Le Logiciel Libre - Au service de la souveraineté numérique depuis plus de 35 ans - Stéfane Fermigier

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Titre : Le Logiciel Libre - Au service de la souveraineté numérique depuis plus de 35 ans

Intervenant·es : Stéfane Fermigier - Fabrice Kordon

Lieu : Paris - LIP6 - Sorbonne Université - 75 ans de l'informatique en France

Date : 20 octobre 2022

Durée : 1 h 28 min 09

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Le logiciel libre a émergé au milieu des années 80 comme une démarche d'émancipation des utilisateurs de l'informatique, avec comme ambition de créer une communauté mondiale de développeurs, contributeurs et utilisateurs. Connu également sous le nom d'"open source", depuis la fin des années 90, il s'est imposé en une vingtaine d'année à la fois comme un modèle de développement et d'innovation qui percole dans tous les secteurs du numérique, mais également comme l'un des secteurs les plus actifs de l'informatique, représentant actuellement en Europe environ 10% de ce marché. Les valeurs et les ambitions fondatrices du logiciel libre résonnent aujourd'hui avec accuité dans un débat sur la "souveraineté numérique" (aussi appelée "autonomie stratégique"), rendu nécessaire à la fois par les crises actuelles (sanitaires, géopolitiques, énergétiques...) et par les bouleversements économiques provoqués par la révolution numérique (hyperpuissance des GAFAM). Pourquoi et comment contribuer au développement du logiciel libre ? Quels modèles économiques pour pérenniser sa croissance ? Quelles politiques industrielles en France et en Europe pour soutenir son développement et reconquérir notre autonomie technologique ? Telles sont les questions qui seront abordées, après une rapide présentation historique, lors de la conférence.

Transcription

Fabrice Kordon : Bonjour à toutes et tous. Une nouvelle présentation ce soir dans le cadre des 75 ans de l’informatique en France et on va parler logiciel libre.
Avant de vous présenter l’orateur. Pour nous, dans le monde académique, le logiciel libre est quelque chose d’extrêmement important, en particulier ça fait partie de l’ADN d’un laboratoire comme le LIP6, d’abord à un niveau micro, on aime bien les théorèmes, mais on aime encore mieux les théorèmes qui marchent ! Ça va veut dire que pour faire marcher les théorèmes, pour mesurer leur contribution face à des problématiques réelles, c’est très vite important d’avoir du logiciel. On peut faire son logiciel dans son coin, traiter des nouvelles études de cas et puis on est très content, malgré tout, quand ça ne passe pas, quand ça casse, parce que l’objectif c’est de comprendre pourquoi ça casse, pour, justement, revenir sur les aspects plus fondamentaux et produire une nouvelle version du logiciel qui, bien évidemment, va mieux, fait mieux les choses.
Lorsque ce logiciel devient libre, et c’est quelque chose que les universitaires ont compris très tôt, c’est-à-dire qu’il n’est plus partagé au sein d’une équipe de recherche, mais qu’il est partagé au sein d’une communauté, là on passe au braquet supérieur et ça permet des choses, des choses qui vont commencer par exemple avec les solveurs de systèmes de contraintes, les SAT solveurs, il y a à peu près 25 ans. Les gens de cette communauté-là ont commencé à faire un concours de logiciels et puis, régulièrement, et de plus en plus fréquemment, de nouvelles communautés ont créé leur concours. Là ça décuple parce que l’expérience est partagée, on se mesure les uns avec les autres sur les domaines d’applicabilité des travaux et le fait que le code source soit ouvert, soit open, soit libre, permet des transferts de composants logiciels entre des outils et, du coup, cette fertilisation croisée a eu un impact impressionnant de structuration au sein des communautés qui ont mis en œuvre ce type de concours.
Donc, effectivement, le logiciel libre est maintenant presque quelque chose qui est acquis, on va voir ce que va en dire Stéfane. Il y a des acteurs industriels qui, il y a 20 ans encore, nous regardaient avec des yeux ronds quand on parlait de logiciel libre et il y avait des acteurs qui étaient un peu plus en avance sur leur temps. On en est même au stade où on commence à parler de hardware libre, de matériel libre, donc vous voyez qu’on a fait l’étape d’après, le LIP6 est d’ailleurs en pointe sur ces choses-là aussi. Et c’est quelque chose qui a précédé cette vague d’open data, de données partagées. Les premiers qui ont fait ça sont les astronomes avec les résultats d’expérimentation, les mesures. Les physiciens aussi font beaucoup d’informations qui sont partagées, qui sont ensuite ré-exploitées. Quand vous envoyez une sonde spatiale à l’autre bout du système solaire, ça coûte tellement cher qu’on a vraiment intérêt à maximiser l’usage des données.
Logiciel libre, dont on va parler, concoure donc à cette fertilisation croisée de la science. On va voir que c’est aussi au service de la société, en particulier sur un certain nombre de choses ; je vois que tu parles de la souveraineté numérique, c’est effectivement un des aspects très importants.

