« Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 22 juin 2021 » : différence entre les versions

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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous allons poursuivre avec notre sujet principal
<b>Frédéric Couchet : </b>Nous allons poursuivre avec notre sujet principal
==Chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l'April sur le thème « Développement durable et logiciel libre »==
<b>Frédéric Couchet : </b>Nous allons poursuivre avec la chronique de Véronique Bonnet, présidente de l’April et professeur de philosophie. Dans ce nouveau format de chronique Véronique va nous proposer une lecture philosophique de certains thèmes. La chronique a été enregistrée il y a quelques jours. Le thème est développement durable et logiciel libre. On se retrouve d’ici 13 minutes.
[Virgule sonore]
<b>Frédéric Couchet : </b>Soyez les bienvenus pour cette nouvelle chronique de Véronique Bonnet. Véronique est présidente de l’April. Sa chronique est intitulée « Partager est bon ».<br/>
Bonjour Véronique.
<b>Véronique Bonnet : </b>Bonjour Fred.
<b>Frédéric Couchet : </b>Le thème de cette chronique c’est « Logiciel libre et développement durable. » Nous t’écoutons.
<b>Véronique Bonnet : </b>En effet et là vraiment tant mieux pour nous le logiciel libre est améliorable, il est réparable, il remédie à l’obsolescence programmée, il permet de continuer à utiliser un ordinateur lorsque le programme non libre qu’il contient ne peut plus être mis à jour. Donc au lieu de changer d’ordinateur, l’utilisateur peut changer de distribution et de logiciel et ceci a un impact considérable sur l’environnement. Ceci permet par exemple d’économiser des matériaux, de l’énergie, d’optimiser ce que l’humain a réalisé.
La notion de développement durable.
L’esprit de cette chronique c’est faire le lien avec l’histoire de la philosophie. La notion de développement durable apparaît au début des années 70. C’est un juriste, un certain John Rawls, fondateur de la philosophie cosmopolitique, qui fait paraître en 1971 sa théorie de la justice. C’est un texte extrêmement important parce qu’à partir de ce texte non seulement on va penser le développement durable, on va penser le droit d’ingérence, on va penser la subsidiarité, c’est-à-dire toutes les notions qui peuplent actuellement notre réflexion.<br/>
D’abord je commence par une opposition. Avant John Rawls, on parlait de philosophie politique. Qu’est-ce que la philosophie politique ? On part d’un être humain. On se demande comment il évolue dans une famille. On passe ensuite de la famille au village, du village à la cité. On se demande quel est le rapport des cités entre elles et, progressivement, on arrive à la planète.<br/>
Par contre, ce qui va apparaître avec John Raws, c’est ce qu’on appelle la philosophie cosmopolitique. On inverse. C’est-à-dire qu’on part de la planète, on se dit qu’un humain ne choisit pas quand il va naître et où il va naître, donc on se demande comment il faudrait que la planète soit configurée pour que venir au monde soit à peu près acceptable étant donné qu’on ne sait pas à quel moment on va le faire et où on va le faire. Et ça donne quoi ?ça donne qu’à partir d’une réflexion sur la planète on va se dire qu’il est préférable que, de toute façon, cette planète fasse attention au développement durable, il ne faut pas que toutes les ressources aient été dépensées. Il faut que sur cette planète, quand un pays se comporte d’une manière éthiquement un peu douteuse, il soit possible qu’il y ait un droit d’ingérence, il soit possible qu’il y ait une subsidiarité de façon à ce que naître soit le plus humanisant possible, le moins risqué possible étant donné qu’on ne sait pas dans quel pays on le fera et quand on le fera.
