Émission Libre à vous ! 1er octobre 2024

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée sur Radio Cause Commune le mardi 1er octobre 2024

Intervenant·es : Jean-Christophe Becquet - Laure-Élise Déniel-Girodon - Marie-Odile Morandi - Audric Gueidan - Louis IX - à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 1er octobre 2024

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·es mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Isabella Vanni : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Enjeux de la vie privée sur Internet et sur les appareils connectés, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme Educajou, des applications libres pour l’école et aussi une chronique sur le thème « Elles s’engagent en faveur du logiciel libre au sein de leurs communautés ».
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à e l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 1er octobre 2024, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui, Julie Chaumard. Bonjour Julie.

Julie Chaumard : Bonjour. Bonjour à tous et belle émission

Isabella Vanni : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet – Éducajou, des applications libres pour l’école

Isabella Vanni : Nous allons commencer avec la chronique « Pépites libres ». Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April, nous présente une ressource sous licence libre. Texte, image, vidéo ou base de données, sélectionnée pour son intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile. Les auteurs et autrices de ces pépites ont choisi de mettre l’accent sur les libertés accordées à leur public, parfois avec la complicité du chroniqueur.
Bonjour Jean-Christophe. De quoi nous parleras-tu aujourd’hui ?

Jean-Christophe Becquet : Bonjour Isa. Bonjour Julie. Bonjour à tous. Bonjour à toutes. Je vais vous parler aujourd’hui d’Éducajou.
Éducajou est une riche collection d’applications libres pour l’éducation. Ces logiciels de support à l’apprentissage s’adressent avant tout à l’école primaire, mais peuvent être utiles dans d’autres contextes.
En mathématiques, Tuxblocs aide à comprendre la numération, Fracatux met en évidence les fractions et Multiples représente les multiplications sous forme de quadrillages.
On trouve aussi Syllabux pour la lecture des syllabes ou Flashmots pour l’entraînement de la mémoire orthographique.
Seyes affiche tout simplement une page de cahier sur laquelle on peut écrire en police cursive.
Il y en a d’autres que je vous invite à découvrir sur le site educajou.forge.apps.education.fr.

Éducajou est développé et maintenu sur la Forge des communs numériques éducatifs par Arnaud Champollion, conseiller pédagogique numérique à Digne-les-Bains, dans l’académie d’Aix-Marseille.
La Forge des communs numériques éducatifs est un espace de partage pour créer des logiciels et des ressources éducatives libres. Elle repose sur le logiciel libre GitLab. Je vous renvoie à notre émission sur les forges logicielles à l’adresse libreavous.org/160.
Arnaud précise que la Forge des communs numériques éducatifs est aussi une communauté de plus en plus active. Il participera ainsi au Forgeathon 2024, un week-end de contribution organisé à Paris les 5 et 6 octobre prochains.

Pour ses applications, Arnaud a choisi la licence GPLv2 ou supérieure. Il indique, dès la page d’accueil du projet, que toutes ses applications « sont gratuites, sans publicité, ne contiennent ni cookie ni traceur, et peuvent être utilisées par tout un chacun, pour tout usage ». Bref, c’est libre ! Et il explique comment cette liberté encourage la diffusion et crée des synergies : « Certaines de ces applications sont déployées comme applications Openboard, ainsi que dans Primtux, voire adaptées sur La Digitale. Le choix de la licence libre facilite ces réutilisations ».
Ce choix de licence libre va d’ailleurs complètement dans le sens des orientations portées par Audran Le Baron, Directeur du numérique pour l’éducation, dans son allocution de clôture à la dernière Journée du Libre Éducatif : « En matière de numérique éducatif, nous pouvons désormais affirmer et assumer le fait que les communs numériques constituent l’horizon, par défaut, des projets soutenus et opérés par l’institution. Par défaut, cela signifie que les codes, les données, les contenus que nous développons, ont vocation première à être libres, ouverts et interopérables ». La transcription complète de ce discours est sur notre site librealire.org. Je salue au passage, Marie-Odile qui porte ce travail avec le groupe Transcriptions de l’April, car remercier plusieurs fois les personnes qui font vivre l’association au quotidien n’est pas trop.

Pour faire plus ample connaissance avec Arnaud Champollion, vous pouvez le retrouver en vidéo ou en podcast dans un entretien de « MADE by ERUN ». Je vous donne l’adresse ainsi que toutes les références associées à cette chronique sur le site de l'émission libreavous.org.
Je termine en saluant chaleureusement Arnaud avec lequel nous avons de nombreux liens puisqu’avant de devenir président de l’association Linux-Alpes, contributeur OpenStreetMap et développeur de logiciels libres éducatifs, il est l’enseignant qui a appris à lire à mes deux enfants avant de devenir un ami.

Isabella Vanni : Merci Jean-Christophe pour cette chronique, pour nous avoir présenté ce beau projet. Je suis touchée par l’hommage à ton ami. Nous remercions, nous aussi, Arnaud Champollion pour sa contribution au Libre.
Je te donne rendez-vous au mois prochain ?

Jean-Christophe Becquet : Ça marche. Grosses bises. Bonne émission.
Arnaud est connecté sur le chat. Juste un petit coucou.

Isabella Vanni : Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale, nous parlerons des enjeux de la vie privée sur Internet et sur les appareils connectés avec nos personnes invitées.
Pour l’instant, nous allons écouter Booth Street Psychosis par Tom Woodward. On se retrouve dans environ deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Booth Street Psychosis par Tom Woodward.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Booth Street Psychosis par Tom Woodward, disponible sous licence libre CC By 3.0.

[Jingle]

Isabella Vanni : Passons maintenant au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Enjeux de la vie privée sur Internet et sur les appareils connectés

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte qui porte aujourd’hui sur les enjeux de la vie privée sur Internet et sur les appareils connectés, avec nos personnes invitées, Audric Gueidan, formateur numérique et auteur, et Louis IX cofondateur d’Exodus Privacy.
N’hésitez pas participez à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site de causecommune.fm, bouton « chat ».
Audric, Louis IX, je vous salue. Bonjour à vous deux. J’espère que vous êtes tous les deux en ligne, que vous m’entendez.

Louis IX : Bonjour Isa.

Audric Gueidan : Très bien.

Isabella Vanni : Super. Je vous propose de démarrer notre discussion de façon classique par une petite présentation rapide de votre part. Audric tu veux commencer ?

Audric Gueidan : Audric Gueidan. Je suis médiateur numérique et formateur. Je suis également auteur, on va en reparler un petit peu. Je fais de la vulgarisation scientifique, j’essaye de rendre compréhensibles des sujets techniques et, parfois, un petit peu abstraits pour le commun des mortels. En parallèle de ça, je suis aussi responsable d’un tiers-lieu, donc un espace de coworking où, là, je continue, finalement, de faire de la médiation numérique, mais à destination des entreprises et des solopreneurs, car ce sont des sujets qui touchent tout le monde

Isabella Vanni : Louis IX.

Louis IX : Je suis un vieil admin-system Unix. J’ai fait plein de choses dans ma vie, plein, trop, et je suis cofondateur d’Exodus Privacy, qu’on a fondée en septembre 2017.

Isabella Vanni : Est-ce que tu peux nous dire deux mots sur Exodus Privacy, est-ce que tu peux faire une courte présentation de cette association sachant qu’on va, bien évidemment, approfondir le sujet, parler de ses activités plus tard, au cours de l’émission ?

Louis IX : Exodus Privacy est une association loi 1901, fondée par quatre activistes qui sont toujours présents dans l’association. On a créé une plateforme d’analyse des applications Android.

Isabella Vanni : Voilà pourquoi c’est pertinent de t’avoir dans notre émission aujourd’hui pour parler des enjeux de la vie privée sur Internet et sur les appareils connectés.
Par ailleurs, je crois que vous deux, Audric, Louis IX, vous vous connaissez déjà ou je me trompe ?

Audric Gueidan : On se connaît parce que je suis ancien membre Exodus et nous nous sommes vus sur certains événements physiques, comme un congrès de bibliothécaires, parce qu’il y avait une animation sur place, et également dans différents festivals un peu de hackers libristes. Sinon, on se croise surtout sur Mastodon.

Louis IX : Tout à fait. Et puis tu as aussi participé au kit pédagogique avec MeTal_Pou.

Audric Gueidan : Tout à fait, on va en parler après, je pense, plus en détail.

