Les câbles sous-marins, artères stratégiques

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche


Titre : Les câbles sous-marins, artères stratégiques

Intervenant·e·s : Camille Morel - Alexandre Jubelin

Lieu : Podcast Le Collimateur

Date : Mai 2023

Durée : 1 h 12 min 30

Podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : celle du site

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Alexandre Jubelin : Bonjour à toutes et tous et bienvenue dans Le Collimateur, le podcast de l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire, l’IRSN, consacré aux questions de défense et aux conflits armés.
Je suis Alexandre Jubelin. Aujourd'hui, pour parler d'une composante invisible ou presque et pourtant éminemment stratégique de la mondialisation contemporaine, c'est-à-dire des câbles sous-marins, j'ai le plaisir de recevoir Camille Morel, juriste, chercheuse associée à l'IESD l'Institut d'études de stratégie et de défense de l'université Lyon 3 et au CESM le Centre d'études stratégiques de la marine qui n’est pas très loin d'ici à l'École militaire, autrice surtout d'un petit livre paru il y a quelques semaines et judicieusement intitulé Les câbles sous-marins chez CNRS Éditions.
Bonjour. Bienvenue dans Le Collimateur.

Camille Morel : Bonjour.

Alexandre Jubelin : Je vais simplement dire que c'est un thème qui pourrait sembler un peu plus éloigné des perspectives habituelles du Collimateur et des thèmes plus directement militaires. On pourrait peut-être s'étonner de consacrer une émission à une infrastructure qui est très largement civile et qui dépasse, bien évidemment, le seul cadre militaire puisque c'est un pilier de la mondialisation et, plus largement, du système planétaire contemporaine, disons. Je dirais d'abord que je le fais déjà parce que c'est une question que je trouve absolument passionnante dans l'absolu et à laquelle on ne prête que très rarement attention, mais, d'une manière plus spécifique, c'est aussi une préoccupation qui est très directement militaire parce que stratégique.
On va en reparler, mais on peut dire que les câbles sous-marins sont utilisés et instrumentalisés, depuis qu'ils existent, à des fins notamment militaires et de puissance par ceux qui réussissent à les contrôler. C'est un enjeu sur lequel investissent de plus en plus les grandes puissances militaires, qu'il s'agisse des États-Unis et de leurs alliés, de la Russie ou encore de la Chine pour ne désigner que les principales usual suspects, aussi bien pour protéger leurs câbles comme pour se donner la possibilité d'agir sur ceux des autres.
Je peux signaler que la France s'est récemment positionnée sur la question, sans doute un peu après d'autres, on en reparlera, mais avec des ambitions claires. Il y a notamment eu une stratégie ministérielle des fonds marins, en février 2022. C'est aussi une question et une ambition qui est clairement apparente aussi bien dans la Revue nationale stratégique – il y a quelques mois on parlait depuis les fonds marins jusqu'aux orbites – que dans la loi de programmation militaire qui est en cours d'élaboration et de dévoilement ces semaines-ci.

Pour replacer tout cela dans un contexte stratégique et militaire plus récent, on peut dire que, par exemple, ce sont des capacités qu'on a notamment beaucoup évoquées au moment du sabotage des gazoducs Nord Stream parce que ça a potentiellement impliqué des capacités d'intervention, en l'occurrence de sabotage sur des infrastructures sous-marines, qui ont en particulier été développées avec en tête les câbles sous-marins. C’est un moment où on s'est notamment demandé qui savait faire ça et, sans grande surprise, ce sont beaucoup la Russie et les États-Unis vers lesquels les regards se sont tournés. À ce moment-là, tout le monde s'est un peu rappelé que le fond des océans c'était aussi important et stratégique et j'aimerais donc profiter de cette émission pour détailler exactement pourquoi et comment au travers du prisme de ces câbles sous-marins.

Première question tout de même Camille Morel, puisqu'on va voir ça a beaucoup évolué au fil du temps, mais il faut peut-être replacer le contexte historique de ces infrastructures si critiques. Très bêtement, quand est-ce que commence cette pratique des câbles sous-marins, cette idée un peu saugrenue de poser des choses au fond de l'océan pour essayer de communiquer entre continents, au point de compter dessus pour les communications à l'échelle planétaire ?

Camille Morel : C'est une initiative des entrepreneurs privés, à l'époque, qui voient tout l'intérêt, en termes de communication, d'aller plus vite dans les échanges d'informations. Au milieu 19e siècle, 1851, pose du premier câble télégraphique sous-marin dans la Manche. L'idée c’était de relier historiquement les bourses de Londres et de Paris, puis d'aller relier même le continent américain. Là où on avait effectivement plusieurs jours de mer pour faire parvenir une information, vous alliez avoir cette idée magnifique qui va permettre, en quelques heures, de transmettre un message d'un bout à l'autre du monde.

Alexandre Jubelin : Ça prend quelques heures à l'époque ?

Camille Morel : Le télégraphe oui, quelques heures pour faire parvenir un message dactylographié, puisqu’on est à l'époque du télégraphe.

