Écologie numérique concrète

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Titre : Écologie numérique concrète - Benjamin Sonntag - JdLL2024

Intervenant : Benjamin Sonntag

Lieu : Lyon - JdLL2024

Date : 26 mai 2024

Durée : 54 min 53

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·es mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

En 2024, on ne peut plus nier le changement climatique et son origine humaine. Cela nécessite des actions concrètes, et le monde de l'informatique n'a aucune raison d'être épargné, car aucune profession ne le sera.

Transcription

Ça va durer 55 minutes, 30 de conférence, en mode conférence, où je raconte des trucs et après 25 où j’ai prévu de papoter avec vous. Si vous avez des fulgurances, des envies, des trucs qui vous tiennent à cœur sur le sujet, ça m’intéresse et ça intéressera probablement plein de monde dans la salle. C'est parti.

Benjamin Sonntag

Bonjour à toutes et à tous. Je suis Benjamin Sonntag, je suis ingénieur en informatique systèmes et réseaux, fondateur, en 2004, d’Octopuce, une entreprise d’hébergement de sites web et d’infrastructures web. Aujourd’hui, je vous propose de faire un petit tour des enjeux de l’écologie dans le monde numérique ensemble.

Rapidement qui suis-je. Déjà mon métier, chez Octopuce : typiquement, quand vous allez sur un site web, quand vous envoyez un mail, ça arrive sur des serveurs, quelque part sur Internet, dans des datacenters. Si vous allez sur un des sites de nos clients, par exemple ici, et que ça ne marche pas, ou si vous leur envoyez un mail et que ça n’arrive pas, normalement nous sommes responsables, donc il y a quelqu’un de chez nous qui est en train de se réveiller et qui est en train de réparer. Par exemple, on en a dans la pièce, surveillance 24/7 et compagnie.
C’est un métier de maintenance, c’est un métier du temps long et, dans l’informatique, ça fait très ovni, mais voilà !
La particularité d’Octopuce c’est qu’on fait notre métier uniquement à base de logiciels libres, y compris la facturation, le routage tout ça, et on participe au financement des logiciels libres qu’on aime et, plus généralement, aux logiciels libres dont l’utilité sociale est forte.
Vous me connaissez peut-être aussi comme cofondateur de La Quadrature du Net, une association de défense des libertés à l’ère numérique, qui informe, défend les droits des citoyens en Europe et en France. Ça faisait des années, avec les amis de La Quadrature, que nous étions conscients que la technologie était tout sauf neutre, qu’il était important de vulgariser son importance et de redonner aux citoyens du contrôle sur leur vie numérique, qui est d’ailleurs aussi un des objectifs du logiciel libre. J’ai quasiment arrêté mon action La Quadrature, mais je soutiens toujours les camarades qui luttent au quotidien.

Le plan. Je fais partie, depuis 23 ans, cet écosystème numérique, que je suis de très près, tant dans ses pratiques que dans ses acteurs un peu de toutes les tailles, et je pense qu’on gagnerait à mieux connaître les infrastructures et les réalités matérielles pour pouvoir les penser. Personnellement, j’ai même appris plein de trucs en préparant cette conférence, j’espère que vous aussi, je vous le souhaite. Je pense qu’il n’y a pas de levier de changement sans une connaissance vraiment un peu profonde, concrète.
J’entends beaucoup de bêtises sur le numérique, pas forcément de vous mais de plein de gens, et aussi sur l’écologie, ce n’est ma spécialité, mais je vois beaucoup de greenwashing assez évident et je suis aujourd’hui devant vous parce que je pense que la seule réponse à peu près viable doit être collective et politique. On verra où on veut en venir et j’ai envie d’en parler avec vous, avec des libristes, des personnes intéressées par le logiciel libre, pour mieux grandir ensemble sur ce sujet et le traiter un peu mieux parce que c’est un sujet qui me paraît extrêmement important, si ce n’est, en fait, LE sujet.
J’ai envie de vous partager d’abord une vision d’ensemble de l’écosystème numérique, puis un rappel de ce qu’est l’écologie aujourd’hui, ses enjeux. Après avoir vu ça, on verra ensemble des actions concrètes à fort impact, évidemment, qu’on pourrait proposer, et on discutera, parce que ça m’intéresse.

Le numérique, c’est quoi ? 3’ 47

Déjà, le numérique c’est quoi ? Je me suis posé la question, c’est con, ça fait 30 ans, 40 ans que j’ai les ordinateurs.
On parle de transformation d’information en 0 et en 1, une information qui n’est ni matière, ni énergie, mais pour la traiter il faut beaucoup de l’un et l’autre et, dans ce contexte d’ère de l’information on a mis un peu partout des ordinateurs.
J’ai essayé de trouver les composants d’un ordinateur et les composants principaux sont, pour moi,

  • un processeur et tous les composants électroniques qu’il y a autour, qui font des calculs et des traitements de données, qui lancent des logiciels
  • du stockage, donc des disques durs, des SSD, pour conserver l’information sur un temps plus ou moins long
  • du réseau local ou global pour discuter entre ordinateurs ou avec des humains
  • et des logiciels qui tournent sur ses processeurs, discutent sur ce réseau et sont stockés dans ces disques durs ; ces logiciels sont écrits par des humains.

Donc, en gros, pour moi l’informatique ce sont quatre composants et on retrouve toujours plus ou moins ces quatre composants, en tout cas, dès qu’on trouve l’un ou l’autre de ces composants, globalement je pense qu’on parle de l’écosystème numérique. Pourquoi je précise cela ?

Le numérique, c’est où ?

En fait, derrière, je me suis dit ces ordinateurs, ces outils numériques on les retrouve où ? On connaît tous le laptop, le téléphone, l’ordinateur, éventuellement quand je demande, parfois on me parle de la box, parce qu’il y a aussi un ordinateur dans la box internet. Après, rapidement, on se rend compte que, peut-être, son enceinte Bluetooth est aussi un ordinateur, grave, peut-être que le vidéoprojecteur est un ordinateur, il y en a probablement plus qu’un dedans ; la station météo, dans le jardin, c’est un ordinateur aussi ; dans le frigo, il y a un ordinateur, dans celui de mes parents non, mais le mien, hélas oui, je n’ai pas trop le choix. Il y a des ordinateurs partout chez nous, dans nos maisons, mais pas que dans nos maisons en fait, l’informatique, le numérique, c’est aussi beaucoup de voirie, d’armoires dans les rues, dans les campagnes, dans les villes, des fibres sous les trottoirs, j’en connais dans cette pièce qui font ce genre de réseau, le long des canaux, des routes, des voies ferrées, c’est donc beaucoup de maintenance, beaucoup de voirie de toutes ces infrastructures physiques, lourdes, vraiment ! On voit que ça a l’air très physique, il y a beaucoup de béton et de métal.

