Émission Libre à vous ! du 27 juin 2023

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Titre : Émission Libre à vous ! du 27 juin 2023

Intervenant·e·s : Jean-Christophe Becquet - Nathalie Soetaert - Yannick Warnier - Sylvain Kuntzmann - Luk - Étienne Gonnu - à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 27 juin 2023

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page des références de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu: Bonjour à toutes, bonjour à tous.
Au programme aujourd’hui : plateformes d’apprentissage en ligne libres, c’est le sujet principal de l’émission. Avec également au programme Common Voice, une nouvelle pépite libre de Jean-Christophe Becquet et, en fin d’émission, une pituite de Luk sur la merdification. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu de l’April.
Merci à ma collègue Isabella Vanni qui a préparé cette émission.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour, avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 27 juin 2023, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, mon collège Frédéric Couchet accompagné de Bookynette. Salut à vous.

Frédéric Couchet : Merci. Bonne émission.

Étienne Gonnu: Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet sur Common Voice

Étienne Gonnu : Chaque mois, dans sa chronique « Pépites libres », Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April, nous présente une ressource sous licence libre. Texte, image, vidéo ou base de données, sélectionnée pour son intérêt artistique, pédagogique, insolite, utile. Les auteurs et autrices de ces pépites ont choisi de mettre l’accent sur les libertés accordées à leur public.
Salut Jean-Christophe. Quelle nouvelle pépite as-tu choisi de nous présenter ce mois-ci ?

Jean-Christophe Becquet : Bonjour Étienne. Bonjour à tous. Bonjour à toutes.
Je propose aujourd’hui de parler de Common Voice.
Common Voice est un projet porté par Mozilla qui vise à produire une base de données libre d’enregistrements vocaux. L’objectif de Common Voice est de récolter des échantillons de paroles reflétant toute la diversité des voix et des accents. Concrètement, Common Voice vous invite à enregistrer des phrases avec un microphone et à vérifier les enregistrements déjà réalisés par d’autres contributeurs et contributrices.

Le menu « Contribuer » est disponible dès la page d’accueil et il suffit d’un clic pour participer. Vous pouvez choisir :

  • de parler : lire des phrases ;
  • d’écouter : valider des enregistrements ;
  • ou d’écrire, proposer de nouvelles phrases du domaine public.

Vous avez la possibilité de créer un profil pour suivre vos contributions mais les données restent anonymes.

Saverio Morelli a développé une application qui vous permet de contribuer à Common Voice à partir de votre appareil mobile. Il s’agit d’une contribution non officielle au projet Common Voice. L’application s’appelle CV Project. Elle est sous licence GPL et disponible sur le dépôt F-Droid.

Le projet Lingua Libre, de Wikimédia France, est une autre base de données audio qui ressemble à Common Voice. Il provient de Shtooka qui voulait notamment faciliter l’apprentissage d’une langue étrangère.

Les enregistrements de Common Voice sont partagées sous licence Creative Commons Zéro, la plus permissive de la famille des Creative Commons. Cette licence cherche à se rapprocher autant que possible d’un transfert dans le domaine public. En effet, en droit français il n’est pas possible de verser volontairement une œuvre dans le domaine public. La Creative Commons Zéro permet une ouverture très large des données sans devoir attendre 70 ans après la mort de l'auteur ou 70 ans après la divulgation de l’œuvre, si l’œuvre appartient à une personne morale.

Les données Common Voice sont publiées tous les trois mois. La dernière version, Common Voice Corpus 13.0, comprend 1000 heures d'enregistrements en français par 1700 voix. Plus d’une centaine de langues sont disponibles et plusieurs dizaines sont actuellement en développement.

Le transcripteur Scribe, développé par les CEMÉA [Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active], offre un exemple concret de l’utilisation d’échantillons vocaux disponibles sous licence libre. Ce service en ligne permet en effet de transcrire automatiquement un fichier audio ou vidéo. La reconnaissance automatique de la parole apparaît comme une des premières applications de la base de données Common Voice et la licence libre ouvre la porte aux innovations avec, pour seule limite, votre imagination.

L’intérêt de disposer de transcriptions est un sujet bien connu à l’April puisque nous avons un groupe de travail très actif qui met en texte notamment nos émissions hebdomadaires Libre à vous !. Cela permet de rendre toutes nos productions accessibles aux personnes en situation de handicap auditif par exemple, mais aussi aux moteurs de recherche pour l’indexation ou tout simplement à celles et ceux qui préfèrent lire qu’écouter. Je salue au passage Marie-Odile et son équipe du groupe Transcriptions. Votre travail est très apprécié par les personnes ayant participé aux émissions Libre à vous ! que j’ai pu animer.

Étienne Gonnu: Merci Jean-Christophe. Je me joins à tes remerciements et salutations à Marie-Odile et à tout le groupe transcriptions. C’est vrai que c’est un travail très important et très utile, d’ailleurs au-delà même de Libre à vous ! .
Deux précisions. Je ne veux pas me faire le porte-parole de Marie-Odile. Elle transcrit sans utiliser ce logiciel parce qu’elle préfère, elle a ses usages, ses habitudes et elle est extrêmement efficace, je pense qu’on ne peut pas dire le contraire lorsqu’il s’agit de Marie-Odile. Et préciser aussi que Marie-Odile nous propose aussi une chronique mensuelle dans Libre à vous ! , « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture ».

Merci beaucoup Jean-Christophe. Je ne te dis pas au mois prochain, je vais plutôt te souhaiter un bel été. Est-ce que je te dis à la saison prochaine pour de nouvelles Pépites Libres ?

Jean-Christophe Becquet : J’ai effectivement accepté de poursuivre ma chronique « Pépites Libres » pour la prochaine saison. Ce sera donc avec plaisir qu’on se retrouve à la rentrée. Bel été à tous et à toutes. Bonne émission pour aujourd’hui.

Étienne Gonnu: Merci Jean-Christophe. C’est avec plaisir qu’on te retrouvera
Je vous propose à présent une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu: Après la pause musicale, nous parlerons de plateformes d’apprentissage en ligne libres. Avant cela, nous allons écouter L’Amour vache une production des Journées de création musicale Ziklibrenbib. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la radio des possibles.

Pause musicale : L’Amour vache par Les journées de création musicale Ziklibrenbib.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu: Nous venons d’écouter L’Amour vache une production des Journées de création musicale Ziklibrenbib, disponible sous licence Creative Commons partage dan les mêmes conditions.
Occasion pour moi de rappeler que toutes nos pauses musicales sont disponibles sous licence libre qui permet de les partager librement avec ses proches, de les partager parfaitement légalement, de les remixer y compris pour des usages commerciaux. Ce sont des licences type Creative Commons Attribution, Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, comme le morceau que nous venons d’écouter, ou encore licence Art Libre.

[Jingle]

Étienne Gonnu: Passons maintenant à notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

Plateformes d’apprentissage en ligne libres : outils, pratiques et enjeux, avec Nathalie Soetaert, et Yannick Warnier, sujet animé par Sylvain Kuntzmann

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte sur les plateformes d’apprentissage en ligne libres, un sujet préparé et qui va être animé par Sylvain Kuntzmann professeur de musique dans l’enseignement spécialisé, formateur MuseScore et numérique éducatif. Ça n’a rien à voir avec le sujet, mais je vais profiter de cette émission pour remercier Sylvain de vive voix et en direct, car il a été l’un des tout premiers contributeurs de l’aventure Libre à vous !, il s’occupait de la très importante tâche de traitement des enregistrements des émissions pour en permettre la diffusion sous forme de podcast. D’ailleurs j’ai cherché, j’ai oublié de te demander avant l’émission tu t’en es occupé pendant deux ou trois saisons ? Deux ou trois ans ?

Sylvain Kuntzmann : Peut-être deux saisons. Effectivement.

Étienne Gonnu : Ce qui nous a permis de nous lancer nous aussi à un moment assez charnière et très important pour l’émission. Merci Sylvain pour cette contribution.

Sylvain Kuntzmann : Merci pour ce clin d’œil.

Étienne Gonnu : Avant de laisser la parole à Sylvain et à ses deux invités que Sylvain va pouvoir présenter, je vous rappelle que vous pouvez participer à notre conversation au 09~72~51~55~46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Sylvain, je te passe la parole.

Sylvain Kuntzmann : Merci Étienne. Bonjour à tous et à toutes.
Dans mes activités d’enseignant ou de formateur, j’entends parler autour de moi, par mes collègues et aussi beaucoup sur la toile de certains sujets qui sont un petit peu sur le devant de la scène en ce moment, surtout depuis la crise du Covid. J’entends les thèmes de formation tout de la vie, de transition numérique de l’école, de transformation digitale des apprentissages, de LMS, de présentiel, distanciel, social learning, etc. Je me suis dit qu’il y avait peut-être besoin de faire un petit point là-dessus, sur ces thématiques-là. C’est pour cela qu’aujourd’hui je propose ce sujet-là à travers deux invités que je vais vous présenter dans quelques instants.
Le contexte étant qu’on a même eu à Paris, en février dernier, un salon, le Salon Learning Technologies France, qui a réuni plus de 9000 professionnels du e-learning, dont l’un de nos invités ici, je crois, Yannick Warnier, qui a mis en avant le e-learning, la formation, les ressources humaines. On a un marché qui à priori, selon les études que l’on voit, est en pleine progression, une progression même exponentielle. Si je reprends quelques chiffres de 2022, je vois selon l’étude de Skill Counter ??? [14 min 15] que 70 % du marché mondial de l’apprentissage en ligne se situe aux États-Unis et en Europe, que les femmes sont 17 % à indiquer vouloir s’inscrire volontairement à une formation e-learning contre 13 % des hommes interrogés, c’est une étude LCES de 2021 et que près de 80 % des entreprises utilisent des plateformes d’apprentissage en ligne, c’est une étude de Statista de 2020.
Aujourd’hui, faisons un petit peu le point autant pour le néophyte sur ce qu’est le LMS, l’apprentissage en ligne, les plateformes d’apprentissage en ligne, que sur la partie peut-être un peu plus technique parfois à travers des exemples précis qu’on va vous détailler tout à l’heure.
Pour ce faire, je reçois Nathalie Soetaert. Bonjour Nathalie.

