« Quel numérique éthique et responsable pour les tiers-lieux - Table ronde » : différence entre les versions

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(Page créée avec « Catégorie:Transcriptions '''Titre :''' Quel numérique éthique et responsable pour les tiers-lieux ? - Table ronde '''Intervenant·es :''' Yaël Benayoun - Angie Gaudion - Marie-Charlotte Woëts - Louis Derrac - Richard Hanna - Guillaume Lung Tung '''Lieu :''' En ligne '''Date :''' 5 octobre 2023 '''Durée :''' 1h 32 min 35 '''[https://framatube.org/w/9giR1HesjiiHFqP4gEysaX Vidéo] '''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/lice... »)
 
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==Transcription==
==Transcription==
<b>Guillaume Lung Tung : </b>Bonjour à tout le monde. Bienvenue à cette table ronde sur le numérique éthique et responsable dans les tiers-lieux.<br/>
Je vais commencer par une petite introduction et après je vous présenterai les différents invités.<br/>
Donc le numérique est très présent dans les tiers-lieux et partout au quotidien. J’ai notamment pu observer, grâce un diagnostic des usages du numérique dans les tiers-lieux qu’on va lancer bientôt. On a référencé un nombre d’usages assez énorme qui existent dans les tiers-lieux, que ce soit pour la communication interne, externe, l’évènementiel, l’administration, les systèmes de données et plein d’autres usages pour être en quête d’un fonctionnement qui soit ouvert, partagé, coopératif et, pour cela, le numérique est souvent hyper pratique. Mais, à la fois, on est aussi souvent dépassé par ces outils et par leur complexité. J’ai notamment pu expérimenter, dans les communautés, qu’on se pose souvent des questions face à un nouveau besoin qui arrive : est-ce qu’on met plutôt en place un outil pour répondre à ce besoin ou est-ce qu’on va privilégier l’humain et se réunir plus souvent ? Est-ce qu’on va choisir les outils dominants que les gens connaissent déjà, pour faciliter l’accès à ces outils, ou est-ce qu’on va choisir une alternative libre pour laquelle on le sait, il faudra, en général, faire beaucoup plus d’accompagnement sur ces outils ? Est-ce que mettre en place un outil va permettre plus d’ouverture, d’accessibilité, de coopération ou est-ce que, au contraire, ça va éloigner certaines personnes qui sont réticentes ou en difficulté face au numérique ?<br/>
Pour répondre à tout ça, chaque tiers-lieu va se référer à des valeurs qu’il a établies – écologiques, sociales – et il va chercher la meilleure voie.<br/>
Les tiers-lieux, au quotidien, expérimentent des solutions pour le monde de demain et c’est clair que ce n’est pas la technologie qui va sauver le monde, pourtant c’est bien la technologie qui est au cœur du numérique, qui le rend possible. Est-ce qu’il faut imaginer un monde avec moins de numérique ou avec un autre numérique ? En tout cas, des tiers-lieux essaient de jongler avec tout cela et proposent déjà des façons de faire pour ne pas subir, pour ne pas être victimes, mais pour être acteurs de cet univers numérique.<br/>
J’ai eu l’occasion d’animer ou de participer à des ateliers sur ce sujet avec des tiers-lieux et je vous livre une rapide conclusion qu’on a eue. On a fait ressortir cinq piliers de cette vision du numérique qui sont : un numérique éthique et démocratique ; local et décentralisé ; inclusif et accessible ; convivial et coopératif ; low-tech et soutenable.<br/>
De ces ateliers, on a aussi pu conclure que les actrices et les acteurs des tiers-lieux constatent un manque de connaissance de ressources, de méthodologies ou de personnes compétentes pour agir concrètement dans cette voie du numérique éthique.<br/>
Aujourd’hui nous allons va parler de tout cela, et nous avons la chance d’accueillir cinq intervenantes et intervenants de ce numérique qui défend des valeurs, une vision de la société, et il y a aussi, parmi vous toutes et vous tous dans l’audience, des actrices et des acteurs des tiers-lieux, des <em>fab labs</em>, des Chatons, de la médiation, du développement du logiciel libre ou des communs. Ça va donc être une après-midi riche et on espère créer, avec vous toutes et vous tous, un dialogue et du commun autour du numérique éthique, de ce que ça signifie, des actions concrètes qui peuvent être mises en place et des façons dont les tiers-lieux peuvent s’emparer de ce sujet.<br/>