Louis IX : Il faut le rappeler

Isabella Vanni : Tout à fait.
L’émission d’aujourd’hui porte sur les enjeux de la vie privée sur Internet et sur les appareils connectés. Énormément de personnes utilisent Internet au quotidien, leur smartphone, pour visiter des sites web, consulter ou publier des contenus sur leurs réseaux sociaux, échanger via des messageries instantanées ou par courriel, effectuer des opérations bancaires, télécharger des applications sur leur téléphone, etc. Ces personnes sont-elles toutes au courant que leurs actions en engendrent potentiellement d’autres, à leur insu, qui ne vont pas forcément leur plaire ? Je pense que c’est sans doute bien de rappeler quelles sont les embûches dont sont parsemés Internet et les appareils connectés.
Louis IX, tu veux en parler ?

Louis IX : Les embûches sont très nombreuses. Il n’y a effectivement aucune information. On vous vend un téléphone en vous disant « vous allez voir, c’est formidable, vous allez avoir le monde dans la poche » et, en fait, vous avez surtout des pisteurs et des gens qui récupèrent toutes vos données pendant que vous marchez, pendant que vous mange, pendant que vous discutez, pendant des tas de choses. Personne n’a vraiment conscience de cela et c’est un gros problème de vie privée, tout à fait.

Isabella Vanni : Audric, tu veux rajouter quelque chose ?

Audric Gueidan : Pour faire un parallèle, c’est un petit peu ce qu’on voit déjà lors d’une navigation internet. J’ai l’impression que les gens ont un peu plus conscience de ça, parce que va y voir des popups, il va y avoir des messages qui vont demander si on accepte les cookies, ou pas, lorsqu’on navigue sur un site. La plupart des gens cliquent sur le bouton vert sans lire, évidemment. Là, on a l’impression que les gens ont l’information, mais dès qu’il s’agit d’objets connectés ou de téléphones, ce n’est pas visible de la même manière, on ne se pose pas de questions ou, alors, on se doute qu’il y a peut-être quelque chose, mais on préfère ne pas regarder.

Isabella Vanni : Pourtant, j’avais l’impression qu’il y avait de plus en plus conscience de ces enjeux, du moins au vu de mon expérience qui est très relative, avec mon entourage. Sur les stands de l’April, lors d’événements grand public, des personnes nous disent « je suis préoccupée par les enjeux de vie privée ». Mais, peut-être que les personnes ne sont pas vraiment conscientes de ce en quoi ça consiste.
Avec votre expérience, selon vous, quels sont les sujets qui préoccupent davantage les personnes qui utilisent Internet ou l’objet connecté par excellence qui est l’ordiphone ou smartphone.
Audric.

Audric Gueidan : J’ai l’impression, globalement, que les gens ne se rendent pas compte de tout ça. On a l’impression qu’il se passe des choses, mais ce n’est pas pour cela que les habitudes ont changè, en tout cas, c’est un petit peu le regard que je porte là-dessus. Si on regarde les révélations d’Edward Snowden, qui ont maintenant dix ans, je n’ai pas l’impression que le grand public ait vraiment évolué sur ces questions-là, que le public ait vraiment changé ses habitudes.

Isabella Vanni : Rappelons qui est Edward Snowden et quelles sont ses révélations.

Audric Gueidan : Edward Snowden, ancien analyste à la CIA et à la NSA, qui est devenu lanceur d’alerte en 2013, et qui a fourni à différents médias, notamment à des journalistes américains, les preuves que le gouvernement espionnait la population toujours sous couvert de lutte contre le terrorisme, sauf, qu’en fait, il espionnait tout le monde.

Isabella Vanni : Systématiquement et en s’appuyant sur des GAFAM, sur des géants du Net.

Audric Gueidan : C’est ça, en écoutant directement les silos de données des GAFAM, ce qui permet d’espionner tout le monde et d’écouter. Il regardait les données de sept personnes affiliées à une personne : je connais quelqu’un qui connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un ; fois 7, au final ça permet d’espionner tout le monde.
Malgré ça ! Il y a eu pas mal de documentaires, il y a eu des livres, il y a eu beaucoup d’informations à un moment, mais je n’ai pas l’impression que, fondamentalement, ça a changé l’habitude de la plupart des gens. Ça a permis d’éveiller un petit peu des consciences. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai commencé à me poser des questions sur ma vie privée et mon utilisation du numérique. C’est peu de temps après que j’ai commencé à essayer de faire ça différemment et, ensuite, de faire de la promotion, on va dire, et d’accompagner les gens autour de moi. Mais, parfois, on a l’impression qu’il ne s’est rien passé, que les gens n’ont pas vraiment changé là-dessus.

Isabella Vanni : Est-ce que c’est le même constat que tu fais, Louis IX ?

Louis IX : Tout à fait. Les gens ne se rendent pas compte des enjeux. Il a beau y avoir des sorties de scandales, partout, les Panama Papers et autres, les sorties d’Edward Snowden, ça ne change rien parce que ça ne passe pas, en réalité, dans les médias les plus écoutés : on ne voit pas ça sur BFM TV ni sur CNews, ça ne les intéresse pas, et c’est là, pourtant, que sont les gens.

Isabella Vanni : Tu dis que ça passe par des médias plus confidentiels, donc l’information passe à la trappe.

Louis IX : Voilà, tout à fait.

Isabella Vanni : C’est pour cela que la médiation numérique, ce que font Audric et l’association Exodus Privacy, devient importante : comme l’information ne passe pas là où les gens sont, il faut que l’information passe par d’autres canaux. En quoi ça consiste ? Comment définiriez-vous la médiation numérique ? Tu veux commencer Louis IX, je peux laisser la parole à Audric, si tu préfères.

Louis IX : Vas-y, Audric, je t’en prie.

Audric Gueidan : Pour moi, quand on parle de médiation numérique, il faut d’abord remettre au milieu de la table ce qu’est la médiation. Je parle souvent de la médiation entre deux humains, ça on voit à peu près ce que c’est : deux voisins qui ne s’entendraient pas, un médiateur va essayer de faire un lien entre les deux pour qu’ils arrêtent de se taper dessus.
Pour moi, la médiation numérique c’est un peu l’équivalent mais avec l’informatique et les outils numériques. L’idée c’est de fluidifier les interactions, enlever des crispations ou des peurs que ça peut générer, et accompagner également les gens vers l’autonomie, il y a donc toute cette partie acculturation et technique, mais, la notion des enjeux est également très importante parce que notre vie, maintenant, est complètement dématérialisée. Je pense à l’accès aux droits, par exemple, tout ce qui est administratif – les impôts, la cantine des enfants –, tout cela se fait par Internet sur des plateformes et si on ne comprend pas comment ça marche, on est perdu. Il faut avoir conscience qu’à peu près 20 % de la population est en grande difficulté, 20 %, c’est le chiffre officiel, je pense qu’il est plus élevé que ça, parce qu’il y a des gens qui estiment savoir utiliser des machines, des ordinateurs sauf que dès qu’il y a un problème ils sont complètement bloqués. C’est une grosse problématique et, par-dessus, on rajoute les questions de données, de vie privée, sauf que les gens sont déjà bloqués à la première étape. Il faut donc faire de la médiation pour fluidifier tout ça, accompagner le grand public et également les entreprises.

Isabella Vanni : La médiation passe aussi, bien évidemment, par des outils et c’est ce que fait l’association Exodus Privacy, on le verra plus en détail au cours de cet échange.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez davantage quand vous faites des formations ou des ateliers ? Je sais que l’association Exodus Privacy en fait aussi, peut-être que tu as quelques anecdotes à nous raconter, Louis IX.

Louis IX : Le plus dur, pour nous, c’est déjà de capter les gens.

Isabella Vanni : Capter, c’est-à-dire les faire venir ?

Louis IX : Voilà. Les intéresser. Parfois, j’ai l’impression que nous sommes des témoins de Jéhovah, il faut mettre le pied dans la porte pour que les gens nous écoutent un peu. Mais quand on réussit ou quand ils nous invitent, ce qui est plus agréable, on a des réactions tout à fait, pas étranges mais qui ne sont les nôtres. Je me souviens d’un reportage de France 2 auquel on a participé, dans une classe à Rouen, une jeune fille nous disait : « Qu’est-ce que ça peut faire qu’on me trace ! Ils sont Américains ! Ces gens-là ne peuvent rien contre moi ! ». On ne rend compte qu’un saut n’a pas été fait, les gens ne se rendent pas compte qu’Américains ou pas Internet est partout. On a donc l’impression que chacun est dans sa bulle, alors que tout est relié, et il faut batailler ferme pour montrer que ce qu’on fait aujourd’hui peut avoir des incidences demain.

Isabella Vanni : Audric, tu veux raconter quelles sont les difficultés que tu as rencontrées, toi aussi.