Nathalie Soetaert : Bonjour.

Sylvain Kuntzmann : Vous le direz mieux que moi, vous êtes formatrice de formateurs, spécialisée dans la pédagogie numérique, professeure certifiée en poste actuellement auprès du réseau Canopé de Beauvais et bénévole Oisux et Primtux.

Nathalie Soetaert : C’est cela, tout est juste.

Sylvain Kuntzmann : Le réseau Canopé, pour ceux qui ne connaissent pas ?

Nathalie Soetaert : C’est un des acteurs de l’Éducation nationale. En fait, il y a un atelier Canopé dans chaque département de France. Nous sommes une entité nationale et nous rayonnons autour de ce qu’est le numérique éducatif dans les établissements, mais pas seulement, ça porte tout ce qui peut être en lien avec l’éducation, ça peut être les valeurs de la République, ça peut être la coéducation au sens large.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. Canopé agit donc comme opérateur du ministère de l’Éducation nationale.

Nathalie Soetaert : Tout à fait.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. Comment passe-t-on de professeur certifié à cette affectation sur le réseau Canopé ?

Nathalie Soetaert : Une appétence pour le numérique et l’innovation. Avant cela, j’étais en poste en réseau d’éducation prioritaire à Beauvais toujours après quelques années à l’étranger, en Afrique ou autre. Arrivée là, j’avais fait un peu le tour, ça faisait 16 ans que j’enseignais la même matière, j’envie de voir d’autres choses. Ils ont monté un fab lab, ils avaient besoin de quelqu’un pour animer le tiers-lieux pédagogique et j’avais envie d’expérimenter la chose dans une dimension autre. J’étais déjà formatrice dans ce qu’on appelle le PLE, c’est-à-dire que je formais déjà mes confrères en technologie.

Sylvain Kuntzmann : Le PLE c’est ?

Nathalie Soetaert : Ce sont les gens qui forment les gens qui sont en établissement.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. OK. On a hâte d’entendre un petit peu votre expérience à ce sujet-là.
Pour vous rendre la pareille on a invité Yannick Warnier. Yannick bonjour.

Yannick Warnier : Bonjour.

Sylvain Kuntzmann : Vous êtes fondateur du projet Chamilo, président de l’association Chamilo et leader technique de la plateforme e-learning du même nom, ingénieur logiciel de formation. Vous êtes également utilisateur de logiciels libres depuis 1998, c’était donc au siècle dernier – c’est pour vous vieillir un petit peu. Vous faites régulièrement le défenseur public du logiciel libre au travers d’articles ou de conférences en Europe et en Amérique latine ; vous dirigez aussi une entreprise, Beeznest.

Yannick Warnier : Beeznest est une entreprise de services qui fournit des services autour de la solution Chamilo. Le principe du logiciel libre, c’est que tout le monde peut l’utiliser librement, etc., mais souvent on a soit des entreprises soit des académies qui ont besoin d’un soutien professionnel, c’est donc ce qu’on fait avec Beeznest.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. On va parler en détail tout à l’heure de la solution Chamilo. Comment en vient-on à créer une solution pareille ?

Yannick Warnier : Chamilo n’a pas tout à fait créée de zéro. Chamilo est un fork d’une autre solution de logiciel libre qui était, à l’époque, Dokeos, qui était elle-même un fork d’une autre solution libre qui s’appelait Claroline ; Claroline, elle-même, est une solution qui est née au sein d’une université, l’Université catholique de Louvain, en Belgique, à l’initiative de deux professeurs de philosophie qui voulaient simplement une plateforme pour étende un petit peu la possibilité de dialoguer des étudiants avec les professeurs et entre eux, au-delà des cours en auditoire. C’est le début du système, après il y a eu des forks. En logiciel libre, les forks sont des séparations du projet entre deux groupes qui veulent défendre des valeurs légèrement différentes. Il y a donc eu une première séparation entre Claroline et Dokeos fin 2003, début 2004, et une seconde séparation entre Dokeos et Chamilo en 2010.
Donc nous ne sommes partis de zéro, mais, depuis, de toutes ces solutions nous sommes la seule qui touche un grand public actuellement.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. Et Beeznest vient par la suite, en fait ?

Yannick Warnier : Non. Beeznest vient avant Chamilo. Beeznest, en fait, avait pour objectif initialement de fournir du support sur des solutions de logiciel libre en général, ce n’était pas spécialement e-learnig. À partir de 2010 on se spécialise puisque Beeznest était quand même un acteur très important du projet Chamilo ; à partir de 2010 on se spécialise dans l’e-learning et voilà.

Sylvain Kuntzmann : D’accord.
Je propose qu’on opère en deux parties. Une première partie où on va plutôt essayer d’expliquer ou de définir, d’esquisser un petit peu ce qu’est qu’une plateforme de cours en ligne, un système de gestion de l’apprentissage – d’ailleurs est-ce que c’est la même chose, ou pas, je poserai la question – d’où ça provient et quel impact cet outil a sur l’enseignement, ou l’inverse, quel impact les pratiques pédagogiques ont sur ces solutions techniques. Dans un deuxième temps, on pourra peut-être prendre des exemples plus précis. On va parler notamment de Moodle mais pas que, forcément de Chamilo, et expliquer un petit peu les tenants et les aboutissants de cette solution.
En introduction, je disais qu’on entend beaucoup parler de mots et de vocabulaires parfois nouveaux et que, parfois, certains ne connaissent pas forcément. Est-ce qu’on peut, juste avant de commencer, se faire un petit glossaire rapidement. Comment peut-on définir ce qu’est l’e-learning, Nathalie.

Nathalie Soetaert : L’e-learning c’est la possibilité d’étudier en ligne. Il a plusieurs formats. Quand on dit e-learning, ça veut dire que le cours est déporté sur un support numérique auquel on accède par les internets.
On peut avoir ce qu’on appelle du blended, on va parler français dans trois minutes, on va arrêter de faire semblant qu’on est très savants.
En fait on divise en trois catégories :
on a quelque chose d’accessible totalement en ligne avec aucun recours humain, c’est-à-dire que le contact humain est extrêmement limité ;
on a quelque chose qui va être une solution mixte, qu’on appelle le blended learning, dans lequel on va avoir une classe en distanciel qui va être suivie par les apprenants et le reste des exercices qui va être fait en temps personnel en dehors de la présence du formateur ;
on a aussi des supports en ligne comme ça qui sont installés que pour le temps de la présentation, de la formation. Ça peut durer trois heures, ça peut être une formation totalement déportée où effectivement vous allez vous connecter avec votre ordinateur, mais vous allez être en présence de quelqu’un pendant trois heures, qui va dérouler son protocole de formation totalement en ligne.

Sylvain Kuntzmann : OK. On entend parler aussi de M-learning, une formation à travers le mobile, le smartphone.

Nathalie Soetaert : C’est indispensable.

Sylvain Kuntzmann : C’est indispensable. OK.

Nathalie Soetaert : Il faut comprendre que c’est apparu parce que les gens sont de moins en moins équipés d’ordinateur à la maison. Bien sûr que l’ordinateur a de beaux jours devant lui, mais la jeune génération, les collégiens, les lycéens, etc., travaillent énormément à partir de leur smartphone. Quand on a besoin de les toucher, de les atteindre, il faut que ce soit responsive, ça veut dire que mon support de formation doit fonctionner aussi bien sur un ordinateur que sur une tablette ou un téléphone. C’est quelque chose qu’il est important de prendre en compte au moment de la conception, de la création du système.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. On entend parler aussi de social learning.

Yannick Warnier : Le social learning c’est simplement la possibilité d’apprendre mieux dans un contexte social, donc de partager avec d’autres personnes ses apprentissages. Ensemble on apprend de façon plus active, de façon plus motivante aussi, parce qu’on voit les pairs qui apprennent également.

Nathalie Soetaert : En pédagogie ça porte un nom, c’est ce qu’on appelle l’émulation. On sait que pour avoir une émulation quand on apprend quelque chose, il faut avoir six/sept personnes dans une classe. Si on a un groupe d’apprenants inférieur à sept, l’émulation n'est pas la même que si on a quelque chose à partir de ce nombre-là et au-dessus. C’est quantifié en neuroscience, on sait dire maintenant à peu près comment on fait ça. On peut apprendre différemment, on peut bien sûr apprendre un par un, on peut apprendre en groupes de trois, mais l’émulation, c’est-à-dire l’intelligence collective, l’émulation du groupe et l’entraînement se fait à partir de cinq, mais six/sept c’est vraiment l’idéal.

