Émission Libre à vous ! du 15 octobre 2024
Titre : Émission Libre à vous ! diffusée sur Radio Cause Commune le mardi 15 octobre 2024
Intervenant·es : Florence Chabanois - Pauline Gourlet - Sarah Garcin - Lucie Anglade - Julie Chaumard - Louis Eveillard - Laurent Costy - Étienne Gonnu - Julie Chaumard à la régie
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 15 octobre 2024
Durée : 1 h 30 min
Page de présentation de l'émission
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Déjà prévue
NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·es mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription
Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
do•doc, logiciel libre pour produire facilement des contenus, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme « Qui a envie d’être sexiste » et la PyCon 2024, la convention annuelle française du langage Python. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.
Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou poser toutes questions
L’April est l’association qui promeut et défend le logiciel libre et les libertés informatiques. Depuis trois ans, notre situation financière n’est plus à l’équilibre. Nous allons donc lancer, demain, une nouvelle campagne de soutien financier, la première depuis 2015. Je vous en dirai plus en fin d’émission.
Nous sommes mardi 15 octobre 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission aujourd’hui, Julie Chaumard. Salut Julie.
Julie Chaumard : Bonjour et belle émission à vous.
Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « F/H/X » de Florence Chabanois, intitulée « Qui a envie d’être sexiste ? »
Étienne Gonnu : Nous allons commencer par la chronique « F/H/X », votre rendez-vous mensuel pour comprendre et agir en faveur de l’égalité des genres. Une chronique de Florence Chabanois présidente de La Place Des Grenouilles.
Bonjour Florence.
Florence Chabanois : Bonjour Étienne.
Étienne Gonnu : Tu nous poses aujourd’hui une question d’apparence simple : « Qui a envie d’être sexiste ? ».
Florence Chabanois : Bonjour les copaines.
J’étais en formation, dernièrement. L’un des participants et participantes, lors des tours de table, regardait toujours uniquement les gars quand il parlait. Quand il citait les autres personnes, c'étaient aussi uniquement des gars, même si j’avais dit exactement la même chose. L’après-midi, je l’entends exprimer des phrases en inclusif – rappelez-vous, l’inclusif, c'est, au lieu de dire par exemple « les réalisateurs », on va dire « les réalisatrice et réalisateur » pour ne pas effacer les femmes –, ce qui fait que je ne suis plus la seule à parler inclusif dans le groupe. Tiens ! Le lendemain, on a un exercice à deux, il ne peut plus ne pas me voir. Ça se passe bien. À la pause, il me dit qu’il voudrait un monde meilleur, plus collectif, plus écolo, moins sexiste. Qu’il déteste les machos et le virilisme.
J’ai mis du temps, moi aussi, à réaliser que je considérais les femmes inférieures, moins intéressantes que les hommes. Par exemple :
- quand, au moment de choisir un cadeau pour mon beau-frère, je reste quelques secondes devant la bio de Joséphine Baker et ne l’achète pas, car ça ne va pas l’intéresser, ce serait « trop militant ». Idem sur des héroïnes, quand il s’agit d’offrir un livre pour un petit garçon – notez que l’inverse ne pose pas de souci ! ;
- quand je suis étonnée que « même une femme » puisse construire sa maison, piloter un avion, diriger une entreprise, être élu·e ;
- quand un gars me monologue, que je le laisse faire, l’écoute attentivement, et qu’au moment où je dis que je dois vraiment y aller, là, il me demande : « Au fait comment ça va toi ? », sans que ça me choque, comme si je n’avais pas d’intérêt.
Quand Alice Guy, pionnière du cinéma de fiction, présentait ses œuvres, les gens les attribuaient à son assistant.
Est-ce que vous aussi, quand un homme apparaît, il fait disparaître les femmes à vos yeux et vos oreilles, qu’elles soient des inconnues, vos amies ou des expertes ?
Est-ce que vous êtes misogyne ?
Vous ne haïssez pas les femmes, mais vous ne voyez pas le problème sur cette conférence, ce festival, ce groupement de cuisiniers, ce concert, de ne voir que des hommes représentés qui ne parlent que d’autres hommes, qui ne jouent que leurs œuvres. Parfois, il y a une Schtroumpfette au milieu, trouvée au dernier moment, parce qu’on n’est pas sexiste quand même !, qui parlera chiffons ou d’à quel point elle a du mal à trouver « l’homme de sa vie » !
Ah ! Mais vous n’aviez pas vu qu’il n’y avait que des hommes, pour vous le talent n’a pas de sexe. Le sous-entendu en s’arrêtant ici, c’est que les femmes n’ont pas de talent, pas de compétences, sinon, elles seraient là. Finalement, le talent a bien un sexe, celui du mâle.
Personne ne veut être sexiste. Ne pas voir que la misogynie est omniprésente, même en nous, est le plus grand barrage au changement et le meilleur allié du patriarcat. Ce n’est pas votre faute. Tout est fait pour, ou rien n’est fait contre.
Pendant un festival, j’avais participé à un jeu où, par équipe, on devait trouver le plus de femmes possibles dans des domaines précis : l’écriture de livres, les mathématiques, les inventions, l’Histoire, la musique classique, le sport, la politique, l’économie. Eh bien, heureusement qu’on était en équipe ! En effet, selon une étude du centre Hubertine Auclert,
- dans les manuels de français de 2ᵈᵉ, on compte 6 % de femmes contre 94 % d’hommes recensés ;
- les femmes autrices, 4 %, et artistes, 7 %, sont très peu citées par rapport à leurs homologues masculins, 96 % et 93 %.
- En philosophie, on touche le fond avec 0,7 % de femmes philosophes citées 5 fois vs 695 fois pour les hommes philosophes.
- Parmi les personnalités historiques et spécialisées dans les sciences, le sport, la critique littéraire, les sciences humaines, etc., les femmes s’élèvent à 15 % vs 85 % d’hommes !
- Finalement, dans ces manuels, le domaine où les femmes sont le plus représentées sont le journalisme avec 28 %, youhou !, face à 72 % d’hommes.
- Les femmes sont beaucoup moins représentées et, en plus, leurs noms sont beaucoup moins répétés. Chez Hatier, par exemple, qui cite 8 % d’autrices, Victor Hugo est cité 49 fois tandis que George Sand est citée une seule fois.
- Ce n’est pas mieux à l’école primaire. Le mémoire de Marion Petit compte 24 % de personnages principaux féminins présents dans les romans, récits et nouvelles de la liste de référence des œuvres du 3e cycle, c’est-à-dire le CM1, le CM2 et la classe de 6ème.
- Dans les médias, l’ARCOM [Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique] compte un taux de parole des femmes à 34 % vs 66 % pour les hommes. Et, pour le sport féminin, on atteint 5 % vs 95 % de sport masculin.
- Côté politique, dans les municipalités, 20 % des maires sont des femmes, des mairesses.
- Côté musique, 7 % des œuvres jouées dans des orchestres sont celles de compositrices, selon Elle Women Composers.
- Côté cinéma, un quart des films d’initiative française ont été réalisés par des femmes ; 29 % des scénaristes sont des femmes ; notez qu’on passe à 77 %, donc trois fois plus, lorsqu’il y a au moins une femme réalisatrice, avec un impact également sur la féminisation de l’équipe de tournage.
- Enfin, côté Arts, au palais des Beaux-Arts de Lille, par exemple, on compte 135 œuvres de femmes qui sont conservées sur un total de 60 000 œuvres.
OK, j’arrête de vous assommer avec ces statistiques déprimantes.
Tout ça pour dire, qu’avec si peu de représentation, il n’est pas étonnant de croire que les femmes n’ont pas fait et ne peuvent pas faire grand-chose. On chie ce qu’on mange, du sexisme, quand on mange du patriarcat à longueur de journée.
Une façon simple et joyeuse de se « dé-misogyner » et d’enfin voir les femmes et leurs œuvres, d’en connaître, de les respecter, de les admirer, c’est d’en consommer explicitement, de manger autre chose.
Depuis plusieurs années, je ne vais voir que des films de réalisatrices. À la base, cela ne devait durer qu’un an, mais l’expérience était tellement passionnante et libératrice que je continue et j’ai élargi à peu près à tout. Au début, j’ai ressenti de la culpabilité à écarter les œuvres d’hommes, les pauvres ! En réalité, vu les décennies à me faire gaver d’œuvres masculines, ça va, j’ai de la marge.
En première étape, vous pouvez partir d’un loisir, observer le genre des représentations du milieu, et celui des créateurices de ce que vous consommez. Par exemple, si vous jouez à des jeux de société, qui crée ces jeux de société ? Qui écrit et dessine les bandes dessinées que vous lisez ? Qui est à l’origine des livres, de la musique, de la peinture, des séries que vous aimez ?
Dans un second temps, si vous êtes curieux et curieuse, allez chercher les créatrices sous-représentées, qui rencontrent bien plus d’obstacles pour être visibles. Appliquez-vous un quota, soyez paritaire dans votre vie, pour vous comme pour les autres, notamment vos enfants, qu’ils et elles ne croient pas qu’une fille vaut « moins ». Je crois même que sans ces efforts conscients, dans le monde actuel, nous sommes condamnés à être misogynes et sexistes.
Goûtez donc cet autre monde, c’est un voyage pavé de pépites.
Je partagerai quelques ressources dans les notes et n’hésitez pas à m’en envoyer également.
Étienne Gonnu : Merci beaucoup Florence. Merci pour cette dose de réel pour nous aider à nous, je vais essayer de le dire directement, « dé-misogyner ».
Florence Chabanois : C’est dur !
Étienne Gonnu : Ce n’est pas facile comme enchaînement de consonnes. Merci beaucoup.
Du haut de mon esprit, il me vient une recommandation. J’aime bien la SF. Une autrice de SF que j’adore est Ursula Le Guin, qui est assez connue, je pense, des amateurs et amatrices de SF.
Florence Chabanois : Je ne connais pas. Merci.
Étienne Gonnu : Je te recommande vivement, notamment Les Dépossédés qui est vraiment, je trouve, un livre excellent, comme l’était ta chronique. On se dit au mois prochain pour une nouvelle dose de réel ?
Florence Chabanois : Merci Étienne. Merci tout le monde.
Étienne Gonnu : Bonne fin de journée. Salut Florence.