Qui recevons-nous ce soir ? Nous recevons Stéfane Fermigier. Stéfane Fermigier est un routier du monde du logiciel libre. Étonnement, ce n’est pas vraiment un académique – il est évidemment passé par le monde universitaire –, mais il a fait le gros de sa carrière plutôt du côté obscur, comme on dirait chez nous, mais toujours avec son bâton de pèlerin autour du logiciel libre. Il a animé, entre autres, le groupe de travail logiciel libre de Systematic pendant longtemps ; il est l’un des coanimateurs du comité du Centre national pour le logiciel libre en France et d’autres organisations qui travaillent autour du logiciel libre, avec toujours ce but de rapprocher les différentes pratiques à la fois au niveau académique et aussi au niveau industriel.

Et puis un tout petit mot pour dire que cette journée, cette conférence, se passe en marge d’un autre évènement que sont les SWAP Days, qui ont été coorganisées par le LIP6, Sorbonne Université, l’Unesco et Software Heritage, il y a aussi Inria dans le coup. Là on est dans une autre dimension qui est aussi liée au logiciel libre et qui a été essentiellement portée par des gens qui font du logiciel libre qui font, en fait, le stockage de logiciels vus comme un patrimoine de l’humanité et c’était très intéressant dans ces jours précédents. Là on est en amont, où on se pose aussi des problèmes qui ressemblent à des problèmes que des archéologues peuvent se poser, sauf que ce ne sont pas des tablettes sumériennes qu’on essaie de protéger. On essaie de retrouver les codes sources, par exemple du programme Apollo en récupérant des vieux listings de l’époque, parfois en allant jusqu’à les acheter dans des brocantes, donc un travail absolument démentiel, puis numériser tout ça. On était très logiciel libre et préservation du patrimoine logiciel.
Aujourd’hui Je laisse donc la parole à Stéfane. Merci beaucoup.

Stéfane Fermigier : On est dans une conférence qui a une connotation historique assez forte. On va regarder cet objet principalement sous un angle historique, mais il y a aussi des sujets d’actualité et l’un de ces sujets d’actualité, dont on parle depuis deux/trois ans maintenant de manière assez aiguë en France, est la souveraineté numérique. On fera le lien, dans un deuxième temps, avec ce sujet.

J’ai déjà été présenté. Je suis entrepreneur, j’ai été un tout petit peu universitaire dans ces locaux. En ce moment je donne un cours sur le logiciel libre à l’EPITA [École des ingénieurs en intelligence informatique], ce que je présente aujourd’hui est une version condensée, en 40/45 minutes, d’un cours qui dure plus de 30 heures. Vous allez voir que ça va pulser.
J’ai fondé quelques entreprises et également quelques organisations qui sont consacrées à la promotion du logiciel libre depuis maintenant 25 ans.

Citations « inspirantes »

Pour commencer, quelques citations des grands personnages du monde du logiciel libre, en tout cas quelques-uns.

Richard Stallman, qu’on considère comme le fondateur du mouvement du logiciel libre, a l’habitude de commencer ses conférences, quand il est en France, par la devise de la République française : liberté, égalité, fraternité.
Liberté, on parle du logiciel libre le lien est forcément évident.
Égalité, ça veut dire qu’on est tous égaux dans l’accès au code source, dans l’accès au logiciel, c’est l’idée de partage.
Fraternité c’est l’idée de créer des communautés. On va d’ailleurs le voir dans la slide suivante, Richard Stallman a eu dès le départ l’idée de créer une communauté fraternelle autour de son travail.

