Freemium et Open Core, menace du Libre

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Titre : Freemium et Open Core menace du Libre ?

Intervenants : Laurent Seguin

Lieu : RMLL 2014 - Montpellier

Date : Juillet 2014

Durée : 55 min 10

Lien vers la vidéo : [1]


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Bonjour à toutes et à tous. Je m'appelle Laurent Seguin, je suis président de l'AFUL, ceux qui ne connaissant pas encore ce que ça veut dire AFUL, c'est Association Francophone des Utilisateurs de Logiciel Libre. Est-ce que quelqu’un dans la salle n'utilise pas de logiciel libre ? Levez la main. Personne. Donc vous est tous membres de l'AFUL, super. Si vous êtes en retard de cotisation allez sur aful.org, vous pouvez payer votre cotisation. Plus sérieusement, je ne suis pas là pour vous parler de l'AFUL, plutôt là pour vous parler de freemium et open core et est-ce que c'est une menace pour le Logiciel Libre ? J'ai mis un point d'interrogation, c’était pour vous faire venir, parce que, en fait, moi je pense que c'est un point d'exclamation qu'il fallait mettre.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je veux revenir un peu sur les fondamentaux du Libre. Ceux qui étaient là hier et qui sont allés voir la conférence de Richard Stallman, ou qui ont déjà vu une conférence de Richard Stallman en français, savent que Richard Stallman dit : « Je peux vous présenter le Logiciel Libre en trois mots : liberté, égalité, fraternité ». Moi j'utilise trois autres mots parce que, dans mes missions au sein de l'AFUL, je suis en contact, beaucoup, avec les entreprises utilisatrices. Donc j'ai un discours un peu moins citoyen et un peu plus orienté sur leur vision business. Et le premier des mots que j'utilise c'est confiance. Confiance parce que, quand on a une entreprise, on a besoin d'avoir confiance dans le logiciel qu'on utilise, mais surtout, quand on regarde vraiment les fondations du Libre et les valeurs qui ont fait que le Libre existe, il y a vraiment une question confiance. Quand on est un développeur et qu'on permet à un autre développeur de pouvoir modifier son propre code, c'est quand même une sacrée marque de confiance. Quand on est un utilisateur, et qu'on utilise un logiciel de quelqu'un, c'est qu'on fait confiance, globalement, à ce logiciel. Et en plus, le Logiciel Libre, on le sait, ne fait pas de mal aux utilisateurs. Un logiciel libre ne comporte pas de code malicieux, et s'il en comporte il ne va pas rester longtemps, normalement, et un logiciel libre ne va pas enfermer vos données. Donc il y a une confiance aussi des utilisateurs vers les développeurs de logiciels libres. Et il y a aussi un cercle de confiance entre utilisateurs parce qu'on va se partager des trucs et astuces, on va commencer à discuter, on va se refiler le logiciel, etc.

La deuxième grande valeur, c'est le partage. À partir du moment où vous mettez du code sous licence libre, vous partagez votre savoir et votre savoir-faire. Donc c'est vraiment une notion importante. Alors ça c'est la valeur la plus difficile à faire rentrer dans la tête des entreprises utilisatrices, mais ça commence à rentrer. Et donc le développeur vous partage son savoir, son savoir-faire, mais vous aussi en tant qu'utilisateur, vous allez partager avec le développeur la façon dont vous utilisez le logiciel, en lui faisant des demandes. Vous allez partager les petites erreurs, les petits bugs, les petites choses qui vous manquent et donc là, tout ça, en faisant du bug report, et bien sûr, il y a aussi la liberté de donner des copies exactes du logiciel, et là encore c'est du partage, et si vous faites une modification vous pouvez partager la version modifiée, donc encore la notion de partage.

La dernière des grandes valeurs je pense que c'est la pérennité. Alors ça les entreprises adorent. Pourquoi elles adorent ? Parce qu'elles ont souvent peur de l'éditeur qui disparaît. C'est le syndrome du sous-traitant ou de la dépendance envers une petite entreprise qui, jamais, ne va pas tenir sur le temps d'exécution du contrat et après il faut faire machine arrière, donc ils ont super peur de ça. La force du Logiciel Libre c'est, justement, qu'il n'y a aucune raison qu'un logiciel libre s’arrête. Si le développement d'un logiciel libre s’arrête c'est parce que les utilisateurs de ce logiciel libre veulent bien qu'il s’arrête. Parce que si le développeur initial a décidé d’arrêter de continuer son logiciel, eh bien il suffit de le continuer. Il suffit de soi monter en compétence sur le logiciel pour le continuer soi-même, et éventuellement avec les autres utilisateurs, soi se mutualiser pour payer quelqu’un pour continuer le logiciel. Ouais ?

Public : Inaudible.

Laurent Seguin : Je n'ai pas entendu. Le logiciel TrueCrypt a été arrêté ? Le logiciel TrueCrypt n'était pas libre. Voilà ça répond à ta question.

Maintenant, vous allez entendre pendant toute la semaine que les logiciel libres c'est merveilleux, c'est génial et tout ça. Il ne faut pas se leurrer, il y a quand même des grands dangers sur le Logiciel Libre. Il y a en plein des dangers, des menaces, il y en a énormément. Je vais vous en citer quelques-uns qui sont, pour moi, les dangers les plus immédiats, c'est-à-dire qui vraiment peuvent arrêter le mouvement de fond qu'on a lancé il y a à peu près trente ans.