Sylvain Kuntzmann : C’est l’aspect collaboratif des apprentissages.

Nathalie Soetaert : Tout à fait. L’humain est quand même un animal grégaire. On peut dire ce qu’on veut, nous sommes des animaux grégaires.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. On va détailler encore. On entend parler de continuous learning, microlearning, adaptative learnig, je crois que c’est décliné à toutes les sauces. On a compris l’essentiel de ce dont on voulait parler.
Tout ceci ne date pas d’hier. Sans faire un historique complet de l’histoire de l’apprentissage en ligne ou à distance, on pourrait évoquer éventuellement tout cet enseignement à distance qui avait lieu avec La Poste même dès le 19e siècle. À partir du 20ᵉ siècle on a eu aussi toutes ces inventions, la machine à enseigner de Sidney Pressey en 1924 ou le cinéma à problèmes ??? [24 min 25] en 1929, même avant l’apparition de l’informatique. Et finalement le mouvement universitaire a lancé un petit peu l’enseignement à distance, notamment les grandes universités américaines au 20e siècle. Tout cela s’est développé petit à petit. Au niveau de la France, Nathalie, je crois que tu as aussi quelques repères.

Nathalie Soetaert : J’avais trouvé le début des MOOC, des enseignements massifs en 2012 qui faisaient suite, en fait, aux enseignements du CNED et aux enseignements à distance qui se passaient par diverses plateformes via La Poste, les envois.
Nous avons utilisé le CNED pour nos propres enfants quand nous étions à l’étranger : pour pouvoir continuer la scolarité des enfants, on a utilisé ces systèmes -là.

Yannick Warnier : Pour les plateformes LMS d’enseignement, Internet est un élément essentiel. On peut effectivement avoir des machines d’apprentissage, etc., mais une des questions très forte, c’est l’accessibilité, la disponibilité de ces plateformes ou de ces contenus d’apprentissage et on n’obtient cela qu’à partir du moment où on a un accès distant aux ressources de l’université, par exemple.
Dans les premières plateformes, il y a notamment Webcity qui était un peu à l’origine de Moodle puisque Martin Dougiamas, qui est un fondateur de Moodle, a lui-même été administrateur de Webcity dans son université, en Australie, avant de décider de lancer une plateforme libre pour éviter un petit peu, je dirais, le piège habituel du vendor lock-in comme on dit en anglais qui est le fait, quand on utilise une solution qui n’est pas libre, d’être piégé dans les filets du fournisseur de l’application elle-même. C’est-à-dire que plus on accumule de connaissances ou d’informations dans ces systèmes, plus on est bloqué dans ce système-là. C’est-à-dire que si on veut en sortir, il faut qu’on ait un chemin pour en sortir, il faut qu’on ait des standards qu’on puisse réutiliser pour exporter les informations vers un autre système. C’est vraiment cela que les plateformes libres viennent solutionner et qu’on peut, à partir de là, avoir un accès totalement ouvert à nos propres données. On ne reste plus jamais piégé auprès d’un fournisseur en particulier.

Étienne Gonnu : Je vais me permettre : la traduction la plus communément admise pour vendor lock-in c’est « enfermement propriétaire ».

Yannick Warnier : Super. Je ne suis pas très bon en franco-français.

Sylvain Kuntzmann : Finalement, l’évolution dans ce domaine-là c’est Internet qui permet, à un moment, de changer d’échelle. On a tout d’un coup une grande accessibilité à des contenus et on a un aspect interactif, que ce soit avec les contenus eux-mêmes et éventuellement avec ses pairs.

Yannick Warnier : Exactement. Et puis c’est une progression. Au début, c’était un petit peu comme des sites web, on proposait le contenu mais sans vraiment faire de suivi important. Après on rajoute, par exemple, des forums pour avoir réellement des interactions et puis on rajoute des outils de suivi qui permettent de savoir exactement quand quelqu’un a fait quelque chose, quand un étudiant, un apprenant a exercé une activité d’apprentissage, pour pouvoir lui donner un meilleur suivi et pour pouvoir améliorer son apprentissage.

Sylvain Kuntzmann : D’accord.
Pour rentrer dans le sujet, je vais vous citer un texte qui est extrait d’un dossier intitulé « Le numérique et l’éducation dans un monde qui change. Révolution ? ». C’est un texte qui a été publié dans la Revue internationale d’éducation de Sèvres, qui est écrit par Bernard Cornu et Jean-Pierre Véran, dans lequel ils réalisent des études de cas de l’état du numérique de l’éducation dans différents du monde. Bernard Cornu est professeur des universités honoraires et il a principalement travaillé sur l’intégration du numérique dans l’enseignement et sur la formation des enseignants. Jean-Pierre Véran est inspecteur d’académie.
Je précise que ce dossier est librement consultable, au moins en partie, sur le portail openedition.org. On mettra le lien dans la page de l’émission. Voici l’extrait que je cite : « Depuis plus de trente ans, à travers le monde, on s’intéresse à l’utilisation des outils numériques dans l’enseignement, à l’intégration des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation. Tous les responsables de systèmes éducatifs ont compris qu’il s’agissait d’un enjeu essentiel. Et pourtant, on peut considérer que les choses évoluent plutôt lentement : le numérique n’est pas vraiment intégré à l’éducation, l’école n’a pas profondément changé et bien des enseignants restent distants face au numérique. Mais on peut aussi constater l’immense quantité d’expérimentations, d’innovations, de réussites dans l’utilisation du numérique pour enseigner et pour apprendre, la qualité de bien des ressources numériques produites, tant pour la classe que pour apprendre à distance. »
Ce texte a été rédigé en 2014, c’est-à-dire il y a presque 10 ans. Selon vous, est-ce qu’il est toujours d’actualité, partiellement ou pas du tout ? J’ai en tête « le numérique qui est intégré à l’éducation », « l’école qui n’a pas profondément changé » ou « les enseignants qui restent distants face au numérique ». Voilà ce qu’on écrivait en 2014. Qu’en pensez-vous ? Qu’est-ce que ça vous inspire ?

Nathalie Soetaert : Ça dépend de quels enseignants on parle et où on est posé.
Si on est au niveau universitaire, il n’y a pas de souci, le numérique a toute sa place parce qu’il y a les infrastructures, parce que les universités sont équipées, parce que les jeunes sont équipés. Les enseignants et les apprenants.
Quand on va au niveau lycée ou secondaire, il y a des salles informatiques dans tous les collèges et dans tous les lycées, vous avez des endroits, les jeunes sont équipés dans une certaine mesure et, en fonction des quartiers, des niveaux sociaux, vous avez un taux d’équipement qui peut varier.
Quand on arrive à l’école primaire, ça devient une autre histoire. Dans les écoles de campagne, d’où la distribution Primtux, l’accès au numérique est relié directement à la capacité financière de la mairie. C’est la mairie qui prend en charge ce type de matériel. Si vous êtes dans une grosse commune, le matériel existe, vous avez les salles, vous avez les moyens, vous faites des demandes et ça tourne. Quand vous êtes dans des petites communes de village, vous avez des fois UN ordinateur dans la classe qui permet de faire l’appel et c’est celui de l’enseignante ou c’est un vieux poste qui traînait quelque part et qu’on a mis dan l’école, c’est ce qu’on appelle les machine de fond de classe, ce qui ne permet pas non plus une appropriation facile du numérique.
Pour former les enseignants tous les jours je peux vous assurer qu’un vrai travail est fait. Quelle chose a été mis en place qui s’appelle Pix. Un Pix+ Edu est mis en place. Pix est un certificat informatique que vous pouvez passer, qui est mis en place par le gouvernement français à partir du Libre d’ailleurs. C’est un projet qui a été porté par Lab 110, le ministère et des tas de personnes, sur lequel vous pouvez venir valider votre niveau en informatique, votre maîtrise de l’outil. Les enseignants sont tenus de le passer, comme régulièrement on a des certificats informatiques à passer. Le dernier en date s’appelle Pix+ Edu, c’est assez nouveau. Vous pouvez vous entraîner librement et gratuitement sur la plateforme pix.fr et, quand vous avez atteint un certain niveau, vous êtes certifiable. Quand vous êtes enseignant, vous avez la possibilité de venir vous certifier dans un des centres agréé.
Il y a donc tout un travail qui est fait pour qu’il y ait une vraie maîtrise de l’outil numérique et ensuite il y a aussi un maque de temps. Les formations qui sont mises en place à l’Éducation nationale sont beaucoup sur le « lire, écrire, compter » dans le primaire et le temps dédié à la formation au numérique est réduit parce qu’il y a énormément de besoins, énormément de demandes. Donc les enseignants doivent souvent se former seuls et se débrouiller. Ça dépend de vos académies, ça dépend de vos inspecteurs, mais le gros de l’histoire c’est quand même ça.
C’est vrai dans une certaine mesure et tout dépend où on est assis dans le circuit.

Sylvain Kuntzmann : Je vous voyais hocher la tête pendant que je citais le texte. Je comprends mieux. Il est vrai qu’il est dit plus loin dans le dossier que l’établissement dans lequel on regardait était prépondérant pour l’observation qu’on faisait par la suite.
Yannick, sur cet état de fait d’il y a dix ans, vous pensez qu’on a évolué ? Un peu ? Le Covid ? Oui, non ?