À présent nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Après la pause musicale nous parlerons de do•doc, logiciel libre pour produire facilement des contenus.
Avant ça nous allons écouter Tear Apart the Walls par Cistem Failure. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Tear Apart the Walls par Cistem Failure.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Tear Apart the Walls par Cistem Failure, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.
[Jingle]
Le logiciel libre Do·Doc : produire facilement des contenus
Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal, qui porte sur do•doc, le logiciel libre pour produire facilement des contenus. Je vais, pour cela, passer la parole à Laurent Costy, vice-président de l’April, qui va animer cet échange avec ses invités que je lui laisserai le soin d’introduire.
Je vous rappelle que vous pouvez participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou directement sur salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Bonjour Laurent, je te laisse la parole.
Laurent Costy : Bonjour Étienne, merci beaucoup. Bonjour à toutes et à tous.
Je suis particulièrement content d’animer cette émission sur do•doc pour plein de raisons.
D’abord, c’est l’aboutissement d’une idée d’émission évoquée il y a plus de deux ans, avec Julien Bonhomme, lors de la Journée du Logiciel Libre Éducatif à Lyon. Julien Bonhomme, rencontré lors d’une Journée du Libre, à Sarrebourg, en 2016, où je représentais l’April. Je le salue au passage.
Ensuite, c’est une belle occasion de parler d’outils pédagogiques, de logiciels libres et de pratiques collaboratives.
Et enfin, malgré les trois ans que j’ai eus pour comprendre ce qu’était do•doc, je dois reconnaître que j’ai encore quelques lacunes, j’appréhende do•doc comme un processus plutôt que comme un produit fini, vous me direz tout à l’heure si j’ai bon. Bref !
Nos invités, qui contribuent quotidiennement à Do-Doc et qui accompagnent ses usages dans des contextes très divers, vont pouvoir nous aider à appréhender ce qu’est do•doc. Nous allons commencer par leur demander de se présenter et de nous raconter comment il et elle sont arrivés là. Pauline, tu commences ?
Pauline Gourlet : Je pense que tu as bon Laurent en disant que do•doc est en effet plus un processus qu’un produit. On va pouvoir déplier un peu ça.
D’abord, c’est né comment ? do•doc, c’est une longue histoire et c’est d’abord l’histoire d’un collectif, l’Atelier des Chercheurs, qui a plus de dix ans, comme le rappelait Louis dans un billet de blog récemment. Ça ne nous rajeunit pas, mais on est passé par plein de versions, plein de prototypes jusqu’à des outils fonctionnels et utilisés aujourd’hui comme do•doc.
Le tout début, ça a été une rencontre aux Arts Décoratifs de Paris [École nationale supérieure des arts décoratifs], une école de design, où j’étais en master, je crois que le nom de la section est précisément Design graphique et Multimédia, et Louis était en post-diplôme en Design d’interaction. En fait, c’est surtout né d’abord d’une rencontre et d’une appétence commune à travailler des questions d’interaction et d’outils libres, évidemment. Nous étions très contents de pouvoir bidouiller des choses qui fonctionnaient bon an mal an. C’est vrai qu’assez rapidement est née l’idée de travailler ensemble – après mon diplôme et Louis étant toujours en post-diplôme, nous avons commencé à travailler et Sarah [Garcin] nous a rejoints, on reviendra sur Sarah qui aurait dû être des nôtres ; nous sommes trois, l’Atelier des Chercheurs ce sont ces trois personnes, donc Sarah a rejoint le post-diplôme une année plus tard et a rejoint l’aventure.
Nous avons commencé, en fait, à faire des ateliers dans des écoles primaires où nous étions nous-mêmes animateurs sur le temps périscolaire, donc pas directement enseignants, mais bien plutôt dans une démarche d’accompagnement et d’initiation au design et aux pratiques du design, le design étant quand même quelque chose d’assez obscur pour beaucoup de gens. Avec les enfants, nous avons couvert un peu toute la palette de ce que peut être le design, du design graphique au design objet, au design d’interaction, on a fait pas mal de choses. Au cours de ces ateliers, nous est apparu assez cruciale l’idée de documenter les projets qui s’élaboraient au fur et à mesure des semaines avec eux pour que, dans un premier temps, déjà qu’ils puissent un peu faire sens des processus dans lesquels ils s’engageaient, sachant qu’on les voyait une fois par semaine, pour pouvoir revenir sur ce qui avait été fait la semaine d’avant, comment on peut montrer et donner à voir ce qu’on fait, sachant qu’on prototype beaucoup, donc ce sont beaucoup d’essais – erreurs et l’itération.
De là est née la première mallette, à l’époque, qu’on trimballait de classe en classe et qui permettait, avec une petite GoPro qui était scratchée sur la mallette et tout ça relié à un ordinateur, les élèves venaient placer en dessous leurs productions et prendre des photos.
De là, est née vraiment notre obsession, je pense qu’on le peut dire, sur l’écriture et l’écriture multimédia que permet aujourd’hui do•doc.
Laurent Costy : Merci Pauline. Louis, on a on a eu quelques éléments sur ton parcours, mais si tu peux compléter.
Louis Eveillard : Pour commencer, bonjour à tous.
Je m’appelle Louis, je suis designer indépendants aujourd’hui et membre du collectif effectivement depuis ses débuts. Initialement, d’ailleurs, on était aussi un collectif plus large, je pense notamment à Ferdinand [Dervieux] et Juliette [Mancini] qui travaillaient avec nous, et à d’autres personnes avec cette question d’animer des ateliers et progressivement aussi de penser les outils qui allaient accompagner ces ateliers.
Au fur et à mesure des années, par envie de continuer à travailler ensemble, on a un peu cherché des prétextes, animé des ateliers bénévoles, puis, parfois, trouvé des projets rémunérés qui ont permis d’enrichir à la fois certains outils comme Do-Doc, qui existe depuis presque les débuts et d’autres outils en parallèle, dont on parlera peut-être, comme les Cahiers du Studio qui sont des outils nés dans des contextes assez différents et qui ont aussi accompagné notre développement personnel. C’était un peu, quelque part, des plateformes d’expérimentation, pour nous, en tant que designers et développeurs.
Aujourd’hui, j’ai une casquette de designer interactif et développeur indépendant. La majorité de mon temps, ce sont des projets open source dans le cadre de l’Atelier des Chercheurs pour lesquels je suis rémunéré par des associations, par des institutions, parfois par des partenaires privés, mais toujours avec cet enjeu qui était, dès les débuts de notre collectif, de travailler sous licence libre, de vraiment imposer ce cadre-là, que l’intégralité des productions devait être diffusée, documentée pour que d’autres personnes, dans d’autres cadres, puissent s’en emparer, les détourner, les reprendre, participer au développement. Parfois, on a des financements pour développer un outil, mais des contributeurs extérieurs, qui n’étaient pas du tout prévus, deviennent, en fait, des contributeurs principaux parce que ça les intéresse dans leurs cas d’usage qui ne sont pas vraiment ceux qu’on avait imaginés à la base. On a donc un peu ce développement très organique et qui a toujours, depuis les débuts, était mené par l’envie de travailler ensemble. En fait, c’était un super prétexte pour bosser ensemble parce qu’on avait plaisir à le faire. On y a beaucoup réfléchi, mais comme nous ne sommes pas partis dans la voie de l’entreprenariat, de monter une start-up et un produit qu’il faudrait vendre, ça nous a toujours laissé la liberté d’être dans l’Atelier des Chercheurs quand on avait envie, de travailler sur les sujets, sur les outils, quand on avait le temps et ensuite, éventuellement, de trouver d’autres collaborateurs, d’autres lieux notamment des classes, des fab labs, des tiers-lieu, des espaces de résidence pour le théâtre, comme je l’évoquais tout à l’heure, donc des contextes très différents mais qui nous plaisent et des gens avec qui on avait envie de travailler. C’est donc un contexte, somme toute, très plaisant au quotidien, très agréable et qui nous qui nous accompagne depuis une dizaine d’années.
Laurent Costy : On va revenir sur des exemples précis pour que les gens comprennent bien ce qu’on peut faire avec Do-Doc. Vous parlez de partenaires, vous avez parlé d’ateliers périscolaires. Dans un premier temps, je me posais la question des partenariats aussi avec des associations d’éducation populaire, parce qu’on sait qu’elles sont beaucoup impliquées sur ces temps périscolaires.
Pauline Gourlet : On va dire que la chose qui a lancé vraiment, qui a permis de fonder un peu cette collaboration dont parlait Louis ça a été, après ces ateliers d’initiation à l’école primaire, une année entière dans une classe de CP avec un enseignant [Serge Selvestrel] qui nous a ouvert les portes de sa classe, grâce aussi à Olivier Fosse qu’on remercie, qu’on ne remerciera d’ailleurs jamais assez, qui était formateur en informatique pédagogique comme cela s’appelait à l’époque. Il nous a mis en lien avec cette classe et, de là, est né mon travail de thèse puisque mon rôle, au sein du collectif, c’est de faire du design d’interaction mais aussi de réfléchir à ce qu’on fait, quelles sont les pratiques qui se développent et surtout quels sont les effets de ce genre d’écriture, de ces modalités d’écriture-là, on pourra y revenir si vous voulez. Cette première année-là a été vraiment géniale pour expérimenter toute une série de choses et avoir aussi un peu une idée des effets sur le temps long.
Après ça, d’ailleurs relativement aussi dans le même temps, nous étions beaucoup en lien avec des fab labs qui se posaient la question d’utiliser un prototype de do•doc, c’était Proto do•doc à l’époque, ça n’avait quand même pas la même tronche. Ils se posaient la question de l’utiliser pour documenter de manière assez chartée les productions faites en fab labs
Étienne Gonnu : Qu’est-ce qu’un fab lab, s’il te plaît ?
Pauline Gourlet : Les fab labs sont des laboratoires de fabrication et, parmi les tiers-lieux, c’est un type de tiers-lieu où vont être mises en avant des activités, développées des activités de production et de fabrication, notamment via des outils à commande numérique, donc des découpeuses laser par exemple, des brodeuses numériques, des machines à coudre, toute une série d’outils assez typiques des fab labs qui permettent de fabriquer tout un tas d’objets soit du quotidien soit des prototypes un peu plus fous.