Un rapide petit point sur l’organisation du temps aujourd’hui. Ça va durer une heure trente. Pendant les quarante premières minutes, on va commencer par discuter avec les invités pour avoir leurs regards croisés sur le numérique éthique et ensuite, pendant les quarante autres minutes, on va prendre les interventions, les questions, les remarques de vous toutes et vous tous ici.
J’ai le grand plaisir, l’honneur d’accueillir cinq invités aujourd’hui, donc de vous présenter notre premier invité Angie Gaudion. Angie a fait beaucoup d’animations d’espaces numériques, on ne parlait pas encore médiation à l’époque, d’accompagnement aux usages numériques en médiathèque, de formation, et, depuis 2019, Angie à rejoint Framasoft en tant que chargée de relations publiques, de coordinatrice du projet Emancip'Asso et également du collectif CHATONS. Son objectif est, je cite, « permettre à toutes et tous de comprendre les problématiques posées par le numérique et de présenter les solutions offertes par le numérique éthique dans une optique d’émancipation.<br/>
Angie. Bonjour.
<b>Angie Gaudion : </b>Bonjour
<b>Guillaume Lung Tung : </b>Richard Hanna. Richard est vagabond numérique, développeur, il a été chargé de mission numérique écoresponsable, pendant trois ans, à la Direction interministérielle du numérique, la DINUM, avec, pour objectif, de réduire l’empreinte environnementale du numérique de l’État et de produire des communs à travers des guides et référentiels. Il est aussi l’animateur du podcast <em>Techology</em>, le podcast qui tente de lier technologie et écologie alors que, nous dit le podcast, tout les oppose.<br/>
Richard, bonjour.
<b>Richard Hanna : </b>Bonjour à tous.
<b>Guillaume Lung Tung : </b>Louis Derrac. Louis travaille, depuis une dizaine d’années, sur les enjeux d’éducation au numérique. Il s’intéresse particulièrement à la formation de la citoyenne et du citoyen. Aujourd’hui, en plus de ces enjeux, il travaille également sur la notion d’alternumérisme radical, pour envisager un autre numérique, compatible avec l’urgence sociale et écologique. Et enfin, Louis a bien travaillé, avec moi, au lancement du travail sur le numérique éthique dans les tiers-lieux et il a également beaucoup contribué à la mise en place de cette table ronde, alors merci Louis et bonjour.
<b>Louis Derrac : </b>Bonjour.
<b>Guillaume Lung Tung : </b>Marie-Charlotte Woëts est chargée de mission dans le réseau des acteurs pour une économie solidaire, l’APES, en particulier sur le projet Plateformcoop qui vise à développer et soutenir les initiatives locales qui utilisent des plateformes dans leur activité économique. Elle est également installée dans un tiers-lieu lensois, Le Toit Commun.<br/>
Marie-Charlotte, bonjour.
<b>Marie-Charlotte Woëts : </b> Bonjour.
<b>Guillaume Lung Tung : </b>Et enfin Yaël Benayoun. Elle est cofondatrice du Mouton Numérique, une association qui apporte au débat public une réflexion critique sur le numérique et les nouvelles technologies, en mettant en lumière leurs enjeux sociaux, politiques et environnementaux. Elle est également l’autrice de <em>Technologies partout, démocratie nulle part</em>, un plaidoyer pour que les choix technologiques deviennent l’affaire de tous.<br/>
Yaël, bonjour.
<b>Yaël Benayoun : </b>Bonjour. J’en profite, j’espère que ça ne va pas couper, parce que je suis en déplacement avec un pack connexion partagée avec mon téléphone, bref ! Si ça coupe, j’essaierai de revenir, j’espère que tout va bien se passer.
<b>Guillaume Lung Tung : </b>On espère, OK, merci de la précision.<br/>
C’est un grand plaisir, un grand honneur de vous avoir toutes et tous ici.<br/>
Moi-même, Guillaume Lung Tung, je suis artiste, ingénieur en informatique, je suis acteur dans un tiers-lieu à La Réunion, La Raffinerie, dans le réseau régional de La Réunion. Je participe également à la réflexion sur les communs des tiers-lieux. Aujourd’hui, je fais l’animateur de cette table ronde sur le numérique éthique et responsable pour les tiers-lieux. C’est parti.<br/>
Première question. Certainement beaucoup de personnes ici, qui nous regardent, doivent se demander comment on associe ces deux notions, numérique et éthique, en expliquant simplement, le plus simplement possible, comment peut-on expliquer ce que veut dire numérique éthique ? Qui veut se lancer là-dessus ? Pour toi Yaël.<br/>
C’est pour toi Yaël !
<b>Yaël Benayoun : </b>Non, pas pour moi, c’est la question piège ! Je peux commencer, mais je pense que je passerai très vite la parole au moins à Richard ou à Angie, bref, je sais que vous avez tous des choses à apporter.<br/>
