Argumentaire Licence libre et Crowdfunding
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Introduction
Le crowdfunding a le vent en poupe. Pas une semaine sans qu'on évoque tel projet qui a explosé son objectif ou tel autre qui se révèle décevant par rapport aux attentes.
Le crowdfunding est typiquement le genre de phénomène qui n'existerait pas sans internet.
Financement conventionnel, de l'argent pour l'argent ou pour autre chose
Dans les systèmes de financement classiques, obtenir un budget nécessite de convaincre des investisseurs que la rentabilité de ce qu'ils financent est à la hauteur de leurs exigences. Une banque vise à récupérer plus de 100 % de la somme qu'elle prête et prend des garanties pour s'en assurer. Un investisseur est solidaire du risque et achète des parts de l'entreprise avec l'ambition de spéculer sur sa valeur, le versement de dividendes étant passé de mode.
La subvention publique est une autre forme de financement qui n'est pas soumise à la logique de rentabilité mais qui demeure une forme de validation par un acteur externe en position d'autorité, jugeant de la validité d'un projet en fonction de ses critères propres. En fonction de l'interlocuteur et de la logique de celui-ci, on peut rencontrer des cadres très rigides telles que les délégations de Services publics (il faut répondre à la commande) ou un peu plus souple où le projet est co-construit.
Une partie du monde associatif vit des dons des particuliers. La logique des associations est souvent projetée de manière pérenne (une projet inscrit dans le temps et qui dure) et non pas comme un projet ponctuel et éphémère.
Crowdfunding, de l'argent pour un résultat qui se suffit à lui-même
Avec le Crowfunding, on découvre des financements qui visent à rendre un projet possible pour lui-même. Ainsi, la multitude de financeurs particuliers qui vont apporter leur contribution à un projet de jeu vidéo par exemple, est intéressée par le jeu et espère en tirer d'abord un plaisir ludique.
Ce n'est pas la rentabilité supposée qui guide leur choix, ni une politique culturelle ou de développement d'un territoire ou encore tout autre impératif dont le projet financé serait l'instrument au lieu d'être l'objectif.
Toutefois, ce n'est pas parce que la plupart des crowdfunders ont un intérêt simple et direct au projet qu'ils ont vocation à « se faire avoir » en finançant un projet à perte pour le simple privilège de pouvoir acquérir le produit à terme. On leur propose généralement une forme de pré-achat avec une réduction par rapport au prix public envisagé au moment de lancer le projet et une série d'avantages et de « bonus », parfois symboliques. Si l'on compare cela aux exigences du monde de la finance conventionnel, le gain est bien maigre pour des gens qui sont solidaires du risque d'échec inhérent à tout projet.
Dans le crowdfunding, l'atomicité des financeurs permet de supporter un risque important sans risquer de grosses conséquences (la somme engagée reste souvent modeste). En retour, cette foule de financeurs, justement parce qu'elle est une multitude, ne peut introduire des critères supplémentaires complexes. Une foule ne peut s'entendre que sur un programme simple et c'est une force car elle reste fixée à l'essentiel et permet par ailleurs d'éviter l'instrumentalisation du projet à d'autres fins.
Dans cette optique, les licences libres ont beaucoup à apporter.
Licence libre, maximiser l'efficacité de son financement
Face à l'erreur courante consistant à confondre libre et gratuit, les libristes ont coutume de répondre que le logiciel libre est gratuit dès lors que le premier exemplaire a été payé. L'idée est de rémunérer le travail nécessaire à produire un logiciel, ou n'importe quel projet, et de considérer que le fruit de ce travail peut profiter à tous sous certaines conditions dont notamment : citer la paternité du travail et, selon les licences, conserver la même licence ou pas.
