Freezone - Émission du 05-11-2016

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Titre : Épisode 19 de Freezone

Intervenant : Lionel Maurel - OliCat

Lieu : Asso Libre à Toi

Date : Novembre 2016

Durée : 32 min 05

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Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

Description

Transcription

00’

Musique

Olicat : Bonjour et bienvenue à tous et à toutes, à l’écoute de Freezone épisode 19 aujourd’hui. Bonjour à toi Lionel !

Lionel : Bonjour !

Olicat : Aujourd’hui un épisode de Freezone qui va nous faire discuter ensemble de trois actualités dont une pépite pas libre.

Lionel : Ouais !

Olicat : Comme quoi, une fois n’est pas coutume. Il ne faut surtout pas s’habituer à la routine dans Freezone, donc très bien. Une news à surveiller. Une news relative à ce que tu as nommé la justice privée, en tout cas un exemple qui nous montre à quel point ce type de dérive est possible lorsqu’on veut absolument faire plaisir aux ayants droit. On va commencer tout de suite avec la news à surveiller. Tu aimes bien nous exhumer ou nous faire part de procès, un peu ridicules de notre point de vue, qui nous arrivent souvent, d’ailleurs, des États-Unis d’Amérique et là il s’agit précisément de l’affaire dancing baby. Tu veux nous la résumer un petit peu cette affaire ?

Lionel : Oui. C’est un cas peut-être des plus célèbres de dérive.

Olicat : Qui dure depuis dix ans.

Lionel : Ouais, là on est presque à dix. À la base, c’est une mère de famille américaine qui filme son fils dans sa cuisine en train de se trémousser sur Let's Go Crazy de Prince.

Olicat : Donc un truc très banal.

Lionel : Voilà. Et elle fait une petite vidéo de 29 secondes qu’elle met sur YouTube.

Olicat : Et c’est là où ça ne va pas.

Lionel : Évidemment voilà ! Universal, qui a des droits sur la chanson, envoie une notification de retrait et obtient de YouTube le retrait. Et c’est là où ça devient intéressant, c’est que cette femme, qui s’appelle Stéphanie Lenz, décide que non, que ça ne se passera pas comme ça. Elle réagit. Elle fait une contre notification et elle arrive au bout du compte à obtenir à ce que sa vidéo soit remise en ligne. Elle, ce qu’elle dit, c’est qu’elle a le droit de le faire puisqu’il y a un truc aux États-Unis qui s’appelle le >i>fair use, l’usage équitable. Elle estime que c’est applicable à son cas. Donc elle obtient la remise en ligne de la vidéo, mais elle ne s’arrête pas là, elle dit : « Moi je ne vais pas m’arrêter là, je vais vous attaquer en justice aussi, pour atteinte à mon droit d’utiliser ce contenu. » Bon, ça prend des proportions !

Olicat : Mais ça va quand même devant la Cour suprême.

Lionel : Il y a eu un premier procès, un second en appel et là, maintenant, je le mets dans l’actualité aujourd’hui, parce que c’est arrivé, au bout de dix ans, jusqu’en haut, jusqu’à la Cour suprême des États-Unis.

Olicat : Hallucinant.

Lionel : Qui va donc examiner le cas dancing baby.

Olicat : Alors là on est dans le cas assez classique d’un ayant droit qui exerce son droit de retrait. Pour autant, ce que tu nous dis Lionel, c’est que ça pose la question de la façon dont ces retraits automatiques sont opérés sans considération des contextes, en fait, et des usages.

Lionel : Oui, c’est ça en fait. Il y a une raison pour laquelle notamment Universal s’y accroche et puis aussi Stéphanie Lenz est soutenue par l’EFF aux États-Unis, c’est l’Electronic Frontier Foundation, c’est l’association de défense des libertés qui a des avocats très performants.

Olicat : Oui, parce que là on est au-delà de la vidéo de son gamin qui se trémousse sur Prince.

Lionel : En fait il y a un truc derrière tout ça., c’est que déjà, Universal, au début, avait soulevé un argument vraiment stratégique où il disait : « Oui, il y a le fair use</> dans la législation », c’est-à-dire ce droit d’usage équitable. En gros ça dit : « Si vous utilisez un contenu sans faire vraiment de concurrence à l’œuvre originale, en apportant une valeur ajoutée, voilà, il y a des critères à prendre en considération, alors, du coup, la loi vous donne la possibilité de le faire » Et Universal disait : « Oui, ça existe, mais vous ne pouvez pas l’utiliser pour attaquer, en fait. Vous ne pouvez pas l’utiliser pour attaquer en justice un ayant droit. Vous pouvez seulement l’utiliser pour vous défendre si vous êtes attaqué dans un procès. » Donc eux voulaient absolument défendre cette interprétation pour ne pas risquer justement d’être attaqués par les gens.