Audric Gueidan : Les difficultés que je rencontre avec les gens que je peux accompagner, c’est qu’on est vraiment sur le b.a.-ba de l’informatique : savoir naviguer sur Internet, savoir gérer ses mots de passe, ce n’est pas si évident pour une bonne partie des gens. C’est d’ailleurs pour cela que 4000 conseillers numériques ont été déployés sur le territoire depuis à peu près trois ans, mais ça reste insuffisant parce que ce sont des postes précaires, ils sont au Smic, ils ont des contrats de deux ans sans garantie de suite.

Isabella Vanni : Tu parles bien de fonctionnaires ou peut-être d’agents publics.

Audric Gueidan : Ils n’ont pas forcément des statuts de fonctionnaires. C’est un peu un statut entre deux parce que certains sont dans des associations. En fait, ce sont des postes financés. Des mairies ont des conseillers numériques, des centres sociaux peuvent en avoir, certains sont directement dans des organisations à plus grande échelle. Ils sont déployés sur le territoire pour accompagner la population. On a l’impression que 4000 c’est un grand chiffre, mais, en fait, ce n’est pas assez. C’est déjà très bien, mais il faut continuer d’accompagner les gens là-dessus.
Pour rebondir sur ce que disait Louis IX juste avant. On voit aussi la surveillance au quotidien et plus on la voit plus, en fait, on ne la voit plus. J’ai un exemple : des caméras de surveillance ont été installées là pendant les JO. Au début ça ne devait être qu’une expérimentation, après, on nous a dit ça reste pendant les JO et, au final, ça va rester indéfiniment, parce qu’une fois que c’est installé, en général on n’enlève pas des outils qui sont là, qui fonctionnent et qui sont censés, entre guillemets, « protéger la population », mais c’est très facile de retourner le système contre nous.

Isabella Vanni : Pourtant, des structures avaient alerté justement sur cette sur cette possibilité, je pense notamment à La Quadrature du Net, pour faire vraiment référence à l’exemple que tu portes.
Oui, on a l’impression que même quand l’information passe, quand on dit « votre conversation peut être analysée par exemple par l’État américain », les personnes disent « qu’est-ce que ça peut me faire », donc il y a vraiment un blanc et je comprends toutes vos difficultés à faire comprendre les enjeux. C’est le côté difficile du métier, j’imagine qu’il y a aussi des belles victoires, des belles satisfactions que vous pouvez aussi éprouver lors de vos ateliers et formations. J’ai envie de vous demander de partager avec nous quelques beaux moments de formation, de médiation numérique. Audric.

Audric Gueidan : J’ai une grande satisfaction de savoir que des outils que j’ai pu créer, je pense notamment à ma bande dessinée, sont utilisés par d’autres médiateurs et conseillers numériques, qu’ils s’en servent comme outil pédagogique dans le cadre d’ateliers. Je me dis que c’est une bonne manière d’essayer de toucher un public plus large, c’est directement de parler et d’accompagner les personnes qui forment ce public-là. C’est aussi pour cela que j’ai continué de me former et d’accompagner des structures directement plutôt que le faire en grand public, j’ai l’impression que c’est plus efficace. En tout cas ça fait plaisir quand on nous dit « j’ai enfin compris un concept qui me paraissait très bizarre, je ne comprenais pas ce truc technique », le fait de l’avoir imagé de manière un peu humoristique ça passe mieux et, souvent après, les gens commencent à essayer de changer un petit peu leurs habitudes, mais c’est ce qui est le plus compliqué. Il faut le dire, on a globalement la flemme : changer quelque chose qui marche, « ça fait dix ans que je fais comme ça, je n’ai pas envie de changer mes habitudes », c’est ça le plus compliqué, mais ça fait plaisir quand on voit que les gens font cet effort.

Isabella Vanni : J’ai l’impression, je n’ai pas l’impression, c’est scientifiquement prouvé : faire changer des habitudes c’est extrêmement difficile. On dit que le cerveau met, en moyenne, 21 jours à changer une habitude et, malheureusement, plein de personnes, de structures profitent de cette faiblesse de notre cerveau, votre travail est d’autant plus important.
Louis IX, est-ce que tu veux partager avec nous quelques beaux moments, quelques fiertés au cours des formations et ateliers que tu as eu l’occasion de faire ?

Louis IX : Au cours des formations qu’on a pu faire sur le terrain on a toujours, comme disait Audric, le petit déclic, la personne qui dit « je vais peut-être jeter mon téléphone ». On sait très bien qu’elle ne le fera pas, mais rien que le penser, il y a eu un déclic et c’est ce déclic qu’on cherche, parce que cette personne va sans doute en parler autour d’elle et, de déclic en déclic, on finira par allumer la lumière !

Isabella Vanni : C’est une belle image ! On commence par la lumière dans les yeux de la personne et, après, peut-être qu’on va allumer la lumière dans toute la pièce !

Louis IX : Tout à fait.

Isabella Vanni : Très bien. Audric a abordé tout à l’heure le sujet de la bande dessinée. On va en parler. Tu as effectivement écrit une bande dessinée qui s’appelle Datamania – Le grand pillage des données personnelles. Tu n’as pas fait les dessins, tu as fait appel à un graphiste pour la partie dessin, mais c’est toi qui as écrit les textes. Il s’agit d’une bande dessinée qui aborde ces sujets des enjeux de la vie privée tout en mettant beaucoup d’humour. Pourquoi as-tu décidé, toi qui étais médiateur informatique – parce que ça prend du temps de mettre en œuvre, d’écrire du contenu, ce n’est pas anodin –, qu’est ce qui t’a poussé à écrire cette œuvre ? Et pourquoi la BD ?

Audric Gueidan : En fait, c’est que j’avais depuis le début, avant même mon premier livre que j’avais sorti avant qui était sur un sujet de niches, Construisez et programmez votre console de jeux open source, c’était un petit truc, mais je ne me sentais pas de commencer tout de suite par une BD. Par contre, comme j’avais déjà le contenu, ayant déjà animé un certain nombre d’ateliers et de formations, ça a été assez facile, en tout cas pour moi, de retranscrire sous ce format un petit peu humoristique. J’ai voulu le faire sous forme de BD parce que, à ce moment-là, je n’avais pas trouvé de BD qui parlait de ce sujet-là. J’en avais trouvé une qui parlait de big data, mais qui datait un petit peu, elle datait de 2014, et big data ce n’est pas exactement la même chose, en tout cas ça ne parlait pas de la captation des données, de comment on peut se protéger.

Isabella Vanni : Qu’est-ce qu’on entend par big data pour les personnes qui nous écoutent ?

Audric Gueidan : Là, c’était plus les données utilisées, collectées et utilisées par les entreprises pour faire des statistiques, en tout cas ça ne parlait pas du tout de vie privée à ce moment-là.
J’avais envie de parler de ce sujet-là, à la fois pour un peu faire finir une boucle, comme un cycle, parce que ça faisait plusieurs années que je parlais de ces sujets-là et que, entre guillemets, je « saoulais » un peu tout le monde avec ça, mais je pense qu’il faut faire ça pour que les gens se réveillent et qu’on allume la lumière. J’avais envie que ça soit accessible, même pour du jeune public, et je pense que la BD documentaire est un très bon moyen de faire passer des sujets qui peuvent paraître anxiogènes, parce que dire « vos données sont captées, vous êtes espionnés en permanence », à part avoir envie de se réfugier dans une grotte, on se demande un peu ce qu’on peut faire.
Il existe un certain nombre de ressources, de très bons livres, de très bons sites qui vont proposer des solutions, faire des tutoriels, mais ça reste des documents techniques qui, parfois, sont compliqués d’accès. Donc, le faire avec de l’humour, dans un univers un petit peu science-fiction, parce que ma BD ça se passe dans l’espace "le cyber-espace", c’était pour faire un lien, je trouve que c’était une approche un peu différente et originale. En tout cas, j’ai beaucoup apprécié le faire sous cette forme-là, parce que, à la base, avant d’être dans le numérique, j’étais dans l’audiovisuel, donc raconter des histoires c’est toujours quelque chose qui m’a beaucoup amusé.

Isabella Vanni : Voilà le lien ! J’imagine qu’en faisant cette BD tu t’es beaucoup amusé.

Audric Gueidan : Beaucoup et il y a énormément de références cachées, certaines sont expliquées à la fin du livre, mais pas toutes, il y a vraiment des trucs pour lesquels il faut être pointu pour trouver les références.