Le numérique c’est où ? C’est aussi, par exemple, dans les transports. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas acheter une voiture sans un ordinateur, ce n’est possible, ça n’existe pas, pour une raison, c’est qu’une directive européenne qui impose qu’on ait des cartes SIM dans les voitures pour, qu’en cas d’incident et d’accident, on puisse prévenir les secours en leur envoyant les schémas d’extraction des corps de ces véhicules correspondant au modèle ; vous avez ce genre de norme aujourd’hui. Donc, il y en a dans toutes les voitures mais aussi dans tous les systèmes de transport, que ce soit pour le pilotage de l’objet de transport – un avion, un tracteur, un camion d’un camionneur, que ce soit pour des questions de transport que des fonctions de support : typiquement le camionneur va lui dire « tu n’as plus qu’une heure de route, il faut que tu t’arrêtes sinon tu vas être en dehors des clous légaux » ou « tu dois aller à tel endroit, puis à tel autre endroit, etc. ». Donc dans le camion d’un camionneur, je pense qu’on peut garantir, aujourd’hui, qu’il y a six ou sept systèmes d’exploitation qui tournent sans problème et je ne parle pas de son téléphone portable dans sa poche. Donc dans les transports.
En agriculture aussi beaucoup, avec de la géolocalisation au centimètre près.
Le numérique est aussi partout dans nos villes, dans nos vies, le moindre distributeur de billets, le moindre tripode de la RATP, le moindre écran dans un bar pour distribuer les boissons, ce sont des ordinateurs de partout.
Un endroit qu’on oublie souvent, c’est aussi beaucoup dans nos corps et dans les systèmes médicaux, dans le monde médical, avec les pacemakers qu’on a inventés il y a bien 50 ans, je dirais. Aujourd’hui, on a même des petits systèmes de distribution d’insuline pour les diabétiques, on a des systèmes de mesure d’un certain nombre de choses dans les veines ou des choses comme ça, on a des implants cochléaires pour les sourds et les malentendants. Il y a beaucoup d’endroits, sur nos corps, où on met du numérique et je ne vous raconte pas les horreurs du monde propriétaire qu’on connaît dans ce domaine-là, ça ferait l’objet de tout un chapitre à part entière !

Le numérique, c’est aussi partout dans l’industrie et quand je dis partout, c’est un vain mot, c’est vraiment partout, il n’y a pas une industrie qui n’a pas des centaines d’ordinateurs partout, qui se causent entre eux, plus ou moins bien, qui contrôlent tout ce qui se passe, qui vérifient. Donc, là aussi. Le moindre transport de colis ce sont des ordinateurs et des scanners partout, dans la moindre machine-outils, il y a ce qu’on appelle des boîtiers industriels qui permettent de mesurer plein de choses, de remonter des signaux, de piloter des robots. Donc, c’est vraiment omniprésent dans ces domaines-là.

On peut voir aussi le numérique sous l’angle de la numérisation de nos vies, c’est-à-dire que tous les process qu’on faisait, il y a 40 ans, avec un formulaire Cerfa en rencontrant un humain, en allant dans son centre des impôts, aujourd’hui ça passe tout par Internet. Mes parents s’en plaignent, vos parents s’en plaignent probablement, peut-être vos frères et sœurs aussi ou des cousins qui ne sont pas forcément très geeks ou vous-même, si vous n’êtes pas forcément très appétant au numérique. En tout cas, ces horreurs-là, c’est aussi partout, c’est la numérisation des processus de notre vie. On passe quand même une partie non négligeable de nos vies à remplir des formulaires.

Il y a un domaine que je voulais aborder en particulier, dans le monde du numérique, c’est aussi toute la surveillance stockée, parce que, l’air de rien, ça prend un volume de matériel totalement débile, on en reparlera, dans les villes, dans les gares, dans les banques, dans les centres commerciaux, les aéroports, partout, même aujourd’hui dans les voitures, ce sont des caméras de surveillance, c’est du stockage massif, dans des énormes disques durs, de ces images, de ces vidéos, et leur contrôle, sur des écrans, dans des centres de contrôle avec des humains, où sont les humains. C’est de la surveillance stockée aussi en masse.

Et enfin et surtout, aussi beaucoup en ligne, mais aussi hors internet, le numérique c’est sous forme d’écrans géants et sous forme de profiling et de contrôle de la publicité, du marketing, du tracking d’internautes. Si quelqu’un n’a pas d’ad-bloqueur dans son navigateur, qu’il demande à ses copains de lui expliquer comment il faut faire, par pitié faites-le.
Voilà. L’explosion du monde numérique, avec l’arrivée d’Internet, dans les années 90, a été rapidement permise, à partir des années 2000, par l’utilisation massive de données personnelles, cette partie me paraît vraiment très importante : le profilage de populations entières, à des fins marketing, ça représente des infrastructures totalement colossales à ce jour. Je n’ai pas trouvé d’endroit où on mesure les infrastructures nécessaires pour faire tourner tous ces écrans publicitaires, qu’ils soient de petite taille ou de grande taille, mais aussi tous les systèmes de tracking, tous les systèmes de trading à haute fréquence sur « quelle est la pub on va afficher sur cette page du Monde parce que c’est toi qui viens maintenant », etc.

Enfin, le numérique ce sont beaucoup d’infrastructures, ce qu’on appelle les datacenters, c’est de l’autre côté de la voirie et nos box ADSL, souvent, ça stocke, ça calcule toutes ces informations, ça transfère toutes ces informations dans des datacenters, beaucoup de datacenters, qui sont souvent possédés et construits, aujourd’hui, par ce qu’on appelle les hyperscalers donc les Amazon AWS, Google avec GCP [Google Cloud Platform], Microsoft avec Azure, mais aussi quelques Chinois comme Alibaba ou Tencent ainsi que des sociétés européennes dont les très gros acteurs connus sont OVH, Scaleway, Hetzner aussi en Allemagne, etc.
Il y a beaucoup de datacenters, leurs investissements annuels se comptent en dizaines de milliards de dollars pour la construction de nouveaux sites ou l’agrandissement de sites existants. Ça consomme une énergie non négligeable et, pour ceux qui ont essayé de faire des efforts pour baisser leur consommation d’énergie, parce que, quand même, ça commençait à se voir, beaucoup ont commencé à remplacer, pour le refroidissement, par de la consommation d’eau potable qu’ils jettent littéralement  dans le circuit d’évacuation en général.
Ces datacenters centralisent tous les types de données numériques qu’on échange aujourd’hui majoritairement, pas seulement des sites web, le mail ou le stockage de nos clouds de particuliers. Ça stocke aussi toutes les données de caméras, les données des voitures autonomes, les données d’entreprises, de tracking publicitaire, etc., c’est donc beaucoup plus que les usages auxquels on peut penser. Quand on demande aux gens qui ont des datacenters « qu’y a-t-il dans vos datacenters ? », leur réponse doit être « on ne sait pas », parce qu’ils fournissent ça à des gens, directement ou indirectement, qui hébergent ce qu’ils veulent dessus. Ça va être des entreprises, ça va être des particuliers, ça va être des entreprises qui fournissent à des entreprises qui fournissent à des entreprises du service de stockage de trucs qu’on ne sait pas, et, à la fin, personne n’est capable aujourd’hui de vous dire ce qu’il y a dans ces datacenters et c’est vraiment très difficile d’avoir des statistiques renseignées de par le secret qui entoure un peu toutes ces infrastructures.

