« Quel numérique éthique et responsable pour les tiers-lieux - Table ronde » : différence entre les versions

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<b>Yaël Benayoun : </b>Je m’étais noté plein de trucs.
<b>Yaël Benayoun : </b>Je m’étais noté plein de trucs. Je voulais juste revenir un peu ce qui a été dit et répondre à cette question, peut-être en la tournant un petit peu différemment.<br/>
Je crois que c’est Louis qui disait qu’on peut garder le terme numérique parce que tout le monde l’utilise. En fait, je n’en suis pas sûre. En ce moment, je suis en observation dans un chantier d’insertion, typiquement j’ai très vite arrêté dire le mot numérique parce que, précisément, c’est tellement fourre-tout que ça ne parle pas à plein de gens, voire ça ferme, « le numérique, ce n’est pas pour moi », alors qu’en fait ordinateur si, informatique oui, téléphone oui, Internet oui. Finalement, ce terme englobant, c’est juste un petit truc, et ce n’est pas totalement inutile de dire qu’il y a plein de trucs derrière et je pense qu’il faut faire un peu attention à ceux à qui on parle, etc. Ce qui est intéressant sur ce que je suis en train de faire, là où je suis, je suis partie là-bas officiellement pour regarder les besoins numériques et c’est ce que disait Charlotte, en fait ces besoins pour qui ? À un moment, tu observes des gens qui se retrouvent à être en difficulté dans des situations parce qu’ils n’ont pas une certaine maîtrise ou certains outils, du coup ils sont en difficulté. Et, s’ils ne sont pas en difficulté, n’est-ce pas parce qu’ils font tout en papier ?, et là, en l’occurrence, ils font vraiment tout en papier, ont-ils des besoins ? Là, on revient sur ce qu’on disait avant, le truc un peu politique de cette notion de besoin qui, en fait, est besoin pour qui, pourquoi ? En revanche, ils en ont besoin pour répondre à des appels à projets pour avoir de la thune, donc là ils ont besoin. Et aujourd’hui, il n’y a pas 36 milliards de personnes qui ont ces compétences en interne.<br/>
C’est juste pour faire attention à ce dont on parle.<br/>
Je voulais revenir, et ça a été dit, juste pour tirer le fil. Effectivement, je te rejoins complètement quand tu parles ce côté fourre-tout. Aujourd’hui, effectivement, le terme a glissé : à un moment on dit éthique, à un moment on dit responsable, maintenant d’intérêt général, avec toujours un peu de flou sur ce que tu mets derrière, avec plein de chartes éthiques. C’est vrai qu’il y a un truc qui est peut-être intéressant : par exemple, en philo politique, qu’est-ce qu’on entend par éthique ? Normalement on a quand même une notion de discussion en commun, en tout cas de discussion, après ça demande qui on met dans le commun, c’est toujours la même question : qui est dans la discussion et qui n’est pas dans la discussion ? En tout cas, la dimension d’éthique peut avoir ce côté dialogique, qui dit qu’on n’a pas une norme, à un moment donné, qui va dire que les critères d’un truc éthique c’est ça, ça et ça, on est tous d’accord et ça ne bouge plus, mais dire qu’à un moment, c’est une sorte de discussion qu’on organise et qui permet d’avoir une norme socialement située, à un moment, et qui évolue avec l’évolution du groupe.<br/>
sauf que, ce qui est intéressant, si on prend ça comme une définition d’éthique appliquée aux questions numériques et aux choix technologiques, ça demande de savoir sur quoi on fait le choix, qui on met dans la boucle. C’est là où, pour répondre à la question que tu viens de poser, Guillaume, je trouve qu’on prend très mal le sujet en entrant par le numérique et la technique, en fait, ça devrait venir tout à la fin. La vraie question, je reprends un exemple que j’aime bien citer en ce moment : au Brésil, à un moment, ils mettaient en place, dans la constitution je crois, les universités avaient pour obligation d’intervenir dans les favelas. Plein intervenaient un peu n’importe comment, mais il y en a qui ont qui ont créé des trucs intéressants, notamment une, je n’ai plus le nom en tête, qui avait mis en place ce qu’ils appelaient des pôles de citoyenneté ; dit comme ça, c’est peut-être la traduction française, peut-être que ça donne mieux en brésilien et en portugais. En tout cas, l’idée c’était, à un moment, que des universités vont dans des favelas, qui ne décident pas et qui n’imposent pas ce qu’elles vont faire, mais qui organisent des comités et ce sont les habitants et les habitantes qui font les ordres du jour. Très concrètement, ils se sont organisés en pôles et des personnes s’occupaient des enfants, parce que, quand même, si tu les as dans les pattes, tu ne peux pas faire des trucs de fond, du coup ils faisaient des sortes d’éducation populaire avec les enfants, mais l’objectif principal, c’est d’occuper les enfants. Tu avais les juristes qui s’occupaient de la permanence juridique pour les gens qui étaient là, et les ingénieurs et les architectes aidaient à tous les travaux de réhabilitation qui étaient décidés par les habitants.<br/>
Pourquoi je fais ce détour ? Parce que la question ce n’est pas d’aller les voir et leur dire « hé ! Que voulez-vous comme outils numériques ? » ou « il faut que vous vous organisiez » ou « j’ai tel service, on va le travailler ensemble », c’est de repartir pour de vrai. Je ne sais pas si le terme de besoin est approprié, mais juste : que voulez-vous faire tous ensemble pour réhabiliter un quartier, pour je ne sais pas, aider telle personne ?, ou une question d’utilité sociale qui est hyper importante. En gros, tu travailles d’abord ton projet et, ensuite, tu tires les fils. Et si tu as du numérique dedans, normalement la question des outils qu’on utilise pour s’organiser, des outils qu’on crée, va arriver, est-ce que c’est low-tech, est-ce que ce n’est pas low-tech, en tout cas, ça arrive en dernier. Je trouve que si on arrive à faire ça et, du coup, à inverser la tendance dans la manière dont on fait le choix de nos outils, je pense qu’on prendrait le sujet un peu différemment.<br/>
Ça me fait penser, typiquement, à une expérimentation qui est faite aujourd’hui par le Mouvement Associatif de Bretagne, qui s’appelle, je crois, Transfo'Asso et c’est un peu le pari qu’ils ont fait. Ils accompagnent les associations dans leur transformation numérique. En fait, leur point d’entrée ce n’était pas du tout les questions numériques.<br/>
Dans <em>Questions d’asso</em>, un épisode va sortir avec, mine de rien, une association de Vannes qui fait de l’éducation populaire qui témoigne. Ils disent, et c’est intéressant, « on a juste discuté de la façon dont circule l’information au sein du collectif, qu’est-ce que ça veut dire en termes de répartition du pouvoir » et les questions des outils sont venues juste derrière. Si tu fais un groupe, que soit sur WhatsApp, Telegram ou je sais quoi, en fait il n’y a que ??? [33 min 22] dedans, tu fermes la discussion à tel groupe de personnes. Finalement, la discussion a plus porté sur les questions de circulation de l’information et des rapports de force au sein du collectif qui, après, été traduites dans les outils, que l’inverse. Je trouve que ce sont des choses intéressantes et c’est rarement pris dans ce sens-là.<br/>
J’espère que ça ne fait réagir personne.
 
