Framaspace : du (Next)cloud pour les petites associations et collectifs militants

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Titre : Framaspace : du (Next)cloud pour les petites associations et collectifs militants

Intervenant : Pierre-Yves Gosset

Lieu : Choisy-le-Roi - Pas Sage en Seine 2024

Date : 30 mai 2024

Durée : 58 min 21

Vidéo

Présentation de la conférence

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Il y a 18 mois, l'association Framasoft annonçait un projet techniquement et politiquement ambitieux : Framaspace. Mille et quelques instances Nextcloud plus tard, que s'est-il passé depuis ? On en est-où ? Qu'est-ce qui marche ? Qu'est-ce qui ne marche pas ? Quel avenir pour le projet ?

Transcription

Bonjour à toutes et tous. Je m’appelle Pierre-Yves Gosset, je suis coordinateur des services numériques pour une association qui s’appelle Framasoft et je suis salarié de cette association depuis beaucoup trop longtemps, 16 ans je crois.

C’est la merde

Je suis ici pour vous parler un petit peu de Nextcloud, de Framaspace et des associations, mais je vais parler un petit peu politique puisqu’ici, à Pas Sage en Seine, c’est possible, voire recommandé, en vous disant que c’est quand même un peu la merde dans le monde : réchauffement climatique, des guerres, plusieurs, ça ne date pas que de l’Ukraine, il y en avait d’autres avant ; on ne traite pas forcément bien nos vieux ; on ne traite pas forcément bien les jeunes non plus d’ailleurs ; la précarisation de la société a plutôt tendance à augmenter ; les projets de loi se multiplient, là c’était sur la question des retraites et des pensions, mais je peux vous faire exactement la même aujourd’hui avec la question des indemnités chômage, comment est-ce qu’on peut les raccourcir, etc., il faut faire des pour faire des économies messieurs dames voyons ! ; toujours sur des questions écologiques ou climatiques comment on est en train de niquer nos forêts à coups de coupes rases et de forêts de douglas qui pourrissent les sols, comment on arrive même à foutre le feu à l’océan, l’homme est capable de tout !

Et, dans le monde des assos, c’est aussi un peu la merde. C’est la merde à différents endroits.
Le premier qui vous vient peut-être à l’esprit c’est, évidemment, la question des financements. Je suis lyonnais, je rentre à Lyon ce soir, mon président de région c’est Laurent Wauquiez, je suis ravi !, qui, par exemple, a redistribué l’argent des associations écologistes aux chasseurs et qui a mis en place un certain nombre de politiques qu’on peut trouver absolument débiles, bien que la région Auvergne-Rhône-Alpes soit, selon lui, la région la mieux gérée de France.
C’est aussi la fin des emplois aidés dès l’arrivée de Macron, je crois que c’était 2017/2018. Ils ne sont pas totalement terminés, il est toujours possible, pour des associations, de prendre des personnes en emploi aidé, c’est-à-dire sur lequel l’État vient compenser, en partie, le coût du salaire, mais c’est devenu beaucoup plus compliqué ces dernières années.
Et, évidemment, je pense que vous en avez entendu parler, dans beaucoup de secteurs il y a une baisse des subventions qui fait qu’il est de plus en plus difficile de demander à l’État ou aux collectivités locales de soutenir le milieu associatif.

