« Trump : les GAFAM ont-elles pris le pouvoir ? » : différence entre les versions

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<b>Émilie Aubry : </b>Chers amis du <em>Dessous des cartes</em> voici une leçon de géopolitique, une interview cartes sur table en lien avec l’actualité internationale. Et l’actualité, cette semaine, c’est bien sûr l’investiture de Joe Biden, 46e président des États-unis, qui met fin au mandat de Donald Trump, un mandat qui aura été, bien sûr, chaotique, singulier à bien des égards, notamment par cet usage intempestif du tweet, ce que certains ont appelé « la diplomatie du tweet ». Mais vous le savez aussi, depuis le 6 janvier dernier, Donald Trump n’a plus de compte Twitter après que ses partisans ont tenté d’envahir le Capitole. Dans la foulée d’autres suspensions de comptes ont suivi. Cette « déplateformisation » d’un chef de l’État en exercice pose bien sûr un certain nombre de questions, des questions d’ordre géopolitique dès lors qu’elle touche à ce qu’on appelle la souveraineté numérique.<br/>
00:00:00,000 --> 00:00:06,858
De ces questions vous êtes un spécialiste,Tariq Krim. Bonjour !
[ générique ]


2
<b>Tariq Krim : </b>Bonjour !
00:00:07,500 --> 00:00:11,201
Chers amis du Dessous des cartes
voici une leçon de géopolitique,


3
<b>Émilie Aubry : </b>Merci beaucoup d’être en ligne avec nous. Tout d’abord, est-ce que c’était vraiment la première fois que Twitter suspendait le compte d’un chef d’État ou de gouvernement du monde ?
00:00:11,301 --> 00:00:14,531
une interview Cartes sur table en
lien avec l’actualité internationale.


4
<b>Tariq Krim : </b>Oui, c’est une première et surtout le bureau du président des États-unis a été déconnecté en moins de 15 minutes. Évidemment chaque chef d’État, notamment dans certains pays comme l’Inde, le Pakistan, qui ont des chefs d’État qui ont toujours flirté aussi avec les limites de la modération se disent «  ça pourrait être moi ! » Donc ça c’est la première chose.<br/>
00:00:14,631 --> 00:00:19,150
La deuxième c’est que c’est une décision qui est faite aux États-Unis, par des sociétés privées, et là on sort de toute tradition diplomatique où on se dit que, finalement, en tant que chef d’État je ne suis pas vraiment souverain sur mon pays.
Et l’actualité cette semaine c’est
bien sûr l’investiture de Joe Biden,


5
<b>Émilie Aubry : </b>Ce qui est étonnant c’est que dans la foulée on a pu voir les partisans de Donald Trump investir d’autres réseaux sociaux, parce que l’extrême-droite américaine avait investi ces derniers mois, ces dernières années, d’autres réseaux sociaux. Est-ce que vous pouvez nous dire un mot de ces réseaux sociaux alternatifs ?
00:00:19,281 --> 00:00:23,983
46e président des États-unis, qui
met fin au mandat de Donald Trump


6
<b>Tariq Krim : </b>Vous avez un service qui s’appelle Parler et un autre service un peu inspiré de Twitter qui s’appelle Gab qui se sont lancés mais qui, jusqu’à maintenant, n’avaient pas beaucoup de succès parce que, même si ces services existaient, évidemment Donald Trump préférait s’adresser à une audience sur Twitter, sur Facebook, parce que le gros des supporters n’avait pas basculé vers ces réseaux pour l’instant.
00:00:24,083 --> 00:00:28,541
un mandat qui aura été bien sûr
chaotique, singulier à bien des égards


7
<b>Émilie Aubry : </b>On aurait pu penser que dans les heures et les jours qui allaient suivre la suspension du compte Twitter de Donald Trump, ces réseaux sociaux alternatifs allaient connaître leur heure de gloire, sauf qu’est intervenue alors ce qu’on appelle la « décloudisation ». Vous pouvez nous expliquer ce que c’est ?
00:00:28,641 --> 00:00:31,865
et notamment par cet usage
intempestif du tweet


8
<b>Tariq Krim : </b>Ce qui est fascinant, c’est que c’est un effet domino. Ces réseaux se sont sentis complices, donc on a décidé de bloquer absolument tout ! On pourrait dire qu’on a effacé complètement tout ce qui concernait cette sphère en moins de 15 minutes. En moins d’une journée, en fait, toutes les sources d’information liées de près ou de loin à cette mouvance proche de Donald Trump ont été éliminés du réseau !
00:00:31,965 --> 00:00:34,631
ce que certains ont appelé
« la diplomatie du tweet »


