Neutralité du net Benjamin Bayart ThinkerView

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Titre : Neutralité du net

Intervenant : Benjamin Bayart - Journaliste

Lieu :

Date :

Durée : 33 min 47

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00'

ThinkerView Korben Yes We H4ck Benjamin Bayart

00' 30 transcrit MO

Journaliste : Benjamin Bayart, bonjour. Je vous interviewe aujourd'hui pour un site internet qui s'appelle ThinkerView. Nous aurions aimé avoir votre point de vue sur les questions concernant le numérique. Qu'est-ce que pouvez-nous dire sur le CSA et de ses nouveaux pouvoirs ?

Benjamin Bayart : D'abord il ne les a pas encore ses nouveaux pouvoirs. Pour le moment il est en train de se tirer sur la nouille pour les obtenir, mais il ne les a pas. D'un autre côté ça fait 18 ans que le CSA essaye d'avoir les pouvoirs sur le net et pour le moment il n'y arrive pas. Le gouvernement y est favorable mais tous les gouvernements depuis 18 ans y étaient favorables. C'est moins affolant que ça n'en a l’air. C'est inquiétant quand même parce que c'est une source de problèmes et c'est pour ça que ça fait 18 ans qu'on s'y oppose. Pour comprendre la question qui est au fond, en fait il faut voir ça de manière très simple. Le CSA a un certain pouvoir et une certaine légitimité à réguler les contenus en matière de hertzien, pour des raisons techniques. Il y a un très faible nombre de chaînes possibles en hertzien, il ne peut pas y avoir trente millions de chaînes de télévision en France, pas sur du hertzien, pas sur les réseaux anciens et c'est pour ça que le CSA régule, et c'est pour ça que le CSA a un certain pouvoir. Comme c'est souvent expliqué, on dit que les fréquences sont attribuées gratuitement aux chaînes de télévision, en dehors du fait...

Journaliste : Oui, mais là le CSA, ce n'est plus du temps du radioamateur qui régule...

Benjamin Bayart : Non, d'ailleurs les radioamateurs ne sont pas régulés par le CSA. Les radioamateurs ce sont des attributions de fréquence par l'ARCEP qui ne fait que de la technique et qui ne touche jamais aux contenus

Journaliste : Tout à fait.

Benjamin Bayart : Le CSA fait de la régulation de contenus parce il n'y a pas beaucoup de fréquences et qu'elles sont attribuées gratuitement aux chaînes. Et le CSA, pour ne pas disparaître, aimerait faire de la régulation de contenus sur Internet. C'est ça le fond de la question. Et de la régulation de contenus sur Internet il n'y a pas de bonnes raisons de la faire. C'est aussi simple que ça. Le CSA fait de la régulation de contenus à la télé parce qu'il n'y a pas assez de fréquences. On ne peut pas faire de la régulation de contenus sur Internet pour les mêmes raisons parce qu'il y a assez de fréquences. On peut ouvrir un nombre quelconque de chaînes de télévision ou de sites web sur Internet et c'est la clé de voûte pour comprendre, l'enjeu est là. Après comprendre tout ce que le CSA pourra faire comme conneries sur Internet, c'est sans bornes, c'est sans bornes. La labellisation est un début, c'est facile, c'est sans impact majeur immédiat. C'est un problème quand même. Selon quelle morale, le CSA va labelliser quoi ? Ils vont décider ce qu'il ne faut pas montrer aux enfants ?

Journaliste : Si la morale change, qu'est-ce qu'on fait ?

Benjamin Bayart : Si la morale change c'est une question qui est compliquée, je dirais. Quand les fachos seront au pouvoir on aura un était fasciste. Point. Il faut faire avec. Pour moi c'est justement parce qu'on donne trop de pouvoirs à des endroits où il ne doit pas y en avoir que le mode de gouvernement change. C'est-à-dire qu'il ne faut pas se demander que fera le prochain nazi au pouvoir avec les outils qu'on lui a fait. Il faut se demander en quoi les outils qu'on fait nous préparent à un état totalitaire. On peut très bien avoir un état totalitaire sans forcément avoir des fachos au pouvoir. L’état totalitaire se prépare déjà. Il est déjà en cours. On a des éléments dans le mode de fonctionnement actuel qui sont proches du totalitarisme.

Journaliste : Des exemples ?

Benjamin Bayart : Les pouvoirs qu'on veut donner au CSA c'est un très bon exemple. La liberté d’expression est une liberté cardinale. C’est un des éléments clés d'une structure d'état démocratique. On ne peut pas avoir un système démocratique si il n'y a pas de liberté d'expression puisque c'est la liberté qui permet de dénoncer tous les abus, donc qui permet de protéger toutes les autres libertés. A partir du moment où on donne le pouvoir à un organe administratif de réguler la liberté d'expression, on commence, c'est un pas vers la sortie d'un modèle démocratique et d'un état de droit. On retrouve exactement les mêmes mécanos sur, par exemple, les débats autour de la neutralité du net, la liberté d’expression en étant un volet. À partir du moment où on autorise les opérateurs à faire ce qu'ils veulent sur le réseau, en fait on les autorise à modifier la société. On les autorise à modifier la façon dont les gens interagissent entre eux et donc à imprimer leur marque sur la société qui vient avec. C'est exactement ce que fait Apple avec l'Apple Store. L'App Store d'iOS c'est une façon de déformer la société.

