Émission Libre à vous ! du 18 avril 2023

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Titre : Émission Libre à vous ! du 18 avril 2023

Intervenant·e·s : Gee - Audrey Guélou - Thomas Citharel - Lorette Costy - Laurent Costy - Thierry Holleville à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 18 avril 2023

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page des références de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous ! l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes, bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’information et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.

Vous en avez peut-être marre des médias ou réseaux sociaux centralisés et privateurs, eh bien ça va être l’occasion aujourd’hui de découvrir le Fediverse, un ensemble de médias sociaux libres, administrés de façon autonome et connectés entre eux. C’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique de Gee sur le technosolutionnisme et, en fin d’émission, la chronique de Laurent et Lorette Costy « Forensique des JDLL 2023 ».
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour, avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 18 avril 2023. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui pour une première, d’ailleurs, sur les interventions à distance, donc il est un petit peu stressé, on va l’encourager, c’est Thierry Holleville. Bonjour Thierry.

Thierry : Bonjour à tous.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Les humeurs de Gee » sur la technosolutionnisme

Frédéric Couchet :




Le Fediverse avec Audrey Guélou et Thomas Citharel

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur le Fediverse. Je ne vais pas définir, pour le moment, ce qu’est le Fediverse, même si j’en ai donné une définition au tout début de l’émission, je vais évidemment laisser nos invités en parler largement. Nos invités : au studio, en face de moi, Audrey Guélou, Bonjour Audrey.

Audrey Guélou : Bonjour Frédéric.

Frédéric Couchet : Et, normalement, avec nous à distance Thomas Citharel. Bonjour Thomas.

Thomas Citharel : Bonjour Fred. Bonjour tout le monde.

Frédéric Couchet : J’en profite pour féliciter le réalisateur de l’émission, Thierry, parce que tout fonctionne nickel, alors que c'est une première pour l’intervention à distance, on utilise un nouvel outil.
N’hésitez pas à participer, si vous le voulez, à notre conversation, si vous voulez utiliser un outil supplémentaire qui est le téléphone au 72 51 55 46, ou alors sur le salon web dédié à l’émission sur le site causecommune.fm, bouton « c hat », salon #libreavous.

On va parler du Fediverse et avant de poser la question pour définir un petit peu ce qu’est le Fediverse, on va commencer par la question traditionnelle de présentation des deux personnes invitées, on va commencer par Audrey Guélou.

Audrey Guélou : Je suis membre de l’association Picasoft qui fait de l’éducation populaire au numérique autour de Compiègne et qui propose des services web libres et gratuits ; je suis doctorante en Sciences de l’information et la communication à l’Université de technologie de Compiègne et je suis très contente de pouvoir parler du Fediverse aujourd’hui avec toi, avec Thomas aussi, donc merci Fred, merci Thierry, merci l’April d’ouvrir cette discussion et de m’inviter à y participer.

Frédéric Couchet : C’est avec grand plaisir. Petite présentation aussi de ta part, Thomas Citharel.

Thomas Citharel : Bonjour. Je suis membre salarié de l’association Framasoft que les auditeurs de cette émission doivent probablement connaître. Je suis principalement développeur et également administrateur systèmes pour tous les logiciels développés, améliorés ou modifiés par Framasoft et proposés comme services au grand public et en particulier, du coup, aujourd’hui j’ai développé un logiciel qui s’appelle Mobilizon, porté par Framasoft et faisant partie du Fediverse. Voilà le lien avec l’émission d’aujourd’hui.

Frédéric Couchet : On parlera effectivement de Mobilizon tout à l’heure. Je vais préciser les URL des deux structures qui ont été citées : picasoft.net et framasoft.net. Si on cite des logiciels, des documents, toutes les références sont ou seront sur le site de l’émission, libreavous.org, soit elles le sont déjà, soit elles le seront après l’émission.
Le Fediverse. On a déjà cité ce mot dans l’émission consacrée à Mastodon, le réseau social libre de microblogging qui existe depuis pas mal d’années, qui a eu beaucoup de succès avec récemment un pic d’audience suite au rachat de Twitter par Elon Musk, mais nous n’étions pas rentrés dans les détails, donc on s’est dit qu’on allait inviter deux personnes expertes du sujet pour nous expliquer ce qu’est le Fediverse. C’est probablement une première émission, il y en aura peut-être d’autres, parce qu’on va voir que c’est très large. Première question, on va commencer par Audrey : comment définirais-tu le Fediverse ?