Alexandre Jubelin : D'accord. On peut dire que dans une première période, comme pour beaucoup de choses au 19e siècle, qu’il y a un acteur dominant qui est essentiellement la Grande-Bretagne. Comment cette première phase disons de diffusion de cette technologie, en tout cas de cette infrastructure, se met-elle en place ? Comment se déploie-t-elle ?

Camille Morel : Ce qui est intéressant avec les câbles télégraphiques c'est que c’est une initiative franco-britannique, je venais de le dire, mais très vite la Grande-Bretagne, qui est au centre du système financier à l'époque, va prendre les devants et va développer ce réseau de communication dans tout son empire en fait, notamment pour relier les colonies. On voit donc qu'il y a un réseau qui est centré sur la Grande-Bretagne et, peu à peu, des puissances comme la France, comme les États-Unis, vont chercher à développer aussi un parallèle à cette infrastructure, mais cette domination britannique très forte court jusqu'au début du 20e siècle.

Alexandre Jubelin : C’est intéressant parce que, évidemment, les Britanniques s'en servent pour faire toutes sortes de choses qu’ils ont à leur avantage et dans le cadre d'une stratégie de puissance, mais à quel moment est-ce que ça vient non pas être concurrencé, en tout cas à quel moment est-ce qu’il y a d'autres acteurs qui commencent vraiment à émerger ?

Camille Morel : Il y a cette conscience d'une dépendance qu'il faut dépasser, notamment des Européens donc de la France et de l’Allemagne, je dirais vers la fin du 19e siècle, avec plusieurs conflits, notamment 1898 un conflit hispano-américain. On entend qu’il se passe des choses sur ces câbles, qu'il y a aussi de l'information qui est censurée à plusieurs reprises, la crise de Fachoda, par exemple, on voit que des interceptions de télégrammes, etc.

Alexandre Jubelin : Je pensais parler plus tard de la crise de Fachoda, mais on peut le dire, c’est cette expédition Marchand ; Globalement c’est un face-à-face en plein milieu du Tchad, c'est une énorme crise diplomatique. C'est une expédition française contre une expédition britannique et, à ce moment-là, j’ai appris en vous lisant qu’il n’y a que les Britanniques qui sont capables de communiquer avec la métropole parce que ce sont eux qui contrôlent les câbles, donc les messages français n'arrivent pas.

Camille Morel : Exactement. On va dire qu’il y a déjà des actions soit de censure, soit d'interception ces de ces informations-là. Ça ravive l'idée que c'est stratégique, que cette information est précieuse et que si on en dispose, on a un gros avantage sur les autres parties au conflit ou à la crise. Cette prise de conscience se développe donc peu à peu. C'est essentiellement une conscience politique, il n’y a pas forcément les financements qui suivent. Ce sont des questions qui sont débattues longuement.

Alexandre Jubelin : Ça coûte cher à l’époque ?

Camille Morel : C'est une question un peu compliquée parce que ce sont des financements essentiellement privés, mais l’État subventionne ces infrastructures, donc on a, en fonction de la longueur du câble, en fonction de la distance à la destination reliée, pour qui est-ce qu'on pose ce câble, ça à faire varier grandement le prix du câble. Ce qui est sûr c'est que l'usage de cette technologie-là, en tant qu'utilisateur, est encore coûteuse. C’est un usage qui est forcément réservé à une élite de la population.
Peu à peu cette prise de conscience qu’on dépend d'un système, d’une infrastructure qui appartient à un État et que c'est quelque chose qu'on doit dépasser pour la souveraineté mais également en cas de conflit puisque se cristallisent certaines tensions, émerge la fin du 19e siècle et début du 20e. Je dirais que c'est à ce moment-là que, finalement, il y a des crédits et aussi des alliances qui sont passées, en tout cas des coopérations entre les États, notamment la France et l’Allemagne, par exemple, pour dépasser ce monopole. Il y a un peu différentiel entre le moment où la conscience politique naît, cette importance de développer ses propres lignes, en tout cas d'être en mesure de ne pas passer par le réseau britannique, mais un réseau privé.

Alexandre Jubelin : C’est très bien faire confiance aux Britanniques mais pas trop non plus.

Camille Morel : Exactement. On ne sait jamais ce que l'avenir réserve !
Et le moment où des crédits sont dégagés et là on voit que typiquement la parole est pas forcément suivie d'actes. Il y a un différentiel. Finalement, les seuls qui vont vraiment prendre la mesure de cet investissement, qui vont formellement subventionner des lignes, ça va être les États-Unis qui, progressivement, au cours du 20e siècle vont développer leur propre réseau et puis, plus généralement, vont commencer à recentrer peu à peu leur politique même sur les communications internationales, toute cette idée qu'il faut pouvoir rayonner par l'information, donc au-delà des câbles, même par les satellites, etc., l'investissement va être hêtre massif à ce niveau-là.

