De la dame du digit@l aux travailleurs du clic - technocritique en bibliothèque avec Julie Brillet

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Titre : De la dame du digit@l aux travailleurs du clic - technocritique en bibliothèque avec Julie Brillet

Intervenant·es : Julie Brillet - Quentin - Julien

Lieu : Podcast Deux connards dans un bibliobus

Date : 5 avril 2024

Durée : 1 h 04 min 16

Podcast

Présentation du podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·es mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Quentin : Eh, Julien, tu sais ce qui est beau dans un monde moderne ?

Julien : Le wifi ?

Quentin : Alors déjà, ??? [0 min 15] mais dans mon salon où ton chien ne va pas tenter de me bouffer.

Julien : Mais là, ton chat me regarde d’un air vraiment malaisant.

Quentin : Après, il est quand même au courant des deux ans de harcèlement que je viens vivre de manière semi-systématique et avec ses outils de chat peut-être peu véners, je compte quand même sur lui pour rétablir un peu l’équilibre relationnel.
Maintenant, ce qui est beau dans ce monde moderne, c’est surtout de pouvoir avoir à côté de nous la dame du digit@l. Je vous présente Julie Brillet qui nous fait le plaisir d’être avec nous. Est-ce que tu veux bien nous dire deux/trois mots sur qui tu es ?

Julie Brillet : Je suis la dame du digital et c’est important de préciser que j’écris, bien sûr, digit@l avec une arobase, bien évidemment, comme les meilleures animations numériques de bibliothèque des années 2000.

Quentin : D’ailleurs, est-ce que c’est vrai que si tu n’écris pas ton nom en Word art, ton nom s’efface et que tu n’es plus autorisée à donner des formations ?

Julie Brillet : Oui. Par contre, mon site est intégralement en Comic Sans MS.
Qui suis-je à part ça ? Je suis une ancienne bibliothécaire et, depuis quelques années, je suis formatrice, j’interviens notamment beaucoup sur les questions numériques, numérique et bibliothèques, éducation aux médias et à l’information aussi.

Quentin : On t’a invitée pour nous parler de la grande thématique du lien entre le cirque et les bibliothèques.

Julien : Vu que ça fait quand même deux ans que notre grand truc c’est de parler de sujets qu’on maîtrise pas, on s’était dit que ce serait intéressant. On te demande vraiment si tu pouvais nous parler, notamment s’il te plaît, du rapport entre quota de souffleur de feu, abonnement dans les bibliothèques et si on pouvait rajouter un petit axe sur l’inclusion de la panthère noire dans les bibliothèques, ça serait vraiment intéressant.

Julie Brillet : Oui, mais là je pense qu’on va toucher un point très précis de différence entre corrélation et causalité

Julien : Je sens qu’on va se faire défoncer !

Voix off : En voiture tout le monde. J’espère qu’on fera un voyage tranquille.

Quentin : Ce qui serait hyper intéressant, c’est de voir avec toi si la politique numérique en bibliothèque ça veut dire avoir du budget numérique dans ta BNR où tu as acheté douze caisses de ??? [2 min 35], 18 tablettes, qui sont toutes bien archivées et cataloguées dans un placard, personne ne sait qu’elles sont là depuis à peu près trois ans et tout le monde a peur que si tu ouvres le placard tu atterrisses dans ??? [2 min 43] où tout le monde vit. Ou s’il y a peut-être d’autres axes intéressants autour du numérique en bibliothèque.