Audrey Guélou : On peut commencer par dire que le Fediverse est un ensemble de médias sociaux qui vont être connectés entre eux, on dira fédérés, on peut en rester là pour l’instant. Ce sont des médias sociaux qui vont être répartis sur des milliers de serveurs, des milliers de sites différents dans le monde entier.
On peut être familier du Fediverse au sens où les fonctionnalités sont communes à celles des médias sociaux qu’on a peut-être plus l’habitude d’utiliser, ce sont des médias sociaux qui permettent d’échanger des textes courts, des photos, des vidéos, d’interagir avec des utilisateurs, de publier du contenu, etc. Mais c’est vrai qu’il y a une différence entre des médias sociaux centralisés – type Twitter, Facebook, YouTube –, une différence structurelle qui est que les médias sociaux du Fediverse sont décentralisés. On peut se figurer cette structure-là par un archipel, on peut se dire que les médias sociaux du Fediverse sont comme les îles d’un archipel où chaque média social est une des îles d’un archipel, qui va être gérée par une communauté ou par un particulier, de façon autonome, et puis les îles ne sont pas isolées, c’est-à-dire que tous ces médias sociaux-là communiquent aussi entre eux.

Frédéric Couchet : Thomas, est-ce que tu souhaites compléter cette introduction ?

Thomas Citharel : On a parlé de média social. Il ne faut pas s’arrêter forcément à la comparaison Twitter/Mastodon, le Fediverse peut avoir une portée un peu plus grande. On ne mettrait pas forcément YouTube dans la catégorie de média social, même s’il y a un système de commentaires ; l’alternative que propose Framasoft, qui s’appelle PeerTube, permet notamment d’échanger, de visionner des vidéos et d’interagir avec de manière fédérée. On va expliquer juste après comment ça fonctionne. Ce sont un peu plus des questions d’outils. Il y a aussi des alternatives à Spotify, des plateformes de podcasts, par exemple, qui sont fédérées.
C’est plus une manière de faire fonctionner un outil informatique qui ne soit pas centralisé et, du coup, entre les mains d’une seule entité, plutôt qu’un système d’alternatives dans le cadre des médias sociaux uniquement.

Frédéric Couchet : D’accord. J’ai une petite question. Vous avez utilisé l’expression « médias sociaux » tous les deux, alors qu’on parle souvent de « réseaux sociaux ». Est-ce que vous faites une différence entre les deux ? Si oui laquelle ? Est-ce que ça a un impact au niveau du Fediverse ? Audrey.

Audrey Guélou : C’est une bonne question ! C’est vrai qu’on parle maintenant de médias sociaux en faisant effectivement la différence entre réseau social et média social au sens où un média social c’est ce qui va permettre de créer, de maintenir, de développer des réseaux sociaux, c’est-à-dire des liens entre les gens, en échangeant des médias, en interagissant autour de médias. En fait, le média social va plutôt être on va dire la technologie, l’outil, le dispositif numérique autour duquel se créent des réseaux sociaux, c’est-à-dire des liens entre les personnes. C’est comme ça que je le vois.

Frédéric Couchet : D’accord. Fais-tu la même différence, Thomas ?

Thomas Citharel : Je ne l’utilise pas sémantiquement, mais je suis tout à fait d’accord avec l’interprétation d’Audrey.

Frédéric Couchet : OK : Comme tu es à distance, Thomas, si tu veux intervenir n’hésite pas, comme Audrey est en face de moi, c’est beaucoup plus simple.
Vous avez employé les termes « fédéré », f »fédération ». Dans l’imaginaire des gens fédération peut vouloir dire beaucoup de choses. Que veut dire la fédération dans ce concept de médias sociaux ? Audrey ou Thomas.

Thomas Citharel : La fédération que vous connaissez peut-être ce sont typiquement des associations par exemple de sport. La Fédération française de football, par exemple, fait en sorte de fédérer des structures plus petites en ayant une entité un peu au-dessus. Dans le cadre du Fediverse, il n’y a pas d’entité qui régit ces différentes sous-entités, mais le fonctionnement du réseau fait que les entités peuvent se parler avec un vocabulaire commun, avec des méthodes communes, et ça fait en sorte que chaque entité du réseau, quelle que soit sa taille, a les mêmes droits à la base, a la même capacité à échanger avec chaque entité et, potentiellement, chaque entité se connaît.

Frédéric Couchet : D’accord. Audrey.