C’est vrai qu’à cette époque-là nous étions, on va dire, intéressés à essayer de répondre via la production, le prototypage de do•doc, à ses deux cahiers des charges, on pourrait dire : un cahier des charges plus éducatif et un cahier des charges plutôt sur la façon de créer de la connaissance partageable parmi les fab labs, que ça circule ; se dire que ce qui a été fait à Rennes peut circuler à Marseille, peut circuler dans un petit fab lab je sais pas, à Duingt.
Laurent Costy : C’est-à-dire la mise en commun de ce qui est produit. On voit bien, encore aujourd’hui, que c’est quelque chose d’extrêmement important. Pour préciser, le lien vers ta thèse sera mis sur la page de l’émission pour ceux que ça intéresse. Ce que tu évoques est extrêmement intéressant, me semble-t-il, sur le plan éducatif.
Je propose, peut-être, de prendre deux/trois exemples pour essayer de rendre concrets des usages de do•doc. J’ai évidemment regardé sur le forum, pour télécharger le logiciel. On parle de capture de photos, vidéos, sons, images, stop-motion – stop-motion, c’est image par image pour, justement, faire des choses animées –, collecter l’édition de choses produites. Comment cela se fait-il au quotidien avec do•doc ?
Louis Eveillard : Là on est vraiment sur la partie outils, c’est donc ma casquette ; Pauline, c’est la casquette recherche, moi j’ai la casquette vraiment fabrication et développement des outils qui sont téléchargeables et disponibles en ligne et, pour préciser rapidement, Sarah c’est plutôt la casquette animation d’ateliers, activités pédagogiques.
Sur la partie outils, et sur Do-Doc en particulier, l’enjeu c’est de proposer les différentes manières de collecter des traces sur les temps d’activités. Je suis en train de fabriquer en fab lab un objet, je suis en train d’expérimenter telle machine que je ne connais pas, je suis en classe et j’apprends à tracer une lettre, c’est être un peu dans des situations du faire, de l’apprentissage, qu’est-ce qu’on va pouvoir collecter, sur le moment, comme trace de cet apprentissage ? À travers les années, nous avons constaté que la photo, la vidéo ou l’enregistrement sonore étaient des manières assez efficaces et rapides de collecter et d’enregistrer des données sans sortir de l’activité. Il y a toujours un peu cet enjeu, cette tension dans la documentation à enregistrer, à collecter, parce qu’on en aura besoin plus tard, on sera content de l’avoir fait, mais, en même temps, sur le moment, ce n’est pas le sujet ; le sujet ce n’est pas la documentation quand on est en train de faire, il y a donc un peu cette tension à résoudre, qui n’est jamais simple. L’idée, dans Do-Doc, c’est, très facilement, de collecter, d’archiver, de mettre de côté, mais, du coup, d’avoir des traces sur le moment, de noter des idées, de mettre de côté un petit peu cette matière. Ensuite, dans un deuxième temps, le plus souvent de manière collégiale ou partagée, de réfléchir à la manière dont ces traces vont venir s’inscrire dans un récit, dans une narration qui va pouvoir suivre plusieurs gabarits. Il y a donc un choix à faire dans les gabarits : en classe ça se fait vraiment de manière un peu collégiale, tous ensemble, en fab labs c’est plutôt un travail individuel ou un travail de groupe. À savoir que dans la version 10 de Do-Doc, qui la dernière version, il y a trois gabarits principaux qui sont :
le récit, qui est une sorte de format blog assez linéaire, avec des chapitres ;
le format page à page qui, lui, permet d’éditer des documents imprimés, un sujet qui nous a toujours beaucoup intéressés ayant, tous les trois, une formation de graphiste ;
et puis, le troisième gabarit, c’est un gabarit de cartographie interactive. L’idée c’est d’avoir, d’un côté, les éléments rédigés, préparés, et puis, de l’autre côté, de les placer sur une carte pour créer comme une déambulation, un parcours, un chemin qui permet d’identifier, par exemple, l’origine des ressources qu’on utilise quand on est dans un lieu de fabrication, de raconter une promenade sonore ou une collecte dans la nature, ce genre de choses. On travaille notamment pas mal avec des associations comme La Fabrique des Communs Pédagogiques et la Classe Dehors, des organismes qui promeuvent le fait d’imaginer la classe à l’extérieur comme une forme très légitime et très intéressante d’éducation et d’apprentissage pour les élèves. Ce genre d’outil s’inscrit aussi un peu dans cette logique-là d’expérimentation par l’exploration.
Laurent Costy : Merci Louis. Éventuellement illustrer par un cas concret, un projet qui vous a marqué par exemple dans une classe ou dans un fab lab. Racontez un projet qui s’est déroulé.
Pauline Gourlet : Je peux peut-être parler justement de ce qui a été fait avec Serge [Selvestrel].
À ta question, c’est drôle, j’aurais eu envie de répondre « dis-moi ce que tu as envie de faire et on verra ce qu’on fera avec do•doc. » Je pense que c’est un peu au centre de notre approche. À chaque fois qu’on rencontre des personnes intéressées à travailler avec nous, avant même, nous, de leur mettre dans la bouche ou dans la tête des idées, ça va être d’abord « parle-moi de tes pratiques » et, en fait, il y a toujours une sorte de manière d’utiliser do•doc qui est un peu un couteau suisse pour se brancher, essayer d’amener ailleurs l’activité ou d’explorer de nouvelles manières de développer, je pense à de la rédaction.
Si je vous donne un exemple concret avec Serge, avec qui nous avons mené cette première expérience pendant un an, une des choses qu’il faisait c’était de beaucoup travailler, on pourrait dire, son téléphone portable comme une espèce de visualiseur. En fait, il s’approchait de ce que faisaient les élèves. En CP, on commence à apprendre le tracé des lettres, par exemple une ligne de « l ». Il s’approchait, il mettait son téléphone sur vidéo projecteur et, du coup, il diffusait au sein de la classe, donc les autres élèves voyaient le tracé d’un élève en train d’essayer de faire ses « l ». Cela a été typiquement le démarrage d’une idée. On s’est dit « tiens, on pourrait utiliser Do-Doc un peu dans cette idée-là. Les élèves iraient indépendamment, par petits groupes de trois, sur do•doc, produire des modèles de tracés de lettres qu’ils destineraient aux élèves de maternelle, c’était aussi un peu pour leur donner une adresse. Ils faisaient donc des petites capsules vidéo, ils dessinaient, ils traçaient très consciencieusement de « a » à « z », chaque élève étant responsable d’une ou deux lettres.
C’est une activité qui est partie vraiment de la pratique située de Serge, on n’a pas imaginé, conçu de notre côté, une idée d’activité qu’on a, tout d’un coup, proposée à l’enseignant, c’est vraiment dans la relation avec lui que ça s’est monté. Ce qui a été super intéressant, c’est de se rendre compte que là où on peut avoir tendance à focaliser sur la capsule vidéo produite, ce qui a été vraiment transformateur dans sa pratique pédagogique du fait d’utiliser do•doc, ça a été de se rendre compte que, tout d’un coup, c’était la division du travail qui comptait dans la classe, comment on se répartit les rôles pour produire cette capsule vidéo : il y en a un qui va vérifier l’écran, un autre qui va tracer, un autre qui va aller chercher de quoi évaluer la lettre qui vient d’être produite, etc., donc toute une distribution de la production et aussi de la manière dont on évalue une production au sein des élèves et, ensuite, une restitution qui donnait lieu à beaucoup de questionnements : c’est quoi produire un standard, produire une lettre ? Le tracé du « l », c’est une vraie discussion dans les communautés pédagogiques, se dire jusqu’où on va dans le fait de standardiser, de dire « tu dois monter de trois lignes », à quoi ça sert, pourquoi se met-on toutes ces contraintes-là, etc.
Donc, tout d’un coup, on déplie aussi toute la réflexion qui est au centre : pourquoi, à un moment, une connaissance c’est celle-ci et pas une autre, comment l’évalue-t-on, comment distribue-t-on cette charge de production, à qui on l’adresse, etc. ? Donc tout cela, ce que je vous ai cité sur une lettre, ça a pu être après sur des projets que les élèves commençaient à imaginer eux-mêmes. Pour revenir un peu et faire le lien avec les fab labs de tout à l’heure, ils commencent à charter, à essayer, justement, de standardiser ce qu’est une bonne documentation, ça commence par quoi : un titre, le matériel utilisé. Là, je vous donne des exemples, mais chaque collectif va décider pour lui-même ce qui doit figurer pour que cette documentation soit pertinente pour la communauté à laquelle elle s’adresse. Par exemple une documentation sur la façon dont on utilise une paire de ciseaux : quelle va être la bonne fiche technique produite par des élèves de CP qui va permettre de comprendre comment bien utiliser une paire de ciseaux. Là on vous cite ces exemples.
Pour aller dans le sens de ce que disait Louis tout à l’heure, c’est vrai que, ça a pu être, aussi, pour chercher un peu à sortir d’une sorte de, parfois, tendance à la commande. Quand des personnes viennent nous voir, elles peuvent avoir tendance à nous dire « on a vu que vous faisiez ça, est-ce que vous pourriez répéter » ou faire ci ou ça ». D’ailleurs, avec Sarah, nous avions élaboré tout un jeu de cartes qui cherchait à essayer de concevoir des activités pédagogiques qui nous sortent un peu de ce qu’on aurait tendance à faire, donc qui mélangeaient à la fois des contraintes outils, des contraintes de situation, des contraintes d’activité et d’objectifs, de compétences, etc. Ça permettait un peu de se dire « maintenant on pourrait aussi développer une émission de radio », donc Sarah a fait des émissions de radio. Ça nous sortait un peu de l’idée de do•doc, mais, en fait, c’était très cohérent toujours par rapport à ces expériences et ces pratiques qui permettaient, tout d’un coup, de faire autrement avec les élèves et qu’ils aient une place centrale dans ce qu’ils avaient envie de faire, ce qu’ils avaient envie de tester.
Laurent Costy : À vous entendre, la place, le rôle de l’animateur ou de l’animatrice est assez vital et assez essentiel. C’est vrai que la tendance peut être d’aller directement à l’outil, je pense que c’est rassurant pour l’animateur qui n’est pas très expérimenté. Là, il faut quand même réussir à dépasser, justement, cette approche par l’outil en disant « j’arrive avec un outil, je vais épater ». Du coup, comment faites-vous ? Ça veut dire que vous formez d’éventuels futurs animateurs ? Comment ça se passe tout ça ?