<b>Louis Derrac : </b>Si ça fait réagir, si tu veux. Tu veux qu’on avance ?
 
<b>Guillaume Lung Tung : </b>Oui. On va avancer un petit peu et tu auras certainement l’occasion de revenir si tu souhaites rajouter quelque chose.<br/>
Je profite de ce que vient de dire Yaël. Dans les tiers-lieux justement, il y a quand même régulièrement cette culture d’essayer que les outils répondent à ce besoin d’organisation collective qui a pu être identifié, mais ça n’empêche pas, pour aller dans quelque chose de très concret, que le choix reste quand même très compliqué.<br/>
Tu parlais d’outils de communication, si on prend cet exemple d’avoir des canaux de discussion – je fais aussi un petit clin d’œil à un tiers-lieux.org qui est un peu dans cette problématique –, on a quand même le choix entre beaucoup de façons de faire, de la moins numérique – il n’y a pas d’outil, on s’appelle ou on se voit. Mais même, si on prend des outils numériques, il y a des outils propriétaires, Slack ou autre, il y a des outils libres qui vont être Rocket.chat, Mattermost, Matrix, etc. On peut auto-héberger son outil sur son propre serveur pour être dans une démarche décentralisée au risque, aussi, de se retrouver à trois personnes sur un canal de discussion, ou alors on peut faire le choix de technologies fédérées comme Matrix, Element, etc., mais ce n’est pas encore hyper accessible à des gens, donc, n’est-on pas en train de se tirer une balle dans le pied ?<br/>
Donc, comment un collectif qui a bien identifié son besoin, face à cette multiplication d’outils, peut-on s’aiguiller, pour ensuite, faire un choix ?
 