9
<b>Émilie Aubry : </b>Est-ce que vous êtes en train de nous dire, Tariq Krim, que les géants des réseaux sociaux, au fond, doivent assumer qu’ils ont ce que nous autres journalistes appelons une ligne éditoriale ?
00:00:34,731 --> 00:00:36,971
mais vous le savez aussi
depuis le 6 janvier dernier


10
<b>Tariq Krim : </b>De toute façon ils l’ont depuis toujours parce qu’on parle souvent des algorithmes et il faut préciser que l’algorithme c’est un programme qui a été fait par quelqu’un. Vous avez toutes les opinions politiques, je pense que la moitié de la Silicon Valley a voté pour Trump et l’autre moitié pour Biden, donc on est en fait en équité. On a souvent cette idée que la Silicon Valley est plutôt démocrate et je pense que c’est une idée fausse. Il va falloir responsabiliser les ingénieurs. Regardez ce qui s’est passé avec les Rohingyas : Facebook ayant mal développé son logiciel en ayant permis une multiplication de <em>fake news</em> dans un pays, la Birmanie, que les développeurs ne connaissaient pas, dont ils ne connaissaient pas les interactions, on a eu des massacres de Rohingyas. On a eu le même problème au Sri Lanka. On a eu des problèmes un peu partout, en fait, parce que les développeurs ne savent pas encore la responsabilité, n’ont pas pris conscience de la responsabilité qu’ils ont quand ils développent ces outils.
00:00:37,341 --> 00:00:39,521
Donald Trump n’a plus
de compte Twitter


11
<b>Émilie Aubry : </b>Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que sont en Chine les GAFAM ?, je crois qu’on les appelle les BATX et nous expliquer comment au fond, -bas, Pékin, le régime chinois de Xi Jinping a étatisé tout ce qui relève du numérique ?
00:00:39,621 --> 00:00:43,389
après que ses partisans ont tenté
d’envahir le Capitole


12
<b>Tariq Krim : </b>Ce qui est intéressant en Chine c’est que vous avez exactement les mêmes services qu’aux États-Unis, donc Waibo, Alibaba, qui sont des équivalents de Twitter, d’Amazon, mais vous avez également des services qui sont totalement inédits, vous avez notamment un service qui s’appelle Wechat qui est un peu l’équivalent de toutes les applications combinées de Uber à Deliveroo, à Facebook. Ce qui est intéressant c’est que le mobile, en Chine, est devenu le sésame pour aller n’importe où, vous montrez votre QR Code. C’est ce qu’on a un peu découvert avec le confinement ici en France, mais ça existe depuis très longtemps en Chine. Et évidemment l’État chinois a la mainmise non pas sur les entreprises qui sont, elles, des entreprises privées, mais sur tous les contenus qui sont analysés, qui sont filtrés. Évidemment certains mots-clés, notamment les événements de la place Tian’anmen, ne peuvent pas être mis en avant, cette liste de mots-clés change d’ailleurs régulièrement.<br/>
00:00:43,489 --> 00:00:47,651
Ce qui est intéressant c’est qu’il est quasiment impossible pour une entreprise américaine de venir en Chine. La seule société américaine qui a véritablement réussi son entrée en Chine c’est Apple qui a dû, pour cela, créer un App Store différent, qui est validé et vérifié par l’État chinois, et qui a accepté, contrairement à ce qu’ils font dans le reste du monde, que les données soient bien stockées sur le territoire chinois et qu’elles soient donc auditables par le gouvernement.
dans la foulée d’autres
suspensions de compte ont suivi


13
<b>Émilie Aubry : </b>Vous avez l’air de dire, Tariq Krim, que vous concevez cette régulation en termes de souveraineté nationale, donc de façon nationale. D’autres disent que cela n’a aucun sens et qu’on ne peut la concevoir que de façon internationale. Par ailleurs, qu’est-ce que cela voudrait dire une régulation mondiale des réseaux sociaux ?
00:00:47,781 --> 00:00:51,461
et cette « déplateformisation »
d’un chef de l’État en exercice