Louis Eveillard : Tout ça c’est vraiment du registre de l’informel pour le moment. On a eu l’occasion d’animer des formations sur plusieurs jours, on l’a fait notamment dans le sud de la France il y a quelques années, on a fait plusieurs sessions. Mais, comme nous ne voyons pas vraiment les outils comme des produits autonomes, qu’on est plus dans une logique de méthodologie, de créer un cadre, de penser des activités pédagogiques, en fait très vite les choses dépassent juste le « on va apprendre l’outil pour l’outil ». C’est un peu cette tension qui nous intéresse aussi, qui fait que, quelque part, on ne se satisfait pas de l’idée de former des gens au logiciel pour qu’ils soient autonomes dessus. On pourrait le faire, bien sûr, et l’idée c’est toujours d’avoir une documentation pour que les gens puissent, en autonomie, mettre un premier pied à l’étrier. Et, dans le travail de design d’interface, c’est aussi un vrai souci, c’est un peu cette tension qu’on retrouve dans beaucoup de logiciels libres, ne jamais apporter gratuitement une fonctionnalité qu’on aurait pu faire, donc autant la mettre. Toujours questionner : n’est-on pas en train d’introduire de la complexité qui rend l’interface plus complexe pour tout le monde pour le bénéfice de quelques-uns qui ont un cas d’usage très spécifique ? On essaye toujours de garder un petit peu le regard de jeunes enfants qui ont envie de faire des choses très concrètes et ne pas se perdre dans une interface qui sera trop chargée ; en fab lab, on voit aussi beaucoup de gens qui ne sont pas forcément très à l’aise avec les outils numériques. Donc essayer de profiter du fait qu’un support numérique est quand même une interface très puissante, très riche, mais, en même temps, ne pas succomber à la tentation d’en mettre partout et d’avoir plein de fonctionnalités dans tous les sens. C’est toujours un peu la difficulté.
Le modèle économique fait que nous sommes ravis quand les gens qui sont experts du logiciel s’en servent et forment d’autres personnes, on peut même donner des coups de main et répondre à des questions pour des gens qui sont plus experts qui formeraient d’autres personnes et qui auraient besoin d’en savoir plus, mais on ne gagne pas d’argent sur le fait de former des gens, ce n’est pas non plus l’objectif.
Laurent Costy : Du coup, je me permets une question. Sur l’Atelier des Chercheurs j’ai vu que la licence associée, j’ai peut-être regardé trop rapidement, c’est une CC By SA-NC, ce qui sous-entendrait qu’on ne peut pas faire des formations payantes avec Do-Doc. Est-ce un choix ? Comment ça s’articule tout ça ?
Louis Eveillard : Ça a changé il y a deux/trois ans. Ça m’intéresse de savoir où tu as trouvé cette information. Il est possible que je n’aie pas mis à jour cette page-là.
Laurent Costy : On va préciser, pour les auditeurs et les auditrices qui ne connaîtraient pas tout ce monde-là. Cette licence-là, pour les puristes libristes, n’est pas reconnue comme libre, parce qu’elle limite un usage des quatre libertés, je me permets de le préciser. Après, il peut aussi y avoir des choix, c’est parfois une logique d’un modèle économique parce que c’est le choix de la communauté qui a mis en place le projet. Je me permettais de poser cette question.
Louis Eveillard : C’est une excellente question, qui m’oblige à rentrer un petit peu dans la partie technique. Très rapidement, je peux dire que le logiciel est sous la licence GNU AGPL v3, qui permet à n’importe qui de télécharger, redistribuer, partager, installer sur un serveur. Elle nous protège dans le sens où une entreprise ne pourrait pas récupérer Do-Doc, modifier le code et proposer un service payant sans faire bénéficier à la communauté des améliorations du logiciel. Il y a un peu cette obligation-là. On a mis cette licence CC By SA-NC à l'origine, mais ça n’avait pas de sens au niveau du code, c’est pour cela qu’on s’en est débarrassé, elle est trop restrictive. Par contre, elle est conservée sur les pictogrammes qui ont été dessinés, c’est très spécifique, ça n’empêche rien sur l’utilisation, c’est juste pour ne pas se retrouver, par exemple, avec ces pictogrammes vendus sur des plateformes payantes de pictogrammes, des choses comme ça. Sinon l’idée c’est évidemment que la licence n’empêche pas la diffusion, au contraire, nous sommes ravis de découvrir que des gens utilisent le logiciel bien au-delà du contexte qu’on a prévu.
On a des traductions en français, anglais, occitan, allemand, néerlandais de gens qui, justement, ayant voulu l’utiliser dans le cadre de classes avec des élèves qui n’étaient pas forcément anglophones, ont proposé des traductions. Donc plus ça circule, plus, globalement, nous sommes heureux.
Laurent Costy : Parfait. Merci. C’est très clair comme réponse.
Je me posais la question de la valorisation de tout ce qui est produit et ça me faisait penser à Movilab, une plateforme qui collecte une quantité incroyable de projets d’expérimentation pour les tiers-lieux. J’imagine que c’est parce que c’était spécifique au tiers-lieux que vous avez voulu, peut-être, ne pas converger avec cette plateforme-là et faire une plateforme spécifique Do-Doc ? On pourrait se dire, en première approche, avec un regard vraiment très lointain, que ça aurait pu converger.
Louis Eveillard : C’est une bonne question et qui mériterait une émission ! À l’origine, quelque part, c’était un peu égoïste. Il y a dix ans, l’idée, pour nous, c’était de découvrir, d’expérimenter par nous-mêmes et de nous former aussi. À l’origine, nous n’étions pas développeurs, on l’est devenu par la force des choses parce qu’on avait envie d’aller au-delà de du prototype. Au fur à mesure, nous nous sommes améliorés, nous avons appris des choses, nous avons enrichi les outils et complexifié, mais avec des principes très spécifiques. Typiquement Do-Doc marche à la fois dans une version serveur en ligne, comme le serait un service comme Framapad, par exemple, donc uniquement en ligne, sans avoir à installer des choses sur son ordinateur. Mais on a aussi des versions hors-ligne qui permettent de travailler sans être connecté à Internet, mais qui permettent quand même de travailler en réseau local. L’enjeu a toujours été de proposer un outil qui permette d’être déconnecté de la grille, qui permette de travailler sans avoir des serveurs distants quelque part dans l’équation. Par exemple, en classe, on peut avoir juste un ordinateur fond de classe, cinq tablettes dans la classe, les élèves n’interagissent qu’avec les tablettes, l’ordinateur fond de classe est uniquement là pour jouer le rôle de serveur central, et tout le monde peut travailler ensemble en temps réel, tout est synchronisé tout le temps en temps réel. On peut faire un livre à plusieurs en même temps, il n’y a pas de problèmes de conflit, il n’y a pas de soucis dans l’édition des contenus. Tout a toujours été un peu pensé avec ces principes et compatible Raspberry Pi, je ne rentre dans le détail. Ces principes n’étaient pas forcément compatibles avec des outils existants, donc, au fur à mesure nous avons un peu défini notre propre CMS, nous avons mis en place nos propres logiques. Il n’y a pas de base de données, tout est flat-file, tout est stocké dans des dossiers et des fichiers, de manière à ce qu’un enseignant qui ne maîtrise pas vraiment puisse prendre une clé USB faire ses backups, ses sauvegardes lui-même.
Comme on part de zéro et qu’on y bosse depuis dix ans, on a un peu pris le temps de mettre en place les briques qui sont, du coup, très spécifiques à notre logiciel, mais quand même documentées et qui ont du sens pour les gens pour lesquels on les fait. On fait régulièrement un état de l’art des logiciels qui s’approchent et qui proposent d’autres choses et on trouve qu’ils sont vachement bien, mais, dans les situations dans lesquelles on intervient ou avec les gens avec lesquels on travaille, ce ne sont pas nécessairement les plus adaptés. On trouve toujours une pertinence à Do-Doc et c’est chouette. Mais si un jour un logiciel était plus puissant, plus adapté aux situations dans lesquelles on bosse, nous serions ravis de mettre de côté le développement et d’y contribuer.
Laurent Costy : Merci. Je vais passer la parole à Étienne.
Étienne Gonnu : Il me semble qu’on peut définir CMS comme l’habillage graphique.
Louis Eveillard : CMS, en particulier, c’est gestionnaire de contenus, c’est la manière dont on va enregistrer et stocker les contenus. Nous, en particulier, nous manipulons beaucoup des fichiers, donc des photos, des vidéos et, quand on est développeur on se pose beaucoup la question de la façon dont on récupère ces contenus-là, où on les stocke, comment les gens vont les consulter, comment ils vont pouvoir les dupliquer, les supprimer, les administrer avec des permissions et tout. Donc faire son CMS – un CMS, c’est Wordpress, par exemple – c’est concrètement comment on va interagir avec cette base de données.
Étienne Gonnu : Parfait. Wordpress est un logiciel libre qui permet les CMS.
Louis Eveillard : Exactement.
Étienne Gonnu : Je vous propose de faire une pause musicale. Nous allons écouter Oh My My par Two Bullets For The Devil. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Oh My My par Two Bullets For The Devil.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Oh My My par Two Bullets For The Devil, disponible sous licence Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA 3.0.
[Jingle]
Deuxième partie 46’ 04
Étienne Gonnu : Laurent Costy et ses invités nous présentent le logiciel libre Do-Doc.
Avant de lui rendre la parole je vous rappelle que vous pouvez participer à notre conversation 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission du jour, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Laurent Costy : Merci Étienne.
Nous sommes avec Pauline et Louis et nous parlons de do•doc, un outil pédagogique extrêmement intéressant, qui permet vraiment de grandes libertés dans les démarches pédagogiques. On a évoqué pas mal de choses que je vais être incapable de résumer. On a expliqué ce qu’est do•doc et j’aimerais bien qu’on aborde maintenant peut-être comment ça se passe au niveau de la communauté de Do-Doc, comment elle se construit au fil du temps, parce que j’imagine que c’est quelque chose de longue haleine, que ce n’est pas forcément toujours simple.