Par exemple, pour le développement durable, ça consiste à dire qu’il serait bien d’emprunter à la terre le moins de ressources possible, dans l’idée de les lui rendre de la façon la plus adéquate sans qu’il y ait des déperditions. Je pars d’un exemple : pour produire un jeans, 10 000 lires d’eau sont nécessaires : il faut faire pousser le coton, il faut le préparer pour pouvoir le tisser, le teindre, le laver et parfois même le délaver. Donc on peut s’arranger pour limiter l’utilisation de l’eau, pour éviter d’aggraver le stress hydrique qui concerne même des humains. Peut-être que, plutôt que de produire du coton, on va aller vers du chanvre, on va aller vers de l’ortie ou alors on va réutiliser le jeans – pour ça il y a des ressourceries, il y a des brocantes – ou alors, s’il est abîmé, on va réutiliser seulement les fibres pour faire un nouveau jean.
L’analogie est la suivante. Dans le registre informatique lui-même, on peut aussi bien dégager à partir de l’existant, c’est-à-dire du parc des ordinateurs et des téléphones portables, un potentiel important. En effet, dans le registre de l’écologie de la réduction de la fracture numérique, dans le registre de la ville inclusive, on peut faire avec des ordinateurs, avec des portables, beaucoup d’économies si on utilise le logiciel libre pour reconditionner ce qui ne peut pas être mis à jour dans un contexte de logiciel non libre. Et là on est dans le partage des savoirs, dans l’équipement de personnes défavorisées, donc vers une réduction de la fracture aussi bien numérique que sociale.
Je vais prendre trois exemples qui illustrent le lien entre logiciel libre et développement durable.<br/>
Premier exemple : on peut reconfigurer son matériel avec du logiciel libre. C’est par exemple ce qui se passe au Carrefour numérique<sup>2</sup> de la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette les premiers samedis de 14 heures à 18 heures- Il y a des install-parties et là, les utilisateurs qui ne peuvent plus faire de mises à jour du logiciel non libre de leur ordinateur ou de leur téléphone portable, après avoir fait une sauvegarde de leurs données, peuvent installer ou faire installer des distributions libres qui vont permettre de réutiliser, de reconditionner au lieu de jeter. Pourça évidemment il ne faut pas qu’il y ait de blocage du <em>boot</em> qui empêche toute nouvelle installation.<br/>
Ces install-parties sont corrélées à des ateliers d’aide à l’utilisation, à des conférences de sensibilisation, à une dimension qui est écologique, qui est éthique.<br/>
Par exemple, pour les ordinateurs on peut utiliser la distribution Debian, Ubuntu, Fedora, Mageia pour GNU/Linux. Pour les portables on peut utiliser Replicant, LineageOS, F-Droid pour Android.
Deuxième exemple : on peut faire intervenir des associations de récupération et de reconfiguration. Par exemple sur cette antenne s’est exprimée Antanak, une association qui d’ailleurs n’est pas loin de la radio, rue Bernard Dimey, une association loi 1901 sans but lucratif. Le matériel informatique récupéré est donc reconfiguré avec GNU/Linux et préparé avec des logiciels libres en vue d’une nouvelle utilisation, puisque le don, le partage sont des axes puissants du <em>free software</em>.
Un troisième et dernier exemple : on peut se tourner vers un collectif ayant développé une vocation cosmopolitique et tiers-mondiste. Je pense en particulier à Emmabuntüs qui s’est constitué en 2011. Le nom Emmabuntüs est une synthèse d’Emmaüs, association humanitaire de l’Abbé Pierre et de Ubuntu qui signifie « humanité » dans la langue originelle de l’Afrique du Sud. Le but est de donner aux personnes ayant peu de moyens financiers la possibilité de posséder du matériel informatique, ce qui amène à solliciter tous les organismes privés et publics pour partager un projet social, solidaire, environnemental.<br/>