Yannick Warnier : Je pense que c’est toujours d’actualité. Un des gros problèmes au niveau des Éducations nationales en général de par le monde, c’est que ce sont des machines énormes à faire bouger, donc faire changer les usages à aucun niveau national c’est toujours très compliqué. On trouve toujours des enseignants super motivés, qui tirent un peu les autres derrière eux et font avancer les choses en général, l’effort de digitalisation, de numérisation. Mais on a aussi toujours ce problème qu’au final c’est un effort qui doit être initié à un niveau plus élevé parce que la machine de l’enseignement national c’est toujours une machine très hiérarchisée, centralisée, il faut donc qu’il y ait un effort suffisant.
On arrive directement au problème du financement qui est que dès qu’on veut financer un changement à ce niveau-là, on parle directement de budgets énormes, du coup ça ralentit un petit peu le progrès.
Malgré tout, on sent que l’adoption des nouvelles technologies disponibles accélère quand même progressivement. Les technologies deviennent de plus en plus faciles à utiliser. Je ne sais pas si on ira dans ce sens-là aujourd’hui, mais cette année-ci en particulier on a eu une explosion de systèmes d’intelligence artificielle dans tous les sens, il y a vraiment de tout et il y a notamment beaucoup de systèmes qui permettent aux enseignants de gagner du temps, de pré-générer du contenu d’apprentissage, d’évaluer les choses. Nathalie n’a pas l’air tout à fait d’accord avec moi, en tout cas, on parle d’accélérer, on ne parle pas de remplacer leurs fonctions, mais de permettre réellement de développer des contenus de façon plus rapide et parfois de meilleure qualité, ça dépend un petit peu. Évidemment, dans les systèmes d’intelligence artificielle, on a toujours un pourcentage qu’on appelle l’hallucination, dans les grands modèles de langage, les LLM [Large language models] comme ChatGPT et Bard, etc. On a, en fait, un pourcentage des résultats qui sont donnés qui sont totalement fantaisistes et là l’enseignant doit jouer son rôle de validateur, vérifier qu’effectivement cette information est correcte. En attendant, on a, généralement un pourcentage de 10 à 20 % et le reste du temps on a du contenu de qualité, qui peut être créé déjà actuellement avec ces systèmes-là.

Étienne Gonnu : Je vais me permettre juste une référence. Yannick, vous avez mentionné le rôle de l’impulsion du gouvernement, de l’Éducation nationale. En septembre 2022, nous avions reçu Alexis Kauffmann, professeur de mathématiques, fondateur de Framasoft pour celles et ceux qui connaissent cette superbe association. Il est actuellement chef de projet logiciel et ressources éducatives libres à la Direction numérique de l’éducation. Audran Le Baron est le nouveau directeur qui semble donner une impulsion intéressante vers le logiciel libre. On verra comment concrètement cela se met en place.

Nathalie Soetaert : On est au-delà du semblant. On est sur quelque chose d’extrêmement concret. Des assises se sont tenues, j’étais là-bas avec eux, la réunion de fin se tiendra le 4 juillet. Ça s’appelle Gtnum, groupe de travail numérique libre. Il y a une vraie réflexion qui est portée par la DNE et aussi par la Dinum, la direction interministérielle du numérique en général, autour du logiciel libre et de l’éducation. Ils ont mis à disposition du corps enseignant des outils, des plateformes, on a un PeerTube qui est accessible : n’importe quel enseignant en France avec une adresse académique peut déposer ses capsules vidéos créées à destination des élèves sur un média sécurisé, accessible par les élèves, qui est tenu en état de fonctionnement permanent. On n’a pas à s’inquiéter de savoir sur quelle plateforme on va le poser, est-ce que c’est correct, pas correct, est-ce que les élèves sont en danger, pas en danger. Ce n’est quand même pas rien. Ils ont sécurisé les protocoles pour les classes en ligne parce que, justement, le Covid a quand même été une très belle expérience pour beaucoup d’entre nous. Il y a la DNE, il y a la Dinum, il y a aussi les Dane en région qui font un excellent travail pour rendre accessibles tous les outils, pour que justement les enseignants soient débarrassés de ces abonnements qu’ils achetaient à titre personnel. On a fait ça pendant longtemps pour avoir des outils qui fonctionnent et être sûrs et c’est comme cela que j’ai mis le doigt dans la machine : c’est comment je fais pour communiquer avec mes élèves. C’était bien avant le Covid puisqu’au moment du Covid j’étais déjà chez Canopé. Comment je fais pour que mes élèves puissent avoir accès aux ressources ? Ils n’ont pas d’ordinateur chez eux, ils sont connectés avec la wifi du centre social, ils sont connectés avec la wifi du McDo, comment je leur envoie les cours, comment je communique avec eux, comment ils me rendent le travail et comment j’en fais les citoyens de demain ? Mettre en place quelque chose pour des jeunes, ça veut dire qu’il faut qu’ils aient accès à l’outil, qu’ils puissent l’utiliser et vous renvoyer le travail. C’est ça aussi l’enjeu. La DNE a sécurisé ça avec la Dinum et toute l’équipe. Ce n’est quand même pas rien !

Sylvain Kuntzmann : À mettre aussi à leur crédit toute la suite Apps Education.

Nathalie Soetaert : Apps Education c’est exactement de cela dont je parlais.

Sylvain Kuntzmann : Avec d’autres outils comme BigBlueButton pour les classes en ligne, beaucoup de choses comme ça.

Étienne Gonnu : Saluons-les. Il y a vraiment des agents et agentes formidables qui ont poussé ça parce que ce n’était pas gagné à l’époque. Ils ont vraiment fait un travail extraordinaire avec apps.education.fr. On mettra le lien, les références sur la page de l’émission.

Yannick Warnier : Mon point de vue technologique ici c’est que c’est réactif. C’est très bien que ces efforts se fassent, mais quand on parle de mettre en place un PeerTube ou quoi, ça fait 20 ans que YouTube existe. C’est ce que je disais. : mettre en place des projets ça prend très longtemps et ce n’est pas dû uniquement à ça non plus. On a quand même une différence entre la proposition de l’éducation en général, du réseau éducatif, et ce qu’on trouve sur Internet. Observons les jeunes simplement : quand ils rentrent chez eux, est-ce qu’ils se connectent à la plateforme de l’école pour étendre leurs apprentissages ou est-ce qu’ils préfèrent regarder des vidéos sur YouTube ?
Je pense que c’est là qu’il y a un petit travail à faire au niveau de la création de contenus, un gros travail, mais en attendant il y a une évolution. Je pense que c’est très positif, effectivement.
Nous, avec Chamilo, puisque c’est un petit peu mon papier ici, on a toujours essayé de mettre en place dans la plateforme Chamilo tous les outils dont l’enseignant a besoin pour se passer justement de YouTube, de Google Apps, etc., pour essayer d’offrir ces systèmes-là d’une façon libre. Ils ne doivent pas s’inscrire sur une plateforme YouTube, même au-delà de s’inscrire, devoir payer ça de façon personnelle pour l’enseignant, parce que c’était souvent le cas aussi. Il y a aussi le fait de partager ses données dans un système qui est géré par une entreprise américaine qui n’a pas du tout les mêmes règles au niveau respect des données personnelles que ce qu’on a en Europe. Maintenant avec le GDPR ils sont obligés, apparemment, il y a quand même une série de procès européens.

Étienne Gonnu : GDPR, RGPD plus souvent en français qui est le Réglement général pour la protection des données.

Yannick Warnier : Voilà. Merci.

Sylvain Kuntzmann : Dans l’étude que je citais au début, qui date de 2014, de Bernard Cornu et Jean-Pierre Véran, il y a cet aspect d’intégration ou d’outils qui sont disponibles. Là on vient de noter que la DNE, entre autres, a effectivement mis des outils à disposition. Il y a peut-être ensuite d’autres freins. Dans le texte on notait, par exemple, les enseignants qui restent distants face au numérique. Il y a ensuite cet effort de formation, cet effort personnel, l’effort aussi du système, aller former ses professeurs et l’accès à tout cela. Il y a différents freins. Même si l’outil est disponible est-ce que, j’allais dire, ça ruisselle jusqu’au bout ?

Nathalie Soetaert : Je suis peut-être particulièrement optimiste, peut-être parce que c’est mon travail et que je suis un peu là par rapport à ça. Je me lève tous les jours pour ça. Il y a quand même énormément de choses qui sont faites et mises en place, qui donnent des avancées. On constate une prise en charge du numérique par les enseignants, une appétence, une volonté. J’en ai toujours eu là où je travaille, mais il y en a de plus en plus qui poussent la porte avec des demandes précises, des envies. Actuellement le besoin de formation c’est sur les podcasts. Le podcast est un format intéressant pour faire travailler des élèves. Il y a quelque temps travaillait sur la transmission des savoirs avec des films en stop-motion, il y a encore quelque temps on travaillait sur l’écriture de learning management system et le Covid a fait prendre conscience à tout le monde de son propre niveau et de ses propres limites et les gens se sont formés eux-mêmes. Je ne sais pas pour le reste du monde, je ne peux parler que de ce que je maîtrise, c’est-à-dire ici, il y a quand même, chez les enseignants français, la capacité à se mettre à travailler, s’instruire, apprendre par eux-mêmes avec une force et une volonté, le samedi, le dimanche, pendant les congés. Il y a quand même une force vive, du travail qui est fourni en dehors du temps officiel de travail qui leur permet d’acquérir un certain niveau. Le gouvernement et des instances qu’on a citées tout à l’heure leur offrent une palette de possibilités. L’endroit où je travaille en est une. Les Dane, Direction académique au numérique éducatif, ont donné des formations par journées entières et par cohortes entières pendant le confinement et après. Il y a un service Dane dans chaque académie et il y a une Drane par région qui est l’instance en dessous de la DNE. C’est comme ça : DNE, Drane, Dane, pardon pour les acronymes, excusez-moi, je vais faire un peu plus attention. Eux sont opérationnels pour former les enseignants. En primaire ce sont les inspecteurs d’académie, qu’on appelle les IEN, qui vont définir à quels outils de formation ils peuvent avoir accès et combien d’heures.