Alexandre Jubelin : C’est intéressant. Vous indiquez que les États-Unis ça commence pendant l'entre-deux-guerres globalement, mais, pendant longtemps, ce n'est pas du tout une concurrence significative, à l'instar de beaucoup d'autres choses. C'est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que le réseau américain commence vraiment à s'imposer et, avec ce réseau-là, aussi tout un tas de normes et même l'idéologie qui est derrière cette extension de ces lignes de communication.

Camille Morel : Exactement. C'est l'idéologie qui va prendre du temps, finalement, à naître, mais qui, ensuite, va donner de l'ampleur à cette ambition, même s'il y a déjà des investissements formels. Mais, avant de compenser ce retard, il y a un temps qui s’écoule qui est quand même assez important, donc la Grande-Bretagne garde un peu cette mainmise sur un temps long. D'ailleurs, c'est ce qui se traduit ensuite : dès la Première Guerre mondiale on voit que la majorité du réseau est encore possédée par la Grande-Bretagne et c'est aussi pour cela qu'elle va pouvoir agir, être en mesure d'agir stratégiquement dessus.

Alexandre Jubelin : Puisque là on est dans la deuxième moitié du 20e siècle, comment caractériserait-on cette idéologie, parce que l'idéologie n'est pas que de l'idéologie, il y a aussi des normes, des conventions, etc., qui en découlent ? Comment est-ce que ce système, largement à l'initiative et dépendant des États-Unis façonne, en quelque sorte, les télécommunications à l'échelle mondiale ?

Camille Morel : C’est une vaste question. En fait, il y a un ensemble de mesures, donc d’idéologie, qui donnent lieu, comme vous le disiez, notamment à tout un ensemble de normes. On voit que ces investissements financiers comptent beaucoup dans la réalisation des autoroutes de l'information, de l'investissement dans les satellites. À partir de 1950, on parle beaucoup moins des câbles sous-marins parce que les satellites prennent le relais et qu’il n’y a plus de sujet. À cette époque-là, les câbles sous-marins ne sont plus des câbles télégraphiques, c’est du câble coaxial. Ils sont moins performants que les satellites qui sont naissants et qui impressionnent. À ce moment-là, ce qui est spatial vend du rêve, donc on ne parle plus des câbles sous-marins, mais, par ailleurs, ça fait partie de cet ensemble de communications et, progressivement, les États-Unis vont aussi investir dans tout ce qui est lié au numérique. Peu à peu, on va arriver à l'émergence d'Internet, à la fibre optique. À ce moment-là, les États-Unis sont déjà, finalement, au centre d'un système qu’ils ont conçu, qu'ils ont pensé pendant toutes ces années.

Alexandre Jubelin : Du coup avec Internet qui, évidemment, est largement dominé par les États-Unis aussi bien technologiquement que structurellement, dans les premiers temps, les premières années, même les premières décennies, c’est ce que vous indiquez. On peut dire que maintenant nous sommes un peu arrivés dans une nouvelle ère où il y a d'autres acteurs qui sont plus privés, il y a donc des logiques différentes et aussi des leviers différents pour eux, notamment ce qu'on appelle souvent les GAFAM, d'une manière générale les entreprises privées, technologiques, qui investissent massivement. À quel moment est-ce qu'on entre dans cette ère, si tant est qu'on soit vraiment dans cette ère des GAFAM pour les câbles sous-marins, et quelles conséquences est-ce que ça a ? Qu'est-ce que ça change ?

Camille Morel : Les GAFAM investissent progressivement à partir de 2010.

Alexandre Jubelin : Je ne l’ai pas dit. Rappelons que GAFAM c’est Google, Amazon, Microsoft, Apple et Facebook.

Camille Morel : Les géants du Net américains s'introduisent dans ce marché à partir de 2010. Ils investissent d'abord en participant au consortium d'opérateurs qui est, en général, le format d'investissement dans les câbles sous-marins, donc ils deviennent propriétaires d'une part de ces câbles. Et puis, très rapidement, ils se rendent compte que leurs besoins en transfert de données augmentent parce qu’on utilise de plus en plus ces géants du Net et les contenus qu'ils fournissent. Il va donc y avoir un besoin et une volonté de s'autonomiser de certains coûts qui sont liés au passage de ces géants du Net par les opérateurs de communications qui font payer le prix fort à ces fournisseurs de contenu.

Alexandre Jubelin : Pour le dire clairement, c'est genre Orange ou AT&T qui vendent de la bande passante - ce n’est pas exactement ça, mais pas loin - à ces grandes entreprises qui en ont tellement besoin qu’elles en ont marre de se faire tondre la laine sur le dos à chaque fois.

13’ 28

Camille Morel : Exactement. Elles se rendent compte aussi, qu'au-delà des coûts, il y a une maîtrise intéressante à obtenir de ces câbles. Ça veut dire un investissement peu à peu seul dans cette infrastructure ou alors en petit consortium on a même parfois parlé de club parce qu’ils sont à quatre/cinq sur des câbles et puis ils investiront tout seul ou à deux. Ils sont maîtres à la fois du tracé de ces câbles sous-marins, donc ils vont pouvoir relier directement leurs datacenters qui sont de plus en plus répandus sur le globe, choisir le tracé, choisir aussi la manière dont ils vont sécuriser ces lignes de communication. Ça répond donc un peu à une maîtrise verticale de toute la chaîne de valeur.