Isabella Vanni : Tout à l’heure, tu disais qu’il faut parfois saouler les gens. On parlait d’humour. Dans la BD, j’ai beaucoup aimé la partie où tu parles des logiciels libres toute la journée, avec ta compagne, au bout d’un moment elle n’en peut plus. Quand tu voyages dans l’hyperespace, au bout d’un moment tu visites la planète GNULinux, la planète que tu as inventée en hommage au système d’exploitation libre, tu te prends en photo avec tous les pingouins qui sont sur la planète, c’est très marrant, j’ai beaucoup aimé. C’est vrai que quand on dit aux gens « vous êtes espionné en permanence », une réaction peut être « je me réfugie dans une grotte, dans la forêt », ou alors « j’arrête de penser à ça et je continue à faire exactement comme avant ». Il faut effectivement trouver le bon canal pour dire « c’est vrai, la situation est grave, mais il y a des solutions et je suis là pour vous accompagner, il faut juste mettre en pratique certaines choses ».
Cette bande dessinée est parue aux Éditions Dunod, elle est sortie en mars 2023, l’année dernière, il y a un peu plus d’un an. Et en juin 2023, donc quelques mois plus tard seulement, Exodus Privacy publiait un kit « Smartphones et vie privée », un kit pédagogique. Je souhaiterais, Louis IX, que tu nous en parles un peu plus s’il te plaît. Pourquoi avez-vous décidé de réaliser ce kit et en quoi ça consiste ?

Louis IX : On a décidé de réaliser ce kit parce qu’on se rendait compte que, dans les ateliers que nous aimions, finalement on disait toujours la même chose. C’est normal ! Il faut rabâcher. On saoulait notre public, exactement comme Audric. Et on s’est demandé « mais les médiateurs numériques, est-ce qu’ils ont les outils, est-ce qu’ils ont les bons outils ? ». Beaucoup viennent nous voir en disant c’est génial ce que vous faites, mais c’est compliqué. On s’est dit qu’on allait leur pré-mâcher le travail, leur proposer un kit tout prêt, ils n’auront plus qu’à suivre le déroulé. Il faut, bien sûr, se l’approprier, il faut bien évidemment se le mettre en bouche et l’avoir à soi. Du coup, les médiateurs numériques ont, comme ça, un outil qu’ils peuvent utiliser, quasiment brut de décoffrage, pour animer des ateliers, donc répandre la tache d’huile d’Exodus Privacy un peu partout.

Isabella Vanni : Et en quoi ça consiste ? C’est un kit, donc il y a plusieurs outils au sein du même kit. Je sais ce qu’il y a dedans, mais je préfère que tu le présentes.

Louis IX : Il y a des vidéos qui expliquent les trackers. Un tracker c’est un tout petit bout de logiciel, qui est caché dans une application, et qui va aspirer les données de l’utilisateur ou de l’utilisatrice.

Isabella Vanni : On est d’accord que c’est une autre façon de dire pisteur, ce sont des synonymes ?

Louis IX : Oui tout à fait.

Isabella Vanni : OK. Donc une vidéo qui explique ce que sont ces trackers ou pisteurs.

Louis IX : Tout à fait, comment ils fonctionnent et pourquoi ils sont dangereux. On n’entre pas dans le détail de comment ils fonctionnent, bien évidemment, ça reste de très haut niveau, on ne va pas faire de code, je vous rassure.

Isabella Vanni : L’idée c’est de vulgariser.

Louis IX : Il y a ces vidéos. Il y a également les slides, un diaporama qui est diffusé aux personnes qui assistent à la formation pour accompagner la présentation.
II y a une fiche récapitulative du déroulé de la formation pour le formateur, ou le médiateur ou la médiatrice numérique. Et, à la fin de la présentation, chaque participant repart avec son propre déroulé, ce qu’il a fait, ce qu’il a appris, pour pouvoir se remémorer quand il veut : il ouvre sa fiche, il lit, il se rend compte que là il n’a pas été bon, il aurait pu faire mieux et, petit à petit, peut-être réussir à se débarrasser de mauvaises habitudes.

Isabella Vanni : C’est vraiment une formation, on va dire, une présentation en clé en main, tout est déjà prêt. Pour concevoir ce kit, je sais que vous avez fait appel à des bénévoles, vous l’avez testé, il y avait un prototype qui circulait à un moment. C’est intéressant de savoir comment vous avez conçu ces outils.

Louis IX : Déjà, je rends hommage à MeTal_Pou qui a porté le projet, est un autre membre d’Exodus Privacy, qui a été présidente pendant trois et qui a porté ce dossier. Comme elle est médiatrice numérique, elle a pu contacter ses collègues qui ont eu la primeur pour tester ce kit et on a également fait quelques appels discrets, mais appuyés, sur les réseaux sociaux pour avoir un échantillon plus vaste. Les retours qu’on a eus étaient tous excellents, donc, nous avons persévéré dans nos erreurs !

Isabella Vanni : À propos de retours, une fois que vous avez publié la version officielle de ce kit pédagogique, une fois qu’il a été validé, peaufiné et mis à disposition en ligne, j’imagine que vous avez aussi fait de la pub pour que les gens, justement, puissent le télécharger et l’utiliser. Est-ce que vous avez eu des retours de la part de personnes qui auraient téléchargé et utilisé ce kit ?

Louis IX : Beaucoup de gens nous ont dit « j’ai récupéré le kit, je vais l’utiliser » et qui ne nous disent plus rien ! Ce n’est pas grave, l’important c’est qu’ils l’utilisent. Deux/trois personnes nous ont dit « c’est génial, ça a bien marché, je le referai » et ça fait très très plaisir.

Isabella Vanni : Oui, parce que c’était quand même un projet de longue haleine ! J’ai regardé les outils et tous semblent très simples. Par exemple, dans la vidéo, dans les slides, dans le diaporama, il y a des dessins très simples, pas trop chargés de mots, ce qui est très bien pour les diaporamas, éviter d’écrire trop dans les slides, etc. Mais, en fait, obtenir cette simplicité, ça demande beaucoup de travail. Synthétiser, rendre simple, agréable et plaisant aussi à voir, c’est un gros boulot. Les dessins sont aussi très jolis. Qui est à l’origine des dessins ?

Louis IX : Ça dépend de la version. Dans la toute première version, ce sont les dessins de Métal_Pou, la musique aussi. Dans la nouvelle version qui ne devrait pas tarder, les dessins sont de Lila, si je me souviens bien, ainsi que la mise en forme et l’animation.

Isabella Vanni : D’accord. On les remercie très très fort, parce que c’est vraiment un joli travail.
Et toi, Audric, est-ce que tu as eu des retours suite à la publication de ta bande dessinée <em<Datamania.

Audric Gueidan : Pour la bande dessinée, j’ai eu des retours d’autres médiateurs numériques. D’ailleurs, dans la BD, il y a un petit clin d’œil à Exodus Privacy, peut-être qu’il y en a qui l’ont vu. Mais oui, des retours très positifs et même, aussi, des retours de magazines un peu techniques, je pense notamment à Linux Magazine qui en a un peu parlé. Ça fait plaisir d’avoir cette petite mise en avant.

Isabella Vanni : Est-ce qu’ils ont publié un commentaire, un avis sur le magazine ?

Audric Gueidan : Il y a eu un article, ils avaient fait un article. De mon côté, j’avais fait une petite revue de presse où j’avais récupéré toutes les infos que j’avais trouvées, parce qu’il y a eu un petit peu de communication autour du livre, malgré tout, j’en suis plutôt content. Oui, que des retours positifs !

Isabella Vanni : Très bien. Je vous propose de faire une pause musicale parce qu’après on va aborder d’autres sujets. Après la pause musicale nous continuerons à parler de ce sujet.
Pour l’instant, nous allons écouter un titre qui a été choisi par Audric, Cascade par Kubbi. On se retrouve dans environ quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Cascade par Kubbi.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Cascade par Kubbi, disponible sous licence libre Creative Commons CC By SA 3.0.
Comme je le disais tout à l’heure, ce titre a été choisi pour notre invité Audric Gueidan qui nous a dit aimer beaucoup les sonorités 8-bit. Avant de lancer notre jingle spécial musique, est-ce que tu peux nous expliquer, Audric, ce qu’on entend par là, par sonorité 8-bit ?

Audric Gueidan : La musique 8-bit, c’est de la musique qui fait beaucoup penser à ce que peuvent faire des sonorités de jeux vidéos. On peut également parler de musique chiptune, parce que les toutes premières musiques de jeux étaient faites directement avec des micropuces. Comme je suis assez fan de jeux vidéos, notamment de vieux jeux, c’est un type de musique que j’aime bien, je trouve que ça donne toujours un petit peu la pêche.

Isabella Vanni : C’est vrai ! J’ai dansé et c’est tout en cohérence avec ton parcours !

Audric Gueidan : C’est ça !

Isabella Vanni : Place au jingle musique.

