Drone, robots tueurs, soldats augmentés : les guerres du futur sont-elles bientôt là

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Titre : Drone, robots tueurs, soldats augmentés : les guerres du futur sont-elles bientôt là ?

Intervenant·e·s : Michel Goya - Asma Mhalla

Lieu : CyberPouvoirs - France Inter

Date : 13 août 2023

Durée : 37 min 32

Podcast

Page de présentation du podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Armes autonomes, intelligence artificielle, satellites, robots-tueurs... Le saut technologique dans la chose militaire est en cours et pose de gigantesques questions géostratégiques, politiques, éthiques. Asma Mhalla et Michel Goya décryptent l’univers des combats du futur.

Transcription

Asma Mhalla : Aujourd’hui, dans CyberPouvoirs, on va parler hyperguerres dopées à l’intelligence artificielle et combats du futur avec Michel Goya, ex-colonel et historien de la guerre.

Michel Goya : La guerre, c’est forcément humain, un combat c’est forcément humain. Vous déléguez ce truc à des robots, à des machines, en fait vous ne combattez plus, d’abord vous faites de l’assassinat.

Asma Mhalla : Bonjour. Je suis Asma Mhalla et mon job c’est de décrypter les nouvelles formes de pouvoir et de puissance qui sont en train de se recomposer autour de la tech. Chaque semaine, nous nous plongeons dans une grande affaire technologique pour ensuite tirer ensemble, méticuleusement, le fil de l’histoire, lever le voile sur ce qui se joue en coulisses, déchiffrer ensemble les enjeux politiques, géopolitiques qui s’affrontent et qui nouent le cœur des jeux de pouvoir et de puissance de ce début de 21e siècle.
Aujourd’hui, nous allons nous projeter dans les combats du futur.
CyberPouvoirs sur Inter, c’est parti.

Terminator, voix off : Il nous faut quelque chose de plus. Il nous faut un policier qui fonctionne 24 heures sur 24, un policier qui n’a besoin ni de manger ni de dormir, doté d’une grande puissance de feu et des réflexes adéquats.
Le temps que Skynet devienne conscient, il s’était divisé en des milliers de serveurs informatiques sur toute la planète.
L’attaque a commencé à 18 heures 18, le jour où l’espèce humaine a été presque totalement anéantie par les armes qu’elle avait créées pour se protéger.

Voix off : France Inter. CyberPouvoirs. Asma Mhalla.

Asma Mhalla : Munitions rôdeuses, drones kamikazes, satellites en orbite basse, bref !, la guerre d’Ukraine est l’illustration, pour la première fois peut-être à l’échelle, de ce à quoi vont ressembler les combats du futur. La rupture technologique, dans le champ de la guerre, est une réalité qui risque bien de devenir très rapidement la norme autour d’un concept, celui de la hyperwall en anglais, hyperguerre en français, terme consacré, dès 2017, par Allen et Husain dans un papier qui fit grand bruit à sa sortie et qui s’intitule On Hyperwar [1]. Les deux auteurs américains affirment que l’intelligence artificielle représente une avancée technologique sans précédent qui va révolutionner les affaires militaires et la nature même des combats, les fameux combats du futur. Les guerres du futur seront des guerres de l’hyper-vitesse nourries aux intelligences artificielles autonomes.

Voix off : Au petit matin, les pompiers russes ont réussi à venir à bout des flammes. L’incendie s’était déclaré dans la nuit, dans un réservoir d’une raffinerie située près de la mer Noire, au sud-ouest de la Russie. Selon le gouverneur local, c’est une attaque de drone non identifié qui en serait à l’origine.