Alexandre Jubelin : Mais est-ce libre ? Si vous et moi nous mettons beaucoup d'argent, nous pouvons faire passer un câble sous-marin par où nous voulons ?

Camille Morel : C'est une très bonne question. Oui vous pourriez, avec beaucoup d’argent.

Alexandre Jubelin : Il n’y a pas un monopole plus ou moins étatique ou une autorité globale qui dise « vous avez le droit de faire ça et pas ça ».

Camille Morel : Pas du tout. La seule condition c'est que vous ayez plusieurs centaines de millions d'euros pour investir dans ces câbles.

Alexandre Jubelin : Ça suppose qu’on a des poches très profondes vous et moi !

Camille Morel : Ça suppose que vous soyez un investisseur reconnu et que vous ayez l'autorisation des États, parce que c'est ce qui est nécessaire pour la pose des câbles dans les eaux et sur le territoire sous souveraineté. Vous avez des demandes d'autorisation qui peuvent varier en forme.

Alexandre Jubelin : Globalement, les États ont peu de raisons de refuser puisque ça connecte encore plus leur territoire.

Camille Morel : Tout à fait si ce n'est, peut-être, pour des raisons de sécurité nationale qui se posent aujourd'hui comme sujet mais qui n'était pas forcément un argument entendu auparavant.

Alexandre Jubelin : En fait, c'est compliqué parce qu' il y a une perméabilité public-privé depuis le début. Il y a des choses qui sont souveraines, des choses qui ne le sont pas. Vous indiquez très bien dans le livre qu'il y a plein d'opérateurs plus ou moins privés, mais qui sont nationaux ; en France, on a Alcatel qui est un gérant de cela, qui est un fleuron de ce point de vue-là. Dans quelle mesure est-ce que c'est public et est-ce que c'est privé ? Quelle place ont, par exemple, les GAFAM là-dessus ?

Camille Morel : Ce qui est intéressant c'est que les câbles sous-marins c'est un peu une aventure à part. Comme ça représentait, même à l'époque télégraphique, un investissement colossal, il y avait une prise de risque, c'était une infrastructure à laquelle il fallait quand même croire ; se dire « on va poser des câbles dans un milieu qu'on ne connaît pas, le maritime ! » C'est vraiment arrivé par ces investisseurs privés. L’État y est venu très rapidement parce qu'il y a vu un intérêt, évidemment, social, économique, stratégique aussi, donc il est venu soutenir, subventionner les infrastructures, mais, globalement, dans l'histoire des câbles sous-marins c'est quand même resté quelque chose d'assez privatisé, si ce n'est à l'exception, j'allais dire, de certaines périodes de nationalisation. En France, par exemple, durant la période des PTT, les câbles sous-marins étaient sous l'égide du ministère. Là on avait vraiment une réflexion et un financement étatique de ces câbles, mais, à partir des années, 90, au moment de la privatisation du secteur des communications internationales, les acteurs privés vont devenir les seuls acteurs de ce marché.
C’est un marché divisé en trois grands secteurs, segments :
le marché de la production, vous évoquiez ASN [Alcatel Submarine Networks] tout à l'heure, c'est vraiment l’acteur qui est en mesure de produire ces infrastructures et les équipements dédiés ;
les armateurs posent et réparent les câbles sous-marins ;
et puis les opérateurs, les investisseurs qui sont les propriétaires de câbles sous-marins- Et c'est en effet sur ce segment-là, des propriétaires, que notamment les géants du Net que vous évoquiez, viennent et s'introduisent sur le marché, mais aujourd'hui les GAFAM ne produisent pas eux-mêmes les câbles, ils ne les posent pas, ils ne les réparent pas eux-mêmes, ils font toujours appel aux deux autres segments.

Alexandre Jubelin : Ça viendra peut-être un jour dans ce désir toujours plus fort d'intégration verticale.

Camille Morel : Dans tous les cas, ils ont déjà restructuré un peu ces deux autres segments, alors même qu'ils n'interviennent que sur le premier, tellement leur arrivée et leur ampleur sur le marché est importante.

Alexandre Jubelin : Ce qui m'intéresse, pour être très concret, c’est à quoi ressemble un câble, concrètement parce que, on va le dire, c'est vraiment une des artères de la mondialisation et des communications ? C'est quoi un câble ? Visuellement ça ressemble à quoi ?

Camille Morel : Physiquement c'est un tuyau, à peu près de la taille d'un tuyau d'arrosage.

Alexandre Jubelin : Pas plus qu’un tuyau ?