Pauline Gourlet : Pour revenir un peu sur les dix années, et essayer de faire une synthèse sur cette question, c’est vrai qu’on a une communauté qui a d’abord été, comme je le disais, on va dire tiraillée entre deux grandes questions : les questions éducatives où là on avait la chance de connaître progressivement des enseignants — c’est beaucoup passé par le terrain et pas tellement par la chaîne de l’administration de l’Éducation nationale, c’est vraiment au niveau terrain que ça s’est passé — donc découverte d’enseignants assez formidables qui, je pense, nous ont vraiment bouleversés tous les trois. On a découvert des pratiques géniales. On peut citer, par exemple aussi, le travail qu’on a pu faire au Blé en Herbe, une école maternelle où ça nous a déplacés. Déjà à l’élémentaire il faut penser à un certain nombre de choses pour un public très jeune, qui n’a pas forcément l’habitude de toutes les conventions numériques, et là il a fallu se déplacer encore avec un public qui ne sait pas lire. Ça a été super intéressant de voir comment, justement, cette enseignante-là arrivait à se projeter avec ses élèves dans des usages auxquels on n’avait pas du tout pensé comme ça. On a commencé à développer, par exemple, des manières de se connecter à son compte avec des petites statues que les élèves pouvaient faire en argile. Pour dire aussi qu’à chaque fois on arrive à greffer des activités qui sont peut-être un peu plus loin du numérique, en tout cas qui ont attrait avec le faire matériel, très concrètement, qui arrivent à se relier, d’une manière ou d’une autre, à ces pratiques d’écriture centralisées autour de la plateforme de do•doc.
Ça a donc été beaucoup de rencontres d’enseignants et de formateurs, ces personnes qu’on appelle aujourd’hui les ERUN, [Enseignant Référent pour les Usages du Numérique], qui ont un statut pas forcément très connu dans l’Éducation nationale. Ce sont des personnes qui font de la veille sur ce qui existe en termes de logiciels, notamment de logiciels libres, elles sont assez sensibles à cette question et qui vont se mettre en lien avec des enseignants qui sont sur un secteur. Du coup, elles connaissent très bien des classes, elles voient quels projets pourraient faire sens et quelles mises en lien pourraient être faites pour développer telle ou telle pratique ou tel ou tel outil. Ce sont vraiment ces personnes-là qu’on a rencontrées en premier.
Côté fab labs ça a été beaucoup l’association Tiers-Lieux Édu. qui, justement, s’intéresse à promouvoir le développement de fab labs, qu’on a définis avant, de laboratoires de fabrication, donc, là aussi, c’est concret, dans des écoles, avec toute une série de questions et d’enjeux qui vont aussi bien du cadre juridique, de comment on ouvre les locaux pour faire ça, à des questions très concrètes – quel matériel on va faire arriver dans les écoles et comment on va développer ce genre de pratique avec les élèves – à des questions de sécurité. Vous voyez que ça touche pas mal de choses. Dans un premier temps, ça a été les communautés avec lesquelles on a beaucoup échangé. Et progressivement, et c’est là où c’est assez riche, sans qu’on l’ait du tout imaginé dans un premier temps, nous avons été contactés par un théâtre qui avait envie de travailler avec nous, plus récemment nous avons été contactés par des personnes qui travaillent dans le design et qui veulent documenter des pratiques et leurs effets sur le territoire ou aussi un projet européen avec lequel on a travaillé pour développer des enquêtes urbaines. On voit que, tout d’un coup, on sort aussi de contextes strictement éducatifs, scolaires, et on se met en lien, ce qui est super intéressant.
D’ailleurs, au 110 bis qui est le laboratoire d’innovation de l’Éducation nationale, on avait réuni, il y a déjà peut-être cinq/six ans, tous les partenaires avec lesquels on était en lien à ce moment-là et, dans leur diversité, ce qui était génial c’est que, du coup, ils pouvaient commencer à imaginer des pratiques croisées. Ça donne quoi une compagnie de théâtre qui parle à un enseignant de maternelle ? Qu’est-ce qu’ils peuvent faire ensemble et, dans ce que fait la personne qui fait du théâtre, qu’est-ce que peut se réapproprier une enseignante ou un enseignant, le faire avec ses élèves et vice-versa ?
Cette circulation a permis une communauté assez diverse et des échanges de pratiques vraiment chouettes. Cela ne va pas non plus sans difficultés.
Laurent Costy : Dans votre tête, c’était d’abord le monde scolaire qui était visé et après, l’histoire a fait que vous avez effectivement été sollicités, du coup vous avez ouvert ? Ou, finalement, il n’y avait pas cette focalisation sur la classe ?
Pauline Gourlet : C’est toujours compliqué pour moi de répondre à ça dans le sens où ma thèse c’est un peu un mouton à cinq pattes. Elle est, disciplinairement, un peu éclatée. Les sciences de l’éducation font partie, évidemment, du socle disciplinaire dans lequel on a un peu navigué et ça se retrouve dans do•doc de la même manière. Mais [la situation scolaire] est une situation parmi d’autres.
Je pense que notre rapport à l’apprentissage dépasse largement ce qu’on entend par apprentissage et développement, et que du coup, on est plus proche de la psychologie développementale : comment on apprend, on grandit, comment on apprend de nouvelles choses, comment on est curieux, comment on garde une motivation, ça va chercher aussi sur les affects, ce ne sont pas que des compétences au sein de l’apprentissage. Je pense qu’on a toujours eu cette vocation à être attirés par des situations qui nous appellent et qui cherchent à faire des pas de côté par rapport à des pratiques éprouvées, on pourrait, en gros, le dire comme ça aussi. Comment arrive-t-on, tout d’un coup, à susciter l’envie du décalage ?
Laurent Costy : D’accord. Du coup, dans le dans le théâtre, comment est utilisé Do-Doc ? Dans quel but ?
Louis Eveillard : do•doc n’est pas utilisé dans le théâtre, en tout cas pas à notre connaissance. On découvre souvent, après coup, que des gens s’en servent, comme ils ont des bugs, ils nous contactent, mais s’ils n’en avaient pas eu pas eu, ils ne nous contacteraient jamais !
Laurent Costy : Donc, laissez des bugs dans vos programmes ! C’est ça ?
Louis Eveillard : C’est une excellente idée.
En 2017, le studio théâtre de Vitry venait d’accueillir une nouvelle directrice qui portait, dans son projet, l’idée d’avoir une plateforme numérique qui permette, aux compagnies en résidence sur place, de montrer ce qu’est une résidence au théâtre, ce qui s’y passe, comment se crée une pièce sur ce temps de plateau qui est le temps juste avant la première, juste avant la première représentation d’une pièce. J’imagine que par des recherches internet ils sont tombés sur Do-Doc, ils ont vu qu’on était un peu un peu calés, intéressés par cette question de la documentation, ils nous ont contactés, ils nous ont dit « on veut Do-Doc pour notre lieu ». On leur a dit « avant d’installer Do-Doc chez vous, on va peut-être venir voir ce qui s’y passe, on va faire des workshops avec des compagnies, on va prendre le temps de regarder comment ça se passe, comment ça se déroule et à quel endroit on pourrait s’insérer ». La conclusion a été : vous n’avez pas besoin de Do-Doc, il faut plutôt penser une interface spécifique.
Encore une fois sans rentrer dans l’aspect technique, le code côté serveur, celui qui va gérer les contenus est commun, c’est le même que celui de Do-Doc, sinon on deviendrait fous et on n’arriverait plus à maintenir tout ça. L’interface est spécifique à un public qui n’est ni d’enfants ni d’utilisateurs de fab labs, mais vraiment des compagnies au théâtre qui travaillent en particulier sur un temps précis et défini, avec une logique d’organisation un peu comme une frise chronologique. C’est cet outil qui s’appelle Les Cahiers du Studio, qui habite ce lieu du studio théâtre de Vitry-sur-Seine depuis six ans et qui a accompagné plusieurs dizaines, même centaines de compagnies lors de leur résidence sur place. L’enjeu c’est que ces compagnies suivent un petit peu cette proposition d’utilisation lors de la résidence, mais elles peuvent aussi repartir avec leur contenu et le logiciel si elles souhaitent continuer de s’en servir ou participer à son développement en suggérant des fonctionnalités, des modifications de choses qui leur auraient bien convenu. Il y a un peu cette logique-là et, en fait, c’est une manière de travailler qu’on retrouve beaucoup dans notre collectif. Souvent, les gens viennent nous voir en disant « on aimerait bien installer Do-Doc chez nous » et on leur dit, comme disait Pauline, « avant ça on va peut-être regarder ce qui se passe » et parfois la réponse est « ce n’est pas do•doc qu’il vous faut, c’est un autre outil », toujours autour de cette question de la collecte, du fait de mettre en commun. Il y a toujours un peu ces principes de la collaboration, de travailler ensemble, de partager les contenus et de dé-hiérarchiser, en quelque sorte, les collectifs. On n’a pas une réponse unique qui serait « Do-Doc est la solution à tout », loin de là, au contraire, c’est plutôt ça qui se joue.
Pauline Gourlet : Parfois, il y a un peu une pensée magique sur les outils. Il est vrai qu’on se retrouve beaucoup à dire « ça ne va pas être une question d’outil, votre problème n’est pas là », c’est bien souvent notre réponse.
Laurent Costy : Comment vit la communauté ? Comment se retrouve-t-elle ? Qui l’anime ? Quelle fréquence ?
Louis Eveillard : C’est un vrai sujet sur lequel nous ne sommes pas très bons ! Disons qu’il y a quatre/cinq ans, la communauté c’était encore beaucoup des échanges par mails, avec nous au milieu. Pour les développements, clairement ce n’était pas pérenne, ce n’était même pas très compatible avec notre organisation, notre manière de penser les choses. On a donc ouvert un forum – vous trouverez le lien sur la page de l’émission – qui est destiné à accueillir autant des retours, des suggestions, que des témoignages sur les utilisations des outils, tout ce qui tourne autour de nos outils, mais même, à la limite, plus largement des pratiques pédagogiques qui ne sont pas forcément dépendantes des outils qu’on développe. C’est un premier point d’entrée.
On développe aussi sur un repository, un espace de code en ligne sur GitHub et il y a aussi un miroir sur la Forge des communs pédagogiques qui est gérée par l’Éducation nationale, qui héberge maintenant des projets libres. Vous pouvez publier là-bas des retours et participer à la communauté.
