Comment agir pour des outils numériques plus conviviaux
Titre : Comment agir pour des outils numériques plus conviviaux ? À l'action avec Contribulle !
Intervenant : IciMéli
Lieu : Faiseuses du web - Rencontres gratuites en ligne
Date : 28 mai 2021
Durée : 23 min 29
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : À prévoir. Logo Contribulle = https://contribulle.org/images/logo.svg ?
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcrit Eve
Transcription
Bonjour tout le monde, j'espère que vous allez bien.
Avant de commencer, j'aimerais remercier Maïwan de proposer ce genre d'événement pour parler de conception web et de logiciels respectueux des gens et de l'environnement. Je vais vous parler de comment tout le monde peut agir pour des outils numériques qui sont plus conviviaux, et je vais vous parler de Contribulle [1], un site sur lequel je travaille en ce moment avec Maïwan et deux personnes super chouettes.
Pour me présenter un petit peu : je suis Méli, designeuse d'expérience utilisateur et d'interface et je profite de cette présentation pour dire que je recherche en ce moment, je travaille dans le domaine de l'inclusion numérique sur Toulouse. Donc si jamais vous avez des plans, n'hésitez pas à me contacter.
Je vais commencer par définir quelques termes, comme outil convivial, logiciel libre et culture de contribution, dans cette volonté d'agir. Et je vais aussi vous parler des freins qu'il y a en ce moment à la contribution au Libre, et comment, avec Contribulle, on a essayé de répondre à ces problèmes-là. Je vais donc vous présenter le site et aussi vous expliquer notre démarche de travail, qui s'est faite à distance.
Outil convivial, logiciel libre, culture libre, culture de contribution
Un outil convivial, c'est une notion qui a été proposée par Ivan Illitch, un philosophe qui voulait dénoncer tout objet, instrument et même institution issus de notre société industrielle et qui ont tendance à prendre le contrôle sur l'être humain, alors que ça ne devrait pas être le cas. Et quand Ivan Illitch parle d'outil convivial, il veut parler d'un outil avec lequel travailler, et sur lequel on a une totale maîtrise, qui permettrait donc de gagner en autonomie et aussi en créativité, dans le monde qu'on est en train de façonner.
Le logiciel libre est un mouvement qui date des années 80, qui a été initié par Richard Stallman. Il n'était pas content des logiciels qui ne donnaient pas accès à leur code, et donc impossible d'avoir le contrôle dessus. Pour lui, un logiciel libre devrait permettre quatre libertés sur le programme. La première, de l'utiliser, donc de l'exécuter. La deuxième liberté, de pouvoir étudier le programme, donc de pouvoir consulter le code, de savoir quelles fonctionnalités sont appliquées. La troisième, de modifier le code : si jamais il y a une erreur, on peut la corriger rapidement ou bien on peut rajouter de nouvelles fonctionnalités. Et la dernière, de distribuer le programme, donc de diffuser le code à qui le veut, et aussi même de pouvoir s'approprier le code selon ses besoins. Vu que le logiciel libre est peut-être une notion assez abstraite, j'ai mis quelques exemples de services libres qui sont assez connus, pour vous donner une idée de la pluralité des services possibles : Mozilla Firefox, LibreOffice, VLC, Gimp.
Et j'en profite aussi pour faire un petit aparté. On a souvent tendance à confondre le logiciel libre avec le logiciel open source,, c'est tout à fait compréhensible parce que des deux côtés, il y a une volonté de rendre le code source ouvert à tout le monde. Mais pour le logiciel libre, l'ouverture du code a une visée politique, alors que du côté du logiciel open source, c'est l'aspect technique qui est mis en avant, et l'aspect politique est mis de côté.
Pour approfondir cette visée politique du libre, il y a une volonté de remettre en question nos usages numériques actuels, largement dominés par des outils privateurs, incarnés par les GAFAM : Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft. Il y en a d'autres, mais déjà ça donne une idée. L'idée, c'est de pouvoir s'émanciper de ces géants du web.
La notion de liberté est aussi mise en avant. Il faut penser à respecter les libertés de tout un chacun. Et l'idée de mettre en avant le partage des connaissances, l'ouverture du code et la coopération invitent à glisser vers une société plus coopérative et plus inclusive, qui concerne tout le monde en fait. Parce que le logiciel n'est pas à voir comme une fin en soi, mais plutôt comme un moyen, pour se tourner vers une culture libre. Je peux vous recommander le documentaire de Philippe Borrel qui s'appelle « Internet ou la révolution du partage » [2]. Il montre que la culture logicielle, avec les valeurs que j'ai citées, peuvent impacter en fait tous les domaines d'existence. Et il parle du domaine de la santé, de l'alimentation et de l'éducation.