En effet, on sait bien que trop d’ordinateurs jonchent les rues parce que l’obsolescence programmée est parfois vécue comme une fatalité. Et là il y a pollution visuelle, gâchis écologique de métaux rares, irrespect de l’investissement en termes d’énergie et d’inventivité humaine. Y remédier grâce au logiciel libre constitue un gisement d’emplois. On va récupérer, on va réparer. Ceci ouvre des projets mobilisateurs, porteurs de synergie pour les bénévoles. Opérer un reconditionnement logiciel en agissant en amont, avant la décision de jeter, est à porter au crédit du logiciel libre. Et ce n’est pas pour rien que l’April est actrice pour sensibiliser aux risques d’une informatique de court terme et ça n’est pas pour rien que l’April veut privilégier l’économie circulaire.
À ce propos, il serait intéressant que l’indice de réparabilité nouvellement instauré fort heureusement prenne en compte ce qu’on appelle la couche logicielle de la carte mère des ordinateurs parce qu’il y a des couches logicielles qui peuvent bloquer le <em>boot</em> alors qu’il faut laisser aux utilisateurs la liberté de changer de logiciel plutôt que de changer de matériel.<br/>
La liberté, encore et toujours, Fred, la liberté nous caractérise et elle nous emporte.
<b>Frédéric Couchet : </b>Tout à fait Véronique. Comme tu le dis on est mobilisé sur ces sujets, d’ailleurs actuellement il y a à l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Il y a eu notamment des amendements qui ont été déposés suite à notre travail et aussi celui de Halte à l'Obsolescence Programmée de Green IT dont l’un, par exemple justement, vise à interdire ce dont tu parlais à l’instant c’est-à-dire les techniques y compris logicielles dont l’objet est de restreindre d’une personne pour installer des logiciels et des systèmes d’exploitation de son choix. C’est ce dont tu parlais à l’instant. C’est un amendement qui a d’ailleurs été voté avec une petite modification qui tient compte de la durée de garantie, en tout cas les débats ne sont pas finis. C’est effectivement un sujet très important.<br/>
Tu citais Antanak. Je vais juste rappeler que Antanak ce sont les voisins et les voisines de Cause Commune au 18 rue Bernard Dimey et le site c’est antanak.com.<br/>
Tu parlais des téléphones mobiles. Je précise qu’à la rentrée de septembre 2021, nous devrions avoir un sujet avec une invitée qui parlera notamment du Fairphone. Le Fairphone c’est le téléphone réparable, c’est un téléphone dont les éléments essentiels comme la batterie et l’écran sont facilement démontables et réparables alors qu’aujourd’hui la plupart des téléphones ne sont pas du tout réparables et dès qu’une pièce tombe en panne les personnes sont quasiment contraintes de racheter un nouveau téléphone.<br/>
Juste pour finir sur l’indice de réparabilité qui provient effectivement d’une loi qui a été votée récemment, il y a, je crois, un groupe de travail au niveau du ministère de l’Environnement qui a été créé et qui va intégrer un certain nombre d’éléments et on espère qu’il intégrera les éléments dont tu viens de parler.
Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose en conclusion de cette chronique ?<br/>
<b>Véronique Bonnet : </b>Très bien. Je crois qu’il y a un mot clé c’est liberté. Si les couches logicielles bloquent cette possibilité de réutiliser, là on est, en effet, dans le contresens.
<b>Frédéric Couchet : </b>Nous sommes bien d’accord.<br/>
C’était la chronique Partager est bon de Véronique Bonnet, présidente de l’April, sur « Logiciel libre et développement durable ».<br/>
Véronique je te souhaite une belle fin de journée.
<b>Véronique Bonnet : </b>Très belle fin de journée à toi Fred.
[Virgule sonore]
<b>Frédéric Couchet : </b>Nous sommes de retour en direct.<br/>
Par rapport à la proposition de loi dont je vous parlais, sur le site de l’April, april.org, nous avons mis un point d’étape et la proposition de loi va passer maintenant au Sénat.<br/>
Concernant l’émission sur le Fairphone ça sera le 21 septembre 2021 et il y aura également /e/, je ne sais pas trop comment ça se prononce, avec Agnès Crépet et Gaël Duval,
Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
==Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l'April et le monde du Libre==
<b>Frédéric Couchet : </b>Dans les annonces.<br/>