Bien sûr, c’est une question compliquée. J’aime bien la prendre en rentrant, en tout cas en dépliant un peu la question du cycle de vie des outils numériques, parce que ça permet de se souvenir que le numérique ce n’est pas que l’usage qu’on fait à un moment t. Souvent, quand on parle de numérique, il y a plusieurs problématiques.<br/>
La première, c’est qu’on dit « le numérique » au singulier et, qu’en fait, derrière, on met plein d’usages et plein d’outils qui sont très différents les uns des autres, du coup ça brouille beaucoup de beaucoup le débat.<br/>
La deuxième c’est qu’on ne s’intéresse que aux conséquences et, du coup, on n’agit que sur les conséquences qui peuvent être problématiques, ce qui fait qu’on est dans une optique plus de réparations ; c’est ce qu’on voit beaucoup aussi parce que c’est ce qui est le plus financé, il ne faut pas se le cacher. Un des exemples, dont on va sûrement beaucoup parler parce que c’est là que, peut-être aujourd’hui, il y a le plus d’exigence numérique, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y échapper, c’est tout ce qui concerne la dématérialisation des services publics : il faut faire une démarche en ligne, il faut se connecter, et on n’a pas le choix de la plateforme ou du service sur lequel il faut aller, ce sont des choses qui sont imposées, du coup, il faut arriver à le faire, bref ! Il y a plein de sujets et je pense qu’on pourra développer par la suite sur les questions d’inclusion numérique. Du coup, on ne se concentre que sur le service : il est sorti et il faut que des personnes qui réalisent la démarche. C’est pour cela que je parle d’une visée plus réparatrice, parce que, finalement, on ne regarde pas du tout comment le service a été conçu ni, au-delà du service, comment l’ordinateur a été conçu, etc. Je trouve que le réinsérer un peu dans la chaîne de production, que ce soit à la fois les questions de logiciel que les questions matérielles, ça permet de retracer tous les enjeux écologiques qu’on peut avoir, tous les différents aspects.<br/>
Je dis tout ce qui me passe, vous restructurerez tout derrière, je pense que ça sera bien comme ça.<br/>
Typiquement les questions de fabrication, c’est là où, en termes d’empreinte écologique, on va dire que pour les gros matériels, 80 % se joue à ce niveau-là ; ce n’est pas au moment de l’usage, c’est dans la fabrication, mais aussi tout le côté plutôt social qui concerne l’extraction des minerais, qui concerne l’apprentissage, comme on dit, des intelligences artificielles qui sont, en fait délégués à bas coût, dans des logiques plutôt d’exploitation.<br/>
Du coup ça permet de prendre toutes ces thématiques. Pourquoi est-ce que je fais tous ces détours ? Quand on parle d’éthique, en tout cas d’intérêt général, oui, il y a à la question de ce ça fait à la société en bout de course, mais il y a aussi quelles sont les conditions d’existence de ces services ou des matériels et des terminaux qu’on utilise. Du coup, dans les conditions d’existence, il y a les conditions écologiques, sociales, politiques et ça permet de tirer tout un tas de sujets qui sont vite monstrueux.<br/>
Comme ça, j’ai fait la grosse introduction théorique et je vous laisse, chacun et chacune, développer, comme nous sommes cinq, je ne monopolise pas plus.
<b>Richard Hanna : </b>Je reprends la main, juste pour compléter vraiment rapidement.<br/>
En fait, le numérique est vu comme un ensemble, mais est-ce qu’on parle de l’objet numérique ? Il y a l’objet numérique, il y a les activités des entreprises, des organisations, donc le numérique éthique, c’est quoi ? Ce sont les objets ou les activités ? Je pense que la réponse est un peu les deux et que l’éthique doit être l’objet – que fait-on du numérique ? –, mais aussi les activités. Il faut déjà se poser la question : est-ce que les activités de l’entreprise sont éthiques ?, ce qui est drôle parce que, finalement, la réponse n’est jamais binaire. Les activités de l’entreprise, de l’organisation – ça peut aussi une organisation publique –, peuvent être éthiques, alors que l’outil n’est pas éthique ; l’outil peut être éthique, super respectueux de l’environnement, et l’activité de l’organisation très peu éthique. On peut faire toutes les combinaisons possibles, pour compléter ce que disait Yaël.
<b>Guillaume Lung Tung : </b>Tu veux enchaîner Angie.
==13’48==
<b>Angie Gaudion : </b>Peut-être pour dire que chez nous