Julie Brillet : Il y a plein de choses à dire sur le numérique en bibliothèque. Avant de parler des bibliothèques, je pense qu’il faut revenir à ce qu’on appelle la médiation numérique, un peu l’histoire de la médiation numérique, ses grands penseurs, etc.
Plus sérieusement, la question du numérique en bibliothèque n’est pas étrangère à la question de la médiation numérique, des CyberCentres, des EPN [espaces publics numériques], même des fablabs, etc. Quand on regarde un petit peu, justement, l’histoire de la médiation numérique, on s’aperçoit que les bibliothèques s’inscrivent vraiment là-dedans avec tout ce qui est émergence des premiers espaces multimédias, etc., dans les années 90, avec des animateurs multimédia très éducation populaire, des ateliers pour comprendre comment fonctionne Internet, monter des vidéos, etc., avec vraiment un côté appréhension des outils mais aussi des enjeux.
Petit à petit ça a évolué et ce qui a été vraiment un tournant c’est, notamment, tout ce qui est lié à la dématérialisation des démarches administratives et, on va dire, le côté 2010, la numérisation forcée des démarches. En fait, on a vu un nouveau public dans les espaces numériques et dans bon nombre de bibliothèques qui venait autour des questions d’accès aux droits qui ont beaucoup cristallisé les débats autour de ces questions-là.
J’ai travaillé en bibliothèque, j’ai commencé en 2003 et, du coup, en 2003, au milieu des années 2000, c’était exactement ça : on avait des personnes qui venaient à l’espace numérique pour plein de choses et puis, petit à petit, après les années 2010, on a commencé à avoir des publics différents qui venaient justement pour de l’accès aux droits, qui parfois étaient dans une situation de détresse très impressionnante et nous étions un peu perdus face à ces questions-là.

Julien : Là tu parles de médiation numérique. À un moment, on parlait de médiation numérique des savoirs. Je me demande quand même s’il n’y a pas toujours deux loups : tu as le gentil loup de gauche qui est le loup de la médiation par l’inclusion et le méchant loup de droite qu’est le numérique des jeux vidéo qui coûtent très cher et qui ont un bilan carbone. N’y a-t-il pas deux loups du numérique aussi ?

Julie Brillet : Pour moi, la médiation numérique des savoirs fait partie de la médiation numérique. C’est-à-dire que la médiation numérique c’est vraiment le fait d’accompagner un public vers un usage, un outil numérique ou une meilleure compréhension des enjeux numériques. Donc, tout ce qui est sélection de contenus on va dire culturels, informatifs et permettre un large public de pouvoir les consulter, les appréhender – c’est souvent ce qu’on met derrière tout ce qu’est médiation numérique des savoirs, qui a été porté par bon nombre de bibliothèques – ça a fait partie de ça. Mais la médiation numérique c’est quand même vraiment plus large avec souvent, derrière, quelque chose qu’on retrouve dans la médiation numérique des savoirs, à savoir une dimension émancipatrice, c’est-à-dire vraiment mieux appréhender le monde qui nous entoure, être un citoyen/une citoyenne éclairés, découvrir plein de trucs au travers du numérique. Quelque chose qui a toujours été largement porté par les bibliothécaires et puis, globalement, par tous les acteurs de la médiation numérique.

Julien : Si je comprends bien la médiation numérique des savoirs, c’est vraiment la version snob. Genre, on a un outil numérique qui nous permet d’œuvrer à l’émancipation de gens qui galèrent, mais on décide plutôt d’essayer de mettre Proust en e-pub pour le lecteur ??? [6 min 34]. C’est ça ?

Quentin : Donc, il y a bien un loup de droite !

Julie Brillet : Je dirais qu’il y a la version snob, il y a aussi la version centrée sur les ressources numériques telles qu’on les connaît, avec un modèle économique. Comment dire ça ?

Julien : Un peu nul !

Quentin : Dégueulasse, franchement capitalisto-merdique.

Julie Brillet : Il y a aussi le fait que c’est comme si on essayait de transposer ce qu’on sait faire en tant que bibliothécaire, c’est-à-dire constituer des collections, les mettre à disposition du public, faire des sélections thématiques, faire de la médiation de savoirs qui sont physiquement dans nos collections, justement sur le côté numérique avec des ressources numériques, des bouquets de sélections, etc.

Julien : Dans ce que tu dis là, j’ai l’impression qu’il y a aussi une question qui revient souvent. Attention, je vais sortir les très gros mots, j’aime bien, ça me permet de ??? [7 min 35] de temps en temps un mot qu’on n’entend pas trop. Est-ce le numérique, là-dedans, c’est la continuation par un nouvel outil cool et innovant de ce qu’on faisait déjà avant ou est-ce que c’est un nouveau paradigme ?