Camille Morel : Le câble en lui-même évolue en fonction de là où il est posé. On va prendre un exemple : on va prendre un câble qui est posé entre la France et les États-Unis et on va dire que ce câble ne va pas avoir la même morphologie tout au long de son déroulé sur le globe. Dans les zones qui sont proches des côtes, là où il y a d'autres risques dus à la navigation – des ancres de navires, des filets de pêche, etc., qui peuvent endommager le câble –, le câble va être en enfoui non seulement sous le sable, mais, en plus, il va être recouvert de plus d'épaisseurs que là où il est posé dans le fond des mers, au fond des océans, où il est protégé par la profondeur dans laquelle il est, il existe. Vous allez avoir des couches d'épaisseur plus ou moins importante, donc une taille qui va grossir, mais la taille moyenne du câble, notamment quand il est dans les profondeurs, c'est effectivement celle du tuyau d'arrosage.
Maintenant, quand il arrive près des côtes le câble va être de plus en plus gros et il va être évidemment protégé par des systèmes plus importants.

Alexandre Jubelin : Les trucs qui passent à l'intérieur ça ne fait pas plus que le diamètre de la fibre optique.

Camille Morel : C'est de la fibre optique, c’est vraiment très fin. En fait, ce sont des fils de verre, il y en a plusieurs, il y en a plusieurs paires, on parle de paires de fibres optiques et, aujourd'hui, on en a une douzaine en moyenne dans un câble sous-marin.

Alexandre Jubelin : Et juste, ils sont fixés ?

Camille Morel : Ils peuvent bouger. Il y a des endroits où ces câbles peuvent être fixés, par exemple quand ils traversent des zones sensibles d’un point de vue écologie. Je pense notamment aux abords de Marseille où il y a des zones qui sont préservées, donc là, pour éviter que le câble bouge parce qu'avec les fonds et le mouvement il va finir par bouger à un moment donné, pas énormément, mais il va se déplacer, on va le fixer à certains endroits.
Sinon, comme je vous l'ai dit, il est parfois ensouillé, il est enterré sous le sable, ce qui permet de le protéger et puis de le stabiliser aussi.

Alexandre Jubelin : Concrètement, ça veut dire qu’on est allé creuser ou ça veut dire qu’on l’a juste posé et il va finir par s’enfouir ?

Camille Morel : Il y a aujourd'hui des robots et ces robots, avec un jet d'eau, font une espèce de sillon dans lequel on va aller glisser le câble. Donc le câble sera posé dans ce sillon, il ne sera pas forcément recouvert, il va se recouvrir de lui-même. Par contre, le sillon va être fait pour éviter les difficultés.

Alexandre Jubelin : Et c’est fait tout le long de la pose du câble ?

Camille Morel : Surtout sur les zones sensibles, donc dans les zones d’eau peu profondes où il y a beaucoup de passage maritime ; globalement c'est près des côtes ou dans certains passages étroits.

Alexandre Jubelin : Du coup, s'ils ne sont pas fixés, comment sait-on où ils sont ? Si c’est un truc qui n’est pas fixé sur des milliers, voire des dizaines de milliers de kilomètres, rien qu'avec le mou, avec le jeu, j'imagine que ça doit pouvoir varier de plusieurs centaines de mètres ou de kilomètres.

Camille Morel : Ça bouge, en effet. Par contre, il y a quand même le poids de ce câble sur des milliers de kilomètres qui maintient le câble. Les opérateurs disent qu’ils savent exactement où ils le posent, dans la cartographie ils ont bien le chemin, le tracé qui a été étudié et réfléchi. Maintenant, il y a une marge d'appréciation, par exemple, quand il faut aller le réparer, on ne sait plus exactement où il est. On sait globalement par où il passe, par contre, on va laisser traîner un grappin. Généralement, quand vous préparez un câble, vous avez une vague idée, dans la cartographie vous faites un une triangulation, et puis vous posez votre grappin et vous le laissez traîner.

Alexandre Jubelin : C’est une triangulation parce que ça émet quelque chose ?

Camille Morel : Non, c'était simplement que vous avez globalement une idée de là où il a été placé, en position GPS par exemple, mais vous savez qu'il y a cette marge d'appréciation de l'évolution, donc vous allez poser le grappin à cet endroit-là, le laisser glisser, avancer avec le navire jusqu'à attraper le câble et sentir que le câble est bien là. Il y a donc cette petite recherche à effectuer.

Alexandre Jubelin : C'est donc un tuyau d'arrosage avec, dedans, des fibres optiques.

Camille Morel : De la fibre optique entourée de plastique parce qu'il faut un isolant, évidemment, pour permettre cette communication. Il y a un petit peu d'électricité qui passe aussi par ce câble puisque il faut ré-impulser le signal lumineux à travers la fibre et sur ces kilomètres.

Alexandre Jubelin : C'est un peu comme un répétiteur de wifi. Il faut augmenter le signal parce qu’il y a une déperdition.
C’est tout bête, j’y pense, puisque maintenant on est à la fibre optique et qu’avant on n'y était pas : les vieux câbles sont toujours ou on les a enlevés ?