Audrey Guélou : Je peux peut-être rajouter qu’on peut voir la fédération à la fois sous l’angle technique et social, politique. Il y a la fédération technique, ce que disait Thomas sur le fait qu’on va avoir des médias sociaux différents, par exemple un média social type PeerTube qui va permettre de partager des vidéos, un média social comme Mastodon qui permet de s’échanger des messages courts en particulier. Ces médias sociaux ont des fonctions différentes, mais, grâce à la fédération technique, en fait grâce au fait que ces logiciels-là vont utiliser un même protocole de communication, c’est-à-dire les mêmes règles, les mêmes normes pour communiquer, pour s’échanger de l’information, on va pouvoir faire communiquer des utilisateurs de médias sociaux qui sont répartis sur plein de serveurs différents. La partie technique c’est le terme d’interopérabilité.

Frédéric Couchet : Hou là ! Il va falloir l’expliquer.

Audrey Guélou : On l’aime bien celui-là ! C’est ce que décrivait Thomas. C’est le fait de faire communiquer des entités hétérogènes, des entités différentes. Par exemple, j’ai mon média social qui permet du partage de photos ; Thomas a son média social qui permet du partage de vidéos ; ce sont des logiciels qui fonctionnent différemment, mais comme ils utilisent le même langage, on va pouvoir communiquer, on va pouvoir interagir, même si on fait des choses différentes ; c’est cette notion de protocole commun.
Après, ce que je voulais peut-être ajouter, c’est la partie gouvernance de la fédération, le fait que contrairement à une configuration centralisée où on a effectivement une personne, une organisation qui va contrôler l’ensemble du réseau, qui va définir les règles de communication pour tout le monde, eh bien là, dans une fédération, chaque personne qui possède une partie du réseau, qui possède un média social du Fediverse, va gérer ce média social-là de façon indépendante, de façon autonome, sans pour autant être isolée. On a sa portion du Fediverse où on va pouvoir définir une ligne éditoriale, définir de règles d’utilisation, mais, pour autant, on n’est pas isolé sur son île, on va pouvoir aussi communiquer avec d’autres îles ; c’est l’intérêt de la fédération.

Frédéric Couchet : On va évidemment revenir sur cette notion de gouvernance, de règles d’utilisation, de modération, etc.
Juste un point de vue technique, vous avez parlé un petit peu de technique, allons un peu plus loin sans rentrer trop dans les détails,i l y a un mot clef qui revient souvent quand on parle du Fediverse, c’est « instance ». C’est quoi une instance ? Thomas.

Thomas Citharel : Instance n’est pas forcément le vocabulaire le plus évident pour néophytes mais c’est ce lui qui est souvent utilisé. Globalement il s’agit de serveurs, finalement. De la même manière que vous avez différents fournisseurs de services pour échanger des mails, vous pouvez choisir d’avoir un e-mail hébergé chez un géant du Web comme Microsoft ou votre fournisseur d’accès à Internet, local ou pas, qui vous fournit une adresse mail. Ces fournisseurs de services ont des serveurs. De la même manière, vous allez avoir des fournisseurs de service qui vont vous fournir un accès au Fediverse avec, du coup, les logiciels, comme Mastodon, qui peuvent permettre d’échanger des messages ou de PeerTube qui permet d’échanger des vidéos ou de Pixelfed qui permet d’échanger des images ; tous ces logiciels-là sont mis à disposition des utilisateurs sur un serveur. Du coup, de la même manière que si je veux envoyer un e-mail, je vais me connecter avec les identifiants que m’a donnés mon fournisseur d’accès, cette fois je vais me connecter à mon instance et, même si quelqu’un n’est pas sur la même instance que moi, je peux communiquer, de la même manière que si je suis sur Hotmail je peux envoyer un e-mil à quelqu’un qui est chez SFR.

Frédéric Couchet : D’accord. Ça me paraît très clair. Thierry, qui est en régie, a l’air de dire, je pense, qu’il a quand même saisi l’essentiel. Ce sont des choses qui ne sont pas très simples alors qu’en fait c’est quelque chose qui, historiquement, existe dans l’Internet, dans le Web.
Avant d’enchaîner, j’ai une question : est-ce que ces logiciels dont on parle sont forcément libres dans le Fediverse. ?

Audrey Guélou : Il me semble qu’il doit y avoir deux/trois exceptions, Thomas en sait peut-être plus que moi, mais la grande majorité est libre. J’ai un petit doute là-dessus. Thomas, je ne sais pas si tu en sais plus.

Thomas Citharel : Il me semble qu’il y a une exception d’un logiciel, effectivement, mais je ne m’avancerai pas davantage.

Frédéric Couchet : D’accord. C’est la question que je me suis posée hier soir, ça me paraissait en fait tellement évident.

Audrey Guélou : Ceux-là, on les cache !