À côté de ça, on a des problèmes de dépolitisation du milieu associatif. Là, les exemples datent d’il y a quelques années, mais ils sont, pour moi, toujours assez représentatifs. Sarah El Haïry était, je crois qu’elle ne l’est plus, la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service national universel [en février 2024, ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles] qui, lors d’une intervention organisée par une association d’éducation populaire sur les rapports entre les jeunes et l’État, les jeunes et la police, etc., avait raconté, je cite : « Il faut aimer la police, car elle est là pour nous protéger au quotidien elle ne peut pas être raciste car elle est républicaine. ». C’est typiquement le genre de petite musique qui passe maintenant de plus en plus souvent.
Sur la partie droite vous avez, le préfet, là où agissait l’association Alternatiba, à Poitiers, qui avait voulu supprimer la subvention à Alternatiba Poitiers qui organisait un événement dans lequel il y avait des ateliers de désobéissance civile. Finalement, cette subvention n’a pas été retirée, car la maire de Poitiers s’est battue pour que cette subvention soit maintenue et ça a été possible par le Contrat d’Engagement Républicain. Y en a-t-il, parmi vous qui connaissent le Contrat d’Engagement Républicain ? Quand même ! On est à peu près sur presque une moitié de la salle.
Pour celles et ceux qui ne voient pas ce que c’est, c’est un texte qui a été mis en place depuis 2021, issu de la loi séparatisme, donc, à la base, pour lutter plutôt contre le terrorisme, qui dit, en gros, que chaque association qui veut soit percevoir des subventions d’une collectivité ou de l’État, soit avoir des services civiques qui se sont peu à peu substitués aux emplois aidés, c’est-à-dire que plutôt d’aider à financer des postes de salariés associatifs, ce sont des services civiques, donc, souvent des jeunes inexpérimentés et quasiment pas payés qui viennent remplacer ce type de poste, eh bien il faut s’engager à signer un document qui engage l’association à 7 points : respect des lois de la République, liberté de conscience, etc., donc des points qui paraissent, sur le papier, hyper chouettes, mais qui, dans la réalité sont tellement larges que l’interprétation qui peut être faite du respect ou du non-respect de ces points est extrêmement problématique.
Si vous ne signez pas ce document, depuis, je crois, le 1er janvier 2021, pas de subvention ! Pas de bras, pas de chocolat ! Pas de palais, j’ai envie de dire, pour ceux qui ont un rêve. Donc, les associations sont aujourd’hui considérées « ennemies de la République », tout simplement parce que les gouvernements successifs depuis Sarkozy, voire avant, en tout cas depuis Sarkozy c’est assez prégnant, ont pris conscience qu’elles étaient aussi un lieu de contre-pouvoir pour militer contre des politiques publiques qui peuvent paraître complètement débiles, donc ce texte-là. Par exemple, si jamais Framasoft voulait toucher une subvention, eh bien elle s’engage à respecter les symboles de la République, à savoir le drapeau français, La Marseillaise et le slogan liberté, égalité, fraternité. Je suis Français, je suis très content d’être Français, cependant, je nai pas envie de signer un papier qui m’engage à ne jamais brûler un drapeau français ; je ne dis pas que je vais le faire demain, ce n’est pas du tout dans mon envie, c’est pas du tout dans l’envie de l’association Framasoft, mais nous voulons pouvoir rester libres de nos actions, donc nous n’avons pas signé ce papier, donc pas de subvention ! Du coup, je précise que le préfet avait voulu retirer la subvention à l’association Alternatiba Poitiers sur la base qu’elle ne respectait pas les lois de la République vu qu’elle formait des gens à ce qu’est la désobéissance civile.

Deuxième point après le financement, la marchandisation. Je vous présente le Contrat à impact social, un dispositif mis en place, là aussi, par le gouvernement Macron, Macron 1 ou Macron 2, Macron 1 je crois. Là, c’est le vrai dessin qui est sur le site du Contrat à impact social.
Comment ça marche : un besoin social est identifié, donc quelqu’un est dans la merde pour une raison x ou y ; un acteur social propose une solution, c’est-à-dire une association, la plupart du temps, répond à ce besoin ; des investisseurs privés financent ce programme, ça veut dire qu’au lieu de s’adresser à l’État l’association va maintenant s’adresser à des entreprises ; à partir du moment où ces investisseurs disent « OK, tu as besoin de 5 000 euros pour ça, je vais mettre 5 000 euros sur la table », un évaluateur indépendant – indépendant selon qui, selon quoi, tout est discutable – mesure les résultats du programme, en gros est-ce que les 5 000 euros ont servi à changer quelque chose, oui/non, et si la réponse est oui la puissance publique, c’est-à-dire l’État rembourse l’investisseur, c’est-à-dire l’entreprise, en cas de succès.
Vous voyez le type de mécanisme politique qui est mis en place, aujourd’hui, au sein du milieu associatif pour mettre non seulement, parfois, en compétition des associations, les faire marcher. J’ai envie de dire qu’aujourd’hui on veut des associations qui se tiennent sages pour ceux à qui le film parle – David, si tu nous regardes, coucou. Du coup, c’est un véritable problème, pour nous, de se dire que, aujourd’hui, les associations sont marchandisées et que, finalement, en gros l’État ne souhaiterait que des associations qui soient des associations sportives, culturelles, etc., mais pas trop politisées, alors que les associations, et la société civile en général, sont un vrai apport pour la société.
Donc premier mème : « Signer un Contrat à impact social non, faire vivre le contrat social oui ! » Je ne suis toujours pas un fan de Rousseau, mais tout n’est pas à jeter.