Appliqué au crowdfunding, soutenir un projet sous licence libre est un investissement particulièrement intéressant car ce n'est pas qu'un projet qui sera soutenu : il y aura celui-là et tous les autres qui pourront potentiellement en découler. En effet, chacun est libre de reprendre le résultat du travail initial pour mener son propre projet : amélioration, œuvre dérivée, etc. Financer un projet libre permet de faire d'une pierre deux, trois, douze ou mille coups en fonction du succès du projet en question. Une œuvre dérivée pourra tout autant être un gros projet qu'une image de « lolcat », une vidéo postée sur youtube produite par un fan. La licence libre rend tous les usages légitimes, dès lors que les conditions de la licence sont respectées. Financer un projet libre revient à financer quelque chose qui appartient à la communauté et à faire fructifier l'investissement initial au-delà de l'horizon du projet immédiat. On dépasse l'intérêt particulier à financer un projet pour son usage propre que l'on trouve dans un crowdfunding «traditionnel» et on contribue potentiellement à l'intérêt général.
La licence libre est également intéressante en cas d'échec du projet. Dans une situation classique, en dépit des moyens et de la présence de professionnels de l'évaluation de projet, les échecs existent. Cela arrive et arrivera dans les projets de crowdfunding également. Le risque est inhérent à l'action de financement. Ceci étant, le choix d'une licence libre peut permettre de bénéficier du fruit du travail produit, même s'il n'est pas achevé. Certes, tout le monde aurait préféré qu'il parvienne à son terme, mais bénéficier du code, des plans ou des illustrations d'un projet inachevé est préférable à ne rien avoir du tout. L'échec d'un projet est parfois moins spectaculaire qu'un effondrement total. Le résultat peut juste s'avérer décevant ou dysfonctionnel. Là encore, l'accès aux sources et le droit de les étudier, modifier, redistribuer ouvrira la porte à de possibles rattrapages, ou réutilisation par d'autres de telle sorte que l'investissement initial ne sera pas totalement perdu.
Bien entendu, on peut toujours imaginer que personne ne reprenne jamais rien d'un travail inachevé mais le potentiel existe néanmoins. C'est toujours préférable à un système de propriété qui assure par principe que rien ne filtrera pour quiconque ou que le porteur de projet réutilise pour autre chose ce qui a été financé une première fois, flouant ainsi les premiers investisseurs.
Le libre et le business ne sont pas incompatibles, comme le prouvent les entreprises du libre
On pourra rétorquer que les créateurs n'ont pas intérêt à se lancer dans des projets sous licence libre. Se ménager l'exclusivité sur le fruit de leur travail leur permettra de générer des revenus raisonnables. Le financement initial n'étant que la pichenette nécessaire à mettre leur projet en marche. Peut-être que le crowdfunding devrait intégrer une réflexion sur le financement d'une marge sur le travail effectué afin de couvrir notamment les études préalables et l'organisation de la campagne de financement elle-même.
L'une des forces des licences libres est de ne pas opposer le business et les libertés des uns et des autres. On compte de par le monde des centaines d'éditeurs de logiciels libres qui partagent les sources de leur programmes de telle sorte qu'ils parviennent à construire une communauté d'utilisateurs et de développeurs. Ils se constituent d'une certaine manière des concurrents mais surtout des contributeurs et leur projet va bien plus vite et plus loin que ce qu'ils auraient pu faire avec leurs seuls moyens.
Un projet libre est également une garantie pour les financeurs et les utilisateurs de ne pas se retrouver dépendants d'un fournisseur unique. La liberté et l'autonomie qu'ils y gagnent est un facteur qui pourra leur faire préférer un projet libre à un projet verrouillé dont l'un des risques est la spoliation des moyens qu'ils pourraient y mettre.
En conséquence, que vous financiez ou que vous développiez, le recours aux licences libres est un choix intelligent.
Quels enjeux pour l'avenir
A supposer que le Crowd Funding prenne de l'ampleur, deux éléments pèseront lourd dans son fonctionnement :
- la finance
- la notoriété
Liens
Liens externes
- Le système de réalité virtuelle Oculus Rift est vendu à Facebook après avoir été développé grâce à Kickstarter
- Dossier sur le financement participatif par Ophélie JEANNIN
- Mise en ligne d’un guide du financement participatif par l'AMF et l'ACP (Autorité des marchés financiers (AMF) et Autorité de contrôle prudentiel (ACP))
- Crowdfunding - mode d'emploi, par Nicolas Dehorter
- Article de Calimaq sur crowdfunding et licence libre