Version du 24 août 2024 à 08:22


Titre : Quel numérique éthique et responsable pour les tiers-lieux ? - Table ronde

Intervenant·es : Yaël Benayoun - Angie Gaudion - Marie-Charlotte Woëts - Louis Derrac - Richard Hanna - Guillaume Lung Tung

Lieu : En ligne

Date : 5 octobre 2023

Durée : 1h 32 min 35

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·es mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Une table-ronde suivie d’échanges, pour partager autour du numérique responsable et éthique, ses limites, ses intérêts et sa mise en œuvre concrète dans des structures comme les tiers-lieux.

Transcription

Guillaume Lung Tung : Bonjour à tout le monde. Bienvenue à cette table ronde sur le numérique éthique et responsable dans les tiers-lieux.
Je vais commencer par une petite introduction et après je vous présenterai les différents invités.
Donc le numérique est très présent dans les tiers-lieux et partout au quotidien. J’ai notamment pu observer, grâce un diagnostic des usages du numérique dans les tiers-lieux qu’on va lancer bientôt. On a référencé un nombre d’usages assez énorme qui existent dans les tiers-lieux, que ce soit pour la communication interne, externe, l’évènementiel, l’administration, les systèmes de données et plein d’autres usages pour être en quête d’un fonctionnement qui soit ouvert, partagé, coopératif et, pour cela, le numérique est souvent hyper pratique. Mais, à la fois, on est aussi souvent dépassé par ces outils et par leur complexité. J’ai notamment pu expérimenter, dans les communautés, qu’on se pose souvent des questions face à un nouveau besoin qui arrive : est-ce qu’on met plutôt en place un outil pour répondre à ce besoin ou est-ce qu’on va privilégier l’humain et se réunir plus souvent ? Est-ce qu’on va choisir les outils dominants que les gens connaissent déjà, pour faciliter l’accès à ces outils, ou est-ce qu’on va choisir une alternative libre pour laquelle on le sait, il faudra, en général, faire beaucoup plus d’accompagnement sur ces outils ? Est-ce que mettre en place un outil va permettre plus d’ouverture, d’accessibilité, de coopération ou est-ce que, au contraire, ça va éloigner certaines personnes qui sont réticentes ou en difficulté face au numérique ?
Pour répondre à tout ça, chaque tiers-lieu va se référer à des valeurs qu’il a établies – écologiques, sociales – et il va chercher la meilleure voie.
Les tiers-lieux, au quotidien, expérimentent des solutions pour le monde de demain et c’est clair que ce n’est pas la technologie qui va sauver le monde, pourtant c’est bien la technologie qui est au cœur du numérique, qui le rend possible. Est-ce qu’il faut imaginer un monde avec moins de numérique ou avec un autre numérique ? En tout cas, des tiers-lieux essaient de jongler avec tout cela et proposent déjà des façons de faire pour ne pas subir, pour ne pas être victimes, mais pour être acteurs de cet univers numérique.
J’ai eu l’occasion d’animer ou de participer à des ateliers sur ce sujet avec des tiers-lieux et je vous livre une rapide conclusion qu’on a eue. On a fait ressortir cinq piliers de cette vision du numérique qui sont : un numérique éthique et démocratique ; local et décentralisé ; inclusif et accessible ; convivial et coopératif ; low-tech et soutenable.
De ces ateliers, on a aussi pu conclure que les actrices et les acteurs des tiers-lieux constatent un manque de connaissance de ressources, de méthodologies ou de personnes compétentes pour agir concrètement dans cette voie du numérique éthique.
Aujourd’hui nous allons va parler de tout cela, et nous avons la chance d’accueillir cinq intervenantes et intervenants de ce numérique qui défend des valeurs, une vision de la société, et il y a aussi, parmi vous toutes et vous tous dans l’audience, des actrices et des acteurs des tiers-lieux, des fab labs, des Chatons, de la médiation, du développement du logiciel libre ou des communs. Ça va donc être une après-midi riche et on espère créer, avec vous toutes et vous tous, un dialogue et du commun autour du numérique éthique, de ce que ça signifie, des actions concrètes qui peuvent être mises en place et des façons dont les tiers-lieux peuvent s’emparer de ce sujet.
Un rapide petit point sur l’organisation du temps aujourd’hui. Ça va durer une heure trente. Pendant les quarante premières minutes, on va commencer par discuter avec les invités pour avoir leurs regards croisés sur le numérique éthique et ensuite, pendant les quarante autres minutes, on va prendre les interventions, les questions, les remarques de vous toutes et vous tous ici.