Le numérique est une industrie majeure

Enfin, le numérique, c’est une industrie colossale de production de ces objets numériques. Ce sont surtout tous ces composants électroniques, ce qu’on appelle les chips, et la mémoire, qui sont fabriqués avec quelques grandes entreprises à leur tête. Vous connaissez probablement Intel ou Samsung, mais aussi et peut-être que vous connaissez pas TSMC, SMIC ou SK Hynix, peut-être Texas Instruments. Je ne sais plus si c’est TSMC ou ASML qui est genre la dixième entreprise la plus grande en termes de valorisation boursière au monde aujourd’hui, donc ce ne sont des petits acteurs.
Ces entreprises investissent et j’avais trouvé ce tableau en 2022, donc je le garde, sur la période 2022/2026, cette dizaine d’entreprises avait prévu d’investir 440 milliards de dollars pour de nouveaux investissements, c’est-à-dire pas les trucs existants pour faire tourner leurs machines de fabrication de chips, mais pour créer de nouveaux sites, créer de nouvelles entreprises, utiliser de nouvelles technologies pour faire des processeurs encore plus petits. Ces quelques entreprises font, à elles seules, une dizaine d’entre elles, tourner 100 % des ordinateurs du monde. Elles sont vraiment très peu nombreuses, en termes d’acteurs, de cette taille.
Elles fournissent les chips à d’autres industries comme Dell, Hewlett Packard, Siemens, IBM, qu’on connaît un peu tous, Google, mais aussi Tesla Renault ou Volkswagen parce que toutes les voitures se fournissent aujourd’hui directement en chips chez Intel ou Samsung, mais aussi Caterpillar, John Deere pour les tracteurs, etc.

Vous vous doutez donc, quand on en parle, que ces entreprises sont un enjeu géopolitique totalement délirant, Taïwan, la Chine, un peu les États-Unis, un petit peu à Grenoble avec sa STMicroelectronic. Ce sont vraiment des espèces de mastodontes du monde moderne, sans eux, pas d’ordinateur. Typiquement ASML, l’entreprise hollandaise consortium américano/européen qui fabrique les machines à fabriquer les chips, c’est méta, cette boîte, par exemple, s’est vu interdire par les USA de vendre ses machines à la Chine, parce que les USA et les entreprises américaines, qui déposent des brevets sur certaines parties de ces machines à fabriquer les chips, ont dit « on ne vous donne pas les brevets pour la Chine ». Il y a donc des enjeux géopolitiques absolument colossaux.

Pour conclure et retenir un peu ce qu’on en a découvert ensemble

Le numérique est une industrie mondiale, avec des technologies avec un essor ininterrompu depuis les années 50, c’est la fameuse règle de Moore, mais même l’essor industriel, en soi, est ininterrompu depuis les années 50 ;
c’est quasiment dans tous les objets qu’on a aujourd’hui, quasiment sur toute la planète ;
ça implique des acteurs industriels totalement colossaux dans des secteurs très diversifiés ;
on est sur des ordres de grandeur qui dépassent de très loin l’usage individuel. Les pauvres ordinateurs, qu’on a dans nos poches, c’est extrêmement important parce que c’est en grand nombre, mais c’est loin d’être la majorité de l’usage numérique ;
et qui met en œuvre un nombre d’interdépendances très nombreuses et souvent très tendues. On l’a vu avec le Covid où il y a eu des histoires d’approvisionnement de chips chez les fournisseurs d’autos. On n’a pas pu produire de voitures parce qu’il n’y avait plus de processeurs ;
une logistique de fabrication et de transport colossale ;
une délocalisation des coûts écologiques, il ne faut surtout pas l’oublier. Quand on dit « on va fabriquer des chips », ça nécessite de l’eau ultra pure à Taïwan, ça nécessite du gaz néon qui est produit majoritairement en Ukraine, oups, etc. ; donc l’endroit où on achète le téléphone, ce n’est du tout là où on a miné ou là où l’eau pure va manquer ;
des implications politiques et géopolitiques majeures, comme on l’a vu ;
et des technologies tellement de pointe aujourd’hui qu’on en arrive à approcher des limites de la physique moderne. On sait aujourd’hui qu’entre deux transistors, on ne va pas pouvoir trop serrer en horizontale parce qu’il y a des effets quantiques, entre les deux transistors qui sont côte à côte, qui font qu’ils vont se perturber l’un l’autre. Donc aujourd’hui, pour les processeurs de nouvelle génération, on est obligé de les mettre au-dessus, en dessous, et ça complique exponentiellement les problèmes, notamment thermiques, etc. Donc là, la loi de Moore prend un peu des coups. Donc ça, c’est le monde numérique.

Écologie ? 16’ 19

Parlons un petit peu d’écologie.
J’ai passé vachement de temps à essayer de trouver une définition de ce qu’est l’écologie, ça m’intéresse aussi si vous avez des idées. Et rapidement, je me suis rendu compte qu’en fait l’écologie ça n’existe pas sans l’humain, c’est un concept très anthropocentré parce que je pense que la planète se porterait très bien sans nous, même mieux en fait.
Pour moi, finalement, l’écologie au sens social, politique, tout ce que vous voulez, c’est plutôt la recherche d’un mode de fonctionnement de l’humanité sur terre qui nous garantisse la pérennité de notre civilisation à huit milliards, pas juste la civilisation française ou chinoise, on s’en fout, sur le temps long. La notion de fonctionnement un peu autostabilisé, garantir qu’on survit sur du temps plutôt long ; quand je dis temps long, c’est qu’on puisse réfléchir au moins à 200, 300 ans, sinon c’est facile, on a des solutions pour les dix prochaines années. Et ça fait 50 ans que la communauté scientifique nous alerte sans vraiment d’actions à impact, on va le voir.
Pour résoudre tout de suite les éventuels trolls, je vais appeler ça comme ça, qu’on pourrait avoir, un truc que j’essaye, je vous invite à essayer de faire ça de temps en temps, parce que moi ça m’aide vachement, je vous le soumets : j’essaye de trouver des certitudes dans ma vie. Par exemple, j’ai une certitude que je vous soumets : c’est toujours plus compliqué qu’on croit, même en prenant en compte le fait qu’on est au courant que c’est compliqué, ça l’est toujours un peu plus ; ça ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire, c’est juste faut avoir ça en tête, c’est juste food for thought, nourriture pour l’esprit.
Je vous soumets une première certitude au niveau de l’écologie : il existe un changement climatique du fait des activités humaines qui fait, par ailleurs, l’unanimité dans la communauté scientifique.
Une autre certitude : le changement climatique n’est pas le seul problème écologique majeur et la complexité du sujet est immense.
Je prends l’exemple sur la droite, merci à l’auteur dont j’ai oublié de mettre le nom, je suis désolé, un monsieur qui fait du design UX, qui m’a traduit en français et qui nous a fait ce joli schéma du Stockholm Resilience Centre, qui a publié, il y a quelques années, un graphique circulaire, où il montre les différentes limites connues des systèmes géologiques sur Terre. Il y a, par exemple, la couche d’ozone qui a été un problème, qu’on a plus ou moins résolu en arrêtant d’utiliser les CFC [chlorofluorocarbures], il y a l’acidification des océans, il y a le cycle de l’eau douce, il y a le changement climatique, le cycle de l’azote et du phosphore en agriculture, l’intégrité de la biosphère, le changement d’affectation des sols, ce qu’on appelle aussi la bétonisation, les entités nouvelles, donc les nouveaux trucs genre les microplastiques mais pas que, et la charge atmosphérique en aérosols qui est aussi un problème qui a des impacts sur le changement climatique mais pas que. En fait, on voit déjà une chose : le changement climatique est un problème parmi toutes les questions écologiques qu’on pourrait se poser. Il y a la biodiversité qui est évoquée là, il y a le cycle du phosphore dans l’agriculture, c’est un autre problème, en fait l’agriculture produit du CO2, mais ça consomme aussi des engrais qui ont des impacts sur la capacité des sols à produire de la nourriture et du vivant.
Donc, le changement climatique est loin d’être le seul problème. Là-dessus je reprends ce philosophe, physicien, que j’aime bien, [Aurélien Barrau] on le retrouvera dans les remerciements à la fin, qui dit, en gros que le changement climatique – et je trouve ça assez vrai – est un sujet dont on parle tout le temps, qui est un peu le seul dont on parle, parce que c’est le seul pour lequel on a une petite idée de la façon dont on pourrait le résoudre et sur lequel, on pourrait même, ne serait-ce que faire semblant, donner l’idée qu’on voudrait le résoudre. On parle très peu des autres, parce que, en fait, on n’a pas la moindre idée de la façon de commencer, en tant que société, à faire mieux. Ce n’est pas entièrement vrai, mais c’est assez fort comme argument.