On continue à recevoir beaucoup de mails de gens qui posent des questions, on essaye de les rediriger vers le forum avec cette idée que nous ne détenons pas forcément toutes les réponses, que la communauté peut aussi, comme ça, s’auto-entretenir, s’auto-développer et qu’on ne soit pas toujours le centre.
Sur la contribution, il y a un peu cet enjeu à ce que le code ne soit pas contribué par une seule personne, parce que, depuis plusieurs années, Sarah contribue très peu code, c’est surtout moi qui le fais, ce qui me chagrine un peu, donc j’essaye de documenter mon code. C’est d’ailleurs une difficulté qu’on retrouve sur pas mal d’outils libres. On en parle parfois entre nous, on utilise cette expression du « facteur bus », le bus factor, qu’est-ce qui se passe si je me fais écraser ?
Laurent Costy : Et que la documentation n’est pas solide, c’est compliqué pour quelqu’un qui veut reprendre derrière
Louis Eveillard : Même solide, quelqu’un qui devrait résoudre un bug devrait se taper quand même pas mal de code pour comprendre ce qui se passe malgré mes explications et, malheureusement, en termes de pérennité, c’est un peu fragile à ce niveau-là. Après, on continue à trouver des nouveaux projets qui nous permettent de pérenniser la maintenance, de garder un temps de fonctionnement, de roulement un peu permanent, mais les développements du logiciel sont clairement dépendants du fait qu’on ait des nouveaux projets, des nouveaux partenaires qui nous apportent des nouveaux financements, qui nous permettent de consacrer vraiment du temps. Il y a des choses qu’on peut faire sur un temps bénévole – on continue à le faire et on adore ça –, mais, quand on s’embarque dans des grosses refontes ou dans des gros développements, il nous faut pouvoir y consacrer plusieurs mois, être vraiment investis et là ça demande de trouver le bon contexte, le bon projet.
Laurent Costy : Il n’y a pas de rendez-vous réguliers, instaurés, avec la communauté, même par visio ? Finalement c’est le mail plus le forum, le mail qui a glissé vers le forum, c’est ça ?, si je comprends bien.
Louis Eveillard : Exactement. J’ai créé un Framateam la semaine dernière en me disant « on va essayer Framateam », merci beaucoup Framasoft. Il pourrait tout à fait y avoir une visio toutes les semaines si des gens en faisaient la demande sur le forum, je serais ravi et je pense que Pauline serait très contente de participer de temps en temps, se dire qu’on se retrouve une heure toutes les semaines et on parle d’un sujet ou d’un autre, on peut poser n’importe quelle question. Tout est possible. Une petite communauté, progressivement, se développe, mais, pour l’instant, ça reste très petit.
Pauline Gourlet : Tout à l’heure, sur les outils, on parlait d’essayer de dé-focaliser de l’outil, même si, évidemment, c’est central et important. C’est vrai qu’on s’intéresse aussi beaucoup à faire vivre des pratiques d’écriture, d’ailleurs le vocabulaire évolue. Au début, on était beaucoup documentation, avec cette idée que la documentation agissait sur les situations, etc., donc à regarder ses effets. C’est vrai que plus ça va, plus on pourrait dire qu’on recentre notre travail autour des pratiques d’écriture et ce qu’elles peuvent. On se rattache là à des courants de pensée très vieux et très larges, qui, n’empêche, permettent aussi d’imaginer que des communautés nouvelles, et c’est le cas, sont en train de rejoindre aussi ces questionnements, en ayant peut-être l’outil un peu moins en focale première. Typiquement, récemment, on travaille avec des fermes qui ont envie de raconter leurs pratiques, comment on fait pour imaginer des récits de fermes imprimés à moindre coût, est-ce que ça doit circuler de manière numérique ou de manière pas numérique, est-ce que c’est destiné plutôt juste à la communauté très locale ? Du coup, on va se poser des questions plutôt sur le type de contenu qu’on crée, à qui ça sert et quels effets possibles, aussi politiques, ça peut avoir. De plus en plus, des questions quand même comme ça arrivent. Plus récemment, ça va être sur des sujets de lutte, comment on raconte des questions de groupes qui ont envie de se raconter.
Dans la gamme d’outils qu’on a – on a parlé de deux, mais on en a une famille – on essaye de voir, de piocher peut-être des petits modules qui pourraient répondre de manière assez locale et localisée à leurs problématiques. Ça permet un peu, peut-être, de se détacher un peu de ce problème du bus factor et d’essayer d’imaginer que si les outils meurent, les pratiques, elles, ne vont pas mourir. C’est encourageant.
Laurent Costy : D’abord les pratiques et l’écoute du besoin. C’est plutôt syncro.
On l’a un peu évoqué, mais peut-être que vous pouvez étayer un peu sur la question du modèle économique autour de Do-Doc.
Pauline Gourlet : Question aussi très difficile, qui nous occupe depuis dix ans !
Laurent Costy : C’est rarement facile dans le logiciel libre !
Pauline Gourlet : Comme l’a dit Louis, nous avons quand même été formés dans une école où l’idée de devenir une start-up, je ne sais pas si c’est le mot, en tout cas une entreprise centrée produit, était assez évidente, il n’y avait pas de raison de se poser des questions là-dessus. Assez vite, avec tout ce qu’on a raconté avant, je pense qu’on sent qu’ayant plutôt envie de parler de processus et de pratiques, c’était tout de suite se faire identifier comme « on vend un produit ou un service ». Ça nous enfermait dans quelque chose qu’on n’avait pas du tout envie de faire, on se voyait pas installer tout plein de rôles au sein de notre collectif de travail qui seraient la réponse à du FAQ ou de la maintenance, ce genre de choses. On ne se voyait vraiment pas, aussi parce que, je l’ai je l’ai dit au début, il y avait des objets physiques, d’abord une mallette et puis il y a eu des stations de documents, ce qu’on appelait les stations de documentation qui étaient des meubles. On a aussi développé toute une série d’objets qui plaisaient beaucoup. On nous appelait pour nous dire « à combien peut-on vous acheter votre station ? ».
Laurent Costy : Ça faisait partie de mes questions : vous ne vendez pas de kits sur le site ? On est d’accord.
Louis Eveillard : Non. Par contre, on encourage les gens à mettre les mains dans le cambouis et à essayer de les faire eux-mêmes, il y a toute la documentation en ligne. Il faut prendre contact avec un fab lab du coin, il faut se mettre en relation avec plein de gens, on force un peu ce trait-là.
Louis Eveillard : C’est un parcours initiatique, en quelque sorte !
Pauline Gourlet : C’est ça, mais qui permet par la suite de ne plus être tout seul et il me semble que ça va exactement dans le propos.
Au fur et à mesure, je pense qu’on a affirmé ce refus de se structurer de cette manière, ce qui continue d’encourager plutôt des démarches genre des personnes nous contactent, trouvent que ça répondrait bien à leur besoin, peut-être avec une adaptation nécessaire à la marge. On travaille à cette adaptation, on voit si ça bénéficie au reste de la communauté. Comme l’a dit Louis, on voit si on fait une sorte de logiciel ad-hoc ou une interface séparée ou si on est plutôt à modifier Do-Doc. Ça nous permet, ensuite, de faire chaque fois des contrats, sachant que nous sommes tous les trois indépendants sur des statuts d’artiste-auteur ; on est un collectif de fait.
Laurent Costy : L’Atelier des Chercheurs aussi est structure de fait. Ça faisait partie de mes questions.
Louis Eveillard : Pendant longtemps, le sujet a été de se transformer en association, ça nous a notamment été suggéré fortement par des gens autour de nous, des enseignants ou autres, qui auraient pu s’appuyer sur ce statut associatif pour nous faire intervenir plus facilement. Mais, en fait, on peut être artiste invité dans des classes. Encore l’année dernière j’ai fait des résidences en école primaire ou au lycée et j’étais artiste invité. Je ne suis pas artiste, mais cette casquette suffisait et fonctionnait pour me faire intervenir. Le statut associatif nous aurait certainement rajouté une certaine lourdeur qui n’était pas nécessaire. L’idée c’était de ne jamais trop perdre l’envie de chacun de contribuer au collectif. Par exemple, l’année dernière, Sarah a été enseignante à Nancy pendant un an, elle n’a pas animé d’ateliers, elle n’a pas participé au développement des logiciels plus que ça parce qu’elle avait beaucoup d’autres choses à gérer, mais elle continue d’en faire partie, cette année elle va avoir plus de temps pour s’investir et proposer des choses. L’idée c’est de ne jamais se retrouver dans une structure qui nous oblige à faire des choses qu’on n’aurait pas trop envie de faire. Pour l’instant ça fonctionne. C’est vrai que là où ça peut être un peu enquiquinant c’est sur la question de la garantie de maintenance, de résolution de bugs à plus long terme. Donc, toutes les briques qu’on a mises en place permettent à tout moment de récupérer ses données, d’exporter des choses. Rien n’est jamais fermé, propriétaire, impossible à sortir. Même si nous disparaissions du jour au lendemain, en tout cas tous les contenus collectés, contribués jusque-là dans Do-Doc, ne disparaîtraient pas, pourraient être facilement récupérés ; les instances resteraient, continueraient à tourner sur les ordinateurs, il n’y a pas de raison que ça s’arrête comme ça.
Pauline Gourlet : Peut-être une autre difficulté économiquement, dont on parle souvent, c’est comment on fait pour financer d’autres rôles que le développement. Malheureusement, quand on se met en lien avec des gens, on est quand même avec des collectifs à petit budget, on ne travaille pas pour des grosses boîtes, il faut faire rentrer ça dans des enveloppes assez réduites. C’est vrai que, un peu spontanément, le rôle qu’il parait évident de rémunérer c’est le rôle du développement. C’est donc pour cela que Louis est à plein temps, c’est d’ailleurs le seul de nous trois, depuis beaucoup d’années maintenant, à plein temps sur l’Atelier des Chercheurs. Aussi parce que, comme tu l’as dit, moi je suis très contente aussi de faire la recherche par ailleurs, Sarah veut faire aussi d’autres choses, donc c’est aussi quelque chose de choisi, n’empêche qu’on a du mal et c’est une vraie question. Je trouve qu’il serait intéressant de réussir, peut-être, à trouver des solutions collectivement, se demander comment on rémunère aussi des considérations qui vont plus s’intéresser aux pratiques et aux effets.