Frédéric Couchet : On a effectivement fait une émission sur Mastodon récemment. Mastodon est un logiciel libre développé par une communauté depuis maintenant plusieurs années. Je vais poser la question : qui sont ces gens qui prennent ce logiciel libre, l’installent sur leur serveur qui va devenir une instance ? Quand on fait l’émission sur Mastodon on a cité piaille.fr qui est une instance Mastodon, Framasoft a son instance Mastodon qui est framapiaf.org, derrière c’est le même logiciel libre, en l’occurrence Mastodon, mais ce sont deux instances différentes, donc deux serveurs différents mais qui vont communiquer entre eux. Ma question : qui sont ces personnes qui installent et proposent ces instances ? On voit bien, sur les médias sociaux privateurs, que ce sont des entreprises qui se financent par la pub et par la captation de données personnelles, mais, dans le Fediverse, qui sont les structures qui proposent ce genre d’instance ? Audrey déjà.

Audrey Guélou : Des associations proposent des instances ; des particuliers aussi, des personnes qui vont mettre en place leur propre instance ; ça peut être des instances avec quelques dizaines d’utilisateurs, ça peut être un groupe d’amis, par exemple, ou bien des instances avec 500 ou plusieurs milliers d’utilisateurs et utilisatrices. Il me semble que ça va être surtout des associations, quelques entreprises aussi. Il y a des associations du Collectif CHATONS, le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires, ils sont maintenant une centaine en France qui proposent des services libres. Je pense surtout beaucoup d’associations, des groupes de personnes ou des personnes seules qui vont chercher à contribuer au Fediverse, à ouvrir un espace de communication où on va pouvoir définir des règles d’utilisation et offrir un espace pour interagir.

Frédéric Couchet : D’accord. Thomas, sur ma question ?

Thomas Citharel : Dans le cadre de leur communication, il peut y avoir des structures diverses qui vont aussi ouvrir des services fédérés. Dans le cadre de Mastodon, très dernièrement, on a vu des médias ouvrir leur instance et proposer des comptes, par exemple, à tous leurs journalistes. On a vu, dans le cadre de PeerTube, certaine structures lancer leurs propres instances pour diffuser leurs vidéos et dans le cadre de Mobilizon, qui est une plateforme de diffusion d’évènements, des structures de collectifs, comme Extinction Rebellion, diffuser leurs événements par ce biais.

Frédéric Couchet : D’accord. Audrey, tu voulais compléter.

Audrey Guélou : Effectivement. Tu as raison, Thomas, tu as lancé des exemples plus précis de collectifs. Par exemple sur Mastodon, une instance a été ouverte récemment pour les collectivités territoriales, qui s’appelle colter.social. Il y a des instances à thème, des instances aussi pour les personnes qui sont intéressées plutôt pour partager des discussions scientifiques, par exemple sciences.re ; des instances vont être dédiées à certaines langues : occitania.social pour parler occitan ; il y a aussi une instance bretonne .bzh ??? ; une instance qui va chercher à parler, à avoir des discussions sur l’imaginaire, des discussions de fiction, etc.
Il y a des associations qui ouvrent des instances généralistes, sans thème particulier, ou bien d’autres qui sont ouvertes pour parler de thèmes que l’on va plutôt choisir.

Frédéric Couchet : Des thèmes que l’on va choisir et aussi, comme tu le disais tout à l’heure, des conditions générales d’utilisation ou des règles qui vont être choisies par la structure ou le groupe qui crée cette instance, éventuellement discutées avec les utilisateurs et les utilisatrices, finalement l’opposé complet d’un système centralisé où les mêmes règles s’appliquent à des millions de personnes et, du jour à au lendemain, peuvent changer sur la décision d’une seule personne. Comment ces règles sont-elles mises en œuvre ? Est-ce qu’il y a des règles types ? Quels sont les sujets qui sont abordés dans ces règles d’utilisation des instances du Fediverse ?

Audrey Guélou : Tu as parlé de Mastodon, tu as lancé Mastodon, je prends la balle au bond, je vais là-dessus parce que c’est là-dessus que j’aurais peut-être le plus d’exemples précis pour les règles. On va généralement retrouver certaines règles sur plusieurs instances du type, bien sûr, ne pas poster de contenus illégaux, ne pas poster des contenus violents, d’appels à la haine, ne pas faire de harcèlement, des choses comme ça, des règles qui sont explicitées dans les règles de l’instance. Et après, selon les thèmes, on va aussi avoir des instances qui vont refuser d’aborder certains thèmes, refuser certains termes.
Au niveau de la décision de ces règles-là, si c’est une personne seule ça va être assez simple : si on essaie de mettre en place une instance on décide des règles pour son instance.
Après, si on est une association, un collectif, l’enjeu va être de se décider pour mettre en place un ensemble de règles à priori, et ensuite pour décider des décisions à prendre à posteriori sur les cas à modérer. C’est un enjeu vraiment de gouvernance où là on va vraiment redonner plus de pouvoirs aux utilisateurs et aux utilisatrices du Fediverse. Si on s’implique dans la modération d’une instance, effectivement on n’est plus dans la posture d’un utilisateur qui va subir des règles sans pouvoir les discuter, là on peut plutôt contribuer à faire évoluer les règles de l’espace dans lequel on communique.