Contrepoint. Quelques années plus tard Liberté, égalité, business. C’est le titre d‘un livre qui a été écrit par l’un de mes amis, Jean-Paul Smets, qui montrait qu’une quinzaine d’années après le tout début du mouvement du logiciel libre qu’il y avait déjà, en Europe, un tissu économique qui était capable de travailler, de faire des choses intéressantes avec des logiciels libres non développés en Europe.

Un autre grand personnage, en tout cas, d’il y a plus de 20 ans maintenant, puisqu’il a pris sa retraite en 2001, je n’ai plus la date exacte, Bob Young qui a été le principal animateur, au tout début, de la société Red Hat, qui est devenue le plus grand éditeur de logiciels libres au monde et qui s’est fait rachetée, il y a trois/quatre ans, par IBM pour 35 milliards de dollars. La citation que j’ai mise de Bob Young « la liberté n’est pas un concept abstrait en matière de business. Pourquoi ? Parce que le succès de toute industrie est relié directement au degré de liberté entre les fournisseurs et les clients. » Il y a cette idée que dans l’industrie informatique où il y a des tendances assez fortes à la concentration, à la création de monopoles – on a pu le voir par exemple avec Microsoft, on a pu le voir avec Oracle, avec SAP, avec des sociétés comme ça qui sont vraiment des géants –, le logiciel libre, au contraire, a tendance à créer un level playind field, un terrain de jeu où les règles sont plus équitables pour tous les acteurs.

Linux Torvalds, le créateur de Linux, est évidemment un personnage aussi très important. Linux a été créé il y a 31 ans maintenant et Linus en est toujours le leader. Une phrase, un petit peu sortie de son contexte mais qui donne aussi un autre courant de pensée du logiciel libre Talk is cheap. Show me the code, l’idée que le code est quand même la valeur essentielle du logiciel libre et que tout ce qu’on peut dire autour est finalement secondaire, vient en soutien d’un processus de développement.

Enfin, le titre d’un livre qui est paru en 2005 Innovation Happens Elsewhere, l’innovation a lieu ailleurs. C’est l’idée que chaque entreprise doit aller chercher de l’innovation ailleurs, ce qu’on appelle l’« innovation ouverte » et le logiciel libre en est sans doute la forme la plus pure, puisque c’est un mécanisme de collaboration entre entreprises, entre entreprises et universitaires, entre individus entre eux, entre entreprises et individus, où chacun peut participer de manière assez égalitaire – il peut y avoir des biais dans certain cas. C’est cette idée que l’innovation va se diffuser beaucoup plus vite si on décide d’ouvrir sa démarche.

Un peu d’histoire. Un quiz, une question piège : photo de gauche, un mainframe IFM photographié en 1957, à droite un smartphone Murena, c’est un indice, photographié en 2022. Tout les oppose : la machine de gauche a quelques milliers de tubes, la machine de droite plusieurs milliards, dizaines de milliards de transistors ; la mémoire de la machine de gauche, peut-être quelques kilooctets ; la mémoire de la machine de droite quelques gigaoctets ; des vitesses de calcul qui sont incomparables, est-ce qu’il y a un rapport entre les deux ? Est-ce que quelqu’un a une idée ? Par rapport au thème de la conférence, la réponse est évidemment : le logiciel libre ! À gauche, on a une machine qui tourne à 100 % avec du logiciel libre. À droite, on a une machine qui tourne à 100 % avec du logiciel libre.
Je vais vous expliquer parce que ce n’est pas tout à fait évident. Il y a à la fois un aspect historique à gauche et, à droite, c’est parce que ça n’est pas Android standard, c’est un Android 100 % open source qui justifie mon affirmation.

Les grandes périodes de l’histoire du logiciel libre

La grande histoire du logiciel libre, en une demi-douzaine de périodes.

Au tout début de l’histoire, dans les années 1950/60, tous les logiciels étaient libres, de facto. Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait de droit du logiciel. Il n’y avait pas de propriété, on n’avait pas encore fait les lois qui donnent une protection juridique, un droit d’auteur, comme on va le voir, sur les logiciels. Les logiciels étaient libres. De toute façon, comme on peut le voir là, il y a une autre différence, combien y avait-il de mainframes en 1957, je n’ai pas compté, peut-être quelques centaines, peut-être quelques milliers ? Combien y a-t-il de téléphones mobiles en 2022 ? Ça se compte en milliards. Il y a donc cette démocratisation de l’accès au matériel qui va être aussi un facteur de l’évolution du développement du logiciel libre.