Camille Morel : C’est une vraie question. Évidemment il y avait beaucoup moins de câbles télégraphiques, aujourd'hui on est à 500 câbles dans le fond des mers, il y en avait vraiment beaucoup moins, mais ces câbles sont toujours présents pour une partie. Des câbles ont été enlevés ; dans l'histoire militaire c'est assez intéressant notamment parce qu’on a retiré ces câbles et on les a réutilisés à d'autres endroits ; des câbles sont toujours présents aujourd'hui dans la haute mer, finalement dans la partie qui est en dehors de la souveraineté des États.

Alexandre Jubelin : Ce serait galère d’aller les retrouver.

Camille Morel : Par contre, un business modèle se crée aujourd'hui : des entreprises sont spécialisées dans la récupération de ces câbles inutilisés, inactifs, qui sont des câbles télégraphiques ou coaxiaux, dans lesquels il y a notamment du cuivre, qui peuvent être réutilisés aussi pour leurs matières premières

Alexandre Jubelin : Du coup, maintenant qu’on a la fibre optique, ça transmet combien et, surtout, à quelle vitesse ça a progressé ? Vous donnez un chiffre quelque part, je crois que c’est 98 % des données de l’Internet.

Camille Morel : C'est un chiffre qui est assez contesté, mais on dit qu'il y a environ 98 % des communications internationales, donc, en lien avec la fibre terrestre, il y a un relais qui est fait. Tout ce qui va nécessiter un transfert de données à l'échelle internationale, pour relier les continents entre eux, on dit qu’à 98 % ça va passer par ces câbles sous-marins. Finalement le satellite, là-dedans, ne joue qu'un rôle très mineur.

Alexandre Jubelin : On va en reparler. Du coup 98 %, je sais bien que beaucoup de trucs passent par la fibre optique, mais un tuyau d’arrosage ça a l'air quand même petit pour un truc qui ??? [23 min 40] toutes l’information mondiale !

Camille Morel : C'est ça qui est surprenant. Pourquoi parle-t-on si peu de ces câbles alors que leur rôle est finalement primordial ? Ce qui est sûr c'est qu'aujourd'hui la capacité moyenne d'un câble sous-marin, dans l'Atlantique notamment, c’est 60 térabits par seconde.

Alexandre Jubelin : Je n’ai aucune idée de ce que ça représente !

Camille Morel : C'est très difficile de chiffrer ça, mais on est bien à l'heure du big data aujourd'hui et c'est un échange massif de données.
60 térabits par seconde c'était la moyenne. Aujourd'hui, les derniers câbles qui ont été posés par les géants du Net c'est plus de l'ordre de 250 térabits par seconde, donc on a plus que doublé la capacité de ces câbles. Nos besoins évoluent, mais, en fait, c'est l'ensemble des communications, même des appels téléphoniques passés vers l'international et des données qui, effectivement, nécessitent d'aller chercher de l'information sur un autre continent ou sur un serveur situé à l'extérieur.
Maintenant, dans tout ça, il y a un flot d'informations et il est difficile de discriminer en gros ce qui passe par les câbles sous-marins, parce qu’on est plus dans une chaîne de transmission globale ou, comme je le disais, il y a des câbles terrestres, il y a des satellites, il y a de la 5G, il y a des antennes-relais et, en tant qu'utilisateur, on a une perception un peu erronée de tout cela, on n'a pas vraiment conscience du chemin par lequel va passer notre donnée.

Alexandre Jubelin : Si on a un appel WhatsApp en Afrique, par exemple, spontanément on a tendance à se dire que c'est du wifi, que ça va passer par les airs, alors que pas du tout.

Camille Morel : À un moment donné, effectivement, ça va bien aller sur une borne relais qui sera en wifi et de cette borne relais on va aller relier par du terrestre une zone géographique sous-marine et puis à une station de câbles qui va relier l’Europe si on est en France.

Alexandre Jubelin : Vous le dites et c'est totalement vrai, on parle beaucoup plus de satellites, notamment si on se réfère à tout ce qui est Internet. On parle énormément de Starlink, par exemple, des constellations qui seraient capables de donner la 3G, 4G, 5G. Comment est-ce qu'on pense la complémentarité et même la proportion de l'un par rapport à l'autre ?

Camille Morel : Ce sont des usages qui sont différents. En fait, la technologie sous-marine est ce qu’il y a de plus fiable aujourd'hui en termes de capacité, en termes de latence, donc en gros de vitesse de transmission pour une capacité de données. C'est le moyen le plus performant aujourd'hui de faire transiter cette information.
Maintenant, effectivement, les satellites ont un rôle important par exemple pour tout ce qui est en mouvement : des activités comme celles des navires ne peuvent pas se priver de l'usage des satellites parce qu'on est en mouvement permanent, parce qu'on est sur des zones qui ne sont pas reliées physiquement par de la fibre, donc la nécessité de ce satellite.
Maintenant, tout ce qui est constellation, donc de développement de ces constellations satellitaires basse orbite, c'est l'idée, en tout cas aujourd'hui et ça peut très rapidement changer, que c'est vraiment un usage complémentaire dans l'idée que ce sont des zones qui sont mal reliées, pour lesquelles il n'y a pas d'investissement dans l'infrastructure physique. Typiquement, sur le continent africain, on voit qu'il y a des câbles sous-marins qui arrivent de plus en plus, qui desservent certains pays, pas tous évidemment, mais, derrière, la diffusion de cette information au sein des terres et au sein des différents États est très mauvaise, parce qu’il n'y a pas cet investissement d’infrastructures terrestres. Il y a donc là des usages qui vont être indispensables. Les satellites coûtent aussi beaucoup plus cher, il faut il faut avoir les moyens de les poser de les mettre en œuvre, pour une capacité qui sera finalement inférieure. Donc vous n’allez pas, de toute façon, faire transiter autant d'informations de manière aussi fiable en un même temps.