14
<b>Tariq Krim : </b>Moi je crois à la régulation. Aujourd’hui, en fait, la publicité contextuelle qui permet de toucher précisément une personne avec un état mental précis, par exemple dépressif, euphorique, ces outils devraient, à mon avis, être interdits, parce qu’ils avaient été inventés pour du marketing commercial et ils ont été détournés pour manipuler nos émotions. On a déjà quasiment toute la palette de régulation : vous avez la CNIL, qui d’ailleurs a régulièrement mis de nombreuses amendes à Google, le CSA pour les contenus, l’Arcep qui régule les télécommunications, donc, en fait, on a cette palette. Mais pour l’instant on a, je pense, hésité en France à être un peu plus proactif parce qu’on avait l’impression que ces technologies étaient un peu inoffensives. Et aujourd’hui, en fait, on prend conscience que si le monde est dans l’état dans lequel il est, c’est avant tout à cause du numérique. La question qui est posée c’est : doit-on laisser les plateformes faire la police ? Ou est-ce que l’État ou la justice a la possibilité de décider de ce qui est légal, de ce qui ne l’est pas ?<br/>
00:00:51,561 --> 00:00:54,341
Aujourd’hui nous vivons dans un monde où, d’un côté, nous avons l’idéologie américaine de la technologie, de l’autre côté vous avez la Chine qui a décidé de construire une société du contrôle permanent et vous avez l’Europe qui se trouve balancée entre les deux et qui n’a pas encore su affirmer non pas uniquement sa puissance technologique mais sa vision technologique.
elle pose bien sûr un certain
nombre de questions


15
<b>Émilie Aubry : </b>Merci infiniment de nous avoir éclairés sur ces sujets vertigineux, Tariq Krim !
00:00:54,681 --> 00:00:57,071
des questions d’ordre géopolitique


16
<b>Tariq Krim : </b>Merci beaucoup !
00:00:57,171 --> 00:01:00,971
dès lors qu’elle touche à ce qu’on
appelle la souveraineté numérique


17
<b>Émilie Aubry : </b>Merci à vous de nous avoir suivis ! Merci pour votre fidélité, bien sûr ! On se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle leçon de géopolitique ! À bientôt !
00:01:01,071 --> 00:01:04,331
de ces questions vous êtes un
spécialiste : Tariq Krim, bonjour !
 
18
00:01:04,705 --> 00:01:06,267
Bonjour !
 
19
00:01:06,591 --> 00:01:08,291
Merci beaucoup d’être
en ligne avec nous
 
20
00:01:08,391 --> 00:01:10,841
alors tout d’abord : est-ce que
c’était vraiment la première fois
 
21
00:01:11,241 --> 00:01:13,427
que Twitter suspendait le compte
 
22
00:01:13,627 --> 00:01:16,690
d’un chef d’état ou de
gouvernement du monde ?
 
23
00:01:17,901 --> 00:01:19,991
Oui, c’est une première et surtout
 
24
00:01:20,151 --> 00:01:23,771
le bureau du président des États-unis
a été déconnecté en moins de 15 minutes
 
25
00:01:24,321 --> 00:01:26,471
évidemment chaque chef d’État
 
26
00:01:26,571 --> 00:01:29,440
et notamment dans certains pays
comme en Inde comme au Pakistan…
 
27
00:01:29,571 --> 00:01:31,240
qui ont des chefs d’État
 
28
00:01:31,343 --> 00:01:33,881
qui ont toujours flirté aussi
avec les limites de la modération
 
29
00:01:34,311 --> 00:01:35,711
se disent
« mais ça pourrait être moi ! »
 
30
00:01:36,291 --> 00:01:37,211
Donc ça c’est la première chose.
 
31
00:01:37,341 --> 00:01:39,994
La deuxième c’est que c’est
une décision qui est faite
 
32
00:01:40,094 --> 00:01:42,041
aux États-Unis, par
des sociétés privées
 
33
00:01:42,591 --> 00:01:45,970
et là on sort de toute
tradition diplomatique
 
34
00:01:46,101 --> 00:01:49,394
où on se dit que, finalement,
en tant que chef d’État
 
35
00:01:49,494 --> 00:01:51,940
je ne suis pas vraiment
souverain sur mon pays
 
36
00:01:52,341 --> 00:01:55,091
alors ce qui est étonnant
c’est que dans la foulée
 
37
00:01:55,191 --> 00:01:57,659
on a pu voir les partisans
de Donald Trump
 
38
00:01:57,861 --> 00:02:00,491
investir d’autres réseaux sociaux.
 
39
00:02:00,591 --> 00:02:03,881
Parce que l’extrême-droite américaine
avait investi ces derniers mois
 
40
00:02:03,981 --> 00:02:05,441
ces dernières années
d’autres réseaux sociaux :
 
41
00:02:05,901 --> 00:02:09,640
est-ce que vous pouvez nous dire un mot
de ces réseaux sociaux alternatifs ?
 
