Villa Good Tech, pour une tech responsable

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Titre : Villa Good Tech, pour une tech responsable

Intervenant·e·s : Alexandre Zapolsky - Delphine Sabattier

Lieu : Émission Smart Tech - B-Smart

Date : 7 mars 2023

Durée : 10 min 44

vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Delphine Sabattier : À la une de Smart Tech, on va parler du cloud, de la question de la souveraineté qui nous occupe tellement en France, en Europe. Va-t-elle être mise à mal avec les nouvelles prouesses promises, en tout cas par les opérateurs de cloud américain ? On en parle avec Philippe Charpentier, CTO de NetApp France, et Christophe Lesur, codirecteur général de Cloud Temple. Bonjour à tous les deux. On va parler évidemment de ChatGPT ensemble, de cette IA générative qui va arriver dans les services de cloud, qui est très attendue par tout le monde, le grand public, mais en particulier les grandes entreprises qui vont vouloir jouer avec. Est-ce que ça va tuer le jeu, je dirais, sur ce marché, j’écouterai vos arguments à tous les deux, bien entendu, tout à l’heure dans le Tech talk.
Mais d’abord, je propose qu’on écoute Alexandre Zapolsky, qui est également installé en plateau aujourd’hui dans Smart Tech. Bonjour Alexandre.

Alexandre Zapolsky : Bonjour.

Delphine Sabattier : On va parler ensemble de Villa Good Tech[1]. LINAGORA[2] a décidé de transférer ses bureaux dans un lieu très différent, qui est voué à accueillir toutes les innovations qui vont permettre d’avoir une tech plus responsable.
Première question : est-ce une nouvelle façon de penser son siège social qui vous a poussé à ouvrir Villa Good Tech ? C’est une réflexion post-Covid ?

Alexandre Zapolsky : Exactement. À titre perso, j’avais été très impacté par la pandémie, j’avais été assez malade. On a tous été marqués, en fait, par cette pandémie et je m’étais promis que dans le changement de bureaux, il faudrait absolument qu’on ait des bureaux dans lesquels les fenêtres puissent s’ouvrir. Je me suis mis en tête de trouver un endroit vraiment différent. Finalement toutes les entreprises essaient de changer la façon de travailler à l’intérieur de leur entreprise, la plupart du temps elles essaient de changer l’architecture d’intérieur et elles font entrer la maison à l’intérieur de l’entreprise. LINAGORA est un acteur de disruption du logiciel depuis 25 ans.

Delphine Sabattier : Pionnier du logiciel libre.

Alexandre Zapolsky : Je me suis donc dit il faut qu’on joue le jeu jusqu’au bout, cassons les codes, cassons les habitudes de travail et faisons en sorte, plutôt que de faire entrer la villa dans l’entreprise, de faire rentrer une entreprise dans une villa. On s’est donc mis à chercher un bien qui pouvait nous accueillir et nous sommes tombés amoureux d’un endroit extraordinaire sur l’Île Saint-Germain, c’est à Issy-les-Moulineaux. En plus je suis content, Issy-les-Moulineaux c’est quand même la capitale, dans la région de Paris, du numérique.

Delphine Sabattier : Très avancée en matière de numérique et de techno.

Alexandre Zapolsky : On a trouvé cette villa d’architecte vraiment primée à de très nombreuses reprises. Vous voyez une illustration de cette Villa Good Tech, et on a décidé d’installer bien sûr le siège social de LINAGORA mais pas seulement. On s’est dit que ça ne sert rien qu’on le fasse rien que pour nous, on va essayer de le faire aussi pour les autres. Au-delà du siège de LINAGORA on crée un mini coworking, on n’a pas l’ambition, Villa Good Tech ne sera jamais Station F[3], mais l’idée c’est que les acteurs de la tech responsable, de la tech éthique qui passent sur Paris, qui cherchent à un moment donné à venir travailler avec des pairs ou quand une association veut organiser un meet-up, à partir du moment où on rentre dans cette notion de good tech on est le bienvenu dans la Villa Good tech.

Delphine Sabattier : On comprend la réflexion sur la nouvelle façon de penser ces bureaux parce qu’ils sont aussi moins occupés du fait de l’importance qu’a pris le télétravail. On comprend aussi le désir de travailler sur cette tech plus responsable dans un monde post-Covid. Vous êtes le président de LINAGORA, pionnier français du logiciel libre, est-ce qu’il y a un lien aujourd’hui entre l’open source et la tech responsable ? Est-ce que, justement, vous voulez déclencher une prise de conscience au sein de la communauté ?

Alexandre Zapolsky : On pense que c’est intimement lié. D’abord qu’est-ce qu’on définit comme étant la good tech ? Pour nous, la good tech c’est la tech éthique, durable, responsable et open source.

Delphine Sabattier : Ça en fait partie.

Alexandre Zapolsky : L’open source est partie intégrante de la good tech. Ça fait longtemps que des gens travaillent sur la tech for good, comment la technologie peut avoir un impact positif pour l’homme, pour la société, pour la planète et c’est important que la tech contribue de façon positive pour l’homme, la société et la planète. C’est très bien tech for good, mais nous sommes convaincus, depuis que nous existons, que la tech porte aussi sa part de responsabilité : c’est bien d’avoir de la tech for good, mais c’est encore mieux d’avoir de la good tech for good et que, en réalité, il appartient à chacun de choisir cette tech éthique, responsable, durable, open source. Le message qu’on essaie de porter aujourd’hui aux pouvoirs publics c’est, dans le fond, que la tech c’est aussi un choix politique. Ne fermez les yeux, ne prenez pas n’importe quelle tech. La tech des GAFAM n’est pas la même que la tech open source. Il y a tellement d’externalités positives liées à l’usage du logiciel libre que ce n’est pas du tout la même chose de choisir les GAFAM ou de choisir l’open source. On appelle à une réflexion globale sur ce sujet-là et on attire l’attention des politiques.

