n’est pas libre, ça peut exister aussi. C’est-à-dire qu’on a accès au code source, mais on n’a pas le droit de le redistribuer, de le modifier, c’est tout à fait possible et, dans le cadre des langages non compilés, ça doit même être assez courant.
Et du logiciel libre pas open source, ça, par contre, c’est compliqué.

Aeris : Du logiciel libre pas open source c’est à peu près impossible, puisque de toute façon, on n’aurait pas la liberté d’étudier vu qu’on n’aurait pas le code source, donc ça n’existe pas vraiment.
On rappelle que libre n’est pas forcément gratuit. C’est difficile de faire du commerce avec du logiciel libre, puisque, du coup, vous autorisez vos utilisateurs à distribuer toutes les copies derrière et gratuitement, s’ils en ont envie. Donc, forcément, le business s’arrête assez vite, puisque vous vendez une copie et après, en théorie, vous n’en vendez plus. Mais en vrai, vous avez le droit de faire payer du logiciel et il y en a pour qui ça fonctionne très bien.

Benjamin Bellamy : C’est-à-dire que si je suis éditeur de logiciel libre et que je vends mon logiciel, que je le vends sous forme compilée, mon client va avoir le droit de me demander le code source et il va avoir le droit de le redistribuer. Donc, si le deuxième client connaît le premier, ça va être vite fini ; ça s’arrête très vite, généralement. Donc, en fait, les modèles économiques classiques ont du mal à s’appliquer dans le cadre du logiciel libre.

Aeris : Oui, ça va plutôt passer sur des offres de services, même si entre Libre et propriétaire, il y a quand même assez peu de différence. Par exemple, si on prend Microsoft, Microsoft fonctionne exactement pareil. En fait, ils s’en foutent un peu d’avoir logiciel ou d’avoir le droit de modifier, etc., ils vendent surtout du service des contrats de maintenance. Si vous avez un bug, des temps de réaction, des choses comme ça, donc, c’est vraiment plutôt du contrat de service et il n’y a pas vraiment de différences entre Libre et pas Libre à ce niveau-là. La vraie différence va plutôt être sur le matériel, au quotidien, qui nous entoure : vous avez du matériel qui n’est pas libre, donc vous ne pouvez pas savoir comment ça fonctionne, etc. On vous vend le matériel, vous n’avez pas le droit de faire ce qu’on appelle du reverse engineering, vous n’avez pas le droit d’étudier comment il fonctionne, de vérifier le logiciel, de le modifier, de le revendre. Donc là, le modèle commercial est « je vends un produit et pas un service ».

Benjamin Bellamy : On comprend que le logiciel libre, c’est quand même une affaire de bidouilleurs.
Je reviens sur la différence entre libre, open source et gratuit. Je pense en particulier à nos amis de l’April. J’ai remarqué que quand on parlait d'open source, ils avaient tendance à nous reprendre, à dire « non, libre, libre ». En fait, on comprend pourquoi certaines personnes font la différence entre libre et open source, parce que Libre est bien plus contraignant, en tout cas donne beaucoup plus de liberté que open source. Après, dans la pratique, on fait souvent des amalgames, moi le premier, parfois j’utilise un mot pour un autre, ça dépend du contexte, mais, en général, on comprend bien qu’on parle de la même chose.

Aeris : Dans la pratique, en fait, c’est à peu près pareil entre Libre et open source. La vraie différence, on va dire, est plutôt au niveau moral, c’est-à-dire que quelqu’un qui va se réclamer du logiciel libre voit les quatre libertés qu’il y a derrière et les intérêts pour la société, c’est-à-dire ne pas se faire contrôler par l’informatique, alors que ceux qui vont employer le terme open source sont plutôt dans une logique commerciale, ils vont utiliser ce terme pour essayer de faire du placement produit, avoir un créneau, profitez de l’aubaine. En fait, il y a un petit côté marketing, ce sont des effets d’annonce plutôt que les conséquences sociales derrière.

Benjamin Bellamy : J’utilise assez souvent le terme open source, mea culpa, pour une raison assez bête : c’est que libre et gratuit, en anglais, ça se dit free. On a la chance d’avoir des termes bien différents en français, mais, en anglais, c’est em>free. Du coup, si on dit em>free, on ne sait pas de quoi on parle, alors que open source, c’est beaucoup plus clair. J’ai donc tendance à parler d'open source, alors que je veux dire « Libre », mais parce que si je dis libre, que je suis face à un interlocuteur anglo-saxon, que je suis en train de communiquer en anglais, du coup ça va devenir em>free. Il me semble que le manque de précision est moins grave, en fait, entre free et free que entre open source et free.

Aeris : Et puis, surtout en France, entre open source et Libre, les gens vont pas comprendre libre. Open source, c’est déjà un peu plus dans la tête des gens, peut-être aussi plus facile à comprendre, du coup ça passe quand même mieux, généralement, au quotidien.

15’ 10

Benjamin Bellamy : Aujourd’hui,