42
00:02:10,191 --> 00:02:11,951
Donc vous avez un service
qui s’appelle Parler
 
43
00:02:12,051 --> 00:02:14,678
et un autre service un peu inspiré
de Twitter qui s’appelle Gab
 
44
00:02:14,778 --> 00:02:15,678
qui se sont lancés
 
45
00:02:15,778 --> 00:02:17,651
mais qui jusqu’à maintenant
n’avaient pas beaucoup de succès
 
46
00:02:17,751 --> 00:02:19,511
parce que, même si
ces services existaient,
 
47
00:02:19,761 --> 00:02:23,013
évidemment Donald Trump préférait
s’adresser à une audience
 
48
00:02:23,113 --> 00:02:26,202
sur Twitter, sur Facebook
parce que le gros des supporters
 
49
00:02:26,302 --> 00:02:29,110
n’avaient pas fait… n’ont pas basculé
vers ces réseaux pour l’instant.
 
50
00:02:29,571 --> 00:02:30,911
On aurait pu penser que
 
51
00:02:31,011 --> 00:02:33,279
que dans les heures et
les jours qui allaient suivre
 
52
00:02:33,379 --> 00:02:35,260
la suspension du compte Twitter
de Donald Trump
 
53
00:02:35,721 --> 00:02:39,041
ces réseaux sociaux alternatifs allaient
connaître leur heure de gloire.
 
54
00:02:39,471 --> 00:02:40,781
Sauf qu’est intervenue
 
55
00:02:40,881 --> 00:02:43,631
alors ce qu’on appelle
la « décloudisation » :
 
56
00:02:43,823 --> 00:02:44,905
vous pouvez nous
expliquer ce que c’est ?
 
57
00:02:46,221 --> 00:02:48,611
alors ce qui est fascinant,
c’est que c’est un effet de domino
 
58
00:02:48,711 --> 00:02:51,101
ces réseaux se sont sentis complices
 
59
00:02:51,487 --> 00:02:54,356
et donc on a décidé de bloquer
absolument tout !
 
60
00:02:54,506 --> 00:02:56,952
On pourrait dire qu’on a
effacé complètement
 
61
00:02:57,052 --> 00:03:01,721
tout ce qui concernait cette sphère
en moins de 15 minutes,
 
62
00:03:01,821 --> 00:03:03,431
en moins d’une, en moins
d’une journée en fait
 
63
00:03:03,621 --> 00:03:07,181
toutes les sources d’information
liées de près ou de loin
 
64
00:03:07,311 --> 00:03:11,201
à cette mouvance proche de Donald
Trump ont été éliminés du réseau !
 
65
00:03:11,871 --> 00:03:13,181
Est-ce que vous êtes
en train de nous dire,
 
66
00:03:13,403 --> 00:03:16,901
Tariq Krim, que les géants
des réseaux sociaux, au fond,
 
67
00:03:17,001 --> 00:03:19,906
doivent assumer qu’ils ont ce que
nous autres journalistes
 
68
00:03:20,006 --> 00:03:21,369
appelons une ligne éditoriale ?
 
69
00:03:22,731 --> 00:03:24,419
mais de toute façon
ils l’ont depuis toujours
 
70
00:03:24,519 --> 00:03:28,121
parce qu’on parle souvent
des algorithmes et il faut préciser
 
71
00:03:28,221 --> 00:03:31,301
que l’algorithme c’est un programme
qui a été fait par quelqu’un.
 
72
00:03:32,031 --> 00:03:34,751
Vous avez des gens au sein de
Facebook qui ont l’impression…
 
73
00:03:35,361 --> 00:03:37,058
vous avez toutes
les opinions politiques
 
74
00:03:37,371 --> 00:03:38,831
je pense que la moitié
de la Silicon Valley
 
75
00:03:38,931 --> 00:03:41,020
a voté pour Trump et
l’autre moitié pour Biden
 
76
00:03:41,149 --> 00:03:42,999
donc on est en fait en equity.
 
77
00:03:43,101 --> 00:03:44,348
On a tous souvent cette idée
 
78
00:03:44,452 --> 00:03:48,011
que la Silicon Valley est
plutôt démocrate
 
79
00:03:48,111 --> 00:03:50,051
et je pense que c’est
une idée fausse.
 
80
00:03:50,361 --> 00:03:52,510
Il va falloir responsabiliser
les ingénieurs
 
81
00:03:52,641 --> 00:03:55,063
regardez ce qui s’est passé
avec les Rohingyas,
 
82
00:03:55,163 --> 00:03:59,478
où Facebook ayant mal développé
son logiciel en ayant permis
 
83
00:03:59,578 --> 00:04:03,314
une multiplication de fake news
dans un pays, la Birmanie,
 
84
00:04:03,414 --> 00:04:06,865
qu’ils ne connaissent pas, dont ils ne
connaissaient pas les interactions :
 
85
00:04:07,041 --> 00:04:09,731
on a eu des massacres de Rohingyas.
 