Ce documentaire est accessible en ligne sur Imago TV d'ailleurs [3], si vous avez l'occasion de le voir.
Culture de contribution ; freins
Forcément, dans l'idée d'agir pour cette culture libre, il faut faire en sorte que tout le monde puisse passer à l'action, et on peut parler aujourd'hui de la notion de contribution.
Il y a l'association Framasoft [4] : c'est une association d'éducation populaire aux enjeux du numérique, qui a lancé en 2017 la campagne Contributopia, qui est toujours d'actualité, d'ailleurs. Il y a l'idée de montrer comment on peut contribuer aujourd'hui pour un monde qui est plus désirable et souhaitable. Il y a aussi l'idée de montrer qu'on peut se rassembler entre des communautés qui sont différentes pour avancer ensemble, la notion de préservation des ressources des communs du coup, auxquels il faut faire attention, et une invitation à créer des outils numériques qui nous permettent d'être plus autonomes. La feuille de route est accessible en ligne d'ailleurs [5].
Malheureusement, il y a encore quelques freins à la contribution aux outils libres/accessibles que je vais vous présenter. Tout d'abord, le Libre, même si on ne s'en rend pas compte, est vraiment autour de nous et c'est donc un domaine qui est hyper vaste. Quand on découvre cet univers-là, on peut s'y retrouver au niveau des valeurs du groupe, on peut se dire : ah, c'est super cool le Libre, et j'ai envie de contribuer, mais je ne sais pas comment m'y prendre. À partir de ce moment-là, il peut y avoir différentes réponses, la première pouvant être : « Tu n'as qu'à prendre n'importe quel projet libre qui te plaît, vas-y, lance-toi ». Mais ce genre de réponse est quand même assez évasive et n'aide pas du tout, en fait, la personne qui veut contribuer à savoir comment s'y prendre. Donc ça peut être très décourageant et c'est pas hyper compréhensible envers la personne qui demande de l'aide. Donc souvent la contribution est inexistante à ce moment-là, en fait.
Pour avancer un peu plus loin; il peut avoir la réponse : « c'est super beau si tu veux contribuer au libre : tu n'as jusqu'à aller sur notre dépôt et vas-y, mets des échanges. » En disant ça, il faut quand même savoir qu'il s'agit d'un vocabulaire qui n'est pas forcément accessible à des personnes qui n'ont pas des connaissances informatiques ou techniques. C'est quand même assez spécifique et c'est aussi très décourageant, parce que les personnes qui veulent contribuer ne se sentent pas forcément légitimes à contribuer, parce qu'elles se disent « Je ne comprends pas cet outil ». Il faudrait peut-être penser à un accompagnement ou à une autre manière de pouvoir autoriser la contribution.
Ensuite il y a aussi la réponse qu'il faut savoir coder : ça montre que la contribution est aujourd'hui encore trop limitée au code. Parfois il y a aussi des contributions dans le domaine de la traduction, même un petit peu du graphisme, ce sont les trois qui reviennent souvent et ça montre qui a vraiment un manque de diversité au niveau des compétences, des savoir-faire, alors que - et ça ne rejoint pas du tout l'idée de faire société ensemble : essayer de mêler un maximum de savoir-faire et d'inviter plein de gens, en fait, à participer et à contribuer, en tout cas, à l'évolution de d'outils libres.
Et donc je me suis posé la question, ensuite par rapport à tout ça : comment faciliter la contribution au Libre ? Comment montrer la richesse des contributions ? Pour montrer qu'il y a autre chose que du code. Et aussi et surtout, comment rassurer et accompagner des personnes qui n'ont pas de compétences techniques dans la contribution au Libre. Ces questions, j'en avais discuté avec Maïwan et on s'était dit que ça serait cool s'il y avait un endroit qui puisse centraliser un maximum de projets libres, pour qu'on puisse s'y retrouver, où les tâches qui sont demandées, les demandes de contribution sont variées. Donc, ça ne se limite pas qu'au code. Et il faut un endroit qui permettrait aussi de bien expliquer le besoin de la contribution qui est demandée.