Étienne Gonnu: Je vous propose de faire une petite pause musicale pour reposer nos méninges avant de nous replonger dans ce sujet passionnant. Nous allons écouter Diaspora dialectique par Tintamare. On se retrouve juste après, toujours à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Diaspora dialectique par Tintamare.

Étienne Gonnu: Nous venons d’écouter Diaspora dialectique par Tintamare, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.

[Jingle]

Deuxième partie

Étienne Gonnu: Je suis Étienne Gonnu pour l’April. Vous écoutez Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques.
Sylvain Kuntzmann et ses deux invités, Nathalie Soetaert et Yannick Warnier, échangent sur les plateformes d’apprentissage en ligne libres.
N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09~72~51~55~46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Sylvain.

Sylvain Kuntzmann : Entrons dans le vif du sujet, on ne va pas tourner autour du pot : c‘est quoi un LMS, Learning Management System, en français, si je traduis, système de gestion de l'apprentissage. Yannick, qu’est-ce que c’est ? C’est un site ? C’est un service ? C’est quoi un LMS ?

Yannick Warnier : C’est une application, pas dans le sens application mobile, c’est un site auquel on se connecte. On se connecte pourquoi ? Parce que, comme ça, on sait qui a appris et comment. En dehors de ça, c’est juste un site sur lequel on va trouver des ressources d’apprentissage qui ont été préalablement conçues ou collectées par l’enseignant qui va se charger de nous. Ça peut être totalement automatisé, donc on peut ne pas avoir d’enseignant spécifique pour nous. En tout cas, le système lui-même va permettre de mettre à disposition ce contenu et, pour l’apprenant ou l’étudiant, de suivre ce contenu et de laisser une trace de la façon dont il a appris pour qu’on puisse, avec cette trace, améliorer son apprentissage.
L’idée finale c’est d’optimiser l’apprentissage, de faire en sorte que les personnes qui apprennent puissent apprendre mieux, plus rapidement, étendre leur apprentissage par rapport à ce qu’on a le temps de faire en classe, par exemple, ou par rapport aux modalités qu’on a le temps ou qu’on a l’opportunité d’utiliser en classe. Par exemple, utiliser des vidéos c’est un petit plus compliqué à faire en classe qu’en ligne, c’est un petit exemple. La même chose pour les tests qui sont auto-validés. On parle souvent de l’auto-évaluation des étudiants : est-ce qu’un étudiant peut, dans une salle de classe, directement apprendre de ses erreurs ? Oui, il peut, mais il est en conflit, je vais dire, avec les autres étudiants dans la classe dans le sens où il n’y a pas un temps illimité et chacun veut poser des questions, d’une certaine manière, ou veut voir s’il a bien compris et il n’y a qu’un seul enseignant pour une vingtaine, une trentaine d’étudiants, c’est donc difficile de partager ce temps. Alors que si on est face à un système qui a été préparé pour cela, on peut directement répondre à des questionnaires, etc., avoir du feed-back automatisé qui a été préparé par l’enseignant et ça va beaucoup plus vite pour certaines activités.

Sylvain Kuntzmann : D’accord, c’est un des avantages du LMS, on va les développer juste après.
Nathalie, un défi : en deux phrases c’est quoi un LMS ?

Nathalie Soetaert : C’est un système de massification des enseignements et de savoirs et il n’est pas réservé au monde scolaire. Il y a toute une partie des LMS qu’on n’a pas encore abordée, c’est la formation professionnelle pour adultes et il y en a énormément. Ça me permet donc de former toute une entreprise avec un seul support. Ça fait un peu plus de deux phrases, mais j’y travaille !

Sylvain Kuntzmann : On va parler de Chamilo, d’autres exemples, Moodle, d’autres LMS qui vous passent par la tête.

Nathalie Soetaert : J’utilise indifféremment Moodle ou MyScenari [51 min 50], une forme qui n’est pas libre mais qui vient d’un Libre qui s’appelle Canoprof qui est le Learning Management System de la structure dans laquelle je travaille. Ce sont les trois principaux. Il y a la Wikiversité.

Yannick Warnier : Il y a ce qui est plutôt une plateforme allemande. Il y a Sakai qui est une plateforme j’ai envie dire nord-américaine qui ne fait plus tellement de bruit pour l’instant, on ne sait pas dans quel état elle se trouve. Il y a quelques plateformes libres et puis il y a les grosses plateformes propriétaires, il y en a des centaines. Dans le monde académique on connaît surtout Blackboard et Canvas au niveau global, pas spécialement en France. Au niveau des entreprises en France on connaît 360Learning qui fait beaucoup de publicité, Skillsoft.

Nathalie Soetaert : Les CCI, les Chambres de commerce et de l’industrie, viennent de se doter d’un système qui était générique, viennent aussi de se mettre au Learning Management System. Avant elles avaient chacune le leur. Là elles ont unifié pour pouvoir communiquer, échanger entre elles leurs protocoles de formation et travailler de manière globale parce que c’est aussi cela l’avantage d’un Learning Management System. C’est-à-dire que quand vous avez un outil qui est commun à tout un réseau, vous pouvez échanger les protocoles de cours, partager les experts et les écritures d’experts. Quand on a chacun le sien et qu’on a des plateformes diverses, faire communiquer les protocoles et les procédures d’apprentissage ça devient un peu plus compliqué, d’où ma grande passion pour le Libre et l’interopérabilité.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. On va y revenir juste après.
Vous avez répondu partiellement, mais je pose quand même la question : qui utilise un LMS ? Ce sont les systèmes éducatifs, l’Éducation nationale pour la France par exemple, l’enseignement supérieur qui a été un acteur historique ? Donc la formation professionnelle, les entreprises ?

Yannick Warnier : Tout le monde. Tout le monde utilise des LMS. On a vraiment des cas très attendus. Petite pause publicité : Chamilo a déjà été installé plus de 80 000 fois. Dans l’échantillon de plateformes qu’on voit installées, on retrouve vraiment tous les secteurs : on a l’aérospatiale, on a les call centers ; les call centers sont un cas relativement classique parce qu’il y a beaucoup de rotation des personnels, donc il faut les former chaque fois qu’ils rentrent, donc on a beaucoup d’avantages économiques à avoir une plateforme où les contenus sont déjà préparés et on peut simplement donner ces formations aux nouveaux personnels sans devoir réorganiser les salles de cours, de formation, etc.
On retrouve vraiment ça dans le secteur médical, dans le secteur bancaire, tous les secteurs.

Sylvain Kuntzmann : Même échantillon en tant que dirigeant de Beeznest, c’est pareil pour vos clients ? Pour l’accompagnement, ça touche tous les domaines ?

Yannick Warnier : La tendance au niveau professionnel c’est généralemnt plus au niveau des secteurs qui ont beaucoup de rotation du personnel. On le sent plus à ce niveau-là. C’est-à-dire que des secteurs extrêmement spécialisés comme l’aérospatiale où on a besoin de personnes qui vont rester longtemps, parce qu’elles se spécialisent dans leur propre domaine, là on va retrouver le LMS, mais plus pour un usage, je ne sais plus le terme en français, régulatoire, pour pouvoir être au courant des nouvelles lois à respecter, etc., au niveau professionnel ou au niveau du ministère du Travail.
Dans les secteurs où il y a beaucoup de rotation comme les ventes, ventes en ligne ou ventes en présentiel, les call centers juste de support aux clients, etc., ou les banques, étonnamment il y a beaucoup de rotation dans les banques aussi, tout cela ce sont des secteurs très actifs. Dans le secteur de la santé on a énormément de formations à suivre, donc il y a aussi pas mal d’utilisation des LMS.
Il y a des tendances, mais, en général, on retrouve des LMS partout. Il y a juste des secteurs qui sont plus friands des LMS que d’autres.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. Au niveau du système éducatif français, notamment Canopé, puisque vous travaillez dans ce réseau, cet opérateur du ministère de l’Éducation nationale, comment se fait le choix des outils que vous utilisez ?