86
00:04:10,581 --> 00:04:12,260
on a eu le même problème
au Sri Lanka :
 
87
00:04:12,360 --> 00:04:14,260
on a eu des problèmes
un peu partout en fait.
 
88
00:04:14,511 --> 00:04:18,491
Parce que les développeurs ne
savent pas encore la responsabilité,
 
89
00:04:18,591 --> 00:04:21,191
n’ont pas pris conscience
de la responsabilité qu’ils ont
 
90
00:04:21,291 --> 00:04:22,330
quand ils développent ces outils.
 
91
00:04:22,611 --> 00:04:27,041
Est-ce que vous pouvez nous expliquer
ce que sont en Chine les Gafam ?
 
92
00:04:27,141 --> 00:04:32,020
je crois qu’on les appelle les BATX et
nous expliquer comment au fond, là-bas,
 
93
00:04:32,631 --> 00:04:36,608
Pékin, le régime chinois
de Xi Jinping a étatisé
 
94
00:04:36,708 --> 00:04:38,290
tout ce qui relève du numérique ?
 
95
00:04:38,841 --> 00:04:41,321
Alors ce qui est intéressant en Chine
c’est que vous avez exactement
 
96
00:04:41,421 --> 00:04:46,837
les mêmes services qu’aux États-Unis
donc Waibo, Alibaba,
 
97
00:04:46,937 --> 00:04:48,999
sont des équivalents de Twitter, d’Amazon.
 
98
00:04:49,641 --> 00:04:52,350
Mais vous avez également des
services qui sont totalement inédits
 
99
00:04:52,450 --> 00:04:54,341
vous avez notamment un service
qui s’appelle Wechat
 
100
00:04:54,531 --> 00:04:57,701
qui est un peu l’équivalent
de toutes les applications combinées
 
101
00:04:57,831 --> 00:05:00,971
de Uber à Deliveroo, à Facebook.
 
102
00:05:01,551 --> 00:05:04,902
Et donc ce qui est intéressant
c’est que le mobile en Chine
 
103
00:05:05,002 --> 00:05:06,149
est devenu le sésame :
 
104
00:05:06,249 --> 00:05:08,919
pour aller n’importe où,
vous montrez votre QR code.
 
105
00:05:09,046 --> 00:05:11,965
C’est ce qu’on a découvert
avec le confinement ici en France
 
106
00:05:12,065 --> 00:05:13,901
mais ça existe depuis
très longtemps en Chine.
 
107
00:05:14,361 --> 00:05:16,937
Et évidemment l’État chinois
a la mainmise
 
108
00:05:17,037 --> 00:05:21,279
non pas sur les entreprises qui
sont, elles, des entreprises privées
 
109
00:05:21,621 --> 00:05:24,867
mais sur tous les contenus
qui sont analysés, qui sont filtrés.
 
110
00:05:24,981 --> 00:05:27,371
Évidemment certains mots-clés,
 
111
00:05:27,501 --> 00:05:29,349
comme notamment les événements
de la place Tian’anmen,
 
112
00:05:29,488 --> 00:05:31,241
ne peuvent pas être mis en avant.
 
113
00:05:31,371 --> 00:05:34,091
Cette liste de mots-clés d’ailleurs
change régulièrement.
 
114
00:05:34,791 --> 00:05:37,121
Ce qui est intéressant c’est
qu’il est quasiment impossible
 
115
00:05:37,221 --> 00:05:39,550
pour une entreprise américaine
de venir en Chine
 
116
00:05:39,891 --> 00:05:43,841
est donc la seule société qui a
véritablement réussi son entrée
 
117
00:05:43,941 --> 00:05:45,041
en Chine, américaine,
 
118
00:05:45,141 --> 00:05:49,961
c’est Apple qui a dû pour cela créer
un App store différent
 
119
00:05:50,541 --> 00:05:54,079
qui est donc validé et vérifié
par l’État chinois
 
120
00:05:54,179 --> 00:05:57,130
et a accepté, contrairement à
ce qu’ils font dans le reste du monde,
 
121
00:05:57,261 --> 00:06:00,092
que les données soient bien stockées
sur le territoire chinois
 
122
00:06:00,691 --> 00:06:03,419
et qu’elles soient donc
auditables par le gouvernement.
 