J’ai vu une chose aussi, en préparant cette conférence, c’est que le Rapport du club de Rome, ce qu’on appelait le Rapport Meadows sur les limites à la croissance, date de 1972, il y a donc 52 ans. Le premier rapport du GIEC date de 1990, le sixième rapport de 2022, ça fait plus de 50 ans que la communauté scientifique alerte, on va voir qu’il y a pas vraiment eu d’impacts.
Pourquoi je dis ça ? Quand on parle d’écologie, on parle souvent d’énergie, parce que c’est un peu le nerf de la guerre, notamment les énergies renouvelables qui prennent beaucoup de place. Je suis né dans la Somme, en Picardie, c’est le premier département de France en termes d’implantation d’éoliennes, je vous garantis que tout le monde râle chez nous. Vous allez rire, j’habite actuellement dans l’Aube qui est le deuxième département le plus couvert en termes d’éoliennes, ça râle aussi très fort, donc on en parle beaucoup.
On voit ici [1] la consommation d’énergie mondiale depuis 1800, toutes énergies confondues.
La bulle rouge, en haut à droite, ce sont les énergies renouvelables et non carbonées, donc l’éolien, le solaire, l’hydraulique, le nucléaire. Vous constaterez plusieurs choses, je vous le fais rapide, c’est que dalle dans l’énergie consommée, c’est rien, ça ne représente rien. Il y a aussi autre chose, je me suis arrêté en 2019, je n’ai pas trouvé plus récent, il n’y a aucune baisse de consommation de l’énergie mondiale. Donc, quand on dit que les ENR remplacent des énergies fossiles – mon cul c’est du poulet –, rien du tout ! La moindre personne qui vient vous dire qu’on remplace des énergies ment. Si elle le sait, c’est grave et si elle ne le sait pas, c’est grave. On ne remplace aucune énergie fossile à ce jour. Elles ne remplacent rien, elles s’ajoutent. D’ailleurs, de la même façon, quand on a commencé à exploiter le pétrole, on n’a pas du tout arrêté de consommer du charbon. Cela me paraît extrêmement important à avoir en tête : dans la réflexion sur l’écologie, pour l’instant, l’humanité est dans le toujours plus.

Peut-être que l’énergie est un mauvais exemple, peut-être qu’on pourrait prendre l’extraction des métaux. On a calmé l’extraction des métaux, on en fait moins, vous êtes d’accord ! Eh bien non, non plus ! Non seulement on en extrait toujours autant, mais cette extraction continue à augmenter. Donc, en termes de mines avec les conséquences sociales, sanitaires, écologiques qu’on connaît – si vous ne les connaissez pas renseignez-vous – ce n’est pas mieux.

On va bien trouver un exemple ? L’agriculture peut-être on consomme moins d’engrais que nos grands-parents, quand même, ils étaient yolo, ça y allait ! Les cycles de l’azote et du phosphore – ce n’est pas le CO2 –, je vous parle là d’un autre truc important dans le monde de l’écologie, eh bien ils sont lourdement perturbés par l’usage massif d’engrais. Je vois ça dans ma campagne picarde ou dans ma campagne auboise, je vous garantis que les agriculteurs vous disent que ça pousse moins bien qu’avant, qu’ils ont moins d’insectes et les insectes pollinisateurs, ils galèrent. « Oui, mais quand même, on ne peut pas ne pas mettre l’engrais machin parce que bon… ! » Pareil, je n’ai pas pu trouver après 2018, mais ça augmente et ça augmente et ça continue d’augmenter !
Il faut savoir que ces engrais minéraux produisent beaucoup de CO2 pour être produits, en plus, pour certains d’entre eux, par exemple tous les engrais phosphatés, ils sont minés. Par exemple, en Tunisie, ils ont des montagnes entières qu’ils sont en train de racler pour vider la montagne de tout son phosphate, pour l’extraire, l’envoyer en Allemagne pour être traité, puis partout dans le monde pour être distribué aux agriculteurs pour nourrir, en fait. Ça a une limite, au bout d’un moment, ils arrivent au bout de la montagne ; je ne blague pas, il faut se souvenir qu’il y a des limites physiques. Donc non, l’écologie dans le monde agricole pas plus, on ne fait pas plus attention à essayer de conserver les terres. Alors un peu, il y a des agriculteurs locaux, que j’adore, qui font du super travail. Ils sont minoritaires, de très loin.

Ma conclusion, sur ce que j’ai pu chercher du monde de l’écologie, c’est qu’il n’y a pas d’écologie politique au niveau mondial, ça n’existe pas. Il y a des discours, il y a des petites actions à droite à gauche, ça n’a pas d’effet visible majeur sur les trucs qu’on peut mesurer à l’échelle de la planète. Il n’y a rien qui ait un impact.

L’étude des limites planétaires nous fait dire qu’une baisse de la consommation d’énergie et de matière par l’humanité doit avoir lieu. Il y a une limite. J’aimerais bien qu’on s’en rende compte et qu’on agisse avant qu’on se tape des murs, parce que, en fait, on s’en tape déjà, il y a déjà des endroits où on a des problèmes d’eau potable, on en parlait avec des amis ce matin, ce n’est forcément chez soi, mais on connaît des gens à qui ça arrive. Dans le Nord-Pas-de-Calais, j’ai des potes qui se sont fait inonder, ils l’ont senti passer le changement climatique, donc on commence. J’aimerais bien qu’on s’en rende compte et qu’on baisse notre consommation d’énergie et de matière pour qu’elle ait lieu, parce que, si on ne la provoque pas, elle nous sera imposée par notre écosystème de manière plus ou moins brutale.

==Écologie numérique ?

On va essayer de parler, maintenant, d’un peu d’écologie numérique.
Que peut-on faire pour baisser notre consommation de matière et d’énergie de manière significative en lien avec les domaines du numérique ?
Je vous propose qu’on écoute la ministre de la transition énergétique en 2022, Agnès Pannier-Runacher .