Delphine Sabattier : Là vous mettez dans la good tech la notion de sobriété, de durabilité, mais également de souveraineté.

Alexandre Zapolsky : Oui. Le premier thème, la durabilité, en fait contribution à la planète, il faut savoir que dans notre projet de Villa Good Tech, nous voulons aussi être exemplaires, Nous voulons aussi en faire un show-room, une vitrine de ce qui se fait de mieux en termes de technologie pour produire de l’énergie, conserver cette énergie, voire la redistribuer. Nous sommes engagés dans un gros programme avec l’appui de Solar Impulse Foundation, avec des bureaux d’étude.

Delphine Sabattier : De Piccard[4].

Alexandre Zapolsky : Oui, absolument, avec la région Île-de-France. On essaie, en fait, de créer ce laboratoire vivant pour montrer, pour faire. En fait, il faut passer du discours à l’action. J’ai été très inspiré par Bertrand Piccard et sa vision quand il nous explique qu’il ne faut pas faire le monde de demain, il faut le monde d’aujourd’hui. En réalité, toutes les technologies existent, il suffit juste de les mettre en œuvre. Il suffit juste, c’est d’ailleurs là-dessus où ça bute un petit peu.

Delphine Sabattier : Ce n’est pas si simple !

Alexandre Zapolsky : Vous avez raison. La good tech porte cette dimension de sobriété numérique. Nous-même fabriquons un logiciel de messagerie sur la base d’un composant qui s’appelle James[5], je crois qu’on en avait déjà parlé ensemble. James repose sur un protocole de messagerie qui s’appelle JMAP, qui est deux fois moins consommateur d’énergie que les messageries traditionnelles. Tout le monde doit passer à James pour faire 50 % d’économies d’énergie sur la partie messagerie.
L’autre volet, vous avez raison, c’est la souveraineté numérique.

Delphine Sabattier : C’est d’ailleurs un sujet qu’on va aussi aborder dans le Tech talk tout à l’heure.
Juste pour rester sur la question environnementale, hier c’était la remise du troisième volet de l’étude de l’Arcep et de l’Ademe, notamment à notre ministre du Numérique, Jean-Noël Barrot, qui vise donc à mesurer cette empreinte environnementale du numérique. En France, on dit que le numérique c’est 2,5 % de l’empreinte nationale en 2022. Les premiers impacts viennent des terminaux, des centres de données et des réseaux ; ça pose la question du cloud. Il y a plusieurs scénarios à l’étude. Dans ces scénarios, il y a le scénario du pire, où on va aller tous vers une croissance exponentielle de nos usages, du trafic, des objets connectés, de notre consommation des terres rares et des matériaux. Comment peut-on aujourd’hui penser la tech, le futur, dans une optique de croissance – vous êtes une entreprise, vous devez croître – tout en essayant de travailler sur cette sobriété ? Est-ce que vous êtes sur le scénario du pire ? Ou est-ce qu’il faut éviter le scénario du pire ? Parce que dans le scénario du pire il y a quand même, heureusement, des solutions qui sont proposées, qui nous disent qu’on va justement permettre, grâce aux technologies, de trouver des logiciels qui fonctionnent moins, des matériaux qui ont moins d’impact sur la planète. Il y a quand même des options intéressantes à étudier.

Alexandre Zapolsky : D’abord je suis profondément dans le camp du progrès, du développement, de la croissance, il n’y a aucun doute par rapport à ça. Tous les autres scénarios sont des scénarios farfelus de mon point de vue. Là-dessus, il n’y a effectivement pas d’alternative à cette dimension de progrès. Ma conviction profonde c’est que, oui, le progrès technologique, en particulier dans le numérique, apporte par soi-même une bonne partie des réponses en matière notamment de sobriété. D’abord c’est que la vraie mesure de la contribution du numérique est sur ses externalités positives : le fait de pouvoir faire massivement du télétravail, c’est le plus puissant levier qu’on a aujourd’hui de réduction des émissions de CO2 dans les grandes villes du monde. J’ai même des fois du mal à comprendre qu’on soit hésitant sur ces aspects-là, qu’on ne soit pas plus affirmatif. Il faut arrêter de travailler sur le 0,5 % d’énervés, quels que soient leurs extrêmes, et se concentrer sur l’essentiel.

Delphine Sabattier : Si on veut aller voir ces technologies du futur qui permettent d’avoir une tech plus responsable, comment fait-on ? On peut se rendre chez vous comme ça, sans prendre rendez-vous ?

Alexandre Zapolsky : Oui. D’abord tout le monde est le bienvenu au 37 rue Pierre Poli à Issy-les-Moulineaux, sur l’Île Saint-Germain. Pour l’instant ce n’est pas encore affiché à l’extérieur. Ça fait deux mois qu’on est arrivé, on est encore en train de s’installer. C’est surtout un long processus avec des bureaux d’étude, on fait les choses très sérieusement pour savoir comment incorporer le meilleur des technologies dans cette Villa Good Tech. On fera, je l’espère, une inauguration avec les autorités, j’ai invité le président de la République à venir inaugurer cette Villa Good Tech. Si son agenda le permet, m’a-t-il dit, il viendra.

Delphine Sabattier : Et vous inviterez Smart Tech ?

Alexandre Zapolsky : Vous serez bien sûr les bienvenus.

Delphine Sabattier : Merci beaucoup Alexandre Zapolsky de Linagora, donc de la Villa Good Tech.
C’est l’heure de notre Tech talk. On va parler ensemble d’IA générative : est-ce que c’est la killer app du cloud ?