Nathalie Soetaert : Il y a deux choses : des fois ce sont des commandes de clients. L’année dernière, il y a deux ans, on a travaillé sur le déploiement d’une plateforme pour le continent africain, pour la francophonie en Afrique. Là, la plateforme était désignée par l’opérateur et c’est conscrit.
Quand on écrit par exemple pour les académies et qu’on est en charge d’une formation dans ce qu’on appelle, excusez-moi, acronyme que je vais déployer, EAFC, ce sont les écoles de formation académique de l’éducation, on travaille avec Moodle.
Quand on écrit nos propres formations, on est libre de choisir nos outils en fonction de nos propres appétences. Par exemple, moi j’écris sur Canoprof parce que je n’ai pas besoin d’avoir un rendu élève ou un rendu apprenant, c’est-à-dire que je n’ai pas besoin de quantifier les résultats des personnes puisque je le fais sur site, je suis avec pendant six heures ; le support me sert à les former et à garder une trace écrite de formation. Quand ce sont des formations à distance, par contre, on utilisera forcément Moodle pour leur permettre d’envoyer, de déposer et d’avoir une interaction avec le formateur.

Sylvain Kuntzmann : D’accord.
On a déjà évoqué quelques avantages d’un LMS : la massification des contenus, l’aspect interactif et auto-correction, auto-évaluatif.

Nathalie Soetaert : La certification aussi dont on ne parle pas.

Sylvain Kuntzmann : Est-ce qu‘on peut lister un petit peu ce qu’apporte un LMS, ce que ne pourrait pas apporter une méthode d’apprentissage traditionnelle ? En tout cas, quels sont les points forts d’un LMS ?

Nathalie Soetaert : La disponibilité. Moi, passé 22 heures, je ne suis plus très opérationnelle. Si, pour des raisons de vie personnelle, vous avez besoin de vous former et le temps qu’il vous reste est celui entre 10 heures le soir et 11 heures, minuit ou minuit 30, vous pouvez vous connecter, écouter les bandes son, rgarder les vidéos et avancer votre formation. Est-ce que c’est utile humainement ? Est-ce que c’est souhaitable humainement, c’est une autre problématique, c ‘est une autre question. Mais c’est la disponibilité.

Sylvain Kuntzmann : C’est donc le côté asynchrone de la formation.

Nathalie Soetaert : C’est quand même un avantage.

Sylvain Kuntzmann : Tous ensemble en même temps avec le formateur sur un lieu unique à un moment donné, soit on peut être dans des lieux multiples et dans un temps qu’on choisit soi-même, c’est ça ?

Nathalie Soetaert : Tout à fait.

Yannick Warnier : Ça s’étend aussi à la collaboration. Pouvoir collaborer entre les différents apprenants est facilité par le fait d’avoir des outils justement asynchrones d’échange comme des espaces de forums, des espaces de messagerie où on n’a pas besoin d’être immédiatement disponible pour pouvoir continuer à étendre sur un sujet en particulier, les wikis, etc.

Nathalie Soetaert : L’écriture collaborative aussi. C’est quand même quelque chose qu’on a difficilement parce qu’une fois que tu as quitté ton établissement de formation, eh bien tu as quitté !

Yannick Warnier : Sur un autre sujet c’est le suivi, donc la possibilité d’avoir des informations qui non seulement vont aider l’enseignant à aider l’apprenant, l’étudiant à ce moment-là. On parle aussi de données qui peuvent être stockées de façon anonyme sur les tendances d’apprentissage des étudiants pour savoir, si je dois refaire la même formation, le même cours dans un an, si que je vais le faire de la même manière sachant que par exemple, cas très pratique, je vois que dans mon examen principal tout le monde s’est planté à la question 3. Est-ce que ça veut dire que je peux m’améliorer d’une façon ou d’une autre, améliorer le cours pour l’année prochaine ? Probablement. Ça veut dire que l’année prochaine je vais travailler sur cette question 3 soit pour mieux voir le sujet en question dans mon cours, soit pour changer la question parce qu’elle est mal formulée.

Sylvain Kuntzmann : OK. Pour le prescripteur, pour le créateur de contenu il y a donc un retour beaucoup plus prononcé.

Nathalie Soetaert : L’analyse est plus rapide. Quand on fait un test que ce soit avec des collégiens, des lycéens ou des adultes et que tu vois que 80 % de ta classe n’a pas répondu à la question ou à côté, tu as deux options : soit le cours est mal fait soit la question est mal posée. Après, je peux être d’une mauvaise foi absolue et dire « non, j’étais parfaite, ils n’ont pas étudié ». Si tu es honnête avec toi-même tu sais très bien que le problème est de l’autre côté.
Quand tu fais cela à la main, il faut que tu prennes les feuilles, que tu regardes, que tu t’aperçoives à la dixième feuille qu’il y a quelque chose qui bloque et que tu commences à te questionner. Quand tu es sur ta machine, tu poses la question et les retours sont immédiats. Si tu vois que tu as 15 ou 20 % de réussite, c’est qu’il y a un problème. Après, à toi de chercher où est le problème parce que la machine ne le fera pas.

Sylvain Kuntzmann : Ce que font les plateformes c’est mettre en évidence ce problème-là, dire « ici il y a un problème, c’est évident, c’est le mettre en rouge », on peut faire en sorte que la plateforme sache déjà que ce genre de données est indicateur d‘un mauvais cours ou d’une mauvaise question et, du coup, le mettre en évidence pour faire gagner du temps à l’enseignant pour qu’il puisse améliorer son contenu.

Nathalie Soetaert : Et corriger aussi. Quand tu as une mission de formation, tu dois donner l’information exacte et tu dois amener les gens à un certain niveau. Ça veut dire qu’après tu as encore le temps d’envoyer un correctif aux gens. Quand tu es en classe, que ton semestre est terminé, que tu as fait ton évaluation finale, tu ne peux pas beaucoup les rattraper pour leur donner le complément de cours.

Étienne Gonnu : Une question qui nous vient du webchat : cela ne signifie-t-il pas que l’enseignant doit être disponible 100 % de son temps ? Quelqu’un veut réagir ? Le droit à la déconnexion.

Nathalie Soetaert : Non, non. Nous ne sommes pas du tout disponibles 100 % de notre temps. Nous restons des êtres humains, nous avons des familles, nous avons des vies à côté. Autant vous dire qu’on y passe du temps. Quand on enseigne on sait aussi que c’est quelque chose sur lequel on met énormément d’énergie et, en règle d’énergie, on y passe pas mal de temps. On a droit à la déconnexion, les gens le font. C’est une histoire d’équilibre de vie, après c’est la décision de chacun, mais il n’y a pas d’injonction à être connecté, à devoir répondre dans l’instant. En tous les cas, je ne le vis pas dans mon quotidien professionnel et je n’ai pas de cas autour de moi où il y ait des obligations de répondre en délai réel.

Yannick Warnier : Les plateformes permettent justement de rajouter cette couche de neutralité, de tampon entre l’enseignant et les étudiants en disant « posez vos questions sur la plateforme, je suis disponible de telle à telle heure et je répondrai quand je lirai la question ». Du coup ça débloque l’étudiant qui ne doit pas noter quelque part, oublier sa question, il peut aller poser sa question quand il veut et il aura une réponse un peu plus tard, pas au moment même, mais c’est simplement une gestion des expectatives. Dire « dans mon cours, ne vous attendez pas à ce que je vous réponde à minuit, je travaille de telle à telle heure, vous avez la plateforme, vous pouvez y aller, d’autres étudiants vont peut-être vous répondre à minuit. En tout cas moi je répondrai dès que je suis disponible. »

Nathalie Soetaert : De toute façon quad on fait une formation en présentiel, on laisse son adresse mail aux stagiaires, on leur dit d’envoyer un mail et on ne répond pas au mail le jour même.

Yannick Warnier : La plateforme permet d’abstraire encore ça, de dire « vous envoyez sur la plateforme, je me connecte à la plateforme, je n’ai pas besoin de vous donner mon e-mail pour ça », parfois l’e-mail personnel, en général on espère que non. Il y a des moyens de faire. Maintenant, par exemple, je prends un photo avec mon téléphone et je peux me connecter sur la plateforme qui est responsive comme disait Nathalie, qui réagit bien à l’utilisation au travers d’un dispositif mobile et directement envoyer la photo correspondante. On a plusieurs cas d’applications comme ça où les enseignants demandent à leurs étudiants de participer par exemple à un wiki ou à un forum en publiant des photos. On a un exemple tout bête sur un cours d’espagnol au Pérou : l’enseignant demandait aux étudiants de prendre des photos de fautes d’orthographe dans la rue sur des panneaux divers, etc. Une participation se générait comme cela et une motivation plus grande des étudiants parce qu’ils peuvent réellement contribuer avec des trucs tout simples de la vie courante pour montrer qu’ils comprennent le cours et qu’ils sont aptes à pratiquer leur apprentissage.

Nathalie Soetaert : Dans les exemples comme ça : on a eu « Apprendre par le jeu » pendant le confinement. Avec mon collègue on devait faire une présentielle de six heures sur « Apprendre par le jeu ». On s’est retrouvés à brancher une webcam sur la classe virtuelle. Pendant la classe virtuelle, on a mis les plateaux de jeu sur la table, on a fait nos démonstrations, on a fait des jeux en ligne, les gens nous ont envoyés les réponses via le forum. Ça a engrainé une conversation et une communauté qui fonctionne encore. Ils se sont échangés des jeux des ??? [ 1 h 05 min 10].

Sylvain Kuntzmann : Ce qu’il faut retenir de cette question qui pourrait effectivement, de prime abord, constituer un écueil ou un inconvénient, c’est que finalement ce qui est disponible, cette disponibilité, cette accessibilité ce n’est pas forcément l’enseignant, c’est le contenu et la façon d’interagir avec ce contenu, pas forcément avec le formateur.