Agnès Pannier-Runacher, voix off : Du côté de l’écologie des solutions, pas de l’écologie des illusions, tous, aujourd’hui, on a envie de faire ces gestes qui permettent de sauver la planète. Parfois, on n’a pas forcément les bons réflexes. On va fermer la lumière en pensant qu’on a fait des grosses économies d’énergie et puis on va envoyer, derrière, un mail un peu rigolo à ses amis, avec une pièce jointe, et on aura consommé beaucoup plus d’énergie. Ce sont donc aussi ces petits gestes qu’il faut accompagner. Je ferai en sorte que cette transition énergétique débouche très rapidement sur des actions concrète.

Benjamin Sonntag : D’abord, il n’y a pas de transition énergétique, on l’a vu. Ce qui me bluffe le plus dans cette histoire c’est la journaliste en face qui fait ça [hochement de la tête, NdT]. Bon ! C’est une autre histoire.
Donc jusqu’à ce jour, d’ailleurs encore un peu aujourd’hui, on nous proposait surtout des petits gestes : limiter nos usages de mails, de vidéos, de cloud, baisser la définition. Qu’on soit très clair, vous me croyez sur parole, leur impact sur l’écologie mondiale est mineur et quand je dis mineur c’est pour ne pas dire nul, mais c’est nul. Je dirais même que ça a un impact négatif, parce que ça nous détourne l’attention : ça veut dire que le temps limité qu’on a pour faire des trucs, on ne l’a pas pour faire d’autres trucs. Donc, leur effet est mineur en comparaison de l’omniprésence du numérique et des ordres de grandeur de l’industrie qu’on a constatés juste avant.
Les gens qui préconisent ces petits gestes n’ont pas travaillé leur sujet, ils se moquent de nous. C’est important de le savoir et de le transmettre à nos proches. Si vous êtes déjà au courant, par pitié, parlez-en autour de vous ! Oui, ça peut faire un peu ronchonner l’oncle raciste, mais ce n’est grave, ne le lâchez pas.

Il s’est quand même passé un peu des trucs en 2022, l’Ademe, l’Agence pour le développement et la maîtrise de l’énergie, nous a proposé des trucs un petit peu plus efficaces, par exemple réparer nos appareils, ne pas les jeter, ne pas les remplacer. Ça a un impact parce que les trois quarts de la pollution et du CO2 qu’on produit, c’est pendant la production de ces biens numériques, pas pendant leur utilisation. Donc, gardez votre téléphone le plus longtemps possible, faites changer sa batterie si elle est morte et que vous voulez la changer, gardez-le même si vous ne pouvez pas avoir la dernière version d’Android, tant pis ! Faisons ces efforts, déjà parce que ça consomme moins de matière – métaux purs, le gaz néon, le silicium, les terres rares, ces conneries –, et d’énergie pour la fabrication et le transport qui est très carboné mondialement.
Ça reste des gestes faibles. Pourquoi ? Parce que ces gestes de conservation et de réparation dépendent de l’industrie et l’industrie n’a aucun intérêt à nous faire acheter moins. L’obsolescence matérielle ou logicielle, qu’on y croie ou pas, c’est un fait, ça existe depuis la Ford T où, derrière, il y a un monsieur, chez General Motors, qui a inventé les années modèles pour les voitures, il voulait déjà qu’on consomme une voiture tous les ans, vous vous rendez compte de l’absurdité du truc ! Vous imaginez qu’Apple fait exactement pareil en faisant une nouvelle couleur tous les ans, parce que vous voulez avoir l’iPad de la couleur de l’année. On en est à ce niveau d’absurdité !
Donc, si on n’impose rien aux industriels, ils continueront à nous faire des téléphones périmés ou jetables ou cassés au bout de deux à trois ans.
Ce que je vois, c’est que quand on réfléchit à ces petits gestes, on sature notre attention, ce qu’on disait tout à l’heure, on finit par nous désensibiliser, nous faire sentir impuissants et on oublie des usages et des secteurs entiers du numérique. On passe à côté des véritables enjeux écologiques, donc ni le numérique ni l’écologie ne sortent gagnants dans ces histoires de petits gestes, pourtant ça arrange beaucoup de monde. Les industriels veulent vendre, ils ont intérêt à ce qu’on consomme plus, ils n’ont pas envie qu’on consomme moins. En insistant sur ces petits gestes, on nous explique que tout est entre nos mains, les mains individuelles de chacun d’entre nous, isolément, séparément, et pas du tout entre les leurs. Pourquoi je dis « entre les leurs » ? Parce que les hommes et les femmes qui sont en politique nous représentent quelque part, ils sont ce qu’on appelle le collectif le plus capable d’agir nécessairement, à priori. : les politiques décident des lois, ils vont décider de leur application, etc.
Pour moi, le concept de collectif à une échelle comme la France l’Europe ou le monde, c’est un concept politique. Le collectif et la politique c’est la même chose, c’est ce qu’on fait ensemble et comment on décide des règles de vie. Et quand un politique nous file des petits gestes entre les pattes, il ou elle se déresponsabilise, il dépolitise le sujet de l’écologie.
Typiquement, même de nombreux citoyens n’arriveraient pas à faire plier un industriel, même moi, gérant d’une entreprise, qui achète beaucoup du matos, je n’ai aucun pouvoir sur le moindre industriel fournisseur de mes services, je n’ai aucun pouvoir sur lui, je ne peux pas faire plier l’industriel. Éventuellement, le normatif pourrait le faire plier, et encore !
Donc je ne peux pas améliorer mon empreinte sans des solutions politiques, c’est-à-dire collectives, on décide ensemble de faire ou de ne pas faire des choses – et négatives. On y reviendra.

J’avais un exemple récent qui montre à quel point nos gestes individuels sont ridicules dans leur effet et détournent l’attention pendant que les gants polluent et consomment à tout-va. Ces derniers mois, Microsoft et Meta, donc Facebook, ont tous annoncé que leur objectif carbone, CO2 machin, de moins de 23 % par an jusqu’en 2030, ne serait non seulement pas réalisé, mais que leur pollution, leur production de CO2 et leur consommation d’eau avaient drastiquement augmenté. Pour Microsoft, je crois qu’on parle de plus 23 % ce qui, par rapport à leur taille, est débilement colossal, cette année et pour les années à venir. Pourquoi ? Vous le savez, parce que l’IA !
Qu’est-ce qu’on peut faire avec nos petits gestes de pisser sous la douche et de faire du tri dans nos mails face à des géants comme Microsoft, Google ou OpenAI ?
Ce que je veux dire par là, c’est qu’il faut qu’on prenne des décisions collectives, c’est-à-dire des normalisations, des garanties de performance minimale, d’un mieux disant social, des choses qu’on décide ensemble. Et des décisions négatives. Pourquoi ? Parce qu’à un truc comme Microsoft avec son IA, j’ai envie de leur dire « ne faites pas ça », et ce n’est une question. On va vous dire, collectivement, qu’il ne faut pas faire ça, parce que oui, peut-être que dans 20 ans ça va faire mieux, mais, pendant ce temps-là, c’est le monde entier qui crève.
Donc, ce genre de décision ne peut pas être pris par un individu ou un groupe d’individus, même nombreux, il faut qu’on soit vraiment très nombreux et ça s’appelle la politique. Donc, décisions négatives, décider ensemble de ne pas faire quelque chose :
limiter la consommation de ressources,
juger des usages néfastes voire les interdire, là ça fait peur à tous les libertariens de la bande Excusez-moi, mais on a su obliger la ceinture de sécurité et les clignotants sur les voitures parce que ça a sauvé des vies humaines, concrètement, tout de suite. On a su imposer des normes de qualité à des carburants, sinon le sans-plomb détruisait des vies, littéralement. On a su arrêter les chlorofluorocarbones en trois ans. Pourquoi n’est-on pas capable de dire à Microsoft « ta gueule ! » ?