On s'était dit aussi qu'on pouvait imaginer un endroit où il serait possible de ne proposer des contributions assez clé-en-main, qui sont déjà accessibles. Et enfin, super important, penser le rapport humain, en fait. Il faut rappeler qu'il y a quand même des échanges entre des êtres humains à mettre en avant.
Contribulle
De tout ça est né le projet Contribulle. C'est un site qui permet de mettre en relation des projets libres ou liés aux communs avec des contributeurs et contributrices qui viennent de tous les horizons. Et derrière Contribulle nous sommes un petit collectif du coup, avec quatre personnes fixes, on va dire. Il y a Maïwann et moi-même qui avons le poste de designeuses. Il y a aussi le livre au quotidien ??? [11:53] et Da-max qui développent pour faire en sorte que le site puisse puisse être en ligne, en fait. Je mentionne aussi les contributeurs et contributrices ponctuels qui ont l'occasion de nous aider à certains moments au niveau du code, ou même pour donner des conseils pour améliorer la plateforme. Donc ??? [12:16]
Avant de parler de notre démarche du travail, je vais vous faire visiter le site. C'est contribulle.org. Dès la page d'accueil, on voi t qu'il y a deux entrées possibles. Donc, il y a une première entrée pour des personnes qui ont un projet libre et qui souhaitent faire une demande de contribution. Et une deuxième entrée pour les personnes qui veulent contribuer au Libre et qui pourront voir quelles compétences ils peuvent mettre en avant pour des projets.
Donc pour la page « Porteurs et porteuses de projets », il y a un formulaire à remplir. Au tout début, évidemment, il y a une présentation à faire du projet. Ensuite, s'il existe un lien vers ce projet, sa licence aussi - c'est ce qui donne des autorisations ou non au niveau de l'utilisation du code. Ensuite, il y a la catégorie, la définition d'un type de contribution. Ici, on a listé plusieurs domaines de contributions qui peuvent être associés à des métiers existants. Il peut y avoir donc, justement, de l'audiovisuel, ou même de la traduction, du graphisme, même de la rédaction. Dans la zone « Aide facile et rapide », on peut demander de l'aide pour tester des fonctionnalités, ou faire des dons financiers, c'est aussi une contribution en soi.
Il est important de détailler un peu plus la demande de contribution, en quoi ça consiste ? pour que les contributeurs et contributrices puissent voir s'ils peuvent vraiment aider dans ce domaine-là, en fait.
Il y a aussi une partie dédiée à la rémunération, puisqu'il faut rappeler que les personnes qui veulent contribuer, donnent de leur temps libre pour aider un projet, donc une rétribution financière ou non peut être envisageable, c'est à discuter entre vous, du coup.
Ensuite, le rapport humain. Il y a une mention pour savoir à qui on s'adresse et une autre vers l'adresse mail pour pour que vous puissiez vous contacter.
Quand la demande de contribution est remplie, on peut retrouver cette demande dans la partie « Contributeur - contributrice ». On peut donc retrouver une liste de demandes qui ont été faites jusqu'aujourd'hui. La dernière annonce: demande de l'aide au niveau du développement en CSS : on retrouve l'annonce ici avec le contact.
Et sur cette zone, sur cette partie-là, y a aussi une zone consacrée aux contributions dites faciles. Donc, ici on a listé des sites externes dans lesquels les personnes peuvent contribuer au Libre très rapidement. C'est assez varié : il peut y avoir Common Voice Common Voice qui concerne la reconnaissance vocale, à alimenter. StreetComplete Street Complete, l'IA d'OpenStreetMap, qui est une carte collaborative. Il y a aussi la cuisine et, évidemment, les wikis.
Notre démarche de travail
Je vais vous expliquer du coup notre démarche de travail. L'idée de cette plate-forme a émergé en janvier 2020, quand j'étais en plein mémoire de design sur le logiciel Imperia, et j'en avais très rapidement discuté avec Maïwan. C'est à partir de juin 2020 que ça s'est un peu plus concrétisé. Un « confine atelier » s'est déroulé. Un « confine atelier » c'est un atelier qui dure le temps d'un après-midi, qui a été proposé par Framasoft, qui permet de contribuer au Libre, en fait, tout simplement. Le vrai nom de ce genre d'événement c'est Contribatelier, et vous pouvez aller sur le site Contribatelier.org Contribatlier.org.