[Jingle]

Deuxième partie 48’ 05

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre notre discussion. Je suis Isabella Vanni de l’April. Les autres personnes qui participent à l’émission sont Audric Gueidan et Louis IX d’Exodus Privacy. Cette émission est consacrée aux enjeux de la vie privée sur Internet et sur les appareils connectés.
N’hésitez pas participez à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Dans cette deuxième partie de notre sujet principal, j’aimerais vous lire les commentaires que Marie-Odile, membre du conseil d’administration de l’April, a laissé sur le salon chat de l’émission. Elle dit « souvent les boutons « accepter ou refuser », elle fait référence aux cookies quand on va sur un site web, ne semblent pas sur le même plan : l’un est en bas et l’autre en haut, en plus écrit plus petit, il faut donc remonter sur la page. C’est très pénible de toujours avoir à refuser, il faudrait que ce soit l’inverse, on refuse tout par défaut et on choisit ce qu’on accepte. » Effectivement, même quand on est au courant qu’il peut y avoir des cookies qui récupèrent des informations, que le RGPD, le Règlement général sur la protection des données, est une loi qui oblige aujourd’hui les sites web à donner le choix aux utilisatrices et utilisateurs, en fait les choses ne sont pas forcément rendues simples pour effectuer un choix éclairé. Peut-on profiter de cette remarque pour expliquer pourquoi on ne peut pas se passer de certains cookies et par contre, pour d’autres, on aurait, à priori, la faculté, ou pas, de choisir de les avoir sur son ordinateur. Peut-être Louis IX, pour commencer.

Louis IX : Personnellement, je refuse tous les cookies. Point. Je commence par ça et, après, je regarde le site sur lequel je suis et quel est son niveau d’intérêt pour moi : est-ce que c’est vital, est-ce que c’est intéressant, est-ce que c’est amusant ou est-ce que c’est bof ? Selon le résultat de mon analyse, j’accepte ou pas certains cookies. Malheureusement, parce que la loi n’est pas respectée, je pense que c’est la seule façon de faire : on commence par interdire et, après, on autorise, peut-être, quelque chose, mais il est vrai que c’est l’inverse qui devrait être mis en place, c’est ce que demande la loi ; par défaut c’est non, on est bien d’accord.

Isabella Vanni : Malheureusement ! Normalement, il devrait y avoir juste un clic à faire pour refuser alors que, dans certains sites, il faut vraiment chercher et cliquer plusieurs fois pour tout refuser.
J’aime bien ton approche, LouisX, tu te demandes si le site est important, s’il est vital pour toi. On peut aussi choisir en fonction de nos vrais besoins, si on se pose juste un instant et on prend le temps de réfléchir.
Quand on parle de cookies, ce que les sites appellent cookies nécessaires, de quoi s’agit-il ? Les cookies qu’on ne peut pas refuser, même si on peut refuser les autres, c’est quoi Audric ?

Audric Gueidan : Certains cookies, par exemple sur une boutique en ligne, le cookie qui va enregistrer ce qu’il y a dans mon panier ; s’il y a pas de cookie, je ne peux pas avoir de panier, donc ça ne marche pas dès que je vais changer de page. C’est un cookie essentiel sinon le site, entre guillemets, est « cassé ». Je peux comprendre qu’on ait besoin de ceux-là, mais pour les autres, si je peux dire non, je dois pouvoir effectivement le faire.
Il y a aussi un autre problème : respecter la loi, mais aussi faire appliquer la loi. En France, c’est la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui est censée, entre guillemets, « taper sur la tête » des entreprises qui ne respectent pas la loi, sauf qu’elle-même a parfois du mal à se positionner. À la CNIL, il n’y a pas beaucoup de personnes, ils n’ont pas énormément de pouvoir, finalement, si bien qu’eux, entre guillemets, « tolèrent » le bandeau de cookies où, par exemple, « accepter » est en vert et « continuer sans accepter », qui n’est pas vraiment « refuser », c’est refuser sans le dire, va être grisé, dans un coin, et on ne va pas le voir. Pour l’instant ça passe encore, peut-être qu’un jour ça va changer. Il faudrait faire appliquer la loi vraiment complètement.

Isabella Vanni : La CNIL est une autorité indépendante, qui est là déjà pour informer les personnes sur leurs droits. Elle les aiguille aussi sur les démarches à faire pour faire respecter la loi. Il y a beaucoup de formulaires que vous pouvez télécharger. J’en parle parce que je l’ai fait moi-même ; par exemple un formulaire avec des modèles de messages pour demander, par exemple à un site, d’effacer vos adresses de contact, vos données personnelles. Normalement, elle est aussi là pour sanctionner, il y a aussi cette partie-là, sur signalement des personnes. Mais, comme tu le disais Audric, les moyens de la CNIL ne sont pas à la hauteur des objectifs, c’est sûr !

Audric Gueidan : Clairement. Et même sur les signalements qu’on peut faire, il peut y avoir beaucoup de mois de délai pour qu’il y ait un traitement et, parfois, ça n’aboutit à rien. Sur Internet, sur les réseaux, on voit certains activistes qui s’énervent un petit peu, qui s’impatientent du manque de réactivité de cet organisme.

Isabella Vanni : Oui tout à fait. J’ai donc porté cet exemple. On ne peut pas s’attendre à ce que la CNIL résolve tout, ça c’est sûr, il faut donc déjà, nous-mêmes, nous outiller, pour faire le maximum de notre côté. C’est la partie où je vous invite à partager avec nos auditrices et auditeurs les astuces pour s’informer, pour avoir des conseils, justement pour s’outiller. Qu’est-ce que vous vous conseilleriez à une personne qui souhaiterait, aujourd’hui, commencer à mieux protéger sa vie privée quand elle va sur Internet, quand elle utilise son smartphone. Audric.

Audric Gueidan : C’est facile à dire, mais je pense qu’en numéro un il faut faire de la veille, il faut s’informer, il faut suivre, sur les réseaux, les bonnes personnes, à la fois des personnes très techniques et également des personnes qui vont justement vulgariser tout ça. Je pense que c’est intéressant d’avoir, entre guillemets, « les deux points de vue ». Il faut lire des livres, il faut être curieux et il faut prendre le temps de se faire accompagner sur Internet mais aussi dans des lieux physiques. Il faut participer à des événements, je pense notamment à ce qu’on appelle les Cafés vie privée, qui sont des événements qui ont lieu bien souvent dans des lieux privés, donc dans des bars, dans des cafés, dans des bibliothèques, où, là, on va rencontrer un collectif, une association, en tout cas un groupe de personnes qui met du temps et qui va, justement, expliquer tout ça et accompagner le public dans la prise en main et l’installation de certains outils pour protéger sa vie privée.
Il faut aller voir aussi s’il y a une association Linux dans son coin, les fameux GULL, les groupes d’utilisateurs de logiciels libres, il y en a un petit peu partout. Il ne faut pas avoir peur de pousser la porte et de demander de l’aide à quelqu’un qui est un peu plus au courant de tous ces sujets-là. Et puis, à force, on va monter en compétences et on sera peut-être autonome.

Isabella Vanni : Par ailleurs, je rappelle qu’il y a un site qui s’appelle Agenda du Libre, agendadulibre.org, qui permet facilement de trouver des événements près de chez vous autour du logiciel libre, mais aussi au autour des sujets de vie privée. Les événements sont affichés sous forme de calendrier, mais aussi sous forme de carte, c’est donc facile de les trouver et le même site référence aussi les associations, les structures qui s’occupent de ces sujets. N’hésitez pas à le consulter si vous voulez franchir le pas.
Audric, j’aime beaucoup ce que tu dis, c’est-à-dire voir les gens aussi en vrai, parce que, parfois, se mettre à lire un bouquin ou se mettre à suivre tout seul, dans son coin, des tutoriels devant l’ordinateur, ça peut être un peu dur, un peu déprimant, tandis que voir des humains, interagir avec les humains, ça peut être une porte d’entrée et le fait de voir d’autres personnes ça peut motiver, encourager. Je trouve que ce n’est pas mal comme idée.
Louis IX, as-tu d’autres suggestions ?

Louis IX : Éteignez vos téléphones !

Isabella Vanni : Et pourtant, tu fais partie d’une association qui a mis en place plein d’outils pour mieux utiliser nos téléphones, mais tu dis que c’est mieux de les éteindre.

Louis IX : Mais ce n’est pas totalement dénué de raison. Si on regarde bien, sur la plateforme Exodus Privacy, par exemple, nous avons 500 000 rapports pour 210 000 applications testées, ce qui est absolument énorme. On se demande encore comment ça tient sur les machines, mais ça tient, grâce à certaines personnes de l’association qui font un boulot formidable, je le dis, il faut que tout le monde ait sa louche.

Isabella Vanni : On va d’ailleurs rappeler qu’Exodus ce sont deux outils principaux : c’est la plateforme en ligne, une plateforme d’audit, très simple à utiliser, n’est-ce pas Louis IX ?