Alexandre Jubelin : Ou aussi pour des raisons de redondance, comme on l'a vu beaucoup en Ukraine notamment, parce que ça permettait de mettre moins de pression sur des infrastructures qui sont, en tout cas en apparence, plus vulnérables que sont les câbles.

Camille Morel : C'est intéressant aussi cette perspective de résilience. Souvent, entre des territoires qui seraient limitrophes, en tout cas qui seraient très proches physiquement, reliés par le terrestre, on va parfois privilégier le câble sous-marin. Pourquoi ? Parce que, un, c'est moins cher et il y a effectivement toute cette problématique de souveraineté, c'est-à-dire qu’à partir du moment où vous allez traverser les territoires physiques des États vous allez demander des autorisations, etc., que vous n'allez pas forcément avoir besoin de demander en passant par le maritime ou par le satellite au niveau spatial. Il y a bien ce relais et on voit la pertinence de ça en temps de conflit d'avoir différents moyens, différents usages. Ce qui est sûr c'est que quand il y a des territoires qui sont isolés parce qu’il y a des dommages sur les câbles ou autres, évidemment le satellite prend le relais pour au moins une partie, les communications les plus essentielles, mais ça oblige de parvenir à discriminer aussi ces flux : qu'est-ce qui est essentiel, qu'est ce qui ne l'est pas ?

Alexandre Jubelin : Les informations stratégiques qu’on souhaite faire passer en priorité , plutôt que des séries Netflix, essentiellement.
En termes de distribution géographique on peut avoir des suppositions assez faciles : globalement l’Europe, l’Amérique, voire l’Asie ça doit être assez bien connecté, mais comment pourrait-on caractériser cette géographie globale des câbles sous-marins ?

28’ 36

Camille Morel : Quand on regarde, aujourd'hui, la carte de cette toile mondiale, il ressort déjà que cette toile est centrée, je dirais, sur la triade, assez schématiquement, mais on voit bien qu'il y a ces trois points réémergents : Asie, Europe, États-Unis, Amérique du Nord, et il y a l'idée qu’il y a trois voies principales des câbles sous-marins : l'axe transatlantique donc Europe – États-Unis, l'axe Europe - Asie passant par la Mer Méditerranée, la Mer Rouge, etc., le Canal de Suez et le la voie transpacifique. J'aurais dû même dire dans l'ordre : transatlantique, transpacifique et Europe – Asie passant par le Canal de Suez qui sont les trois voies majeures de la donnée aujourd'hui. Pourquoi ? Pour plein de raisons, mais aussi parce que les utilisateurs sont en premier lieu dans ces zones-là.
Maintenant des zones explosent aussi aujourd'hui : en Asie, on va dire les échanges inter-asiatiques de données sont en croissance forte parce que la démographie augmente, parce que les besoins et les usages évoluent et évidemment l’Afrique.

Alexandre Jubelin : Là, typiquement, ils passent par des câbles sous-marins plutôt que par des voies terrestres ?

Camille Morel : Il y a les deux, évidemment. En plus, en Asie, on a cette problématique des îles assez nombreuses, il faut pouvoir passer et là il n'y a pas d'alternatives possibles par le terrestre, il y a donc cette nécessité. Ce sont des câbles un peu plus petits, qui vont peut-être avoir une capacité inférieure, mais qui vont vraiment répondre à des besoins précis entre deux pays ; on n'a plus de câbles bilatéraux, trilatéraux là où parfois, par exemple sur l'axe Europe – Asie, on va avoir des câbles qui sont vraiment multilatéraux avec 20/30 États qui sont reliés et, du coup, 20/30 opérateurs aussi derrière qui viennent soutenir et investir dans ce câble.

Alexandre Jubelin : C'est bizarre. Pourquoi ne ferait-on pas passer directement un câble plus gros en prévision d’un trafic qui, de toute façon, finira par exploser ? Quel est l’intérêt de faire passer des petits câbles ?