Frédéric Couchet : Avant de passer la parole à Thomas, comme tu parles de modération, on a déjà consacré un sujet sur la modération dans libre à vous !, je n’ai pas le numéro en tête [émission 104], vous pouvez utiliser le moteur de recherche et on va consacrer à nouveau un sujet justement sur la modération sur le Fediverse, peut-être pas sur cette saison-là, peut-être à la reprise de septembre, en tout cas c’est prévu au programme.
Thomas, du côté de Mobilizon, c’est pareil ? Dans les instances il y a des règles de fonctionnement qui sont adaptées à Mobilizon ?

Thomas Citharel : Dans le cadre de Mobilizon, comme il s’agit d’une plateforme de diffusion d’évènements et de gestion de groupes, on a moins ces sensibilités puisque, contrairement à Mastodon qui était l’exemple pris par défaut, l’audience n’est pas sur le monde entier et la discussion ouverte est plus faible. Il y a moins de problèmes d’accroche. On n’a pas trop d’occasions, on ne l’a pas encore évoqué, du coup, de faire du blocage d’instances entières, si jamais une instance autorise, par exemple, des contenus complètement illégaux dans notre pays. Les questions de modération au sein de Mobilizon sont assez limitées, ce sont plutôt des questions de spam ou de ce qui est acceptable comme contenu, mais c’est plus simple à modérer que des cas pas forcément évidents qu’on a souvent dans Mastodon.

Frédéric Couchet : Le partage de photos, par exemple ? J’imagine que pour les instances de partage de photos ça doit être un peu plus compliqué à gérer.

Thomas Citharel : Ça peut être un plus compliqué mais c'est aussi l’occasion de définir plus précisément une politique de ce qui est acceptable ou non, plutôt que, par exemple, Facebook qui va censurer dès qu’il y a un peu de nu sur une image ; savoir ce qui est acceptable : est-ce qu’on met derrière un avertissement, est-ce qu’on dit que l’instance est uniquement accessible aux gens de plus de 18 ans, par exemple. On peut faire évoluer ces règles, du coup les utilisateurs peuvent trouver une instance qui correspond à ce qu’ils cherchent.

Frédéric Couchet : D’accord. Tu as évoqué le blocage d’instances, peut-être juste parler rapidement que sur ces instances-là on peut bloquer des personnes, mais une instance peut aussi choisir de bloquer une instance toute entière. Thomas, peux-tu préciser quelle serait la motivation qui pourrait bloquer une instance tout entière ?

Thomas Citharel : Je prenais l’exemple d’une instance qui autoriserait du contenu qui n’est pas légal en France. Le Japon, par exemple, a une politique un peu différente sur la représentation de graphiques de mineurs, j’entends de dessins : ce qui est à priori toléré au Japon tombe plutôt sous le coup de la pédopornographie en France, je ne m’avancerai pas par rapport aux juristes. Ça peut être un point pour lequel on va décider qu’on ne peut pas surveiller l’ensemble du contenu envoyé par les utilisateurs de l’autre instance et, pour ne pas prendre le risque que des médias qui seraient illégaux en France arrivent sur notre serveur, on préfère les bloquer préventivement. Ça peut être aussi du contenu beaucoup plus évident parce que certains pays n’appliquent pas des règles assez basiques, donc néonazi et compagnie.

Frédéric Couchet : D’accord. OK, c’est très clair.
On va faire une petite pause musicale avant de se poser la question de pourquoi cela vaut-il la peine de s’intéresser au Fediverse et pas que les geeks, la question de départ.
On va faire une pause musicale. Cette deuxième pause musicale a encore été choisie par Audrey Guélou. Nous allons écouter Everything’s Gonna Be Alright par Alpha Brutal. On se retrouve dans quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Everything’s Gonna Be Alright par Alpha Brutal.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d'écouter Everything’s Gonna Be Alright par Alpha Brutal disponible sous licence libre CC BY SA, Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.

[Jingle]

Deuxième partie

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre discussion