Version du 23 juin 2021 à 16:19


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 22 juin 2021 sur radio Cause Commune

Intervenants : Éric Fraudain - Alexandre Bulté - Ronan Chardonneau - Véronique Bonnet - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 22 juin 2021

Durée : 1 h 30 min

Podcast provisoire

Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
L’analyse d’audience de sites web, les enjeux et la présentation du logiciel libre Matomo, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique musicale d’Éric Fraudain sur l’artiste Darren Curtis et aussi la chronique de Véronique sur le thème « Développement durable et logiciel libre ».

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’April est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.

Nous sommes mardi 22 juin 2021, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui mon collègue Étienne Gonnu. Bonjour Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[jingle]

Chronique « Le fil rouge de la musique libre » par Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil, présentation de l'artiste Darren Curtis

Frédéric Couchet : « Le fil rouge de la musique libre », dans cette chronique Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil, nous fait découvrir des artistes ayant opté pour la libre diffusion de leurs œuvres musicales. Aujourd’hui, Éric nous fait découvrir l’artiste Darren Curtis.
Je précise que c’est la rediffusion d’une chronique déjà diffusée le 15 décembre 2020. On se retrouve dans sept minutes.

[Virgule sonore]

cf : https://www.librealire.org/emission-libre-a-vous-diffusee-mardi-15-decembre-2020-sur-radio-cause-commune?var_mode=calcul#Chronique-lt-lt-Le-fil-rouge-de-la-musique-libre-par-Eric-Fraudain-nbsp

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous sommes de retour en direct. C‘était la chronique musicale Éric Fraudain, consacrée à l’artiste Darren Curtis. Nous allons d’ailleurs faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale, nous parlerons d’analyse d’audience de site web, des enjeux et la présentation du logiciel libre Matomo.
L’artiste qui va nous accompagner musicalement dans l’émission du jour est donc Darren Curtis. Nous allons écouter A time forgotten par Darren Curtis. On se retrouve dans deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : A time forgotten par Darren Curtis.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Comme l’a dit Éric Fraudain dans sa chronique, ça se coupe brutalement.
Nous venons d’écouter A time forgotten par Darren Curtis, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Le site de l’artiste c’est darrencurtismusic.com et vous trouverez également une présentation de l’artiste sur le site d’Éric Fraudain auboutdufil.com.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer à notre sujet principal.

[Virgule musicale]

L'analyse d'audience de sites web et Matomo avec Alexandre Bulté directeur technique d'Etalab et Ronan Chardonneau, formateur indépendant sur Matomo

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal











Chronique « Partager est bon » de Véronique Bonnet, professeur de philosophie et présidente de l'April sur le thème « Développement durable et logiciel libre »

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre avec la chronique de Véronique Bonnet, présidente de l’April et professeur de philosophie. Dans ce nouveau format de chronique Véronique va nous proposer une lecture philosophique de certains thèmes. La chronique a été enregistrée il y a quelques jours. Le thème est développement durable et logiciel libre. On se retrouve d’ici 13 minutes.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Soyez les bienvenus pour cette nouvelle chronique de Véronique Bonnet. Véronique est présidente de l’April. Sa chronique est intitulée « Partager est bon ».
Bonjour Véronique.

Véronique Bonnet : Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Le thème de cette chronique c’est « Logiciel libre et développement durable. » Nous t’écoutons.

Véronique Bonnet : En effet et là vraiment tant mieux pour nous le logiciel libre est améliorable, il est réparable, il remédie à l’obsolescence programmée, il permet de continuer à utiliser un ordinateur lorsque le programme non libre qu’il contient ne peut plus être mis à jour. Donc au lieu de changer d’ordinateur, l’utilisateur peut changer de distribution et de logiciel et ceci a un impact considérable sur l’environnement. Ceci permet par exemple d’économiser des matériaux, de l’énergie, d’optimiser ce que l’humain a réalisé.

La notion de développement durable. L’esprit de cette chronique c’est faire le lien avec l’histoire de la philosophie. La notion de développement durable apparaît au début des années 70. C’est un juriste, un certain John Rawls, fondateur de la philosophie cosmopolitique, qui fait paraître en 1971 sa théorie de la justice. C’est un texte extrêmement important parce qu’à partir de ce texte non seulement on va penser le développement durable, on va penser le droit d’ingérence, on va penser la subsidiarité, c’est-à-dire toutes les notions qui peuplent actuellement notre réflexion.
D’abord je commence par une opposition. Avant John Rawls, on parlait de philosophie politique. Qu’est-ce que la philosophie politique ? On part d’un être humain. On se demande comment il évolue dans une famille. On passe ensuite de la famille au village, du village à la cité. On se demande quel est le rapport des cités entre elles et, progressivement, on arrive à la planète.
Par contre, ce qui va apparaître avec John Raws, c’est ce qu’on appelle la philosophie cosmopolitique. On inverse. C’est-à-dire qu’on part de la planète, on se dit qu’un humain ne choisit pas quand il va naître et où il va naître, donc on se demande comment il faudrait que la planète soit configurée pour que venir au monde soit à peu près acceptable étant donné qu’on ne sait pas à quel moment on va le faire et où on va le faire. Et ça donne quoi ?ça donne qu’à partir d’une réflexion sur la planète on va se dire qu’il est préférable que, de toute façon, cette planète fasse attention au développement durable, il ne faut pas que toutes les ressources aient été dépensées. Il faut que sur cette planète, quand un pays se comporte d’une manière éthiquement un peu douteuse, il soit possible qu’il y ait un droit d’ingérence, il soit possible qu’il y ait une subsidiarité de façon à ce que naître soit le plus humanisant possible, le moins risqué possible étant donné qu’on ne sait pas dans quel pays on le fera et quand on le fera.