J’ai le grand plaisir, l’honneur d’accueillir cinq invités aujourd’hui, donc de vous présenter notre premier invité Angie Gaudion. Angie a fait beaucoup d’animations d’espaces numériques, on ne parlait pas encore médiation à l’époque, d’accompagnement aux usages numériques en médiathèque, de formation, et, depuis 2019, Angie à rejoint Framasoft en tant que chargée de relations publiques, de coordinatrice du projet Emancip'Asso et également du collectif CHATONS. Son objectif est, je cite, « permettre à toutes et tous de comprendre les problématiques posées par le numérique et de présenter les solutions offertes par le numérique éthique dans une optique d’émancipation.
Angie. Bonjour.

Angie Gaudion : Bonjour

Guillaume Lung Tung : Richard Hanna. Richard est vagabond numérique, développeur, il a été chargé de mission numérique écoresponsable, pendant trois ans, à la Direction interministérielle du numérique, la DINUM, avec, pour objectif, de réduire l’empreinte environnementale du numérique de l’État et de produire des communs à travers des guides et référentiels. Il est aussi l’animateur du podcast Techology, le podcast qui tente de lier technologie et écologie alors que, nous dit le podcast, tout les oppose.
Richard, bonjour.

Richard Hanna : Bonjour à tous.

Guillaume Lung Tung : Louis Derrac. Louis travaille, depuis une dizaine d’années, sur les enjeux d’éducation au numérique. Il s’intéresse particulièrement à la formation de la citoyenne et du citoyen. Aujourd’hui, en plus de ces enjeux, il travaille également sur la notion d’alternumérisme radical, pour envisager un autre numérique, compatible avec l’urgence sociale et écologique. Et enfin, Louis a bien travaillé, avec moi, au lancement du travail sur le numérique éthique dans les tiers-lieux et il a également beaucoup contribué à la mise en place de cette table ronde, alors merci Louis et bonjour.

Louis Derrac : Bonjour.

Guillaume Lung Tung : Marie-Charlotte Woëts est chargée de mission dans le réseau des acteurs pour une économie solidaire, l’APES, en particulier sur le projet Plateformcoop qui vise à développer et soutenir les initiatives locales qui utilisent des plateformes dans leur activité économique. Elle est également installée dans un tiers-lieu lensois, Le Toit Commun.
Marie-Charlotte, bonjour.

Marie-Charlotte Woëts : Bonjour.

Guillaume Lung Tung : Et enfin Yaël Benayoun. Elle est cofondatrice du Mouton Numérique, une association qui apporte au débat public une réflexion critique sur le numérique et les nouvelles technologies, en mettant en lumière leurs enjeux sociaux, politiques et environnementaux. Elle est également l’autrice de Technologies partout, démocratie nulle part, un plaidoyer pour que les choix technologiques deviennent l’affaire de tous.
Yaël, bonjour.

Yaël Benayoun : Bonjour. J’en profite, j’espère que ça ne va pas couper, parce que je suis en déplacement avec un pack connexion partagée avec mon téléphone, bref ! Si ça coupe, j’essaierai de revenir, j’espère que tout va bien se passer.

Guillaume Lung Tung : On espère, OK, merci de la précision.
C’est un grand plaisir, un grand honneur de vous avoir toutes et tous ici.
Moi-même, Guillaume Lung Tung, je suis artiste, ingénieur en informatique, je suis acteur dans un tiers-lieu à La Réunion, La Raffinerie, dans le réseau régional de La Réunion. Je participe également à la réflexion sur les communs des tiers-lieux. Aujourd’hui, je fais l’animateur de cette table ronde sur le numérique éthique et responsable pour les tiers-lieux. C’est parti.
Première question. Certainement beaucoup de personnes ici, qui nous regardent, doivent se demander comment on associe ces deux notions, numérique et éthique, en expliquant simplement, le plus simplement possible, comment peut-on expliquer ce que veut dire numérique éthique ? Qui veut se lancer là-dessus ? Pour toi Yaël.
C’est pour toi Yaël !