Quentin : À un moment, j’aimais bien dire que le métier de bibliothécaire c’est un truc en trois temps :
au début on était des pourvoyeurs d’informations, de références, de doc, on a besoin de nous pour accéder aux bouquins, à tout ça ;
ensuite, on s’est institué médiateur, on doit faire le lien entre vous et les références qui vous conviennent. On est là pour vous faire découvrir des trucs, à la fois pour vous rendre service quand vous cherchez un truc précis, mais aussi pour vous faire découvrir, parce que vous êtes un peu trop con pour y aller tout seul ;
la troisième étape est, pour moi, l’étape de facilitation.
Il y a une espèce de montée en compétences, une montée en conscience, une émancipation collective qui se passe et on partage un peu ces rôles-là, à la fois d’accès mais aussi de production des contenus.
Du coup il me semble que dans ce que tu décris de la médiation numérique, on met un peu de côté la médiation numérique des savoirs, il y a encore ce rôle de médiation, pas aussi dégueulasse que ce que je viens de décrire, parce que ce n’est clairement pas ça, mais on est un peu dans ce truc-là et on essaye d’aller vers une émancipation, donc vers une construction collective.

Julie Brillet : Je suis plutôt d’accord, mais j’ai l’impression que ça varie beaucoup en fonction des bibliothèques. J’interviens beaucoup en bibliothèque départementale pour donner des formations, souvent dans les personnes que je forme, il y a des bibliothécaires qui sont dans des petites structures, voire qui sont des bibliothécaires bénévoles, qui sont dans des équipes strictement bénévoles, ou qui sont, par exemple, seuls professionnels dans des petites bibliothèques rurales. J’ai l’impression que ces questions de facilitation, etc., dépendent beaucoup des représentations qu’ont les bibliothécaires sur leur propre métier et aussi des besoins qu’ont leurs usagers et usagères quand ils viennent à la bibliothèque.
Un petit exemple : dans les formations que je donne, j’aime bien faire bouger les gens et, on va dire, les faire se mettre sur une ligne dans l’espace en fonction de s’ils sont d’accord, pas d’accord, etc., ça permet de faire des débats sympas, etc., notamment, j’aime bien les tester en donnant des exemples d’actions, les tester sur le côté « est-ce que vous pensez que ça a sa place en bibliothèque ou pas ? ». Ça donne des choses très contrastées. Suivant les départements où je vais, suivant les bibliothécaires, suivant les lieux où elles travaillent, suivant même leur poste, ça donne vraiment des choses très contrastées. Du coup, j’ai l’impression que ce qui met tout le monde d’accord, c’est vraiment tout ce qui est médiation culturelle, médiation des savoirs, tout ce qui est éducation aux médias et à l’information qui a quand même une bonne part de numérique dedans, parce qu’il y a l’accès à l’information qui est, quand même, une mission historique des bibliothèques. Il y a plus de débats sur les questions de l’accès à Internet. Il reste encore des bibliothécaires qui ne voient pas pourquoi, en bibliothèque, on sera obligé d’avoir un accès à internet, du wifi ou des choses comme ça. Encore une fois, ce que je dis n’est pas du tout scientifique ; c’est ce que j’entends sur le terrain. Il y a des représentations vraiment très différentes entre des personnes qui sont vraiment centrées, on va dire, sur le cœur de métier, c’est-à-dire la médiation de collections, de savoirs, de loisirs, etc., l’accès à l’information, et puis d’autres qui diront « si on a un public qui a besoin qu’on l’accompagne à prendre rendez-vous chez sur Doctolib, en fait on est là pour rendre service aux besoins du public, d’autant plus que c’est souvent dans des lieux qui sont isolés, seul service public ouvert avec un accès à Internet gratuit, etc. On ne va pas refaire tout le truc. !
J’ai l’impression, au-delà de ces trucs de cœur qui mettent vraiment tout le monde d’accord.

Quentin : La question cœur de métier, je la trouve souvent située là-dessus, mais pour moi il y a aussi une team qui est assez balèze qui est la team « le cœur de métier c’est l’accueil, le cœur de métier ce sont les gens ». Du coup, il y a peut-être plus de facilités à faire passer dans cette ligne « c’est notre métier, ce n’est pas notre métier » tout ce qui est l’accompagnement. Peut-être qu’on a deux expériences différentes là-dessus.