Nathalie Soetaert : Après, c’est une question de positionnement personnel.

Sylvain Kuntzmann : Est-ce qu’il y a éventuellement d’autres limites que pourrait présenter un LMS. Je pense, par exemple, à la fracture numérique ou le niveau d’équipement des apprenants. On a vu que maintenant la majorité des lycéens a un smartphone, c’est le principal vecteur pour se connecter à Internet, je crois d’ailleurs, c’est valable pour la France, peut-être que dans d’autres pays c’est différent. Est-ce que le LMS se heurte à une inégalité d’équipements ?

Yannick Warnier : C’est un sujet très vaste. Comme je mentionnais avant, hors émission, j’ai vécu 13 ans au Pérou, donc j’ai une bonne idée du niveau d’accessibilité à ce genre de plateforme. Il faut savoir que la plupart de pays du tiers-monde a vraiment sauté l’étape téléphone, en fait. On est passé de rien du tout comme moyen de communication à des smartphones. La plupart des pays du tiers-monde sont de mieux en mieux équipés en smartphones, donc ils peuvent faire une utilisation de systèmes en ligne., etc., sauf qu’il y a toujours un problème d’accès à Internet qui est toujours assez fort. Maintenant on a des trucs comme Starlink de SpaceX avec une antenne satellite qui permet, avec 100 dollars par mois, d’avoir une connexion partout dans le monde, au sommet de l’Himalaya comme au fin de la jungle péruvienne par exemple. On réduit considérablement cette fracture.
En tout cas pour la France, ce n’est plus vraiment le cas. Il reste des pays où il n’y a pas de connexion, dans la jungle par exemple, mais ça s’améliore. On voit clairement une solution à court terme à ce problème-là.

Nathalie Soetaert : Tout dépend de ce que tu mets derrière « fracture numérique ».
Si on parle de connexion à Internet, on a encore dans nos campagnes, dans l’Aisne, dans la Somme, dans l’Oise là où je réside, des zones blanches. Ça c’est incompressible, c’est lié à l’installation, à l’infrastructure.
On a un autre problème qui est l’accès aux outils numériques. Et les téléphones, même si c’est devenu extrêmement courant, n’ont pas pour autant accès au réseau et n’ont pas de quoi être suffisamment être performants. Il y a encore pas mal de jeunes qui sont équipés de smartphones qui ne leur permettent pas le suivi complet du protocole parce que tout n’est pas pris en charge : la vidéo, le son ne vont pas bien passer ou ils sont défaillants. Il y a effectivement un équipement qui est là mais c’est quand même extrêmement corrélé à la classe sociale et au niveau d’éducation des parents et des familles.
Il y a quand même une fracture numérique en France qui tend à se réduire. Des choses sont mises en place, d’ailleurs par des associations du Libre avec des distributions, des choses qui sont faites. Pas mal de Repair cafés aussi équipent les familles – je pense à Salixdu côté de Lille, je pense à ??? [ 1 h 08 min 40] en Bretagne – qui remettent en état des machines obsolètes sur lesquelles ils installent des distributions libres, les remettent aux familles et aux jeunes les plus mal logés, on va dire, pour qu’ils puissent être scolarisés et suivre à peu près comme tout le monde.
Mais oui, la fracture numérique est là et socialement elle est vraiment prégannte.

Yannick Warnier : Elle se réduit très vite.

Nathalie Soetaert : Elle se réduit, je suis d’accord, mais j’aimerais qu’on ne l’oublie pas.

Yannick Warnier : D’accord.

Sylvain Kuntzmann : On parle des inconvénients, des limites éventuelles, des écueils auxquels on peut se heurter avec un LMS, je pensais à la courbe d’apprentissage, la prise en main du côté du formateur et peut-être, éventuellement aussi, du côté de l’apprenant. Yannick par exemple, Chamilo, comment ça se passe ?

Yannick Warnier : L’avantage principal de Chamilo c’est la simplicité d’utilisation. En fait, on obtient, je dirais, des résultats tangibles au travers d’universités qui adoptent plusieurs plateformes à la fois, qui décident de laisser leurs enseignants choisir une plateforme.
On a par exemple, tant au Brésil qu’en Suisse, des retours de formateurs, d’enseignants qui nous disent « on a enseigné les mêmes objectifs d’utilisation de la plateforme LMS avec Chamilo et avec Moodle, pour ne pas le citer, et on a une différence de trois. Par exemple, ça prend une journée pour leur enseigner l’utilisation de Chamilo et trois jours pour Moodle ». Au travers de ça on obtient une idée claire de ce qu’il peut y avoir comme différences d’accessibilité entre deux outils. Souvent un des problèmes – ce n’est pas une histoire de lancer une guerre entre Moodle et Chamilo, nous sommes relativement compétiteurs l’un et l’autre dans le monde du Libre et dans le monde des LMS en général – mais la grosse différence entre Moodle et Chamilo c’est la simplicité d’utilisation de Chamilo. N’importe quel prof qui a utilisé réellement les deux le dira. On organise des conférences, des événements, tout le temps les gens viennent nous dire « heureusement qu’on est passé de l’un à l’autre parce que c’était vraiment difficile. ».
On a aussi d’autres statistiques, c’était l’université de Genève qui maintenant, malheureusement, est passée complètement à Moodle suite à un choix institutionnel. Ils offraient Moodle et Chamilo en parallèle, ils enseignaient à leurs enseignants l’utilisation de plateformes et ils leur disaient à leurs enseignants « maintenant choisissez la plateforme que vous préférez » et ils avaient systématiquement 95 % des enseignants qui choisissaient Chamilo.
Entre les outils il y a quand même des grosses différences. On me demande souvent pourquoi tout le monde utilise Moodle. C’est un effet de masse en fait. Moodile est la plateforme la plus populaire depuis longtemps et les gens choisissent simplement la plateforme que leur voisin utilise déjà. Il n’y a pas souvent des études réellement qualitatives par rapport aux usages qu’on va vraiment vouloir faire.
Nous sommes très contents avec notre situation de challenger avec Chamilo pour l’instant. Il y a quand même des grosses différences au niveau de la simplicité d’utilisation entre un outil et un autre.

Sylvain Kuntzmann : Dans un domaine que je connais bien, la musique, il y a un dicton. On a coutume de dire « ce logiciel-là a été fait par des informaticiens et celui-ci a été fait par des musiciens ».Chamilo est fait pas qui finalement ?

Yannick Warnier : Il est fait par des informaticiens c’est sûr, en tout cas on a l’impression qu’on a un processus de récollection des besoins qui est beaucoup centré sur les enseignants, dans le sens où, quand on regarde un petit peu les forums de Moodle, par exemple les personnes qui rapportent les problèmes dans Moodle, les rapportent comme des ingénieurs. Ils vont déjà dans des détails techniques dès qu’ils rapportent le problème. C’est peut-être simplement que les gens qui rapportent ces choses-là sont beaucoup plus spécialisés dans leur outil que pour nous. En tout cas, on écoute simplement les enseignants : à part le fait que ce soit fonctionnel, est-ce que ce qu’on vous fait c’est simple à utiliser ou pas ? Combien de temps ça vous prend à l’utiliser ? » Et on écoute simplement, écouter et avoir des événements réguliers ; on a un petit événement dans la francophonie tous les mois pour rencontrer justement des enseignants et voir ce qu’ils pensent de notre plateforme. On a aussi un forum ouvert, on a plein de canaux pour nous transmettre les besoins.
Au niveau du développement du logiciel libre en général comment ça marche puisque, quand on parle du logiciel libre à priori c’est libre, donc on ne vend pas le logiciel lui-même, on peut le vendre mais c’est compliqué à mettre en place s’il est libre parce que, au final, on peut avoir des fuites, nous-mêmes offrir cette solution-là à un certain prix et avoir un concurrent qui va offrir aussi notre solution pour un prix bien moindre.
En général, pour financer un logiciel libre, il faut avoir des clients ou des dons, n’importe quel mécanisme de financement pour pouvoir financer des développeurs. Si on ne finance pas des développeurs. Dans le monde du logiciel libre d’il y a 20 ou 30 ans, on va se limiter à 20 ans, il y a 20 ans il y avait beaucoup de geeks dans leur garage, etc., qui pouvaient faire des petits outils rapidement. Maintenant on arrive quand même à une qualité de solutions qui est très élevée, donc on a besoin d’y passer énormément de temps et c’est très difficile à mettre en place sans avoir des gens dédiés à ça.

Sylvain Kuntzmann : Combien de développeurs travaillent sur Chamilo ?

Yannick Warnier : Nous sommes quatre techniques, une petite équipe pour un très gros système, puisqu’on parle maintenant de plus de deux millions de lignes de code. Les gens qui travaillent sont de gens qui travaillent depuis longtemps, la plupart d’entre eux ont déjà plus de huit ans de travail sur la plateforme, et moi 19 ou 20 ans.

Étienne Gonnu: Je me permets juste une très courte parenthèse, effectivement la question du financement et de comment s’organisent les entreprises du logiciel libre sont des questions récurrentes. Si vous voulez creuser, on a plusieurs émissions Libre à vous ! sur ce sujet, sur les entreprises du Libre, sur les réseaux du Libre, sur les financements du logiciel libre. Ce sont effectivement des questions importantes et récurrentes.

