Faut-il sauver le Health Data Hub - Tech talk

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Titre : Faut-il sauver le Health Data Hub ?

Intervenant·e·s : Christian Babusiaux - Laurence Devillers - Delphine Sabattier

Lieu : Talk Tech - Smart Tech - B Smart

Date : 3 janvier 2022

Durée : 19 min 38

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Delphine Sabattier : Le Health Data Hub, c’est cette plateforme technologique d’intérêt général qui a été initiée en 2019 dans le but de faciliter l’accès aux données de santé des Français pour la recherche et l‘innovation. Face à des difficultés opérationnelles qu’on évoquera tout à l’heure, que faut-il faire ? Est-ce que c’est véritablement problématique ? On en parlera, quand elle arrivera, avec Laurence Devillers que vous connaissez bien, la professeure en intelligence artificielle au CNRS. Elle est aussi membre du Conseil scientifique consultatif du Health Data Hub qui a publié une tribune s’inquiétant du retard pris dans le déploiement de cette plateforme. Et puis à mes côtés, déjà en plateau, Christian Babusiaux, président du Cercle de la réforme de l’État. Bonjour

Christian Babusiaux : Bonjour.

Delphine Sabattier : Vous présidez l’Institut des données de santé qui est le prédécesseur du Health Data Hub et, dans une tribune plus récente encore au Monde, vous avez appelé à sauver le soldat Health Data Hub.
Je vais peut-être refaire un peu de contexte avec vous puisque vous avez l’historique, c’est vraiment très précieux pour nous. L’Institut des données de santé qui est devenu l’Institut national des données de santé c’était le point d’entrée unique, finalement déjà, pour tous les organismes qui avaient besoin d’avoir accès à ces data, c’était aussi le garant de l’intérêt public concernant les études, les recherches qui allaient être menées ou les évaluations sur les données de santé. Pourquoi avoir eu besoin de créer une nouvelle méga-structure en repartant presque de zéro ?

Christian Babusiaux : Vous formulez une vraie question à la vérité. Je crois que, effectivement, pour resituer le sujet, il faut dire que pendant longtemps – je m’en suis occupé neuf ans, je l’ai créé et je l’ai dirigé neuf ans – on a réussi à beaucoup progresser avec tous les acteurs, que ce soit le monde médical, l’univers de la santé plus généralement, les complémentaires santé, des industriels, les représentants des associations de patients, les agences sanitaires, etc.

Delphine Sabattier : Il y avait, je me souviens, une certaine effervescence à l’idée de se dire qu’enfin ce trésor français allait pouvoir servir à la recherche et l’innovation.

Christian Babusiaux : On a un atout fondamental. Comme nous avons un système d’assurance maladie centralisé, un ministère centralisé, bien sûr tout cela présente des limites, n’empêche qu’on a toutes les données en tout cas d’assurance maladie, de parcours de soins de l’ensemble des Français, donc des 67 millions de Français et maintenant sur une grande profondeur d’historique puisque progressivement nous avons stocké des données anonymisées naturellement, anonymisées.

Delphine Sabattier : On comprend l’enjeu d’en livrer l’accès pour des travaux de recherche. Je reviens à ma question : pourquoi cette nécessité, alors, de créer une nouvelle structure ?

Christian Babusiaux : Ce qui a été souhaité, je pense, c’est d’élargir. C’est-à-dire que ce que nous avions fait c’était, par exemple, de réunir les données de l’hôpital et les données de ville pour avoir tout le parcours de soins des Français et puis nous avions commencé à connecter le fichier des décès pour suivre les choses à la trace. Là l’idée était, au fond, non pas d’avoir un organisme qui soit un incitateur, un garant, un ouvreur des différentes bases existantes. On a voulu tout mettre ensemble et, en plus, mettre ensemble dans ce même endroit des bases par exemple privées, des bases venant des complémentaires santé ou d’autres acteurs du système, donc créer un très grand système avec encore plus de données. C’était apparemment séduisant technologiquement, mais nécessairement ça pose des questions. Plus il y a de données plus il y a dee problèmes, par exemple, de préservation du secret de la vie des personnes.