Maintenant, on pourrait voir quel genre de décisions collectives négatives je perends. Ce sont mes propositions, après, j’attends les vôtres. J’ai essayé de réfléchir à des cercles vertueux du secteur numérique, voilà l’image de loin et après on va se rapprocher :

  • consommer moins de matières et d’énergie ;
  • juger certains usages sans intérêt, les restreindre voire les interdire ;
  • réduire les attaques sur notre cognition, il ne faut pas l’oublier, parce que vous êtes au courant, comme moi, que le numérique c’est la publicité et la surconsommation ;
  • rendre nos métiers, nos objets, nos outils moins dépendants et plus résilients. Là nous sommes dans un monde en paix, mais essayez d’imaginer si on est en conflit ouvert avec certains pays, ça peut rapidement poser un problème ;
  • trouver des endroits où mettre du numérique serait vraiment utile. Cest plutôt le côté « si on enlève tout, où est-ce qu’on en mettrait ? ». Des copains et copines avaient réfléchi, il y a quelques années, ils ne parlaient pas de numérique, ils parlaient de l’industrie en général, ils avaient dit le lave-linge, vous enlevez tout mais vous gardez le lave-linge, et je comprends, il y a une vraie raison à ça. C’est hyper-intéressant de se poser la question : si on repart de zéro, qu’on garde des trucs, on garde quoi ?
  • éviter les effets de rebonds directs ou indirects. Les effets de rebond sont très nombreux, quasi systématiquement. Toute économie d’énergie devient une surconsommation. L’effet rebond c’est : j’isole mieux ma maison, donc je peux consommer moins pour mon chauffage, mais, comme j’aime bien avoir chaud, je monte le thermostat, donc, au final, je consomme autant d’énergie. C’est l’effet rebond le plus direct qu’on puisse voir, mais il y a des effets rebonds indirects : je consomme moins d’énergie pour telle autre raison bidon, je gagne un peu d’argent, donc je vais aller en voyage à Porto en avion. C’est un effet rebond indirect, mais il est là. Les effets rebonds ont été démontrés par des dizaines et des dizaines d’études. Les gens qui vous disent que ça n’existe pas, vous fouillez cinq minutes sur Internet, sur Scholar ou n’importe où, vous allez trouver des dizaines et dizaines d’études qui montrent qu’il y a des effets rebonds tout le temps.

Prenons des exemples. Celui-là date un peu, mais je pense que c’est toujours vrai. : bitcoin, la plus célèbre des cryptomonnaies, nécessite pour son fonctionnement d’être miné, c’est-à-dire ??? [33 min 56], un calcul un peu complexe à réaliser, et ce minage permet la gestion des transactions ; je ne vous fais pas le résumé. En 2021, bitcoin a généré quatre transactions par seconde – 1700 pour Visa si vous vous posez la question, juste pour Visa. Pour son minage, la consommation d’électricité des mineurs de bitcoin a atteint 134 térawattheures sur l’année, soit des émissions de CO2 parce qu’il n’y a qu’en France, un peu en Allemagne et un peu en Norvège, que la production d’électricité est décarbonée. Pour son minage, ces 134 térawattheures ont émis environ 64 milliards de tonnes de CO2, ce qui correspond à ce que toute l’humanité n’a pas produit comme CO2 la même année grâce à l’ensemble du parc de voitures électriques. Replacer bien ça. On est en train de remplacer par millions des voitures à essence par des voitures électriques, donc on produit moins de CO2, bitcoin déboule, ça annule tout ce qu’on a gagné. Je ne comprends pas que ce truc ne soit pas interdit. Vous allez me dire « si la France interdit bitcoin, que va-t-il se passer ? ». Mais je m’en fous ! Interdisons bitcoin. On dit aux Français « vous êtes gentils, si vous faites une transaction de bitcoin vers euro, c’est illégal en droit français ». Point. Et si l’Europe a envie de s’y mettre, je vous garantis que si l’Europe dit ça, bitcoin s’écroule demain, parce qu’il y a des effets de masse, des effets de cascade dans ces systèmes financiers. Et clairement, si l’Europe, demain, dit « bitcoin est illégal en droit européen, vous n’avez pas le droit d’aller de bitcoin vers euro ou d’euro vers bitcoin », c’est fini, le bitcoin vaut zéro demain, j’en suis persuadé. On peut en discuter, ce n’est pas le sujet, mais bon ! Donc franchement, pour l’écologie politique, je vous propose qu’on interdise bitcoin et qu’on passe à autre chose. C’est vite fait, c’est facile, je pense même qu’on peut interdire toute cryptomonnaie basée sur le proof of work, c’est-à-dire le même système de minage gros consommateur d’énergie.
Oui je juge cet usage néfaste, il faut peut-être reprendre un peu une colonne vertébrale politique.

J’avais un autre exemple que j’aime bien, je l’aime beaucoup. Depuis 2016, tous les biens achetés en France ont une garantie minimale de deux ans. Je propose pour les biens au moins numériques, parce que c’est un domaine que je connais – on pourrait appliquer ça à tous les biens de consommation, mais il faut en discuter, au moins à ceux à consommation de ressources initiales fortes, par exemple les voitures, l’électroménager, tout ça –, que la garantie constructeur passe peu à peu à dix ans : votre constructeur garantit que ça va marcher dix ans. Ainsi, on serait sûr de pouvoir faire réparer un équipement en panne avant la fin de cette période, on pourrait même demander à ce qu’il y ait l’obligation d’avoir les pièces dix ans après la vente du dernier matériel d’une série. J’aime bien aussi le côté « imposer la mise à disposition de schémas ». Il y a des tentatives aux États-Unis, je n’ai pas mis à jour, je ne sais pas ce qui s’est passé depuis avec le Right to Repair Act,, je trouve ça super. Dans ma jeunesse, mon papa avait des schémas électroniques de ses télés qu’il réparait. Il changeait des transistors sur les télés.
Je vous parlais tout à l’heure du travail de maintenance dans mon entreprise d’hébergement, un des choix que nous avons faits en tant qu’industriel, c’est de conserver nos serveurs le plus longtemps possible, justement pour éviter le renouvellement trop fréquent du matériel. Les gros ne font pas tous ça, nous sommes un peu un nain dans l’histoire.