Par exemple, pour le développement durable, ça consiste à dire qu’il serait bien d’emprunter à la terre le moins de ressources possible, dans l’idée de les lui rendre de la façon la plus adéquate sans qu’il y ait des déperditions. Je pars d’un exemple : pour produire un jeans, 10 000 lires d’eau sont nécessaires : il faut faire pousser le coton, il faut le préparer pour pouvoir le tisser, le teindre, le laver et parfois même le délaver. Donc on peut s’arranger pour limiter l’utilisation de l’eau, pour éviter d’aggraver le stress hydrique qui concerne même des humains. Peut-être que, plutôt que de produire du coton, on va aller vers du chanvre, on va aller vers de l’ortie ou alors on va réutiliser le jeans – pour ça il y a des ressourceries, il y a des brocantes – ou alors, s’il est abîmé, on va réutiliser seulement les fibres pour faire un nouveau jean.

L’analogie est la suivante. Dans le registre informatique lui-même, on peut aussi bien dégager à partir de l’existant, c’est-à-dire du parc des ordinateurs et des téléphones portables, un potentiel important. En effet, dans le registre de l’écologie de la réduction de la fracture numérique, dans le registre de la ville inclusive, on peut faire avec des ordinateurs, avec des portables, beaucoup d’économies si on utilise le logiciel libre pour reconditionner ce qui ne peut pas être mis à jour dans un contexte de logiciel non libre. Et là on est dans le partage des savoirs, dans l’équipement de personnes défavorisées, donc vers une réduction de la fracture aussi bien numérique que sociale.

Je vais prendre trois exemples qui illustrent le lien entre logiciel libre et développement durable.
Premier exemple : on peut reconfigurer son matériel avec du logiciel libre. C’est par exemple ce qui se passe au Carrefour numérique2 de la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette les premiers samedis de 14 heures à 18 heures- Il y a des install-parties et là, les utilisateurs qui ne peuvent plus faire de mises à jour du logiciel non libre de leur ordinateur ou de leur téléphone portable, après avoir fait une sauvegarde de leurs données, peuvent installer ou faire installer des distributions libres qui vont permettre de réutiliser, de reconditionner au lieu de jeter. Pourça évidemment il ne faut pas qu’il y ait de blocage du boot qui empêche toute nouvelle installation.
Ces install-parties sont corrélées à des ateliers d’aide à l’utilisation, à des conférences de sensibilisation, à une dimension qui est écologique, qui est éthique.
Par exemple, pour les ordinateurs on peut utiliser la distribution Debian, Ubuntu, Fedora, Mageia pour GNU/Linux. Pour les portables on peut utiliser Replicant, LineageOS, F-Droid pour Android.

Deuxième exemple : on peut faire intervenir des associations de récupération et de reconfiguration. Par exemple sur cette antenne s’est exprimée Antanak, une association qui d’ailleurs n’est pas loin de la radio, rue Bernard Dimey, une association loi 1901 sans but lucratif. Le matériel informatique récupéré est donc reconfiguré avec GNU/Linux et préparé avec des logiciels libres en vue d’une nouvelle utilisation, puisque le don, le partage sont des axes puissants du free software.