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Pour cette occasion, on s'est dit que ce serait bien de pouvoir présenter le projet. J'ai donc commencé à faire des parcours utilisateurs et utilisatrices, à prototyper, à maquetter une première version du site. Les objectifs de ce premier confin'atelier était d'abord de valider l'intérêt du projet, de savoir si ça serait intéressant de travailler dessus. Ensuite de rechercher des contributions, parce qu'on avait des besoins en développement pour faire en sorte que le site soit en ligne.
Il avait pour objectif d'énumérer les types de contributions qui sont possibles. Ce que vous avez pu voir dans la page « Ma demande de contribution », avec les types de contributions, c'est un travail qui a été initié à ce moment-là. Je précise qu'il s'agit d'une liste non exhaustive.
Le dernier objectif consistait en trouver un nom pour le projet. Avant de trouver le nom Contribulle, on avait pensé Mythiques du libre et Participalibre. Pour diverses raisons que vous pouvez peut-être deviner, on n'a pas pu continuer avec ces noms-là.
Après un second confin'atelier, il ne s'est pas passé grand-chose du coup, comme vous pouvez le voir sur ce graphique des modifications du code de Contribulle. Jusqu'à novembre du coup : on s'est dit que ce serait quand même dommage de laisser ce projet en suspens, surtout qu'il n'était pas difficile à lancer en fait. On a profité du deuxième confin'atelier pour relancer le projet, pour remotiver des personnes qui seraient intéressées. Et là, on s'est dit qu'on pourrait mettre en place une organisation un peu plus carrée, pour qu'on avance assez rapidement. On s'est dit qu'on se retrouverait tous les vendredis soir à 19 heures pour échanger ensemble sur les avancées et voir comment on peut dépasser certains blocages. Et aussi, aussi important, définir des fonctionnalités à prioriser pour une première version bêta qu'on veut lancer le plus rapidement possible.
Voici un petit aperçu de notre organisation au niveau des fonctionnalités à travailler, niveau développement, design, contenu, etc. On a des petits « issues », des tickets qu'on déplace de colonnes en colonnes, selon l'avancée et la priorité de ces fonctionnalités. Par exemple ici on s'est dit qu'une fois ces deux fonctionnalités terminées, on aura enfin notre première version qu'on pourra mettre en ligne et présenter au grand public.
Les semaines passent, les échanges passent aussi, et on arrive à février 2021, il y a 3 mois : et on lance notre version bêta. En guise de mini-synthèse de ce qui a permis sa mise en ligne rapide : notre équipe avec plusieurs compétences a permis d'avancer assez rapidement, et d'ailleurs on s'est réparti nos rôles assez naturellement, c'était plutôt agréable. Mettre en place des discussions hebdomadaires pour se motiver, échanger sur nos avancées et nos blocages nous a beaucoup aidés : c'était aussi l'occasion de se rappeler de notre cadre en fait. Pourquoi on veut mettre en avant cette fonctionnalité, en quoi ça va être utile, et on est tous sur la même longueur d'onde. On a aussi eu l'aide ponctuelle de contributeurs et contributrices variés, et ça, ça fait vraiment chaud. Car on voit que grâce aux contributions des autres, on peut vraiment bien avancer.
En ce moment du coup, comme le site est assez récent, je fais la promotion du site afin, justement, afin qu'il soit utilisé, que ce soit pas inutile. J'essaye de guetter les premiers retours pour pouvoir améliorer l'interface, l'aspect de l'interface. On parle d'une démarche itérative où l'on avance petit à petit vers un projet qui est vraiment adapté aux besoins des personnes.
En parallèle, on avance tranquillement vers la prochaine version, la V1 : elle va sortir prochainement, vous avez pu en avoir un petit aperçu via la visite de Contribulle.
Pour conclure, Contribulle a pour objectif de rendre visible des outils libres et conviviaux et de rappeler que tout le monde, vraiment tout le monde, peut participer à leur éévolution. Aujourd'hui, il est aussi plus qu'important d'utiliser des outils respectueux de nos libertés, en accord avec nos valeurs et qui permettent l'autonomie. Nous pouvons tous et toutes faire en sorte d'avancer vers des futurs plus conviviaux et plus humain.
Merci pour votre écoute. Si l'actualité de Contribulle vous intéresse, n'hésitez pas à suivre nos Mastodon et Twitter. Vous pouvez aussi me contacter si vous avez des questions ou autre, sur Mastodon et Twitter, je suis un peu plus présente dessus : @icimeli. Merci beaucoup et bon appétit.