Sylvain Kuntzmann : Je crois qu’on arrive pas loin de la fin du temps imparti. Juste une dernière question : un des avantages de Chamilo aussi, en tout cas je sais que vous y êtes attentifs, ça rejoint une des valeurs du logiciel libre, c’est l’interopérabilité, l’aspect aussi portabilité des données. Hors antenne Nathalie disait que si ce n’est pas SCORM je n’y touche. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu cet aspect de portabilité des contenus ?

Nathalie Soetaert : Quand on écrit une formation, en fonction du niveau ça peut prendre une journée, deux journées. Si c’est un module de formation pour adultes avec des séquences sur plusieurs semaines on parle de 50, 60, 80, 100 heures de travail des fois, entre la création des exercices, des capsules vidéos, des montages. Quand on a un outil qui n’est pas libre, qu’on est enfermé dans l’outil et qu’on veut récupérer son contenu, c’est extrêmement compliqué.
J’ai pris la décision il y a assez longtemps suite à deux déboires : si je ne peux pas enfermer ça, encapsuler mon protocole dans un SCORM, c’est-à-dire un fichier packadgé que je vais garder sur mon disque dur, en sécurité et par exemple, si je pars chez Chamilo je vais pouvoir déployer mon SCORM et installer ma formation sur sa plateforme à moindres frais. Bien sûr, tout n’est pas encore interopérable correctement, donc je vais devoir reprendre l’écriture des titres, un petit peu les formats des vidéos, recollecter deux/trois questions et refaire un petit peu les choses. Si je n’ai pas cette interopérabilité qui est là, je n’y vais même plus, parce que j’en ai assez de passer énormément de temps à réécrire des choses qui ont une valeur dans le temps qui, comme toute formation, a une date de péremption surtout quand j’écris des formations sur des outils techniques. Mais je veux pouvoir changer de plateformes au besoin, en fonction des contrats aussi que je dois délivrer sur l’une ou l’autre des plateformes et je ne peux pas tout réécrire systématiquement.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. Les utilisateurs de Chamilo arrivent déjà avec des contenus en général ou partent de zéro ? Est-ce que cette portabilité est importante dans leur tête ?

Yannick Warnier : Ça dépend des profils, mais on a environ 50 % des utilisateurs qui viennent avec leur contenu et qui ont besoin que la plateforme supporte ces standards, en tout cas d’échange de contenus.

Sylvain Kuntzmann : D’accord. Merci Yannick. Merci Nathalie.

Étienne Gonnu: Merci Sylvain, c’était vraiment un échange passionnant à écouter. On invite les gens à venir découvrir ces outils, notamment Chamilo.
Je vous propose à présent de faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu: Après la pause musicale nous écouterons une nouvelle pituite de Luk. Avant cela nous allons écouter Essaouira par Amine Maxwell. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Essaouira par Amine Maxwell.

Étienne Gonnu: Nous venons d’écouter Essaouira par Amine Maxwell, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution.

[Jingle]

Étienne Gonnu: Je suis Étienne Gonnu de l’April. Nous allons passer à notre dernier sujet

[Virgule musicale]

Chronique « La pituite de Luk » sur le « Concept de merdification »

Étienne Gonnu : « La pituite de Luk » est une chronique rafraîchissante au bon goût exemplaire qui éveille l’esprit et développe la libido. Il a été prouvé scientifiquement qu’écouter la pituite augmente le pouvoir de séduction, augmente le succès dans les affaires ou aux examens et décuple le sex-appeal. Retour de l’être aimé, il ou elle reviendra manger dans votre main comme un petit chien. Aujourd’hui, Luk nous explique sa découverte du concept de merdification. On l’écoute et on se retrouve juste après toujours en direct sur radio Cause Commune, la voix des possibles

[Virgule sonore]

Luk : J'ai découvert il y a peu le concept de merdification ou enshittification en anglais.

La merdification ne parle pas de nos trottoirs constellés d’étrons canins.C'est un concept formalisé par Cory Doctorow. J’en ai pris connaissance sur le blog de Lionel Dricot, alias Ploum, qui est lui aussi un auteur de science-fiction. Article de blog que j'ai lui-même découvert grâce à un certain Zoxume qui l'a publié sur Reddit. Incroyable ! En 2023 on peut encore découvrir des choses sans passer par un moteur de recherche.

En voyant le titre, j’ai tout de suite pensé qu'il s'agissait encore de quelqu'un qui avait besoin d'exprimer son asymétrie positive-négative, ce qu’on nomme plus simplement son biais de négativité. Le « c'était mieux avant » comme dit le commun des mortels. En fait, ce n’est pas du tout de cela dont il s’agit.

La merdification offre une représentation de la façon dont fonctionne un certain capitalisme dont font partie certains GAFAM ou certains NATU.
L’idée est que ces entreprises gagnent du fric non pas avec leur domaine d’activité mais avec la promesse de lendemain qui chantent, en version capitaliste bien sûr. Ainsi, Uber a toujours été en déficit partout où il opère, mais les investisseurs ont continué à déverser du fric dedans, car ce niveau de disruption, cette base d’utilisateurs et de chauffeurs débouchera nécessairement sur un business juteux à terme. Pour le moins, c’est ce qu’ils croient.
Ce qui avait été lancé à perte avec des voitures neuves, des chauffeurs sympas et une petite bouteille d’eau était destiné à se merdifier. Une fois les actions vendues, une fois les bonus touchés, une fois que le startupeur a fait son exit, l’opération est bouclée. Le véritable business a été de vendre du rêve. Les uns repartent avec leur pactole, les derniers naïfs qui ont marché dans la combine possèdent les actions d’un business boiteux qu’il va falloir rendre rentable. Bien souvent, la seule façon de le faire est de presser les utilisateurs captifs en dépensant le moins possible, d’où la merdification du service.

Karl Marx a fait un double salto arrière carpé dans son cercueil. La propriété privée des moyens de production est désormais laissée aux loosers de l’équation. Le merdo-capitalisme n’en a plus besoin, le contrôle du système d’information leur permet de générer du profit en appliquant une politique parfaitement déloyale et d’en retirer leurs billes avant que la pépite ne se transforme en caca.

Et le hasard faisant bien les choses, Reddit, où j’ai découvert cet article, ne fait pas exception. Cofondé par Aaron Schwartz, ce réseau social qui avait mis la liberté d’expression au centre de sa démarche, tient plus du forum à l’ancienne avec des subreddits modérés par des humains bénévoles. J’aime bien me confronter à des gens qui ne pensent pas comme moi, qui partagent par exemple des articles du Figaro auquel je n’aurais jamais jeté un œil autrement. C’est bien entendu la qualité du sub qui fait la différence et sur Reddit se côtoient le pire et le meilleur. Je sais que c’est dur à croire mais sur ceux que je fréquente, il m’est arrivé de changer d’opinion en lisant les arguments d’en face. Ça m’est même arrivé plusieurs fois.

Dans son histoire, ce réseau social a connu quelques heurts, notamment vers 2015 quand Ellen Pao, alors patronne du truc, a décidé que le harcèlement n’était pas souhaitable. Ses mesures lui ont valu de se faire elle-même harceler, parce que tout le monde sait bien que la liberté d’expression devrait être absolue et pour quiconque pense le contraire : une balle dans la nuque avec facture à la famille comme on faisait en Chine. Et puis bon, un pao dans le monde de la boxe est une sorte de bouclier qui sert à l’entraînement pour frapper de toutes ses forces dedans. Donc harceler Hellen Pao, c’était juste dans l’ordre des choses. C’est une simple synchronicité. Il n’y a pas de hasard.

Aujourd’hui encore Reddit est à feu et à sang mais, cette fois, c’est pour une raison qui me semble bien meilleure. Les patrons du réseau ont décidé que l’accès à l’API coûterait désormais 12 000 dollars par an, écartant automatiquement tous les petits projets qui y sont connectés. Il y a eu des grèves, certaines durent encore. D’autres ont changé le statut de leur sub en autorisant les contenus pornographiques pour que Reddit ne puisse plus y mettre de la pub. Pour ma part, j’ai proposé de poster des tutos pour apprendre la palpation des seins et des testicules pour favoriser la prévention des cancers correspondants, mais personne ne m’écoute.

Face à la fronde, la direction de Reddit donne à ses utilisateurs une bonne leçon de libertés informatiques puisqu’ils ont dégagé les admins des subs récalcitrants pour remettre les clés à des bénévoles plus dociles. Ce qui me rassure est que sur le sub r/France, où je traîne le plus, les modos cherchent une solution de replis plutôt que de lâcher l’affaire ou de courber l’échine.
Je me suis créé un compte sur Lemmy, un projet du fediverse où sont déjà partis certains. C’est un reddit like, mais il semble qu’il ne soit pas encore très mûr. En tout cas, aucun chaton n’a voulu de lui.

Au final, la tendance à la merdification est plutôt une bonne nouvelle. Elle démontre encore une fois la pertinence du Libre. Il faudrait maintenant comprendre comment et pourquoi certains utilisateurs, tout juste sortis d’un bac à merde, sautent à pieds-joints dans le nouveau machin clinquant qui les ramènera immanquablement à leur point de départ. Je devrais sans doute poser la question sur Reddit !

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu: Nous voilà de retour en direct sur Cause Commune, la voix des possibles.
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l'April et le monde du Libre

Étienne Gonnu: Jeudi 29 juin,