À l’époque, ce qui comptait c’est le matériel, le logiciel était considéré comme n’ayant pas de valeur. Progressivement, dans les années 1970, un certain nombre d’entreprises se sont dit qu’il y avait quand même du business à faire autour du logiciel, l’une des plus connues c’est Microsoft, ça date de cette époque. Il y a eu du lobbying au Congrès américain et, ensuite, ça s’est étendu sur toute la planète.

En contrecoup ou en parallèle, il y a eu des efforts technologiques pour développer des systèmes d’exploitation, pour développer des systèmes de réseaux, des systèmes d’interfaces graphiques qui étaient libres, qui n’étaient pas tout à fait libres, mais qui étaient quand même dans un esprit d’échange, un esprit, là encore, d’innovation ouverte entre acteurs universitaires ou entre acteurs universitaires et industriels.

Dans les années 80, le matériel grand public : les CPU ont commencé à devenir suffisamment puissants pour envisager de développer des « vrais systèmes d’exploitation », entre guillemets, qui, avant, été réservés aux entreprises, aux universités, qui n’étaient pas accessibles financièrement au grand public.

Du coup, dans les années 80 Richard Stallman, qui n’était pas d’accord avec cette propriétarisation du logiciel libre, lance le mouvement du logiciel libre, lance le projet GNU, on va y revenir et lance la Free Software Foundation.

Dans les années 90, il y a le noyau Linux au tout début et puis ça se développe. Les logiciels libres existants finissent par s’agglomérer pour faire des offres cohérentes, de nouveaux logiciels libres sont créés et, progressivement, on prend conscience qu’il y a quelque chose d’intéressant, que c’est quelque chose qui est nouveau, qu’il se passe quelque chose, mais l’impact économique est encore relativement mineur.

Dans les années 2000, l’impact économique commence à augmenter, les entreprises se sont formées dans les années 90 et elles continuent à se développer. De nouvelles générations d’entreprises se forment sur la base de valeurs et d’une proposition de valeurs qui est principalement basée sur le prix, le prix des logiciels qui a évidemment tendance à baisser quand il y a du logiciel libre.

Dans les années 2010, on va dire que le logiciel libre commence à être adopté par un certain nombre de grandes sociétés, y compris les géants d’Internet – Google, Amazon, Facebook, etc., les GAFAM, Microsoft est arrivé un peu plus tard, mais une partie des GAFAM en tout cas -, qui voient le logiciel libre comme un accélérateur d’innovation et comme un levier stratégique d’influence sur leurs écosystèmes.

Il reste 2020, c’est pour les étudiants qui sont dans les salles, c’est à vous d’écrire l’histoire. Que va devenir le logiciel libre dans les années 2020/2030 ?, tout reste encore à écrire.

16’ 30

GNU Manifesto (Stallman, ~1983)

Comme je disais, Richard Stallman, à partir de 1983, je donne une date assez précise, commence à faire circuler un message à ses collègues, confrères, contacts. J’ai mis quelques extraits. Il parle du projet GNU qui veut dire GNU n’est pas Unix, Gnu’s Not Unix. C’est un système d’exploitation qui se veut être compatible avec Unix, qui pourra faire tourner des programmes Unix, qui pourra donc faire tourner toute une gamme de programmes préexistants. Stallman n’est pas fan d’Unix, mais il considère quand même que ce n’est pas si mal, que ça devrait faire l’affaire et qu’il vaut mieux ça plutôt que quelque chose de plus ésotérique.
Il parle de volontaires, il dit « je ne suis pas seul il y a des volontaires, il y a des bénévoles qui vont m’aider. Si vous avez du temps, de l’argent, du matériel, on est preneur. »

Ensuite on arrive dans la partie idéologique, philosophique. Il considère qu’il est important de pouvoir partager les logiciels. C’est vraiment sa motivation qu’il donne dans cette phrase, la phrase du milieu [I consider that the Golden Rule requires that if I like a program I must share it with other people who like it].
Pour finir une dernière phrase : GNU, mon projet, ne sera pas dans le domaine public. Ça n’est pas du domaine public. On pourra évidemment le modifier, le redistribuer, mais il insiste, il ne veut pas qu’un distributeur puisse faire des modifications et les garder pour lui, en restreignant le droit de redistribution d’une version modifiée.
Là on a vraiment, dès 1983, un certain nombre de graines qui sont plantées et on va voir comment ça continue à évoluer ensuite.