Louis IX : Je la trouve très simple, forcément, puisque j’ai participé à sa mise en place, mais je comprends que ce soit un peu déroutant au début. Le principe : on a une nouvelle application qui nous tombe dans les mains parce que le collègue nous en a parlé. Avant de l’installer de façon un peu, je ne dirais pas bête mais un peu impulsive, on va aller sur la plateforme, essayer de voir si elle a été déjà analysée et, si elle ne l’a pas été la proposer, et voir le rapport de l’analyse avec le nombre de pisteurs présents dans cette application et le nombre d’autorisations qu’elle demande et quelles autorisations. Il faut pas oublier que dans les applications Android et aussi iPhone, c’est le cas aussi sur l’iPhone, il y a les pisteurs, mais il y a aussi les autorisations qui sont demandées.

Isabella Vanni : C’est-à-dire que l’application demande à pouvoir accéder à des choses qui sont dans le téléphone, à d’autres applications.

Louis IX : Par exemple une application de lampe de poche qui va vous demander d’accéder à vos contacts.

Isabella Vanni : Mais ça ne sert à rien !

Louis IX : Voilà ! Je suis ravi de te l’entendre dire. C’est exactement ce qu’il faut se dire, c’est tout à fait ce qu’il faut se dire : est-ce que j’ai besoin de ce truc, réellement. L’exemple le plus courant qu’on cite dans les conférences, c’est notre souffre-douleur, Météo-France, qui demande la géolocalisation toutes les minutes. Qu’est-ce qui se passe dans la rue toutes les minutes ? Est-ce qu’il se met à pleuvoir, comme ça, d’un seul coup ? Du tout ! Non, ça se voit. Donc, là, il y a quelque chose qui ne va pas, on est bien d’accord.

Isabella Vanni : Par ailleurs, je crois que c’est l’une des applications qui demande le plus d’autorisations et qui a le plus de pisteurs, ou je me trompe ?

Louis IX : Tout à fait. Je n’ai pas l’application la plus demandée, la plus pisteuse en tête, mais elle fait partie des plus importantes. Tout à fait.

Isabella Vanni : Du coup, j’invite les personnes qui nous écoutent à faire le test. On met le lien vers l’application sur la plateforme d’audit Exodus, vous avez la référence sur la page l’émission, et le rapport vous sort toutes les permissions et tous les pisteurs qui sont présents, c’est assez impressionnant. Je vous invite vraiment à le faire.
Exodus n’est pas seulement cette plateforme d’audit en ligne, c’est aussi l’application. J’imagine que ça a la même fonction.

Louis IX : Tout à fait, c’est la même fonction sauf qu’on n’a pas besoin d’être devant son ordinateur. L’application peut être téléchargée sur le Play Store et sur F-Droid, un magasin alternatif ; c’est un peu plus compliqué sur F-Droid, ça s’adresse à des publics un peu plus éduqués, avertis. Elle est disponible sur le Play Store, donc vous pouvez la récupérer. L’application va demander au téléphone de lui donner la liste des applications installées, elle va faire un gloubi-boulga avec ça, l’envoyer à nos serveurs qui vont déplier le gloubi-boulga et vous renvoyer le résultat : pour telle application, il y a tant de pisteurs et tant de permissions, voici ces permissions, et là c’est à vous de juger : est-ce que vous avez besoin de l’application de La Poste pour trouver une boîte aux lettres ?

Isabella Vanni : C’est ce que ce que tu disais à l’occasion d’une autre échange. L’association ne va pas vous dire ce que vous devez faire ou ne pas faire, l’association vous invite à choisir en connaissance de cause et, après avoir réfléchi. Dans le kit pédagogique, je crois que vous donnez l’exemple d’une application de type médical, il y a donc un besoin vital. Dans ces cas-là, même si on est au courant que des permissions complètement farfelues sont demandées, qu’il y a des pisteurs, on se dit que c’est sa vie qui est en jeu, c’est une maladie grave, tant pis on ne peut pas m’en passer. Mais pour d’autres choses, comme tu dis la lampe de poche ou que sais-je, pour d’autres applications plus banales on va dire, on peut effectivement se poser la question, trouver une alternative qui demande moins d’autorisations.
Par ailleurs, les applications qui sont analysées son bien des applications pour Android, tu confirmes ?

Louis IX : Tout à fait, il existe un autre projet pour iOS, Tracker Detect ??? [1 h 04 min 10], qui s’appuie un peu sur nos travaux, mais qui a beaucoup plus de difficultés que nous du fait de la politique un peu méchante d’Apple.

Isabella Vanni : D’accord. C’est plus compliqué, si tu as le nom de projet, tu pourras me le passer, je l’ajouterai volontiers dans les références de l’émission de ce jour.
Le temps file. On a parlé de plusieurs projets que vous avez vous avez mis en œuvre. Quels sont les prochains projets que vous avez en tête autour de ces thématiques, une deuxième BD, peut-être, Audric ?

Audric Gueidan : J’aimerais beaucoup. J’ai commencé à écrire quelque chose qui parle du numérique responsable, donc l’impact environnemental du numérique, qui est un autre sujet. Ça pourrait aussi parler d’intelligence artificielle, on en parle beaucoup en ce moment et, pareil, on peut se poser la question à la fois sur l’impact écologique mais également sur la question des données, des data. On va dire que c’est un projet, ça avance tranquillement, on va voir si ça aboutit, mais j’aimerais bien faire quelque chose là-dessus.

Isabella Vanni : Plutôt sous forme de livre, peut-être, cette fois ?

Audric Gueidan : Non, bande dessinée encore, j’aimerais bien garder un peu la même la même logique avec un personnage qui fait une espèce de road trip, un voyage et qui va, comme ça, trouver de nouvelles connaissances qu’il va rapporter à ses proches.

Isabella Vanni : Puis-je suggérer une femme cette fois ?

Audric Gueidan : C’est vrai que c’est une critique qu’on m’a faite, qu’il n’y avait pas assez de personnages féminins dans la BD, c’est parce qu’une partie de la BD a été coupée. J’avais écrit 15 % de plus et avec l’éditeur, après plusieurs allers-retours, j’ai dû rogner des choses, donc des personnages se sont mixés et, effectivement, des femmes ont disparu. Métal_Pou était d’ailleurs présente à l’origine.

Isabella Vanni : C’est dommage. Du coup, il faut absolument lui rende hommage dans la deuxième BD.

Audric Gueidan : Je vais essayer.

Isabella Vanni : Pour Exodus Privacy ou pour toi en particulier, Louis IX, quels sont les projets qui mijotent en ce moment ?

Louis IX : Le projet c’est recruter de nouveaux bénévoles parce qu’on commence à s’essouffler un petit peu, avoir un peu de sang neuf.
Continuer à faire en sorte que la plateforme soit disponible dans un nombre de langues assez incalculable.

Isabella Vanni : Est-ce, déjà aujourd’hui, disponible en plusieurs langues ?

Louis IX : Oui, énormément, je crois qu’il y a plus de 80 langues.

Isabella Vanni : C’est énorme. Du coup, vous avez réussi à recruter tous ces traducteurs/traductrices pour le faire ?

Louis IX : Sur une application « Partager », je n’ai plus son nom en tête, les gens de la communauté sont venus traduire spontanément.

Isabella Vanni : C’est génial !

Louis IX : C’est d’ailleurs assez dingue ! Cette communauté est incroyable puisque on a déjà laissé des posts de blog le soir, à 22 heures, en disant « si vous avez le temps de traduire un petit truc, ce serait sympa » et le lendemain, tout le site était traduit.

Isabella Vanni : Incroyable ! D’ailleurs le site Exodus Privacy est disponible aujourd’hui en français et en anglais. Après, comme tu dis, la plateforme en elle-même a toutes ces langues à disposition. Il faut donc recruter des bénévoles. Comment fait-on pour participer ? Est-ce qu’il faut être technicien ?

Louis IX : non ! Pas du tout. Il faut juste avoir envie, c’est tout ce qu’on demande, avoir envie. Je prends encore une fois l’exemple de Métal_Pou parce qu’il est symbolique. Elle était bibliothécaire quand elle nous a rencontrés, elle a été présidente de l’association pendant trois ans. Elle s’est mise à la technique, ce qui n’était même pas obligatoire, mais elle s’est mise à la technique et elle s’est sentie bien. Donc, venez, on a des cookies ! Non ! On n’a pas de cookie !

Isabella Vanni : Ou alors des vrais cookies. Je trouve que c’est une bonne façon pour conclure du côté de Louis IX. Exodus Privacy est une association qui fait des choses hyper-utiles pour notre vie privée. Ce serait dommage de perdre ces projets. Il faut les garder en vie et, pour les garder en vie, vous avez besoin de personnes, donc n’hésitez pas à contacter l’association. J’imagine qu’il y a une adresse de contact très simple.