Journaliste : C'est rendre captif.

Benjamin Bayart : Non, rendre captif c'est la méthode. Ce n'est pas le problème. Le problème c'est que quand tu as la mainmise d'un organisme sur les contenus disponibles, tu as une morale qui s’applique et tu as une vision du monde qui s'applique, et toute vision du monde divergente devient impossible.

Journaliste : Est-ce que tu ne penses pas que le mode opératoire traduit le fond du raisonnement ?

Benjamin Bayart : Non, je pense que c'est le contraire. Je pense que c'est parce qu'on met en place ce type d'outils qu'on a une société qui bascule, doucement, vers une espèce de totalitarisme soft. Je ne crois que c'est parce que nos dirigeants ont des visées totalitaires qu'ils mettent en place des outils de régime totalitaire. Je pense que c'est parce qu'on injecte dans le régime des outils totalitaires que le régime a un comportement de plus en plus totalitaire.

Journaliste : Est-ce tu peux un petit peu, je te tutoie !

Benjamin Bayart : Oui.

Journaliste : Est-ce que tu peux un petit peu nous développer le concept d'internet à péage et on va dire de la neutralité du net ? Les opérateurs veulent faire quoi ? Les conséquences en quelques mots, les conséquences de tout ça ?

Benjamin Bayart : Ce que les opérateurs veulent faire c'est assez simple. C'est une lecture à courte vue. Ils veulent récupérer un tout petit peu d’argent de plus que ce qu'ils récupèrent déjà. En fait ça part d'un constat qui est enfantin. Un opérateur c'est quelqu'un qui fait des travaux d’infrastructure, qui construit des réseaux, qui investit des centaines de millions pour poser de la fibre optique, ou du câble, ou etc, et qui en échange de ça gagne trente euros par mois d'abonnement. Un site de rencontres, c'est un site web qui ne fait presque rien, qui fournit trois pages, une base de données et quelques outils de recherche et qui vend ses abonnements trente euros par mois.

Journaliste : Tu penses que c'est légitime ?

Benjamin Bayart : Ce n'est pas le problème que ce soit légitime ou pas. C'est qu'il y en a un des deux qui est très jaloux.

Journaliste : Un des deux qui est très jaloux !

Benjamin Bayart : Un des deux qui s'est démené la couenne pour gagner trente euros, l'autre qui a fait presque rien, qui en fait pour trente euros te vend tes photos, parce que le seul contenu qu'a à vendre Meetic, par exemple, ce sont les profils que les gens ont mis dessus. Le seul truc que Monsieur Facebook a à vendre, c'est ce que tu lui a donné ; il n'a rien fabriqué, lui !

Journaliste : J'ouvre une parenthèse. Parlons un petit peu, donne-moi un petit peu ton mode de perception sur le Big data.

Benjamin Bayart : C'est autre chose. Je le garde sous le coude celui-là.

Journaliste : Aller, aller !

Benjamin Bayart : Je le garde sous le coude pour tout à l'heure. Donc en fait la neutralité du net ce sont les opérateurs qui cherchent à récupérer une part de l’argent que se font les gens qui développent des services sur Internet. Ils partent de l'idée « Moi j'ai payé toute l'infrastructure, lui il n'a payé rien du tout et il se fait autant d'argent que moi et ce n'est pas juste ! » Et je ne sais pas si c'est juste ou pas, ce que je sais c'est que c'est dangereux, c'est-à-dire qu'en fait comment ils veulent traiter ça, ils veulent faire en sorte, en fait si tu décris leur monde idéal, tu as pris un abonnement chez Pimpin Télecom et du coup tau as un très bel accès vers Pimpin VOD mais par contre vers Netflix ou Youtube, c'est lent, ça rame, ça ne marche pas bien. Et donc tous les films que tu achètes tu les achètes chez Pimpin VOD, tous les sites pornos que tu regardes ce sont ceux de Pimpin porno, etc ; et donc tout ce que tu consommes, tu achètes des livres chez Pimpin librairie, surtout pas Amazon.

Journaliste : Donc leur modèle de business ?

Benjamin Bayart : Leur modèle de business c'est de tenir une bulle fermée, et de fabriquer cette bulle fermée en faisant de la priorisation sur le réseau. Ce qu'on défend, nous, c'est le fait qu'en faisant ça tu déformes le réseau et tu déformes la vision que les gens ont du monde, C'est-à-dire que tu n'as plus accès à une information de manière neutre. Bêtement quand tu es sur le réseau Internet de manière normale, tu vas voir n'importe quel site web, tu ne te demandes jamais chez qui il est hébergé, tu ne te demandes jamais comment il est raccordé au réseau. Tu as accès à tout Internet, pas juste au bout que l'opérateur a voulu te montrer. Il y a 15 ans, ils essayaient de faire ça avec des portails captifs, ils essayaient avec des portails, tu arrivais sur le portail Orange où tu avais les news, la météo machin et l’objectif était que tu n'en sortes jamais.


09'15

Journaliste : Qu'est-ce que tu penses ? Qu'est-ce que ça va créer chez les fournisseurs associatifs, les fournisseurs d'accès associatifs ?