Linus Benedict Torvalds (1991)

En 1991, Linus Torvalds écrit un message, qui est maintenant fameux, où il annonce à la communauté Minix, Minix était un autre système d’exploitation qui n’était pas libre mais qui ressemblait aussi à Unix, qui dit « je suis en train de travailler sur un système d’exploitation libre, pour moi c’est juste un hobby, ça ne sera pas un truc gros et professionnel comme le projet GNU. » C’est là que c’est rigolo, parce que, aujourd’hui, le projet Linux est devenu le truc gros et professionnel par essence et, par ailleurs, c’est toujours Linus Torvalds qui en est le leader avec, bien sûr, d’autres individus.
Il donne ensuite des détails principalement techniques. Là on voit un petit peu une différence d’approche entre Stallman et Torvals. Stallman était plutôt dans la vision, un message presque philosophique, idéologique diront certains. Torvalds dit : « Je me suis fait plaisir, j’ai bidouillé un truc, c’est sympa. Si vous avez des idées, envoyez-les-moi », il ne dit même pas venez m’aider, c’est venu un peu après, il ne faut pas s’inquiéter, il a compris des trucs ensuite. Donc deux approches différentes.

Du coup on peut faire ce diagramme qui est très incomplet et, en même temps déjà assez riche sur la généalogie des systèmes Unix depuis leur naissance dans les années 1970 et les différentes variantes, notamment les variantes libres ou open source.
Ce qui dérive du projet GNU et, en particulier du noyau Linux qui est évidemment, aujourd’hui, le système d’exploitation libre le plus connu et le plus répandu.
Tout ce qui dépend de Berkeley, donc Berkeley Software Distribution, BSD, ce sont aussi des lignées qui remontent à presque 30 ans maintenant, même encore plus, aux années 80 si on remonte au tout début. Pas grand monde, on va dire, en tout cas par rapport à Linux, utilise BSD aujourd’hui, avec une petite exception, Apple avec une transition, en passant par Next qui a été la société de Steve Jobs pendant quelques années et qui a fini par se faire racheter Apple : MacOS et même iOS sont basés sur le noyau BSD, donc il y a su BSD dans tous les Mac, il y a du BSD dans tous les iPhones, toutes les tablettes, tous les iPads. Et maintenant il y a du Linux dans tous les smartphones Android, dans toutes les tablettes Android, dans tous les Chromebooks, puisque ChromeOS, l’OS de Google, est basé sur Linux. Et puis on a un certain nombre, ça n’est pas dominant, peut-être 2 % du marché, de machines qui sont des machines Linux entre guillemets, « pures », sans couche non open source ou additionnelle.
Par contre, les systèmes du bas existent encore pour certains, pas tous, c’est ce qu’on appelle du legacy, Linux a vraiment gagné sur ce marché-là.

Fondamentaux juridiques

Passons maintenant aux fondamentaux juridiques.
Il faut comprendre que les conditions d’utilisation d’un logiciel sont régies par une licence. Une licence est une sorte de contrat non pas d’achat du logiciel, non pas de transfert de la propriété du logiciel, mais un contrat qui régit les droits d’utilisation, de mise à disposition du logiciel. Aux États-Unis, ça repose sur ce qu’on appelle le copyright et, qu’on appelle en France, qui est un petit peu différent, mais, on va dire qu’en première approximation, c’est sensiblement équivalent, le droit d’auteur.

Traditionnellement le droit d’auteur est restrictif : il interdit tout tant qu’on n’a pas donné les droits. Du coup c’est là que les licences de logiciel libre font une sorte de hack du système puisqu’elles vont donner explicitement des droits, des droits assez larges qui permettent de diffuser largement ces logiciels, de les réutiliser, de les modifier, etc.