Laurent Costy : On pourrait vous proposer de faire une campagne, comme l’April va faire à partir de demain ! C’était habile, plus ou moins habile !
Pauline Gourlet : Ce sont, en effet, des sujets récurrents dans le Libre. C’est vrai que, pour nous, ça se pose à la fois, tu l’as dit, quand même à l’endroit de la pérennisation des outils, mais il me semble aussi qu’on tient vraiment, justement pour dé-focaliser de cette lentille peut-être un peu bloquante, qui est toujours que c’est parce qu’on manque d’outils qu’on ne fait pas les choses, de se dire que si on arrivait aussi à dégager des moyens de travailler sur les pratiques et les effets, ça aiderait.
Laurent Costy : Effectivement, quand vous intervenez auprès d’un théâtre, on imagine bien que le théâtre peut payer sur facture, etc., mais quand vous intervenez dans une école maternelle, ça se passe comment ?
Pauline Gourlet : Il y a plusieurs possibilités et tu l’as dit. L’astuce qu’on trouve, c’est qu’il y a possibilité, pour les enseignants, de rémunérer des artistes invités. On va passer souvent par ce genre de petite astuce-là, même si c’est insatisfaisant du point de vue de ce que ça fait voir à l’Éducation nationale, de ce qu’on aurait envie de faire. Je pense que c’est un truc dont on a beaucoup discuté, d’ailleurs on a publié un article avec Nolwenn Guillou, on a fait un peu un retour d’expérience justement en maternelle.
La question c’est que le problème de ces résidences-là ont un côté très consommation, ce sont elles qui le disent, elles utilisent ces termes : on appelle un artiste ou une artiste, on la fait travailler sur ces thèmes et puis merci et à bientôt ! Alors que nous, nous avons vraiment vocation à accompagner sur un temps long et à des développements qui, du coup, ne passent pas que par nous mais aussi par la communauté. C’est vraiment une autre démarche et c’est vrai qu’il n’y a pas formellement de ligne budgétaire et, du coup, je pense de compréhension que c’est un besoin qui pourrait être vraiment intéressant, une manière de fonctionner qui pourrait être intéressante. On l’a dit tout à l’heure, on a quand même été en lien avec le lab 110 bis, avec des acteurs institutionnels. On a aussi tout un volet sur lequel j’ai particulièrement travaillé à un moment, sur comment on infléchit les politiques publiques, pour faire voir que ce genre d’approche, d’intégrer des designers au sein des écoles – ça a été aussi le cas, on s’est posé la question de l’architecte, ce n’est pas que le métier de design –, mais aussi un certain nombre de compétences qui, si elles étaient intégrées et pensées de manière long terme au sein des collectifs de travail, notamment éducatifs, pourraient vraiment faire changer les choses.
Laurent Costy : Le temps court et le temps long, c’est quand même quelque chose de très problématique et de récurrent comme question.
Il nous reste quatre minutes, je suis désolé, le temps est passé extrêmement vite. Je vais demander à chacun, à Pauline et à Louis, de nous dire ce qu’ils auraient oublié dit ou un point sur lequel ils voudraient insister ou une autre ressource pédagogique peut-être. Vous avez deux minutes chacun.
Louis Eveillard : J’ai eu le temps de développer un peu cette question de la contribution. C’est vrai qu’étant le récepteur des différents retours, écueils, que des utilisateurs des outils peuvent faire, je suis toujours intéressé d’en savoir plus sur les situations, les utilisations au-delà du côté consommateur dans le logiciel. Je pense qu’il y a des choses à faire, déjà dans les outils en eux-mêmes, pour arriver à sortir les gens d’une sorte d’utilisation passive, en quelque sorte, des logiciels et plutôt les inciter à rentrer dans un mode plus actif et participatif, être un peu dans cette idée de développer ensemble des communs. C’est un sujet qui m’intéresse particulièrement en ce moment. Faire communauté ça a beaucoup de sens à la fois, déjà, pour son intérêt personnel, pour que les choses avancent pour davantage répondre à des enjeux personnels, mais aussi pour faire circuler les savoirs, faire évoluer les pratiques. Cette question de la communauté m’est chère en ce moment et m’anime. C’était un peu sur le volet, le sujet sur lequel je voulais revenir.
Je voulais éventuellement parler rapidement d’une autre ressource numérique d’amis que j’aime bien, Sugarizer, qui proposent des activités pédagogiques pour des jeunes publics, principalement des élèves de primaire et maternelle, qui partagent certains des principes avec nos logiciels. Du coup, je vous invite à aller voir, on mettra le lien sur la page de l’émission, sugarizer.org.
Laurent Costy : C’est la suite d’un projet qui avait débuté il y a très longtemps maintenant ?
Louis Eveillard : Exactement, qui nous a aussi beaucoup influencés, que j’avais découvert quand j’étais étudiant, le OLPC, One Laptop per Child. Ce sont les bases juste graphiques, parce que le code n’a rien à voir, les bases de l’interface de cet ordinateur-là, conçues pour les enfants dans les pays en voie de développement, qui ont été reprises pour faire un environnement qui comporte de très nombreuses activités pédagogiques, éducatives, pour des jeunes enfants.
Laurent Costy : Merci. On mettra le lien sur la page de l’émission.
Pauline Gourlet : Je pense qu’il y a une sorte de cycle parce que ça fait dix ans, et donc peut-être revenir un peu à nos premières amours de design graphique. Peut-être faire, je sais pas si c’est un appel... En ce moment, c’est quelque chose qui m’intéresse énormément de retravailler un peu plus sur les dimensions graphiques. Tout à l’heure on parlait par exemple des liens avec Movilab : finalement est-ce que do•doc et Movilab, ce ne serait pas pareil ? Je pense qu’on a vraiment une appétence au sein de l’Atelier des Chercheurs à travailler cette question de la présentation des contenus. Il y a une sorte d’homogénéité, malheureusement, bien souvent dans les projets web qui présentent justement une galaxie de projets, sous forme de tuiles, etc., do•doc est plutôt là-dessus d’ailleurs, mais typiquement les Cahiers du Studio pas du tout. Et on sent bien que ça plaît à d’autres gens, que ça fait appel à d’autres personnes parce que ça permet de regarder les choses différemment.
On a très envie, par exemple, de travailler avec des projets Web to print qui permettent de passer directement des contenus produits sur do•doc à une impression. Comment on travaille ce lien-là ? Retrouver aussi un vrai regard et une attention à quels effets ça a de présenter sous forme de mood board plutôt que présenter sous forme de texte, comme un livre de poche, ou présenter sous forme de tuiles des projets, ça ne fait pas la même chose. Donc, peut-être, diversifier un petit peu à partir de do•doc les manières de présenter tous ces contenus.
Laurent Costy : Merci beaucoup Pauline et Louis. Il est pratiquement 16 heures 42, ce qui est parfait. Je vais repasser la parole à Étienne. Merci à vous deux.
Étienne Gonnu : Je vais joindre mes remerciements à ceux de Laurent. C’était vraiment passionnant de vous écouter. Merci beaucoup, Louis et Pauline, d’avoir été avec nous.
Louis Eveillard : Merci.
Étienne Gonnu : À présent nous allons faire une pause musicale.
[Virgile musicale]
Étienne Gonnu : Nous allons écouter Andy and Kira par Kira Daly. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Andy and Kira par Kira Daly.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Andy and Kira par Kira Daly, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution.
[Jingle]
Étienne Gonnu : je suis Étienne Gonnu de l’April. Nous allons passer à notre dernier sujet.
[Virgule musicale]
Chronique « À la rencontre du Libre » de Julie Chaumard, sur la PyCon 2024, la conférence nationale du langage Python, qui se déroulera du 31 octobre au 3 novembre à Strasbourg
Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec la chronique « À la rencontre du Libre ». Julie Chaumard, parcourt le monde à la recherche de personnes et organisations utilisatrices et contributrices de logiciels libres pour recueillir leurs pratiques et leurs besoins.
Aujourd’hui, Julie assure en même temps la régie, chapeau à elle, et va à la rencontre de Lucie Anglade pour discuter de la PyCon 2024, la convention annuelle française du langage Python.
Julie je te laisse la parole avec ton invitée.
Julie Chaumard : Merci Étienne.
Aujourd’hui nous partons à la découverte d’un événement majeur, qui va durer quatre jours, qui s’appelle PyCon. Je suis donc avec Lucie Anglade qui va nous en dire plus sur cet événement.
Bonjour Lucie
Lucie Anglade : Bonjour. Merci pour l’invitation.
Julie Chaumard : Merci à toi de l’avoir acceptée, d’être venue en direct pour nous parler de cet événement qui s’appelle PyCon. Peux-tu nous expliquer ce que veut dire ce mot, PyCon.
Lucie Anglade : La PyCon, c’est la conférence Python, ça donne PyCon, python et conférence. Là, on va parler de la PyCon en France, PyCon.fr, quatre jours autour du langage de programmation Python, donc quatre jours avec des conférences, des ateliers et des sprints. C’est organisé par l’AFPy, l’association francophone Python dont je suis présidente.
Julie Chaumard : Cet événement va se produire où et à quelle date ?
Lucie Anglade : Ça commence à la fin du mois, c’est du 31 octobre au 3 novembre, du jeudi au dimanche, quatre jours. On change de ville régulièrement, cette année ça sera à Strasbourg. C’est l’UFR Mathématique et Informatique qui nous accueille gentiment dans ses locaux.
Julie Chaumard : UFR, ça veut dire que c’est à l’Université de Strasbourg ?
Lucie Anglade : C’est ça.
Julie Chaumard : Comment fait-on pour venir ? Il faut s’inscrire ?
Lucie Anglade : Oui, il faut en effet s’inscrire. Toute la PyCon est gratuite, par contre, on a besoin de savoir le nombre de personnes pour anticiper au niveau organisation, donc l’inscription est obligatoire. Tous les liens vont être sur le site de l’événement, pycon.fr, directement. Vous pouvez choisir si vous venez le jeudi et le vendredi, le samedi et le dimanche. Il y a d’autres options, il y a une soirée le samedi soir qui, par contre, est payante, que vous pouvez prendre, des t-shirts, il y a aussi des inscriptions pour l’espace enfants et le déjeuner PyLadies.