Un troisième et dernier exemple : on peut se tourner vers un collectif ayant développé une vocation cosmopolitique et tiers-mondiste. Je pense en particulier à Emmabuntüs qui s’est constitué en 2011. Le nom Emmabuntüs est une synthèse d’Emmaüs, association humanitaire de l’Abbé Pierre et de Ubuntu qui signifie « humanité » dans la langue originelle de l’Afrique du Sud. Le but est de donner aux personnes ayant peu de moyens financiers la possibilité de posséder du matériel informatique, ce qui amène à solliciter tous les organismes privés et publics pour partager un projet social, solidaire, environnemental.
En effet, on sait bien que trop d’ordinateurs jonchent les rues parce que l’obsolescence programmée est parfois vécue comme une fatalité. Et là il y a pollution visuelle, gâchis écologique de métaux rares, irrespect de l’investissement en termes d’énergie et d’inventivité humaine. Y remédier grâce au logiciel libre constitue un gisement d’emplois. On va récupérer, on va réparer. Ceci ouvre des projets mobilisateurs, porteurs de synergie pour les bénévoles. Opérer un reconditionnement logiciel en agissant en amont, avant la décision de jeter, est à porter au crédit du logiciel libre. Et ce n’est pas pour rien que l’April est actrice pour sensibiliser aux risques d’une informatique de court terme et ça n’est pas pour rien que l’April veut privilégier l’économie circulaire.

À ce propos, il serait intéressant que l’indice de réparabilité nouvellement instauré fort heureusement prenne en compte ce qu’on appelle la couche logicielle de la carte mère des ordinateurs parce qu’il y a des couches logicielles qui peuvent bloquer le boot alors qu’il faut laisser aux utilisateurs la liberté de changer de logiciel plutôt que de changer de matériel.
La liberté, encore et toujours, Fred, la liberté nous caractérise et elle nous emporte.

Frédéric Couchet : Tout à fait Véronique. Comme tu le dis on est mobilisé sur ces sujets, d’ailleurs actuellement il y a à l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Il y a eu notamment des amendements qui ont été déposés suite à notre travail et aussi celui de Halte à l'Obsolescence Programmée de Green IT dont l’un, par exemple justement, vise à interdire ce dont tu parlais à l’instant c’est-à-dire les techniques y compris logicielles dont l’objet est de restreindre d’une personne pour installer des logiciels et des systèmes d’exploitation de son choix. C’est ce dont tu parlais à l’instant. C’est un amendement qui a d’ailleurs été voté avec une petite modification qui tient compte de la durée de garantie, en tout cas les débats ne sont pas finis. C’est effectivement un sujet très important.
Tu citais Antanak. Je vais juste rappeler que Antanak ce sont les voisins et les voisines de Cause Commune au 18 rue Bernard Dimey et le site c’est antanak.com.
Tu parlais des téléphones mobiles. Je précise qu’à la rentrée de septembre 2021, nous devrions avoir un sujet avec une invitée qui parlera notamment du Fairphone. Le Fairphone c’est le téléphone réparable, c’est un téléphone dont les éléments essentiels comme la batterie et l’écran sont facilement démontables et réparables alors qu’aujourd’hui la plupart des téléphones ne sont pas du tout réparables et dès qu’une pièce tombe en panne les personnes sont quasiment contraintes de racheter un nouveau téléphone.
Juste pour finir sur l’indice de réparabilité qui provient effectivement d’une loi qui a été votée récemment, il y a, je crois, un groupe de travail au niveau du ministère de l’Environnement qui a été créé et qui va intégrer un certain nombre d’éléments et on espère qu’il intégrera les éléments dont tu viens de parler. Est-ce que tu souhaites ajouter quelque chose en conclusion de cette chronique ?

Véronique Bonnet : Très bien. Je crois qu’il y a un mot clé c’est liberté. Si les couches logicielles bloquent cette possibilité de réutiliser, là on est, en effet, dans le contresens.

Frédéric Couchet : Nous sommes bien d’accord.
C’était la chronique Partager est bon de Véronique Bonnet, présidente de l’April, sur « Logiciel libre et développement durable ».
Véronique je te souhaite une belle fin de journée.

Véronique Bonnet : Très belle fin de journée à toi Fred.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous sommes de retour en direct.
Par rapport à la proposition de loi dont je vous parlais, sur le site de l’April, april.org, nous avons mis un point d’étape et la proposition de loi va passer maintenant au Sénat.
Concernant l’émission sur le Fairphone ça sera le 21 septembre 2021 et il y aura également /e/, je ne sais pas trop comment ça se prononce, avec Agnès Crépet et Gaël Duval,

Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l'April et le monde du Libre

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