Louis IX : contact@exodus-privacy.eu.org.

Isabella Vanni : Voilà, c’est super simple. Vous le retrouvez aussi sur le site. Vous écrivez vous dites « ces sujets m’intéressent, je veux apporter ma pierre, je sais faire ça et ça » ou alors « je ne sais rien faire, dites-moi ce que je peux faire pour vous aider ». C’est très simple.
Audric, qu’est-ce tu aimerais que nos auditrices et auditeurs retiennent de notre échange. Est-ce qu’il y a un dernier message que tu souhaiterais faire passer ?

Audric Gueidan : Je veux dire que c’est toujours possible de se poser les bonnes questions et d’essayer de changer des habitudes. Il faut y aller par étape, c’est comme passer au bio, on ne va pas, d’un coup, manger bio et local du jour au lendemain, c’est un peu compliqué, parce que c’est vu comme une contrainte, donc il faut le faire petit à petit.
Pour rebondir sur la contribution, la première forme de contribution, c’est d’en parler tout simplement, d’essayer les applications libres, d’essayer Exodus, d’en parler autour de soi et puis, étape par étape, on va y arriver.
Si j’ai un seul conseil à donner, c’est déjà de commencer par installer Exodus sur son téléphone et utiliser un gestionnaire de mots de passe, parce que, mine de rien, c’est quand même le truc qui embête tout le monde, les mots de passe, et ça reste une porte d’entrée assez facile sur sa vie privée. Donc, utilisez un gestionnaire comme qui KeePass, Bitwarden ou Proton Pass, ça sera déjà une première étape plutôt cool.

Isabella Vanni : Très bien ce conseil. Sur la page de référence, je vais rajouter les liens utiles pour retrouver les pages qui parlent de ces gestionnaires de mots de passe. Moi-même j’utilise KeePass, je le trouve génial.
Bien évidemment, vous pouvez aussi lire la bande dessinée Datamania, d’Audric Gueidan, vous y trouvez aussi des tutoriels et des suggestions pour mieux protéger votre vie privée.
Je souhaite remercier énormément mes deux personnes invitées d’aujourd’hui, Audric Gueidan et Louis IX de l’association Exodus Privacy. Merci d’avoir participé et je vous souhaite une bonne continuation avec tous vos projets.

Audric Gueidan : Merci.

Louis IX : Merci à toi de nous avoir invités.

Isabella Vanni : Nous allons maintenant faire une pause musicale

[Virgile musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale, nous entendrons une nouvelle chronique de Marie-Odile Morandi sur le thème « Elles s’engagent en faveur du logiciel libre au sein de leurs communautés ».
Nous allons écouter L’Étoile danse par Meydän. On se retrouve dans moins de deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles

Pause musicale : L’Étoile danse par Meydän.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter L’Étoile danse par Meydän, disponible sous licence Creative Commons CC by 3.0.
J’ai choisi un morceau exprès pour notre chroniqueuse Marie-Odile Morandi, car je sais qu’elle préfère ces sonorités.

[Jingle]

Isabella Vanni : Je suis Isabella Vanni de l’April. Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi – « Elles s’engagent en faveur du logiciel libre au sein de leurs communautés »

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre avec la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture ». Marie-Odile Morandi, membre du conseil d’administration de l’April et animatrice du groupe Transcriptions, partage ses choix, voire ses coups de cœur, qui mettent en valeur deux ou trois transcriptions dont elle recommande la lecture.
Le thème de la chronique de ce jour est « Elles s’engagent en faveur du logiciel libre au sein de leurs communautés ».
La mise en voix est de Laure-Élise Déniel.

[Virgule sonore]

Marie-Odile Morandi, voix de Laure-Élise Déniel : Bonjour à nos chères auditrices et auditeurs de cette chronique, les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture.
Le 10 juin dernier se sont déroulées, à Lyon, les Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre. À cette occasion, l’April avait dépêché une envoyée spéciale, Julie Chaumard, qui a parcouru les allées de cet évènement et interviewé, sur leurs stands, quelques participantes et participants. Nous avons pu écouter ces interviews, « comme si nous y étions », nous dit Julie, lors de l’émission Libre à vous ! du 25 juin 2024. Parmi les personnes qui ont répondu aux questions de Julie, deux femmes avaient aussi participé, chacune, à une émission Libre à vous !, en septembre 2020 et en décembre 2022. Vous pouvez réécouter ces émissions, lire leurs transcriptions, les liens sont sur la page des références de l’émission de ce jour.

Aujourd’hui, nous allons revenir sur l’engagement de ces deux femmes politiques en faveur du logiciel libre au sein de leurs communautés.
Claudine Chassagne, adjointe au maire de la ville de Saint-Martin-d’Uriage, une commune de 5 600 habitants dans le département de l’Isère, est élue depuis 2014, en charge, entre autres, du numérique, réélue en 2020, toujours en charge du numérique, avec d’autres casquettes. Pour gérer les services de la commune, la mairie comporte à peu près 150 agents.
Émeline Baume est vice-présidente de la métropole de Lyon. Son mandat porte sur l’économie, l’emploi, le commerce, le numérique et les communs publics, sur un territoire qui compte 59 communes et à peu près 1,4 million d’habitants. À la métropole de Lyon, on compte 9 600 agents dont un service pour l’ensemble des 83 collèges du territoire.

Dès 2014, Claudine Chassagne a tenu à mettre en place une politique de migration vers le logiciel libre, une priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts. Un certain nombre de projets ont été mis en place jusqu’à la migration totale vers la bureautique libre, en fin de mandat, en 2020. La politique s’est alors plutôt tournée vers du numérique responsable et inclusif, avec le besoin d’accompagner les personnes en difficulté avec l’informatique.
Dans le programme présenté par l’équipe à laquelle appartient Émeline Baume, la proposition d’aller vers les logiciels libres était présente. Dès juillet 2020, début de son mandat, s’est posée la question du renouvellement des licences Microsoft. En septembre 2021, une délibération a été votée en faveur du logiciel libre pour la transformation de l’environnement numérique de travail des agents de la métropole.

Les maires des deux villes étaient tout à fait favorables, nous disent Claudine et Émeline, et convaincre les élus de l’équipe municipale semble avoir été relativement facile.
À la métropole de Lyon, les directeurs des services qui se sont succédé ont soutenu le projet ;
à Saint-Martin-d’Uriage, un premier technicien informatique, responsable des systèmes d’information, avait déjà mis en place des petits logiciels libres ; son successeur a vraiment joué le jeu, s’est investi et est devenu force de proposition au niveau technique, alors qu’il n’y connaissait rien au départ ;
le directeur des services a, lui aussi, soutenu le projet.

Les raisons invoquées pour développer une politique en faveur des logiciels libres se ressemblent pour les deux entités territoriales.
Il ne faut plus être tributaire du monopole exercé par les GAFAM, ne plus subir les contraintes exercées par ces acteurs économiques que sont Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft, afin d’acquérir une indépendance technologique pour son système d’information, devenir maître de ses logiciels, sans oublier la protection des données de ses administrés avec risque d’exploitation de celles-ci. D’autre part, les élues nous rappellent qu’il est assez gênant que la puissance publique paye aujourd’hui tant d’argent, principalement à Microsoft.
Donc, un enjeu politique fort d’indépendance technologique, voire des enjeux de souveraineté numérique.

Avoir un système d’information avec des modules aptes à fonctionner ensemble, à communiquer entre eux, qui utilisent, en quelque sorte, un même langage, est aussi un critère du choix. On choisit donc des solutions interopérables, des formats ouverts dont les caractéristiques sont connues.

Avec un logiciel libre, on est certain que le logiciel fait effectivement ce qu’il est censé faire, on est assuré qu’il n’y a pas de fonctionnalités malveillantes cachées, d’autant plus à l’heure du passage massif vers le cloud qui concerne aussi, désormais, les services publics dématérialisés, avec toutes les problématiques liées au droit extraterritorial américain. Le logiciel libre permet une logique de transparence, donc de confiance de la part des citoyens et des citoyennes.

« Le logiciel libre aide beaucoup – affirme Claudine Chassagne – pour la sobriété numérique, en allongeant la durée de vie des terminaux et en mettant en place des logiciels simples pour accompagner les utilisateurs. » Microsoft, par exemple, porte une grosse responsabilité sur l’impact environnemental du numérique en tant que moteur de l’obsolescence des machines par l’obsolescence des systèmes d’exploitation. Une raison de plus de s’engager vers une sortie de ces situations afin de cheminer vers des pratiques sobres et d’utiliser, dans le bon sens, le bon outil numérique.