123
00:06:04,521 --> 00:06:08,801
Vous, vous avez l’air de dire, Tariq Krim,
que cette régulation vous la concevez
 
124
00:06:08,931 --> 00:06:13,001
en termes de souveraineté nationale
donc de façon nationale.
 
125
00:06:13,101 --> 00:06:15,246
D’autres disent que cela n’a aucun sens
 
126
00:06:15,381 --> 00:06:18,221
et qu’on ne peut la concevoir que
de façon internationale…
 
127
00:06:19,041 --> 00:06:19,601
Par ailleurs qu’est-ce que
 
128
00:06:19,701 --> 00:06:22,691
cela voudrait dire une régulation
mondiale des réseaux sociaux ?
 
129
00:06:23,541 --> 00:06:25,600
Alors moi je… moi je crois
à la régulation.
 
130
00:06:25,700 --> 00:06:28,451
Aujourd’hui, en fait,
la publicité contextuelle
 
131
00:06:28,881 --> 00:06:31,963
qui permet de toucher
précisément une personne
 
132
00:06:32,063 --> 00:06:35,591
avec un état mental précis,
par exemple dépressif, euphorique…
 
133
00:06:35,721 --> 00:06:38,236
ces outils devraient à mon avis
être interdits
 
134
00:06:38,336 --> 00:06:41,973
parce qu’ils avaient été inventés
pour du marketing commercial
 
135
00:06:42,073 --> 00:06:44,740
et ils ont été détournés
pour manipuler nos émotions.
 
136
00:06:45,081 --> 00:06:47,231
On a déjà quasiment
toute la palette de régulations :
 
137
00:06:47,331 --> 00:06:49,661
la CNIL, qui d’ailleurs a régulièrement
 
138
00:06:49,761 --> 00:06:51,851
mis de nombreuses amendes à Google,
 
139
00:06:51,951 --> 00:06:53,771
vous avez le CSA
pour les contenus
 
140
00:06:53,872 --> 00:06:56,411
l’Arcep qui régule
les télécommunications
 
141
00:06:56,511 --> 00:06:57,611
donc on a en fait cette palette.
 
142
00:06:58,251 --> 00:07:02,081
Mais pour l’instant on a,
je pense, hésité en France
 
143
00:07:02,181 --> 00:07:03,551
à être un peu plus proactif
 
144
00:07:04,161 --> 00:07:05,801
parce qu’on se dit que
d’une certaine manière
 
145
00:07:05,901 --> 00:07:08,261
on avait… on avait l’impression
 
146
00:07:08,361 --> 00:07:10,151
que ces technologies était
un peu inoffensives.
 
147
00:07:10,311 --> 00:07:13,451
Et aujourd’hui en fait
on prend conscience
 
148
00:07:13,551 --> 00:07:15,701
que, si le monde est dans
l’état dans lequel il est,
 
149
00:07:16,101 --> 00:07:17,889
c’est avant tout
à cause du numérique
 
150
00:07:18,111 --> 00:07:20,298
la question qui est posée c’est :
 
151
00:07:20,398 --> 00:07:23,714
doit-on laisser les plateformes
faire la police ou
 
152
00:07:23,814 --> 00:07:27,436
est-ce que l’État a la possibilité
de décider où est la justice :
 
153
00:07:27,536 --> 00:07:29,471
qu’est-ce qui est légal,
qu’est-ce qui ne l’est pas ?
 
154
00:07:29,751 --> 00:07:31,031
aujourd’hui nous vivons dans un monde
 
155
00:07:31,131 --> 00:07:34,330
où d’un côté nous avons l’idéologie
américaine de la technologie
 
156
00:07:34,461 --> 00:07:35,651
de l’autre côté vous avez la Chine
 
157
00:07:36,201 --> 00:07:39,011
qui a décidé de construire
une société du contrôle permanent
 
158
00:07:39,261 --> 00:07:42,011
et vous avez l’Europe qui se trouve
balancer entre les deux et
 
159
00:07:42,111 --> 00:07:44,741
qui n’a pas encore su affirmer
non pas uniquement
 
160
00:07:44,841 --> 00:07:47,261
sa puissance technologique
mais sa vision technologique.
 
161
00:07:47,751 --> 00:07:50,148
Merci infiniment de
nous avoir éclairé
 
162
00:07:50,248 --> 00:07:50,940
Merci beaucoup !
 
163
00:07:51,040 --> 00:07:53,559
sur ces sujets vertigineux,
Tariq Krim !
 
164
00:07:53,659 --> 00:07:58,030
Merci à vous de nous avoir suivi !
Merci pour votre fidélité, bien sûr !
 