Ah ! Les écrans géants ! Merci ??? [37 min 03] toujours. Ils consomment une énergie de dingue, ils sont compliqués à fabriquer, donc très chers en matière et en énergie, ils nous imposent visuellement des publicités animées agressives qu’on ne peut pas, mentalement, éviter, dans des espaces où on est plus ou moins obligés de passer – les gares, les métros, les commerces en tout genre. Un écran, comme celui qu’on voit en gare de Bordeaux, consomme autant d’électricité qu’un foyer français moyen, donc vous voyez ! Il y en a 40/80 en gare de Bordeaux, pareil à Lyon, pareil à Paris Est, pareil à Paris Nord, etc.
Moi, je suis pour leur interdiction totale et pour l’interdiction totale de toute publicité lumineuse et de toute publicité sur écran dans l’espace public et les lieux recevant du public. Je ne vois aucune raison qu’on autorise un truc pareil, excusez-moi, je ne vois pas la raison, si ce n’est qu’on a envie de laisser libre rein à tous ces marketeux. Franchement, je pense que cognitivement, et c’est un sujet hyper-important dans l’écologie politique et numérique en l’occurrence, c’est cohérent, on s’en porterait beaucoup mieux. On serait moins enclin à acheter toujours plus de trucs inutiles.

Là, même la Cour des comptes est d’accord avec moi. Sujet suivant : la vidéosurveillance coûte très cher et son efficacité n’est que rarement, sinon jamais, mesurée. Connaissez-vous beaucoup de domaines, en 2022/2024, qui ne doivent jamais faire la preuve de leur utilité, franchement ? Trouvez-m’en un, à part la police de Darmanin et la vidéosurveillance générale. Donc, je propose de supprimer tout système de vidéosurveillance inefficace et, pour ceux qui insistent, qui veulent vraiment de la police, on prend les budgets, on les met dans de la police de proximité, je suis pas fan, mais faites ce que vous voulez. Allez voir le projet Technopolice de La Quadrature du Net, il est super, il recense toutes ces conneries. Regardons si ça sert et les seules études qui ont été faites là-dessus ont dit « ouh, là, ça coûte cher, ça ne sert à rien, ça résout une enquête sur 100 qui fait appel à la vidéosurveillance et, sur cette enquête sur 100 qui fait appel à la vidéosurveillance, la vidéosurveillance est un facteur mineur dans la résolution de l’enquête. Super ! Ça nous coûte combien de millions par an ce truc et de matos qu’on importe de Chine dans des bateaux ?

Le règlement européen RGPD, vous en avez tous entendu parler, sanctionne normalement lourdement le non-respect des données personnelles des citoyens. Il n’est pas appliqué, j’ai noté, « il n’est pas appliqué strictement aujourd’hui ». Il n’est pas appliqué aujourd’hui, en tout cas en France il n’est pas appliqué. Point. En l’appliquant strictement, on pourrait faire baisser sérieusement le tracking et la publicité ciblée intrusive et abusive ce qui représente de grosses infrastructures, on l’a vu, et je ne peux pas vous les mesurer, personne ne sait, mais je sais, j’en héberge quelques-unes. Je peux vous garantir que le peu qu’on héberge – d’ailleurs on ne les héberge plus, ils sont partis chez Amazon, mais on les infogère, j’ai honte – ce sont des grosses bases de données, du tracking, des places de marché en temps réel. Si on défavorise les business modèles reposant sur l’exploitation abusive de données personnelles et l’économie de l’attention, on fera beaucoup d’économie numérique, on fera beaucoup d’économie écologique, et on va beaucoup faire l’économie de cognition, parce que ça va moins cibler, ça va être moins violent. Et puis, on va fermer aussi les business qui se foutent royalement de nos données personnelles et en abusent.
Donc oui, je suis pour son application stricte et j’aimerais bien que la CNIL ait une colonne vertébrale un jour.

Ce n’est parce qu’on fait des outils numériques qu’il faut un moins disant social : les prolétaires du numérique, les livreurs à vélo ou à scooter, les mineurs du 21e siècle en quelque sorte. L’écologie c’est aussi une histoire d’inégalité et de conditions de vie en commun. Si nous voulons stabiliser notre écosystème, il faut réduire les inégalités, c’est une opinion, mais je la défends. Je propose qu’on impose aux entreprises de salarier les travailleurs de leurs plateformes, qu’ils bénéficient des mêmes droits que les autres salariés.
Le numérique ne doit pas favoriser un moins disant social.

L’écologie c’est aussi le monde dans lequel on vit, avec quelle qualité de vie pour tous et pour toutes, pas que pour les tech bros, dont on fait partie si on a un bon salaire et qu’on se fout des livreurs des plateformes.

Conclusion 41’ 08

Pour conclure.
En tant qu'hébergeur, j’ai envie d’une entreprise réellement verte, réellement consciente et active, mais tout seul je fais quoi ? À l’aide ! la question de l’écologie et du numérique ne peut pas être envisagée sérieusement tout seul, ça ne peut l’être, pour moi, que de manière collective, donc politique et à priori négative, c’est-à-dire qu’il y a des trucs qu'il va falloir qu’on enlève.
Le problème, c’est que ça fait 200 ans, depuis le début de la Révolution industrielle, qu’on a tous les ans plus d’énergie qu’on en avait l’année d’avant, on l’a vu dans le graphique du début. Ça veut dire que les grands-parents de vos arrière-grands-parents n’ont pas connu un monde dans lequel on devait un peu faire gaffe à l’énergie. Il y a eu les deux guerres, il y a eu des épisodes, les années 70 avec la crise du pétrole, vite fait, mais, depuis 200 ans, on a perdu totalement l’habitude, en tant que société, de réfléchir à notre consommation énergétique. J’ai des potes qui sont dans la galère, ils sont dans un pays où l’électricité coûte cher, ils ne chauffent pas fort, mais je vous parle en tant que société, en tant que collectif.
Donc, vu que ça fait 200 ans qu’on ne sait plus ne pas faire, comment on revient à décider de choisir de ne pas faire certaines choses ? Je n’ai pas de solution. Comment on revient à dire « on ne va pas faire ça, on ne va pas faire ça. » ? Comment on réarme notre capacité politique ? Eh bien, il serait peut-être temps de commencer, donc je propose qu’on discute. Il reste un quart d’heure. C’est tout ce que j’avais à dire. Merci à vous.

[Applaudissements]

Questions du public et réponses

Benjamin Sonntag : On n’a pas de micro pour les questions, donc parlez fort je les répéterai et pour la caméra. Khrys.

Public : Tu n’as pas du tout parlé de l’industrie de l’armement, ça existe et ça coûte. Ça concerne aussi la guerre.

Benjamin Sonntag : J’ai complètement oublié et vous allez rire.

Public : Le nucléaire, c’est aussi l’armement. Si on ne fait pas attention à ça, on loupe…