Delphine Sabattier : Aujourd’hui on en est là avec ce Health Data Hub qui a été donc créé, ouvert, lancé. Les premiers projets ont pu accéder aux données de santé des Français, pas tous mais enfin, et pourtant on dit « ça patine ». Pourquoi ?

Christian Babusiaux : Ça patine et, en réalité, il n’y a pas vraiment de projets qui aient démarré. Il y a aujourd’hui 150 projets de recherche qui sont bloqués.

Delphine Sabattier : Ils sont bloqués. J’ai aussi reçu en plateau des startups, des chercheurs qui ont manifesté leur intérêt et qui ont pu rentrer, je dirais, dans le parcours Health Data Hub.

Christian Babusiaux : Il y en a effectivement quelques-uns mais ce que n’a pas le Health Data Hub c’est justement notamment la grande base de données gérée actuellement, portée, hébergée par l’assurance maladie, qui s’appelle le Système national de données de santé, où il y a des données de ville et d’hôpital et y compris la CNAM hésite à transférer cette base de données. Or cette base de données est essentielle parce que c’est elle qui permet de caler les parcours de soins. Bien sûr vous pouvez faire des petites études à côté, mais il y a cette base qui vous recale sur les données essentielles.

Delphine Sabattier : Donc premier problème, on n‘a pas toutes les données dont on aurait besoin aujourd’hui dans ce Health Data Hub ?

Christian Babusiaux : Non et pas les données essentielles et de recalage.

Delphine Sabattier : Deuxième problème : pourquoi n’a-t-on pas toutes ces données ? Parce que ce projet a peut-être aussi démarré du mauvais pied ?

Christian Babusiaux : Il y a deux problèmes. Le premier problème c’est de vouloir mettre toutes les données ensemble parce que cette masse de données crée nécessairement un problème d’hébergement, tout le monde, évidemment, ne peut pas le faire, c’est le choix de la concentration, alors que les données de santé c’est très divers. Par exemple collecter les données sur l’alimentation des Français, bien sûr que c’est un déterminant de santé, les conditions de travail, les conditions de vie, les parcours professionnels, tout ça ce sont des données qui peuvent, un jour, intéresser la santé. Donc vous avez besoin, quand vous cherchez, de faire appel à tellement de domaines que, de toute façon, je dirais que ce qui est important c’est de créer l’interopérabilité des bases de données quand on en a besoin et non pas de tout mettre au même endroit.
Et puis justement, il y a quelqu’un qui apparaissait, à tort ou à raison, mais ça pose un problème manifeste, qui pouvait proposer à la fois l’hébergement et les services associés, c’était Microsoft.

Delphine Sabattier : Quelqu’un, une entreprise, un géant du numérique, Microsoft, qui s’est imposé comme le fournisseur de services.

Christian Babusiaux : Mais aussi parce qu’on a choisi quelqu’un qui pouvait à la fois avoir la capacité d’hébergement et faire les services. Une autre solution aurait pu être de séparer les deux fonctions et d’autres pouvaient le faire, mais ce n’est pas voie, d’où les blocages actuels. On reviendra là-dessus.

Delphine Sabattier : On a bien compris qu’on avait deux sources de blocage. On va continuer d’en parler ensemble évidemment, Christian Babusiaux. Laurence Devillers vient de nous rejoindre. Bonjour. Bienvenue.

Laurence Devillers : Bonjour.

Delphine Sabattier : Vous représentez la recherche. J’ai dit que vous étiez au Conseil consultatif scientifique du Health Data Hub et vous êtes une chercheuse qu’on connaît bien en France. Quel est l’intérêt aujourd’hui que vous voyez dans ce Health Data Hub pour les chercheurs, pour la recherche, pour l’innovation ?

7’ 46

Laurence Devillers : Je pense qu’il y a énormément d’intérêt