165
00:07:58,130 --> 00:08:01,451
On se retrouve la semaine prochaine
pour une nouvelle leçon de géopolitique !
 
166
00:08:01,551 --> 00:08:02,638
À bientôt !

Version du 1 août 2021 à 17:37

[Catégorie:Transcriptions]]


Titre : Création de Trump : les GAFAM ont-elles pris le pouvoir ?

Intervenants :

Lieu : Le Dessous des Cartes - ARTE

Date : Janvier 2021

Durée : 8m13

[1]

Licence de la transcription : Verbatim

Statut : À relire

Transcription

Émilie Aubry : Chers amis du Dessous des cartes voici une leçon de géopolitique, une interview cartes sur table en lien avec l’actualité internationale. Et l’actualité, cette semaine, c’est bien sûr l’investiture de Joe Biden, 46e président des États-unis, qui met fin au mandat de Donald Trump, un mandat qui aura été, bien sûr, chaotique, singulier à bien des égards, notamment par cet usage intempestif du tweet, ce que certains ont appelé « la diplomatie du tweet ». Mais vous le savez aussi, depuis le 6 janvier dernier, Donald Trump n’a plus de compte Twitter après que ses partisans ont tenté d’envahir le Capitole. Dans la foulée d’autres suspensions de comptes ont suivi. Cette « déplateformisation » d’un chef de l’État en exercice pose bien sûr un certain nombre de questions, des questions d’ordre géopolitique dès lors qu’elle touche à ce qu’on appelle la souveraineté numérique.
De ces questions vous êtes un spécialiste,Tariq Krim. Bonjour !

Tariq Krim : Bonjour !

Émilie Aubry : Merci beaucoup d’être en ligne avec nous. Tout d’abord, est-ce que c’était vraiment la première fois que Twitter suspendait le compte d’un chef d’État ou de gouvernement du monde ?

Tariq Krim : Oui, c’est une première et surtout le bureau du président des États-unis a été déconnecté en moins de 15 minutes. Évidemment chaque chef d’État, notamment dans certains pays comme l’Inde, le Pakistan, qui ont des chefs d’État qui ont toujours flirté aussi avec les limites de la modération se disent «  ça pourrait être moi ! » Donc ça c’est la première chose.
La deuxième c’est que c’est une décision qui est faite aux États-Unis, par des sociétés privées, et là on sort de toute tradition diplomatique où on se dit que, finalement, en tant que chef d’État je ne suis pas vraiment souverain sur mon pays.

Émilie Aubry : Ce qui est étonnant c’est que dans la foulée on a pu voir les partisans de Donald Trump investir d’autres réseaux sociaux, parce que l’extrême-droite américaine avait investi ces derniers mois, ces dernières années, d’autres réseaux sociaux. Est-ce que vous pouvez nous dire un mot de ces réseaux sociaux alternatifs ?

Tariq Krim : Vous avez un service qui s’appelle Parler et un autre service un peu inspiré de Twitter qui s’appelle Gab qui se sont lancés mais qui, jusqu’à maintenant, n’avaient pas beaucoup de succès parce que, même si ces services existaient, évidemment Donald Trump préférait s’adresser à une audience sur Twitter, sur Facebook, parce que le gros des supporters n’avait pas basculé vers ces réseaux pour l’instant.

Émilie Aubry : On aurait pu penser que dans les heures et les jours qui allaient suivre la suspension du compte Twitter de Donald Trump, ces réseaux sociaux alternatifs allaient connaître leur heure de gloire, sauf qu’est intervenue alors ce qu’on appelle la « décloudisation ». Vous pouvez nous expliquer ce que c’est ?

Tariq Krim : Ce qui est fascinant, c’est que c’est un effet domino. Ces réseaux se sont sentis complices, donc on a décidé de bloquer absolument tout ! On pourrait dire qu’on a effacé complètement tout ce qui concernait cette sphère en moins de 15 minutes. En moins d’une journée, en fait, toutes les sources d’information liées de près ou de loin à cette mouvance proche de Donald Trump ont été éliminés du réseau !

Émilie Aubry : Est-ce que vous êtes en train de nous dire, Tariq Krim, que les géants des réseaux sociaux, au fond, doivent assumer qu’ils ont ce que nous autres journalistes appelons une ligne éditoriale ?