Benjamin Sonntag : Le nucléaire est arrivé par l’armement.
Tu as raison. Question du public : pourquoi n’as-tu pas pensé à l’industrie de l’armement ?
C’est vrai, l’industrie de l’armement est un énorme consommateur de ressources, d’énergie et de recherche et développement. Aux États-Unis, c’est même inséré dans tous les systèmes de financement de la recherche universitaire. En France, je vous rappelle qu’on est le deuxième ou troisième plus gros exportateur d’armes au monde, le deuxième.
Pour la petite histoire quand on a dit qu’on n’allait pas envoyer de soldats pour la deuxième guerre en Irak, des gens me disaient « j’ai plein de commandes pour des missiles ». On a vraiment produit vachement plus d’armements pendant la deuxième guerre en Irak. Je ne sais pas où ces armes sont parties.
Donc oui, merci Khrys, c’est une très bonne idée, j’ai complètement oublié, on l’ajoutera pour la semaine prochaine à Pas Sage en Seine. On ajoutera l’industrie de l’armement dans l’usage numérique parce qu’en fait c’est un gros bébé, pas neutre du tout, qu’il ne faut pas oublier. Je suis désolé de ne pas l’avoir pensé, merci. Oui, ça fait partie aussi des questions, parce qu’il n’y a pas de justification, aujourd’hui, du volume qu’on consacre à tout ça et surtout de l’intelligence numérique qu’on met dans tout ça, notamment tout ce qui est armes automatiques contre les barrières et tout. Lisez là-dessus, c’est effrayant ce que sont en train de faire les États, les États-Unis, déjà à l’époque de l’Afghanistan. Il y a eu des études sur des mecs qui pilotaient des drones et qui lâchaient des missiles depuis 5000 kilomètres plus loin, avec des joysticks, qui ont fini par devenir complètement fous parce qu’ils comprenaient ce qu’ils faisaient. Aujourd’hui, on a même fini par enlever l’humain de tout ça, notamment dans le génocide qui a lieu actuellement en Israël : on attaque des maisons, la nuit, où il y a des gens qu’ils soupçonnent d’être, indirectement parce que l’IA leur a dit. Mettre des outils numériques à ce service-là, c’est extrêmement grave. D’ailleurs on est – je dis « on » en tant qu’informaticien, le monde des informaticiens –, une profession au chômage négatif. Si vous êtes bon et que votre métier ne vous plaît pas, barrez-vous, faites autre chose, trouvez une profession où vous allez vous plaire parce que vous allez avoir un bon salaire ou un salaire correct. Par pitié faites ça ! Pour moi, l’armement rentre là-dedans. Si vous êtes bon et que vous bossez dans l’armement, barrez-vous. Pour le coup, c’est un geste individuel qui est vraiment utile.

Public : Inaudible.

Benjamin Sonntag : Tout à fait. La question c’est qu’il faut penser aussi le côté démocratique et comment on vote les lois aujourd’hui, ce qui a l’air d’être un peu sous la main de systèmes capitalistes. Comme ils n’ont pas intérêt à faire mieux, probablement que nos systèmes démocratiques qui, finalement, montrent qu’ils ne sont pas si bien foutus que ça, ne vont pas nous permettre de faire ces changements qu’on peut appeler de nos vœux.
C’est hélas vrai ! J’en suis assez convaincu ayant vu, notamment avec La Quadrature au début, la façon dont les institutions européennes peuvent être rognées jusqu’au trognon par des lobbies industriels, financiers, divers. On se rend compte qu’on a vu des tonnes de propositions d’amendements proposées par des industriels repris tel quels par les élus. Je pense qu’il faut aller voir ses élus, les rendre responsables de ce genre d’action, ne pas les lâcher, ça ne suffira clairement pas. Je pense que toutes les actions collectives sont bonnes à prendre. Si vous voulez aller voir vos élus locaux, si vous voulez aller voir votre député, votre sénateur, si vous connaissez quelqu’un qui est élu, parlez-lui-en, motivez-le, motivez-la, et allez aussi emmerder les bassines, empêcher des avions de voler, faisons feu de tout bois collectivement. Après, ce n’est forcément que numérique, mais je pense qu’il faut vraiment, collectivement, faire un maximum de choses pour imposer les changements qu’on appelle de nos vœux. Je pense qu’il ne faut pas laisser tourner en rond nos amis quand ils disent « je suis allé en vacances à Vienne ou en Thaïlande », le mec qui prend l’avion tout le temps ! Tu as des gamins ! Tu ne te rends pas compte ! Il y a aussi cette histoire de relation temps. On se rend compte que quand on a nos enfants en voiture, on va leur faire mettre la ceinture, mais si on prend l’avion, ça annule le principe, juste dans 20 ans, mais ça annule le principe de leur faire mettre la ceinture aujourd’hui. Il faut qu’on comprenne les histoires de temporalité entre le temps court et le temps long. Je trouve que l’humain est très mauvais pour ça et je pense qu’il y a vraiment un effort à faire là-dessus.

Public : Inaudible.

Benjamin Sonntag : Le coût de déploiement d’un projet de vidéosurveillance, c’est 25 000 euros par caméra, donc dix caméras 250 000 balles, sans compter, ensuite, la maintenance et les éventuels gens derrière s’il y en a.

Public : C’est un chiffre qu’on n’entend jamais.

Benjamin Sonntag : Étude de Guillaume Gormand à lire là-dessus. Par ailleurs ces chiffres sont rarement publiés, c’est vrai.

Public : Inaudible.

Benjamin Sonntag : Là vous parlez d’Open Food Facts, je le dis pour le live, Open Food Facts qui recense tous les produits de consommation courante, maintenant aussi les cosmétiques. C’est un projet collaboratif, plein de gens sont allés scanner les produits, scanner les listes d’ingrédients, etc., et qui sont allés voir les industriels pour leur proposer de changer leur recette, pour passer à des meilleures notes de Nutri-score. Pour moi, ça rentre complètement dans le collectif, c’est clairement un projet politique. Ce ne sont pas des gestes individuels, ce sont des gestes individuels de nature collective, en vrai. C’est très collectif. Le geste individuel des quelques personnes qui ont fait Open Food Facts, qui sont allées voir les industriels, c’est pareil ce n’est pas un geste individuel, c’est un geste politique. Elles ont fait de la politique, en fait, elles ne l’ont pas fait en étant élues et c’est un super exemple qu’on peut aussi faire des trucs pas en étant forcément élu.

Public : Inaudible.

Benjamin Sonntag : Vous disiez que quand des industriels ont fait des efforts, tout le monde a monté un petit peu, donc ils ont durci à nouveau le score pour que tout le monde repasse à D et qu’ils soient obligés de refaire mieux.
Pour moi, ça rentre dans tous ces communs qu’on avait à une époque. À une époque, on avait une inspection du travail bien énervée, on avait une DGCCRF, la répression des fraudes, qui était bien énervée aussi. À force de tout dépolitiser, pas qu’à l’Assemblée nationale et au Sénat, mais aussi dans les structures de contrôle d’État qu’on avait à l’époque, on se retrouve à perdre ces capacités, à pourrir la vie d’un patron véreux au profit des patrons pas véreux, pourrir la vie d’un industriel véreux au profit des industriels pas véreux. Les assureurs font un peu ça, mais ils ont perdu, eux aussi, ces capacités d’agir sur des très gros industriels. On en est donc arrivé vraiment au point où il faut qu’on reprenne en main le commun et le collectif.
Je ne sais plus qui c’était ensuite.

Public : Sur les courbes de l’énergie, il y a un bouquin extrêmement intéressant, Sans transition – Une nouvelle histoire de l’énergie de Fressoz.

Benjamin Sonntag : Sans transition – Une nouvelle histoire de l’énergie, livre de Fressoz. Ce n’est pas le livre qui m’a servi pour réfléchir à ça, mais j’avais lu des quotes de stands de ce livre et, en effet, c’est un très bon exemple des interdépendances énergétiques qui montre qu’on ne peut pas avoir de charbon sans bois, qu’on ne peut pas avoir de pétrole sans bois et métal, etc.
On va devoir s’arrêter, on me fait signe là-haut.
Je vous remercie beaucoup, on peut discuter en bas s’il y en a que ça intéresse.

[Applaudissements]