L’aspect mutualisation de solutions logicielles est mis en avant. Il y a, en France, un peu plus de 36 000 communes qui ont les mêmes missions et qui vont, séparément, contractualiser avec leurs prestataires pour gérer leurs missions, avec un impact économique et financier assez fort. L’ ADULLACT, Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales, accompagne les collectivités dans leurs missions et, pour cela, héberge sur sa forge – un espace collaboratif en ligne permettant à plusieurs organisations et individus de créer puis de maintenir des logiciels –, toutes les sources des applications OpenMairie, basées sur du logiciel libre, qui permettent de satisfaire les besoins de gestion d’une mairie et qui peuvent être mutualisées. Les communes peuvent aussi se regrouper pour financer le développement d’un logiciel libre particulier afin de répondre à certains besoins. Éviter d’avoir recours à des logiciels propriétaires empêche ainsi une sorte de privatisation du service public.

Si les enjeux techniques sont clairs, des freins existent. Certes, on ne rachète plus de licences privatrices, il y a donc une économie, mais migrer vers le Libre a un coût, il ne faut pas le nier, d’autant que les collectivités sont très pressurisées financièrement et risquent de l’être de plus en plus dans les années à venir, nous dit Émeline Baume.
La résistance de certains personnels à utiliser des solutions libres vient de leurs habitudes d’usage, de l’habitude des facilités offertes par les GAFAM, voire des réflexes dont il faut arriver à se défaire.
Il faut aussi dépasser l’expression « le Libre c’est pour les geeks » : désormais, beaucoup de vulgarisation a été faite, de nombreuses organisations proposent une aide au changement. C’est souvent la migration vers la bureautique libre, l’outil de chaque jour, qui est faite en premier, avec accompagnement des personnels à qui on propose des formations au logiciel libre, inscrites au budget de la mairie, pour couvrir les besoins de nouvelles compétences.

Pour que la migration soit acceptée, il faut tout le temps former, accompagner la conduite du changement, en répétant régulièrement l’argumentaire politique auprès des hommes et des femmes qui font le service public au quotidien, bien expliquer les enjeux qui sont derrière ce choix. Ce n’est pas forcément évident à vivre, mais ce sont ces personnels qui garantissent l’efficacité des politiques publiques. C’est un investissement, certes, mais ces agents et agentes vont acquérir de nouvelles habitudes qui seront dupliquées dans leurs foyers, dans leur environnement social et personnel. Nos deux élues pensent qu’il y a là une responsabilité à proposer d’autres voies, d’autres trajectoires, dans la vie de chacun, pour participer à la souveraineté, à la protection de ses données. À cet égard, Étienne Gonnu, qui menait l’une des émissions, nous rappelle que le logiciel libre n’est pas seulement un sujet réservé aux informaticiens et informaticiennes, mais qu’il concerne absolument chacun et chacune d’entre nous.

Le sujet de la politique des achats, donc de la commande publique, est prégnant. Madame Baume et madame Chassagne nous rappellent qu’il existe des solutions, au moment de la définition des besoins dans les appels d’offre, pour mettre les logiciels libres en concurrence avec les logiciels propriétaires, disant qu’on veut se baser sur des formats ouverts ou qu’on veut pouvoir accéder aux codes sources. Le choix d’un logiciel ayant été fait, on peut alors mettre en concurrence des prestataires pour en faire la maintenance, voire la faire en interne si les compétences existent, renforçant ainsi l’indépendance recherchée.

Ce parti pris autour des logiciels libres permet de mieux et plus travailler les enjeux de souveraineté numérique, la mise en commun d’outils, la maîtrise de la dépense publique sur la durée et de répondre aux besoins des habitantes et habitants, avec, entre autres, un outil numérique efficace dédié au service public.

À l’April, nous qui défendons la priorité au logiciel libre, nous souhaiterions qu’une migration vers le logiciel libre et les formats ouverts, soit engagée par toutes les communes, toutes les collectivités locales. Les conseils donnés par les deux personnes interviewées sont précieux.
Le changement se fera correctement s’il repose sur le triptyque élus, direction générale des services et des ressources humaines, et responsable des services informatiques. Il faut donc un engagement politique, par exemple avec inscription dans le programme au moment des élections, un accompagnement face aux réticences qui sont parfois prégnantes, puis la recherche d’une stratégie de mise en place du projet par le service technique. Les efforts consentis n’empêchent pas les élues de vivre dans la crainte que cette politique soit remise en cause. Elles savent qu’il faudra régulièrement réexpliquer l’argumentaire et les raisons de la démarche.
La méthode d’action conseillée est celle dite des petits pas : il faut agir progressivement, sur un temps long, en commençant autant que possible par des personnels volontaires et sur des thèmes pas trop compliqués – l’exemple de la messagerie est cité –, afin de construire des solutions autant que possible durables dans le temps. Il ne faut pas hésiter à se faire aider par des organismes dont le métier est l’accompagnement à la conduite du changement dans l’utilisation de certains logiciels, mais aussi travailler avec d’autres collectivités, voisines, qui portent ces mêmes actions, afin de mutualiser et de coconstruire des solutions, ce que permet intrinsèquement le logiciel libre.

La Métropole de Lyon adhère à l’April, parce que, nous dit madame Baume, cela faisait sens, en particulier en regard du plaidoyer que porte notre association. La métropole soutient les Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre qui permettent de prendre conscience de la réelle valeur économique des acteurs du Libre qui peuvent répondre à des appels d’ordre d’acheteurs, dont la métropole, et qui sont tenus par le Code de la commande publique.
Madame Chassagne a noté le peu de femmes présentes à ces Rencontres. Des progrès restent à faire pour convaincre les filles qu’on peut faire des choses très intéressantes en informatique avec des logiciels libres, si, dit-elle, les hommes cèdent un petit peu de leur place !
Madame Baume insiste sur la nécessité d’accompagner la jeune génération, dès la prise en main des outils numériques, pour que la norme ne soit plus le logiciel privateur mais devienne le logiciel libre.

Un parcours très inspirant que celui de ces deux femmes. Puisse-t-il servir de modèle à d’autres collectivités territoriales !

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Isabella Vanni : Vous êtes de retour dans l’émission Libre à vous !. C’était la chronique de Marie-Odile, « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture », sur le thème « Elles s’engagent en faveur du logiciel libre au sein de leurs communautés ».
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces rapides.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Isabella Vanni : Cause Commune vous propose un rendez-vous convivial chaque premier vendredi du mois, à partir de 19 heures 30, dans ses locaux, à Paris, au 22 rue Bernard Dimey dans le 18e arrondissement. Une réunion d’équipe ouverte au public avec apéro participatif à la clé. Occasion de découvrir le studio et de rencontrer les personnes qui animent les émissions. La prochaine soirée-rencontre aura lieu ce vendredi 4 octobre.

La Fête du Libre revient samedi 12 et dimanche 13 octobre à l’espace Gérard Philipe à Ivry-sur-Seine. J’en profite pour faire un appel : nous cherchons des bénévoles pour tenir le stand de l’April, donc n’hésitez pas à vous inscrire si vous avez ne serait-ce qu’une demi-journée de libre.

Une rencontre April aura lieu samedi 12 octobre, à partir de 19 heures, dans les locaux de l’April, à Paris, dans le 14e arrondissement. Cette rencontre a lieu dans le cadre d’un week-end de réunion entre membres du conseil d’administration et de l’équipe salariée, occasion pour rencontrer, d’un coup, plusieurs personnes de l’équipe de l’April.

Et je vous invite, comme d’habitude, à consulter l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour les autres évènements en lien avec logiciel libre près de chez vous.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission d’aujourd’hui : Jean-Christophe Becquet, Audric Gueidan, Louis IX, Marie-Odile Morandi, Laure-Élise Déniel
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Julie Chaumard.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang 1, Julien Osman, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi aux personnes qui découpent le podcast complet des émissions en podcasts individuels par sujet : Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, et mon collègue Frédéric Couchet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio causecommune.fm.

N’hésitez pas nous faire de retour pour nous indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration, et vous pouvez également nous poser toutes questions, nous répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse bonjour@libreavous.org.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio au 09 72 51 55 46.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 8 octobre 2024 à 15 heures 30. Notre sujet principal par portant sur la médiation numérique et les libertés informatiques.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 8 octobre et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.

Isabella Vanni : Julie a baissé le volume du générique, l’émission est terminée, mais il y a sans doute des personnes qui écoutent jusqu’à la fin du générique. La première personne qui nous contacte à l’adresse bonjour@libreavous.org gagne un exemplaire de la BD Datamania dont nous avons parlé au cours de notre sujet principal. Bonne fin de générique.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.