Yaël Benayoun : Non, pas pour moi, c’est la question piège ! Je peux commencer, mais je pense que je passerai très vite la parole au moins à Richard ou à Angie, bref, je sais que vous avez tous des choses à apporter.
Bien sûr, c’est une question compliquée. J’aime bien la prendre en rentrant, en tout cas en dépliant un peu la question du cycle de vie des outils numériques, parce que ça permet de se souvenir que le numérique ce n’est pas que l’usage qu’on fait à un moment t. Souvent, quand on parle de numérique, il y a plusieurs problématiques.
La première, c’est qu’on dit « le numérique » au singulier et, qu’en fait, derrière, on met plein d’usages et plein d’outils qui sont très différents les uns des autres, du coup ça brouille beaucoup de beaucoup le débat.
La deuxième c’est qu’on ne s’intéresse que aux conséquences et, du coup, on n’agit que sur les conséquences qui peuvent être problématiques, ce qui fait qu’on est dans une optique plus de réparations ; c’est ce qu’on voit beaucoup aussi parce que c’est ce qui est le plus financé, il ne faut pas se le cacher. Un des exemples, dont on va sûrement beaucoup parler parce que c’est là que, peut-être aujourd’hui, il y a le plus d’exigence numérique, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y échapper, c’est tout ce qui concerne la dématérialisation des services publics : il faut faire une démarche en ligne, il faut se connecter, et on n’a pas le choix de la plateforme ou du service sur lequel il faut aller, ce sont des choses qui sont imposées, du coup, il faut arriver à le faire, bref ! Il y a plein de sujets et je pense qu’on pourra développer par la suite sur les questions d’inclusion numérique. Du coup, on ne se concentre que sur le service : il est sorti et il faut que des personnes qui réalisent la démarche. C’est pour cela que je parle d’une visée plus réparatrice, parce que, finalement, on ne regarde pas du tout comment le service a été conçu ni, au-delà du service, comment l’ordinateur a été conçu, etc. Je trouve que le réinsérer un peu dans la chaîne de production, que ce soit à la fois les questions de logiciel que les questions matérielles, ça permet de retracer tous les enjeux écologiques qu’on peut avoir, tous les différents aspects.
Je dis tout ce qui me passe, vous restructurerez tout derrière, je pense que ça sera bien comme ça.
Typiquement les questions de fabrication, c’est là où, en termes d’empreinte écologique, on va dire que pour les gros matériels, 80 % se joue à ce niveau-là ; ce n’est pas au moment de l’usage, c’est dans la fabrication, mais aussi tout le côté plutôt social qui concerne l’extraction des minerais, qui concerne l’apprentissage, comme on dit, des intelligences artificielles qui sont, en fait délégués à bas coût, dans des logiques plutôt d’exploitation.
Du coup ça permet de prendre toutes ces thématiques. Pourquoi est-ce que je fais tous ces détours ? Quand on parle d’éthique, en tout cas d’intérêt général, oui, il y a à la question de ce ça fait à la société en bout de course, mais il y a aussi quelles sont les conditions d’existence de ces services ou des matériels et des terminaux qu’on utilise. Du coup, dans les conditions d’existence, il y a les conditions écologiques, sociales, politiques et ça permet de tirer tout un tas de sujets qui sont vite monstrueux.
Comme ça, j’ai fait la grosse introduction théorique et je vous laisse, chacun et chacune, développer, comme nous sommes cinq, je ne monopolise pas plus.

Richard Hanna : Je reprends la main, juste pour compléter vraiment rapidement.
En fait, le numérique est vu comme un ensemble, mais est-ce qu’on parle de l’objet numérique ? Il y a l’objet numérique, il y a les activités des entreprises, des organisations, donc le numérique éthique, c’est quoi ? Ce sont les objets ou les activités ? Je pense que la réponse est un peu les deux et que l’éthique doit être l’objet – que fait-on du numérique ? –, mais aussi les activités. Il faut déjà se poser la question : est-ce que les activités de l’entreprise sont éthiques ?, ce qui est drôle parce que, finalement, la réponse n’est jamais binaire. Les activités de l’entreprise, de l’organisation – ça peut aussi une organisation publique –, peuvent être éthiques, alors que l’outil n’est pas éthique ; l’outil peut être éthique, super respectueux de l’environnement, et l’activité de l’organisation très peu éthique. On peut faire toutes les combinaisons possibles, pour compléter ce que disait Yaël.

Guillaume Lung Tung : Tu veux enchaîner Angie.

13’48

Angie Gaudion : Peut-être pour dire que chez nous