Julie Brillet : J’ai l’impression que ça vient toucher à des questions d’expertise et de compétences. En fait, quand on se retrouve face à une personne qui a besoin d’aide, par exemple pour sa demande de naturalisation ou des choses comme ça, il y a vraiment cette impression, qui est tout à fait justifiée, de ne pas être compétent pour ça. En tout cas, de ce que j’entends dans les formations des bibliothécaires qui ont vraiment un profil tout à fait classique, avec une très forte expertise de l’accueil du public, des collections, de l’animation, etc., et qui ont l’habitude de vraiment très bien maîtriser leur sujet, là, en fait, le côté numérique les bouscule un peu parce qu’on ne sait jamais à l’avance ce qu’on va avoir ; en fait, on fait du vrai accompagnement, c’est-à-dire qu’on se met au même niveau que la personne, on essaye de trouver des solutions ensemble, etc. Je me souviens avoir vu déjà pas mal de bibliothécaires en formation qui se sentaient un peu bousculés, y compris dans leur expertise, donc dans leur légitimité, pour autant ils disaient bien « quand on est face à une personne dont, par exemple, les moyens de subsistance dépendent des trucs sur lesquels on va l’aider, bien sûr qu’on l’aide ! ». Les choses ont un peu changé avec les France services, le développement des conseillers numériques, etc. J’ai beaucoup fait de formations autour de l’accompagnement aux démarches administratives en bibliothèque en 2019/2020, à une époque où, vraiment, il y avait des endroits entiers où le seul lieu où il était possible de se faire aider ou d’avoir une connexion interne, dans bon nombre de lieux ruraux ou de quartiers, c’étaient les bibliothèques.

Quentin : C’est vrai que j’ai l’impression que ça marque aussi une coupure qui est celle de se dire : apprendre, se former en tant que collègues sur ces démarches-là, c’est, de fait, devenir un interlocuteur légitime pour aider les gens à ces démarches. Je pense qu’il y a aussi quelque chose qui joue là-dessus, c’est la violence sociale qu’on peut se prendre dans la gueule quand on commence à entrer dans des démarches d’accompagnement, dans cette idée-là de poursuite logique, un peu par le numérique, de ce qui se faisait déjà. Cela questionne aussi, à mon avis, pas mal de collègues. En tout cas, de ce que j’ai pu voir autour de moi, dans mon petit microcosme, ça peut aussi passer comme le fait de se dire « non seulement je ne suis pas outillé émotionnellement pour faire face à ça au quotidien, c’est trop dur, mais en plus, maintenant, je dois aussi me heurter à cette barrière de la compétence et ça commence à devenir embêtant de me faire envoyer dans les cordes sur autant de champs différents dans une journée professionnelle.

Julien : C’est là où j’ai plus de doutes sur le côté cœur de métier. Même au niveau des acquisitions, il y a des fois où tu grattes un peu. Collectivement, on manque un peu de poids là-dessus. Parfois, quand tu checkes un peu les fonds des bibliothèques, tu te poses quelques questions sur la façon dont les acquisitions sont faites et tout, parce que apprendre ça, ce n’est pas si évident pour tout le monde. Quand tu passes le concours, personne ne ckecke si tu es capable, par exemple, de gérer correctement les acquisitions d’un fonds de sciences, par exemple.

Quentin : Déjà, on peut vraiment soigner un cancer par l’imposition de pierres sacrées, il suffit de les rechanger à la pleine lune. J’aimerais déjà qu’on se calme avec les agressions gratuites sur la médecine moderne et non capitaliste.

Julien : non, il n’y a pas d’agression. Nous vous rappelons que nous avons une méthode, sur deuxconnards.fr, qui permet de soigner tous les problèmes statutaires, de faciliter les promotions.

Quentin : Par apposition d’un podcast.

Julien : Absolument, une fois par mois, c’est relativement simple.

16’ 22

Julie Brillet : Je me souviens avoir écouté un épisode