Asma Mhalla : Et dans la couverture de la guerre d’Ukraine par exemple, la dimension super technologisée a été relativement absente du débat et, à mon sens, ça a été une erreur, parce que l’IA est déjà partout dans le champ de la guerre. La datafication du champ de bataille, c’est-à-dire la mise en données de la guerre via, par exemple, les satellites, les drones, les caméras embarquées, tous les systèmes de captation et de transcription de la donnée, en gros tous les systèmes technologiques qui viennent en soutien aux opérations de terrain sont déjà là.
Mais si la guerre intelligente est déjà bel et bien expérimentée, grandeur nature d’ailleurs, en Ukraine, on reste encore loin des scènes de film qui mettent en scène des superbes robots tueurs complètement dingos qui n’auraient qu’une seule obsession : nous détruire. Pourtant, est-ce que ce modèle, celui de l’hyperguerre, est un horizon pour nous ? C’est peut-être là la vraie question. Et à mon sens, je crains que oui, parce que l’actuelle rivalité entre puissances, entre États-unis et Chine, se joue actuellement pile à cette intersection précise entre les champs technologique et militaire. L’enjeu, c’est bien le leadership mondial ; les IA, et les IA militaires, en sont l’un des vecteurs. L’hyperguerre, d’après moi donc, est bien notre horizon avec des questions éthiques, juridiques, absolument énormes.

Voix off : Drones, robots tueurs, soldats augmentés, les guerres du futur sont-elles déjà là ?

Asma Mhalla : Si on décide de mettre en service ces armes ultra-rapides, par exemple, et strictement autonomes, c’est-à-dire sans qu’il n’y ait aucun humain sur la boucle – en gros, vous envoyez votre drone dans la nature et vous ne savez plus du tout ce qu’il fait, c‘est-à-dire quelles décisions il prend et, en général, ce sont des décisions de vie ou de mort, donc ce n’est absolument pas du tout anodin – si on prend donc cette décision-là, collective, le choix, vous l’avez compris, sera foncièrement politique et c'est aussi une affaire de balance coût/bénéfices. Les bénéfices de ce choix c’est la vitesse, la précision, l’autonomie de ces nouveaux armements. Et si, côté pile, ça a l’air assez tentant, côté face, le prix à payer peut se révéler pour nous très coûteux : failles de cybersécurité et fiabilité des systèmes, mais surtout le risque d’erreur, donc d’accident : imaginez que votre drone, par son système d’identification super intelligent, confonde un bus d’école avec un char ! Vous voyez que potentiellement ces armes autonomes risquent tout d’un coup de devenir des armes de destruction massive en puissance, très loin du vieux rêve de la frappe chirurgicale.
Dans tous les cas, quelle que soit la limite ou le seuil d’autonomie que l’on va décider de mettre en place, la version contemporaine de la force risque vraiment de prendre la forme de ces guerres ultra-rapides. Dans tous les cas, la puissance militaire dominante sera celle qui saura voir, comprendre, anticiper, pour, au bout du compte, faire quoi ? Tirer la première.

Mais je me demande, d’ailleurs je vous soumets les questions qui me viennent à l’esprit : la guerre du futur, c’est-à-dire ces guerres super algorithmiques, celles qui vont se jouer aussi et surtout, dans le fond, à distance, est-ce encore la guerre sans le flair, sans la chair, sans les canons et sans le combat ? Est-ce qu’on va finir, un jour, par remplacer les soldats biologiques par des drones, des robots ou mixer les deux ? Tuer à distance, est-ce la guerre ou est-ce que ça devient un meurtre ? Et puis si on y va, parce qu’on semble y aller, je vous le disais tout à l’heure, qui alors serait susceptible de gagner cette guerre-là ? Les questions, vous le voyez, sont vertigineuses et, pour la plupart, elles n’ont encore aucune réponse.

Pour continuer à explorer les affres des combats du futur, je reviens dans un instant avec mon invité, le colonel et historien des conflits, Michel Goya.

Pause Musicale : Heroes par David Bowie.

Asma Mhalla : C’était le génialissime David Bowie avec Heroes sur Inter.
On continue à explorer les guerres du futur dans CyberPouvoirs.

Voix off : France Inter. Asma Malla. CyberPouvoirs.

11’ 02

Asma Mhalla : Je suis très heureuse