Les quatre libertés (définition FSF, 1986)

Je vais donner une définition : par définition, un logiciel est libre si sa licence est libre, si et seulement si, par définition. Le logiciel est libre si sa licence répond à un certain nombre de critères qui vont arriver ici. Ce sont ces quatre critères qui s’appliquent aux licences, qui s’appliquent donc aux logiciels dont l’utilisation est régie par ces licences, qui ont été définis par Richard Stallman en 1986. Ça a un petit évolué au début, maintenant c’est complètement stabilisé :

  • la liberté dite 0 qui permet de faire tourner un logiciel, de l’utiliser où on veut, comme on veut sans restriction. Elle s’appelle liberté 0, savez-vous pourquoi ? Au début il n’y avait pas pensé, au début il n’y en avait que trois, les libertés 1, 2, 3 et un jour des gens lui ont dit : « Il y a un bug dans ta définition, il manque un truc », ce truc était tellement évident ! La liberté 0 c’est ce qu’on appelle aussi les freewares, ce n’est pas le free software, c’est ce qu’on a appelé les freewares à l’époque, des logiciels qu’on peut utiliser gratuitement, etc., on n’a pas le code source donc on n’a pas les libertés suivantes ;
  • liberté numéro 1, liberté d’étudier le fonctionnement du logiciel. Pour étudier le fonctionnement d’un logiciel, à quelques très rares exceptions près, il faut absolument avoir le code source, sinon ça devient très compliqué de l’étudier. L’accès au code source, c’est écrit explicitement, est une condition nécessaire. On est, encore une fois, dans une université, bien sûr que l’accès au code source avec le mouvement du logiciel libre, la mise à disposition à des étudiants de milliers, de millions de logiciels c’est évidemment une source pédagogique inestimable, qui n’existait pas il y a 30 ans, qui n’existait pas avant que ce mode de développement et de diffusion ne se démocratise. On a déjà ce gain en termes de ressources pour l’éducation des futurs développeurs ;
  • la liberté 2, la liberté de faire des copies du logiciel, quelles qu’elles soient ;
  • a liberté numéro 3 qui est fondamentale pour vraiment créer une dynamique de développement collaboratif, c’est la liberté de redistribuer des copies qu’on a modifiées.

Avec ces quatre on va avoir la création de communautés de développeurs qui vont pouvoir se partager les logiciels et également les mettre à disposition d’utilisateurs qui, eux-mêmes, ne sont pas forcément développeurs. Je réponds à une objection : à quoi me sert le logiciel libre, je ne suis pas développeur, je ne comprendrai pas. Ça ne nous sert pas directement, mais ça va nous servir parce que des développeurs ou des gens qui ont des compétences dans le cycle de vie des logiciels dans sa généralité, se sont emparés du logiciel, l’ont amélioré, l’ont débogué, etc., et vous en bénéficiez.

Toujours dans la définition, on voit qu’on n’est pas en maths, on ne donne pas juste une définition avec des règles très précises, on donne aussi les attendus, on donne aussi les raisons pour lesquelles on a cette définition. Il y a, en particulier, cette idée de communauté qui est écrite noir su blanc dans la définition.

Historique des licences libres

Je vais donner un historique très rapide des principales licences libres. Au moins une centaine de licences sont apparues depuis 30 ans, depuis qu’on parle de logiciel libre. Sur cette centaine de licences, c’est beaucoup, il y a eu des débats. Au final, celles qui ont vraiment un impact aujourd’hui ne sont pas si nombreuses, il y en a une petite dizaine, même un peu moins. Vous avez les principales et vous avez les dates de leur création.
Vous voyez que ça va de 1987 pour la licence MIT, comme son nom l’indique elle vient du MIT donc elle vient clairement d’un projet universitaire.
La GPL, l’invention, en tout cas la création de Richard Stallman et de son équipe juridique.
Et après d’autres organisations ont créé des licences qui sont importantes, qui ont également évolué, du coup certaines licences ont eu une version 1, une version 2, une version 3, pour répondre soit à des objections ou des déficiences qui se sont révélées à un moment donné, soit pour évoluer en fonction de la jurisprudence ou des besoins en termes de licence.

Quand on regarde de près toutes ces licences on voit que c’est compliqué. Effectivement, ce n'est pas en deux minutes que je vous donnerai tous les détails juridiques. Une façon de se dépatouiller quand même un peu c’est d’aller sur Wikipédia. On a, par exemple, ce tableau qui va donner pour une cinquantaine de licences, peut-être plus, leurs caractéristiques principales. Dans le tableau on a du vert, du rose, du jaune, etc., on aura les principales caractéristiques de la licence.
On voit que si toutes des licences existent c’est aussi parce qu’elles ont des buts, elles ont des caractéristiques différentes qui vont correspondre à des besoins différents qui mettent leur logiciel sous tel ou telle licence.

28’ 44

…à l’open source

J’ai parlé du logiciel libre,