Camille Morel : Il y a plein de choses. Déjà c'est le financement du câble : qui est à l'origine de ce câble-là ? Qu'est-ce qu'on est prêt à mettre dans ce câble et pour quels usages?
Il faut savoir qu’aujourd'hui les câbles qui sont portés par les gens du Net, par exemple, ne répondent pas à la même logique d’investissement, aux mêmes usage que des câbles qui sont portés par les consortiums d'opérateurs.br/> Typiquement, les câbles des géants du Net vont permettre de transporter uniquement du flux qui, en fait, répond à ces géants du Net. Un câble qui serait posé par Google ne sert qu’aux contenus Google, à l'exception d’une ou deux paires de fibres qu’ils vont parfois louer ou vendre à un opérateur de communication, mais ça sera vraiment à la marge. Alors que les câbles qui sont investis en consortiums d'opérateurs, là on est vraiment sur du tout-venant, c'est-à-dire que vous avez à l'intérieur de ce câble plusieurs opérateurs avec plusieurs clients derrière – vous, moi, des entreprises, des États parfois – et tout cela va être réuni dans un même câble. Ce flux-là est global. On peut plus facilement se dire qu'on va investir dans une grosse capacité sur un câble qui est multiple, plutôt que sur un câble dédié à un usage particulier. Par exemple, des câbles sont dédiés à la finance, pas beaucoup, mais quelques-uns, donc, là, vous avez un schéma de commande très clair : vous voulez évidemment des anticipations sur combien il y aura de transactions dans quelques années, etc., vous pouvez anticiper, mais vous avez aussi une commande qui est assez claire.
Le deuxième point pour répondre à votre question, c'est aussi que la capacité des câbles augmente, c'est-à-dire que finalement un câble qui était posé il y a dix ans avait une capacité inférieure à celle qui du câble qui est posé aujourd'hui. Vous avez un plus grand nombre de paires de fibre optique et vous avez une capacité par câble qui augmente. C'est aussi la recherche et développement qui permet de dépasser ça. Finalement, en soi on aurait peut-être besoin de moins de câbles à terme parce que ces câbles auront une puissance supérieure à ce qu’elle était auparavant.

Alexandre Jubelin : Ce que vous indiquez, sur les contenus Google : si j'ai sur mon ordinateur plusieurs onglets un sur Google où je fais une recherche Google et un autre où je fais complètement autre chose, l'information ne passera pas par le même câble potentiellement ?

Camille Morel : C'est complexe de répondre à cette question parce que ça va dépendre de votre opérateur, ça va dépendre du cheminement que va prendre le câble.

Alexandre Jubelin : On voit bien que c'est très stratégique ! Si on coupe un câble est-ce que seulement certains contenus sont interrompus ? On peut dire qu’Internet ce sont des paquets de données distribuées, c’est hyper-compliqué de savoir par où passe telle information d'une manière générale. Comment ça se passe ?

Camille Morel : C’est impossible de réponse à cette question aujourd'hui. On sait sur certains câbles qui ont des usages dédiés. Si vous savez que c'est un câble Google, vous savez globalement que ça va être tous les flux en lien avec ce fournisseur de contenu qui vont être impactés. Malgré tout, ce fournisseur de contenu existe sur plein de volets différents, d'activités différentes – du stockage de données. peut-être de la recherche, du streaming en ligne –, donc vous ne savez pas. Même en coupant ce câble-là vous ne savez pas vraiment qui vous allez impacter. Je crois d’ailleurs que c'est une question qui mérite des efforts de recherche. C’est toute l'idée d’essayer de cartographier les flux, de comprendre par où ça passe et comment ça passe, parce qu'on se fait une idée, on se construit une représentation de ce qu'est cet Internet et de par où passent ces flux et, en fait, je pense qu'on ne colle pas à une réalité technique ou scientifique. C'est aussi tout l'enjeu des recherches actuelles : mieux comprendre comment ça fonctionne et qui pourrait effectivement être impacté en cas de coupure, par exemple.

Alexandre Jubelin : On peut dire sur ces flux qu’en France il y a une position très préférentielle et un hub majeur qui est Marseille, parce que Marseille se trouve tout à fait à l'intersection de du transatlantique et du Europe – Asie.

Camille Morel : On a la chance, en France, d'avoir trois façades maritimes sur lesquelles il y a des câbles sous-marins et effectivement il y a ce point central. C'est intéressant parce que, typiquement, on pourrait dire que sur les autres façades il n’y a pas un point d'entrée majeur comme est Marseille. Vous avez plusieurs points d'arrivée de câbles et ces câbles-là, par contre, vont tous rejoindre Paris. Paris est le point d'entrée de la donnée au niveau européen, au niveau international, un des points d'entrée. Marseille, par sa géographie physique, par sa géographie, concentre finalement effectivement à la fois sa proximité maritime et ce nouveau point d'entrée avec le reste de l’Europe notamment. Donc, en France, on a vraiment ces deux points d'entrée de la donnée qui sont ensuite reliés par des autoroutes terrestres de l'information vers Francfort, vers le reste de l’Europe. On a donc cette chance d’être à la croisée donc à la fois des flux vers l’Asie, des flux vers l’Afrique et qui fait relais aussi très bien : on a cette liaison entre Paris et Marseille qui suit la ligne de TGV, c'est vraiment l'idée. On a cette infrastructure, cette autoroute de l'information terrestre qui permet de relier les deux blocs entre eux.

[Intermède musical]

37’ 05

Alexandre Jubelin : On