On peut faire un événement gratuit parce que c’est entièrement financé par les partenaires et les sponsors. C’est plutôt cool ça permet de faire une conférence plus accessible, parce que, souvent, c’est payant et ce n’est pas trop pour les petits budgets. N’hésitez pas si vous voulez devenir sponsor de l’événement !
Julie Chaumard : Vous recherchez des sponsors ou des partenaires pour aider, justement, à la gratuité de cet événement.
Lucie Anglade : Oui, exactement.
Julie Chaumard : D’ailleurs, en parlant de gratuité, aujourd’hui c’est clôturé pour cette PyCon 2024, j’en profite pour dire que j’ai vu que vous aviez organisé une bourse pour aider les personnes qui n’ont pas les moyens de venir à la conférence Python.
Lucie Anglade : Chaque année, pour aider les gens qui ne peuvent pas forcément payer le trajet jusqu’à la ville de l’événement, l’hôtel ou autre, ces gens peuvent demander des bourses et on octroie des bourses pour aider à financer le transport, l’hébergement, etc. C’était ouvert jusqu’à la fin du mois de septembre, donc là oui, c’est passé.
Julie Chaumard : C’est pour la prochaine fois !
Il faut donc s’inscrire sur le site, comme tu l’as dit, le site c’est pycon.fr, vous allez tomber sur l’édition 2024. On peut donc aller à cet événement en train, en voiture, voire en avion. C’est assez accessible. Par exemple, je vais prendre le train parce que je n’ai pas de voiture, je vais arriver à Strasbourg, je me fais du souci, est-ce que ça va être loin ? Mais pas du tout ! Depuis la gare j’aurai 15 minutes de transport en commun, ce sera assez facile d’y aller.
Lucie Anglade : C’est vraiment à côté de la ligne de tram, entre la gare et l’université, c’est quasi direct.
Julie Chaumard : OK. Ça va donc durer quatre jours. J’aimerais bien que tu nous dises les nouveautés de cette édition 2024, tu m’as parlé de deux nouveautés, déjà sur les niveaux de difficulté.
Lucie Anglade : L’année dernière, on a eu des retours comme quoi, en fait, on ne savait pas le niveau de difficulté des conférences ou des ateliers. Si on ne fait pas beaucoup de Python, est-ce qu’on va pouvoir comprendre ce qui se raconte ou pas ? Du coup, cette année, on a demandé aux personnes qui présentent des sujets d’indiquer le niveau de difficulté de leur sujet.
Il va y avoir des choses qui vont être tout public ou pour les personnes qui ne font pas de Python ou vraiment très peu de Python.
Un niveau junior, si on a un peu de connaissances sur le sujet abordé.
Et en niveau intermédiaire où, là, à on a besoin de plus de connaissances sur le sujet.
Personne n’a proposé de sujet pour le niveau au-dessus de l’intermédiaire, donc il n’y en a pas cette année.
Julie Chaumard : D’accord. D’ailleurs j’en profite pour rappeler que cette PyCon parle de Python, que Python est un langage de programmation très utilisé dans le domaine du logiciel libre. Vous pouvez donc venir, même si vous êtes débutant en Python ou si vous êtes plus expert, mais c’est vraiment ouvert à tous les niveaux.
Lucie Anglade : C’est ça.
Julie Chaumard : Deuxième nouveauté cette année, en 2024, vous avez ouvert un espace crèche.
Lucie Anglade : Oui. On s’est dit que c’était quelque chose qui manquait, ça faisait plusieurs années qu’on avait déjà pensé à le faire et, cette année, on a pu trouver un prestataire pour faire ça. Ce n’est pas nous qui allons garder les enfants, on fait appel à des professionnels. Sur Strasbourg, ça sera l’antenne de Babychou à Strasbourg qui va s’occuper de ça. Les inscriptions, pour l’espace enfants, sont ouvertes jusqu’à ce soir, puisque, après, on va leur dire le nombre d’enfants qu’il y a. C’est pour les enfants entre trois et douze ans et pareil, c’est gratuit aussi, il faut juste s’inscrire.
Julie Chaumard : Je vous remercie pour cet espace crèche qui facilite la venue de personnes qui ont des enfants et qui auraient peut-être des difficultés à les faire garder. Du coup ça me fait penser à un sujet qui est quand même précieux pour vous, auquel vous faites très attention, qui est la diversité de genre et l’inclusion. Par exemple, la place des femmes est très importante pour vous, parce que, dans le domaine informatique, développement Python, langage de programmation, les femmes, encore, ne sont pas assez représentées. Vu que vous prenez à cœur ce sujet, Lucie, vous qui êtes d’ailleurs une femme présidente de l’association Python francophone, vous organisez donc des keynotes, c’est-à-dire des conférences globales, tu nous diras ce que c’est, où des femmes sont conférencières.
Lucie Anglade : Comme tu l’as dit sur la diversité de genre, et pas que la diversité de genre, mais on travaille déjà sur ce sujet-là, ce n’est pas terrible en informatique de manière générale, du coup on a essayé de faire plusieurs actions pour pousser à avoir plus de diversité pendant la PyCon et après dans la communauté Python tout court en fait. Ça passe par des keynotes. Les keynotes sont des conférences plénières, c’est-à-dire qu’au moment où il y a cette conférence-là, il n’y a rien d’autre, en même temps, sur le planning. Si on veut venir pour une conférence, c’est celle-là, il n’y a pas de choix.
Ces trois keynotes là vont être présentées par des femmes. Le but c’était d’essayer d’encourager les gens à proposer des sujets, plus les femmes, et aussi pour encourager à venir.
Dans les conférences plénières, on a Houleymatou Baldé qui va parler de son parcours de villageoise à ITWoman, Françoise Conil, qui est aussi membre de l’April, qui va parler du sujet du packaging Python et Ines Montani, qui est fondatrice d’Explosion AI, qui va parler d’IA, par contre cette keynote sera en anglais.
Julie Chaumard : J’en profite pour dire aussi que la communauté PyLadies sera là et vous allez même organiser un déjeuner entre filles, trans, non-binaires et a-genrés le samedi.
Rapidement, en 20 secondes, est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi quatre jours et ce qu’il y a dans les quatre jours ? Je pense qu’il y a deux jours et deux jours.
Lucie Anglade : Pourquoi quatre, je ne sais pas, parce que depuis que je fais fait partie de PyCon et de la’AFPy, ça a toujours été quatre jours, donc je ne sais pas originellement pourquoi.
En tout cas les deux premiers jours, le jeudi et le vendredi, ça va être pour les sprints, des sessions de codage où il y a divers projets libres, on peut venir participer et, même si on sait pas coder en Python, il y a des projets où il n’y a pas besoin de code, c’est vraiment, par exemple, de la traduction de la documentation Python en français. Pour cela, il n’y a pas besoin de savoir faire vraiment du Python, c’est de la traduction.
Le samedi et le dimanche, ça va être des conférences sur plein de sujets divers et variés et des ateliers où là, ça va être plus mise en pratique et faire des choses.
Et après il y a toujours une session de lightning talks des petits talks très courts de cinq minutes en session libre.
Julie Chaumard : Merci beaucoup Lucie.
Je rappelle que c’est à Strasbourg, c’est du 31 octobre au trois novembre et c’est là Pycon.
Merci beaucoup Lucie d’être venue.
Lucie Anglade : Merci.
Étienne Gonnu : Merci à Julie d’avoir à la fois géré la régie et l’interview. Bravo à toi ! En tout cas, pour l’avoir fait, je sais que ce n’est pas un exercice facile.
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre
Étienne Gonnu : L’April est l’association qui promeut et défend le logiciel libre et les libertés informatiques. Au fur et à mesure des années, sa tâche s’est accrue, le nombre de dossiers à traiter, toujours plus urgents les uns que les autres, augmentant. Et pourtant, depuis 2015, année de la dernière campagne d’adhésions, aucune campagne d’appel à soutien financier n’a été proposée. Neuf ans de silence !
Depuis trois ans notre situation financière n’étant plus à l’équilibre, il nous a paru opportun de relancer la machine en cette fin d’année. Pour finir sereinement l’année 2024, une somme de 20 000 euros nous serait nécessaire.
Pour cette nouvelle campagne, nous n’allons pas vous proposer un seul et unique texte, mais neuf, un pour chacune de ces neuf années de silence !
Ce défi a été fièrement et, nous espérons, dignement relevé par notre équipe devenue, pour un temps, une rédaction de journalistes. Soyez à l’affût, car à partir de demain et durant neuf semaines, chaque mercredi paraîtra un exemplaire de ce magazine automnal, Le Lama déchaîné. Diverses rubriques vous présenteront les différentes actions de l’association durant ces années. Rendez-vous mercredi 16 octobre, pour le premier numéro, le numéro 0 du Lama déchaîné. En informatique, tout commence par 0.
Libre à vous ! est diffusée depuis 2018 sur la radio associative Cause Commune, la voix des possibles. Le modèle économique de Cause Commune fonde sa pérennité sur son indépendance vis-à-vis d’éventuelles recettes publicitaires et concentre son appel aux fonds publics à la seule subvention d’exploitation, FSER, Fonds de soutien à l’expression radiophonique. Plus de 750 radios associatives bénéficient de ce fonds. Le projet de loi de finances 2025 prévoit une coupe de 35 % de ce FSER, le faisant passer de 35 millions d’euros en 2024 à 24 millions d’euros en 2025, mettant gravement en danger l’existence de radios telles que Cause Commune. Nous vous encourageons à agir, par exemple en contactant vos députés pour leur signaler l’alerte. N’hésitez pas à utiliser vos propres mots, à faire simple, même une phrase peut suffire. Faisons corps pour défendre les radios libres.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Florence Chabanois, Laurent Costy, Pauline Gourlet, Louis Eveillard, Lucie Anglade et Julie Chaumard, non seulement chroniqueuse du jour mais également aux manettes de la régie.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, ainsi que Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aux personnes qui découpent le podcast complet des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, et mon collègue Frédéric Couchet.
Vous retrouverez sur le site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site web de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas nous faire de retour pour nous indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration.
Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse bonjour@libreavous.org.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.
Notre prochaine émission aura lieu en direct mardi 22 octobre à 15 heures 30. Nous vous invitons au Café libre pour discuter de l’actualité autour du logiciel libre.
Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 22 octobre et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.