Tariq Krim : De toute façon ils l’ont depuis toujours parce qu’on parle souvent des algorithmes et il faut préciser que l’algorithme c’est un programme qui a été fait par quelqu’un. Vous avez toutes les opinions politiques, je pense que la moitié de la Silicon Valley a voté pour Trump et l’autre moitié pour Biden, donc on est en fait en équité. On a souvent cette idée que la Silicon Valley est plutôt démocrate et je pense que c’est une idée fausse. Il va falloir responsabiliser les ingénieurs. Regardez ce qui s’est passé avec les Rohingyas : Facebook ayant mal développé son logiciel en ayant permis une multiplication de fake news dans un pays, la Birmanie, que les développeurs ne connaissaient pas, dont ils ne connaissaient pas les interactions, on a eu des massacres de Rohingyas. On a eu le même problème au Sri Lanka. On a eu des problèmes un peu partout, en fait, parce que les développeurs ne savent pas encore la responsabilité, n’ont pas pris conscience de la responsabilité qu’ils ont quand ils développent ces outils.

Émilie Aubry : Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que sont en Chine les GAFAM ?, je crois qu’on les appelle les BATX et nous expliquer comment au fond, là-bas, Pékin, le régime chinois de Xi Jinping a étatisé tout ce qui relève du numérique ?

Tariq Krim : Ce qui est intéressant en Chine c’est que vous avez exactement les mêmes services qu’aux États-Unis, donc Waibo, Alibaba, qui sont des équivalents de Twitter, d’Amazon, mais vous avez également des services qui sont totalement inédits, vous avez notamment un service qui s’appelle Wechat qui est un peu l’équivalent de toutes les applications combinées de Uber à Deliveroo, à Facebook. Ce qui est intéressant c’est que le mobile, en Chine, est devenu le sésame pour aller n’importe où, vous montrez votre QR Code. C’est ce qu’on a un peu découvert avec le confinement ici en France, mais ça existe depuis très longtemps en Chine. Et évidemment l’État chinois a la mainmise non pas sur les entreprises qui sont, elles, des entreprises privées, mais sur tous les contenus qui sont analysés, qui sont filtrés. Évidemment certains mots-clés, notamment les événements de la place Tian’anmen, ne peuvent pas être mis en avant, cette liste de mots-clés change d’ailleurs régulièrement.
Ce qui est intéressant c’est qu’il est quasiment impossible pour une entreprise américaine de venir en Chine. La seule société américaine qui a véritablement réussi son entrée en Chine c’est Apple qui a dû, pour cela, créer un App Store différent, qui est validé et vérifié par l’État chinois, et qui a accepté, contrairement à ce qu’ils font dans le reste du monde, que les données soient bien stockées sur le territoire chinois et qu’elles soient donc auditables par le gouvernement.

Émilie Aubry : Vous avez l’air de dire, Tariq Krim, que vous concevez cette régulation en termes de souveraineté nationale, donc de façon nationale. D’autres disent que cela n’a aucun sens et qu’on ne peut la concevoir que de façon internationale. Par ailleurs, qu’est-ce que cela voudrait dire une régulation mondiale des réseaux sociaux ?

Tariq Krim : Moi je crois à la régulation. Aujourd’hui, en fait, la publicité contextuelle qui permet de toucher précisément une personne avec un état mental précis, par exemple dépressif, euphorique, ces outils devraient, à mon avis, être interdits, parce qu’ils avaient été inventés pour du marketing commercial et ils ont été détournés pour manipuler nos émotions. On a déjà quasiment toute la palette de régulation : vous avez la CNIL, qui d’ailleurs a régulièrement mis de nombreuses amendes à Google, le CSA pour les contenus, l’Arcep qui régule les télécommunications, donc, en fait, on a cette palette. Mais pour l’instant on a, je pense, hésité en France à être un peu plus proactif parce qu’on avait l’impression que ces technologies étaient un peu inoffensives. Et aujourd’hui, en fait, on prend conscience que si le monde est dans l’état dans lequel il est, c’est avant tout à cause du numérique. La question qui est posée c’est : doit-on laisser les plateformes faire la police ? Ou est-ce que l’État ou la justice a la possibilité de décider de ce qui est légal, de ce qui ne l’est pas ?
Aujourd’hui nous vivons dans un monde où, d’un côté, nous avons l’idéologie américaine de la technologie, de l’autre côté vous avez la Chine qui a décidé de construire une société du contrôle permanent et vous avez l’Europe qui se trouve balancée entre les deux et qui n’a pas encore su affirmer non pas uniquement sa puissance technologique mais sa vision technologique.

Émilie Aubry : Merci infiniment de nous avoir éclairés sur ces sujets vertigineux, Tariq Krim !

Tariq Krim : Merci beaucoup !

Émilie Aubry : Merci à vous de nous avoir suivis ! Merci pour votre fidélité, bien sûr ! On se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle leçon de géopolitique ! À bientôt !