Olicat : Absolument !

Lionel : Et ça, ça a été rejeté dans les deux premiers niveaux. Si tu veux, les deux premiers procès ont donné raison à Stéphanie Lenz en disant « non ce n’est pas seulement un moyen de défense, c’est aussi un droit donc vous pouvez attaquer quelqu’un quand il bafoue votre droit à l’usage équitable. » Donc ça c’est le premier point important. Il y en a un second c’est que les juges ont donné raison à la mère de famille, mais ils ont dit : « Un titulaire de droits a le droit de faire des demandes de retrait, mais il doit observer de bonne foi si le fair use n’est pas en jeu dans l’affaire. »

Olicat : OK !

Lionel : Tout le gros point central touche là.

Olicat : Est là précisément !

Lionel : Qu’est-ce que ça veut dire « examiner de bonne foi ». On sait que ça ne veut pas dire faire un examen approfondi. Ils n’ont pas à payer un cabinet d’avocats pour faire une étude du cas. Mais il faut quand même qu’ils regardent de manière, voilà. Et donc ça va se trancher là-dessus à la Cour suprême. Là où ça a vraiment un impact stratégique c’est : est-ce que « de bonne foi » est compatible avec une surveillance automatisée des contenus par un robot

Olicat : C’est ça, les fameux robots copyright dont on a déjà parlé dans Freezone.

Lionel : Du coup, si jamais « de bonne foi » ça veut dire qu’il faut vraiment qu’il y ait un regard humain, parce que le fair use ça ne peut pas s’apprécier par une machine.

Olicat :Non, absolument !

Lionel : C’est impossible. Donc du coup il faut qu’il y a un regard humain. Si « de bonne foi » ça veut dire avec un regard humain ça peut, de manière indirecte, si tu veux, remettre en cause complètement la surveillance par algorithme des contenus sur YouTube et au-delà.

Olicat : En quoi un procès, à priori ridicule, est ultra stratégique pour nous en tout cas.

Lionel : Oui, ça peut avoir un impact.

Olicat : Qui combattons ce genre de sanction automatique, sans appréciation des contextes et des droits, finalement, qui sont établis et pas remis en cause jusqu’à présent.

Lionel : Voilà c’est ça.

Olicat : Est-ce qu’on va aller jusqu’à remettre en cause le fair use, justement pour s’enferrer dans ce type de pratique du robot copyright.

Lionel : En fait, c’est ce qui se passe actuellement, c’est-à-dire que, de fait, YouTube méconnaît complètement le fair use par son système automatisé de retrait des contenus.

Olicat : Là qu’est-ce qu’on peut regretter ? C’est que pas plus de mères de famille ou autres ne fassent de procès, en vérité.

Lionel : Ah mais oui, carrément. En fait c’est ça, c’est un aspect du problème. C’est-à-dire qu’on ne peut faire bouger dans la justice que s’il y a des procès, mais encore faut-il avoir les reins solides pour s’attaquer à Prince et à Universal.

Olicat : C’est ça. Il faut quand même être suivi par l’Electronic Frontier Foundation.

Lionel : C’est sûr.

Olicat : OK, donc c’est à suivre. On a une idée de délais de passage devant la Cour suprême ?

Lionel : Là, à mon avis, c’est premier semestre de l’année prochaine. Ça va aller assez vite parce que la Cour fait déjà, on voit qu’ils instruisent déjà. Donc c’est premier semestre.

Olicat : OK. Donc un Freezone 40.

Lionel : Oui, ça serait bien !

Olicat : À peu près pour commenter les résultats de cette affaire. Justice privée, c’est la deuxième news que tu as sélectionnée pour ce Freezone 19, cette semaine, Lionel. Alors elle toute fraîche celle-là. Elle date d’hier, en tout cas, je l’ai vue hier sur PC INpact, notamment, excellent magasine en ligne.

Lionel : Oui, ça m’a fait bondir. J’avais prévu autre chose, et puis j’ai changé.

07’ 54

Olicat : Alors en 2015, tu nous re-contextualises tout ça, le ministère de la Culture a organisé