Du coup cascade, j’ai fait des animations avec LibreOffice, accrochez-vous parce que ce n’est pas vraiment mon boulot ; ne faites pas ça chez vous ! Vous avez donc, par exemple, du caca mondial, national ou perso, qui vous tombe dessus. Logiquement vous avez à minima deux filets de sécurité pour vous empêcher de finir mal, quel que soit ce mal : vous avez l’État avec les services publics, typiquement les services hospitaliers ou d’autres, et vous avez la société civile, que ça soit les syndicats, les associations, etc. C’est le principe.
Le problème c’est que, évidemment, la société civile passée aux filtres de la dépolitisation, des financements, de la marchandisation et des attaques contre les libertés associatives, qui sont de plus en plus nombreuses, a de moins en moins de pouvoir. Attention animation, ne riez pas ce sont des années de technique et de masterisation de LibreOffice, merci, n’applaudissez pas s’il vous plait. La vraie difficulté c’est, évidemment, que si vous avez moins d’État et moins de société civile – moins d’État qui aide parce que plus d’État policier ça marche plutôt bien –, mais moins d’État qui aide, moins de services publics et moins de société civile, c’est-à-dire une ringardisation ou une dépolitisation des luttes sociales, eh bien vous avez beaucoup plus de chances de finir au fond de la corbeille humaine.

Donc, on se retrouve un petit peu en tant qu’association devant deux choix : est-ce qu’on se vend aux entreprises ou est-ce qu’on se prosterne devant l’État ? C’est très compliqué de résister à ça. Je suis dans le milieu associatif depuis minimum 20 ans, peut-être 25 maintenant, et, pour discuter avec beaucoup d’associations autour de moi, elles se retrouvent vraiment devant ce dilemme-là, voire, parfois, il faut appuyer sur les deux boutons en même temps [Se vendre aux entreprises/Se prosterner devant l’État]. C’est extrêmement complexe.

Et alors, on fait quoi ?

Du coup qu’est-ce qu’on fait ?
Deux options, parmi d’autres qui sont tout à fait valables, tout à fait complémentaires et je ne juge pas que ce soit bien ou pas bien.
La première, on se lève et on se bat, donc la lutte qui peut aller jusqu’à l’affrontement physique ou on se lève et on se casse. Ce sont deux possibilités, il y en a heureusement plein d’autres, les modalités de lutte sont hyper complémentaires. Côté Framasoft, pour ceux qui ont la blague Du côté de chez Swann, canard, coin-coin, j’ai remplacé les chatons par des canards dans cette conférence. C’est le signe, je n’ai pas d’émoji « signe » donc j’ai pris canard.
Du coup la façon dont nous avons choisi un petit peu de réagir à ça : depuis maintenant 20 ans Framasoft, quel que soit le projet, suit à peu près ces quatre étapes :

  • on essaye de rendre visibles les alternatives,
  • de faciliter leur usage et leur découverte,
  • on est on essaye d’aider à faire émerger des communautés j’y reviendrai,
  • et de participer à l’empuissantement des gens qui vont utiliser le numérique, à notre petite échelle, Framasoft ce sont 40 adhérents et adhérentes, ce n’est pas non plus ! Je connais des clubs de bridge qui ont plus d’adhérents que Framasoft.

Du coup, concrètement, notre choix c’est souvent d’essayer d’outiller ce qu’on appelle la société de contribution. La société de contribution, c’est un petit rappel à ce que le philosophe Bernard Stiegler appelait « l’économie de la contribution ». La société de contribution, c’est une société qui veut mettre l’accent sur la collaboration et l’autonomisation, sur la mutualisation plutôt que l’individualisation, sur le fait de partager plutôt que de s’approprier, etc.
Pour ce projet-là, notamment autour des questions associatives, le choix a été fait d’essayer de proposer un projet autour de Nextcloud. Est-ce qu’il y a des gens, dans la salle, qui ne connaissent pas du tout Framasoft ?, ce qui est tout à fait possible, mais à Pas Sage en Seine, d’habitude ! Donc zéro sur, on va dire, une quarantaine de personnes. Pardon ? Mille pour le stream, vous êtes 2000, plus un million, évidemment, en live ! Toi aussi mets des pouces en l’air !

Nextcloud 14’ 28

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