Le premier, évidemment, ceux qui connaissent le sujet ce sont les brevets logiciels. Les brevets logiciels ça bloque sur deux axes. Le premier axe c'est sur l'axe d’innovation, parce qu'un brevet logiciel ne brevette pas un procédé industriel, mais va breveter un concept, une idée. Et à partir de là, quelqu'un qui a réussi à breveter un concept, une idée, on ne peut pas imiter l'idée pour la refaire en Libre. Et donc il verrouille complètement le marché. Donc là c'est la prime aux gros acteurs qui déposent des brevets logiciels pour tout et n'importe quoi. Et le deuxième grand axe de la menace des brevets logiciels, c'est que ça met un coup au logiciel. À partir du moment où on accepte de payer des royalties pour l'usage d'un brevet, eh bien ça met un coup forcément d'usage et de distribution du logiciel, et là, ça commence à casser un petit peu le modèle économique. Pour vous donner quelques exemples, dans la lutte sur les brevets logiciels, il y a eu, en Europe, une grosse discussion en 2005, savoir si, ou pas, les brevets logiciels étaient valides en Europe. Le traité européen sur la brevetabilité dit que non. Ils ont voulu changer ça en 2005 et on est passé à un cheveu, on est vraiment passé à un cheveu, et ça c'est un énorme travail de la FFI qui a fait ça avec l'AFUL et d'autres associations, mais vraiment on a eu peur à ce moment-là, parce vraiment ça allait arrêter toute l'innovation. Pourquoi je vous dis que ça c'est important ? C'est que quand on regarde dans l'écosystème professionnel des éditeurs de logiciels libres, des gens dont le métier c'est de fabriquer un logiciel libre, quand vous regardez sur les deux grandes zones, US et Europe, en Europe il y a énormément d'entreprises qui éditent du Logiciel Libre. notamment sur les couches hautes du système d’information, alors qu'aux États-Unis, ils sont plutôt sur les couches basses.

Un autre truc aussi, tous les entrepreneurs qui vont voulu tenter l’aventure américaine vous en parleront, s'ils ont bien envie, souvent une entreprise qui va aux États-Unis, elle s'implante, et au bout de quelques semaines, quelques mois, elle reçoit un joli courrier, on lui demande de l'argent pour violation de brevet logiciel. Alors des fois ça n'a absolument rien à voir, et tout entrepreneur qui se respecte il regarde combien ça me coûte de payer, combien me coûte la procédure judiciaire et les gens qui demandent de l'argent sont malins, ça coûte moins cher que la procédure judiciaire, donc ils payent. Et à partir de là, ça commence à créer aux États-Unis un système économique d'extorsion. J'appelle ça clairement de l'extorsion.

Le deuxième grand danger, je pense que ce sont les logiciels en tant que services. Pourquoi c'est un énorme danger ? Parce que ça fait disparaître le logiciel. Il n'y a plus de logiciel, il n'y a plus que du service. Et à partir du moment où il n'y a plus de logiciel et bien pourquoi du Logiciel Libre ? Donc il faut vraiment faire très attention au logiciel en tant que service. Ça peut répondre à des besoins, mais il faut toujours faire attention. C'est un sujet sur lequel on a réfléchi depuis à peu près six ou sept ans à l'AFUL et la solution est venue de quelqu'un. Oui Rosaire ?

Public : Inaudible.

Laurent Seguin : Un logiciel en tant que service, ça peut être, alors qu'est-ce c'est qu'un logiciel en tant que service ? Ça peut être ton CRM en ligne, ta gestion de relation clientèle qui est par exemple chez Salesforce, qui est un grand leader mondial de ce genre de services et, en fait, au lieu d'avoir ton logiciel installé sur tes propres serveurs ou installé chez ton hébergeur, lui te fournit juste un accès au service. Donc c'est juste un service, tu n'as pas le logiciel du tout.

Donc la réponse à ça on l'a trouvée avec un membre commun AFUL FFII encore une fois. Côté FFII ils appellent ça TIO pour Total Information Outsourcing. À l'AFUL on appelle ça les services en ligne, libres et loyaux. L'idée c'était de réfléchir à comment, avec un service en ligne, je peux avoir presque, presque, les mêmes libertés qu'avec un logiciel installé sur mon ordinateur. Donc ces services en ligne, libres et loyaux, il y a différents critères qui sont rentrés dans les statuts de l'AFUL en 2011 et donc l'AFUL s'occupe des logiciels libres, des ressources libres et maintenant des services en ligne, libres et loyaux.

Et le dernier grand danger immédiat. Oui ? De ?

Public : Inaudible.

Laurent Seguin : Un exemple de SaaS libre ? ERP5 est un SaaS libre quand il le fait en SaaS. C'est un des rares qui le fait vraiment, libre et loyal. On peut faire libre, facilement, ça ne coûte pas trop cher, faire loyal, c'est beaucoup plus compliqué.

Public : Inaudible.

Laurent Seguin : Google Apps, ce n'est ni libre, ni loyal, ni rien.

Public : Inaudible.

Laurent Seguin : Voilà. Framasoft est en train d'en monter. Il y en a quelques-uns.

10' 45

Le troisième grand danger, pour moi, c'est le logiciel non libre et on ne le dit pas assez en fait.