<b>Angie Gaudion : </b>Je peux revenir à quelque chose, c’est qu’il n’y a pas d’outil idéal. Du coup, il me semble que le choix de l’outil répond à un diagnostic des besoins – ce que disait Yaël, on revient toujours là-dessus – et, à un temps important de tests pour vérifier si l’outil est paramétrable pour correspondre à ses besoins et, après, on peut mettre des critères. C’est-à-dire que le la structure, l’organisation qui cherche un outil pour répondre à un besoin qu’elle a bien défini et sous toutes ses composantes, c’est donc plutôt un travail assez long. Le problème, aujourd’hui, c’est que tout cela ne se fait pas parce que personne ne veut prendre ce temps, ne veut prioriser, on va dire, ce travail de réflexion et de mise en contexte très forte des besoins. Cela fait que, très souvent, on ne prend pas non plus le temps finalement les propositions qui sont fournies. On prend celles qu’on connaît, donc souvent, effectivement, les outils des GAFAM parce qu’ils sont forcément mieux répartis qu’ailleurs. À la rigueur on a intégré des critères « éthiques », je mets des guillemets, du coup on va regarder ce qui existe dans ce champ-là, sachant qu’entre le Libre, l’émancipateur, le décentralisé, ça peut être plein de choses différentes, donc, il va déjà falloir aussi choisir à ce niveau-là. Et, ensuite, il va falloir trouver des structures ou des personnes au sein de la structure, qui vont pouvoir installer ou faire installer l’outil et former tout le monde. C’est donc une démarche qui est hyper longue. Il me semble qu’aujourd’hui le temps qui est donné à ce travail de choix, de pointage des outils, n’est pas du tout pris en compte et n’est pas financé, oui Yaël. Dans le MOOC Emancip’Asso, il y aura des pistes de financement, mais quand même !
 
<b>Louis Derrac : </b>Je veux bien enchainer, mais n’hésitez pas les autres.<br/>
Sur cette question, je commencerai par dire, pareil, qu’une des grandes mystifications du numérique en général et des technologies numériques, c’est de faire croire à une simplification, on simplifierait en numérisant, alors qu’en réalité c’est ultra complexe. Dès qu’on commence à avoir ce genre de discussion, on voit que ça le devient parce qu’il y a des tonnes d’injonctions contradictoires entre, par exemple, vouloir décentraliser et vouloir augmenter l’efficience énergétique du numérique. Les deux sont totalement des objectifs divisés, c’est-à-dire, en gros, d’un point de vue énergétique et d’un point de vue de consommation d’eau, un <em>datacenter</em> sera toujours mieux. Je dis ça, je fais attention, peut-être que l’on va trouver des trucs, en tout cas aujourd’hui, c’est bien mieux d’avoir un gros <em>datacenter</em> ultra optimisé que d’avoir tous nos petits serveurs chez nous. Il faut donc mesurer ces tensions.<br/>
Après, je reviendrai sur le fait que le numérique c’est politique. C’est là que quand on est sur les choix dont on parle, ce qui se passe, finalement aujourd’hui, c’est que les choix d’outils numériques, les choix techniques, sont laissés, reviennent souvent à des personnes techniques qui sont soit des DSI, des directions des systèmes d’information dans des grosses structures, soit au geek ou à la geek de l’asso quand c’est une plus petite asso, donc c’est dé-politisé. Donc, la question de se dire que le choix de l’outil n’est pas anodin c’est un impensé total, parce que les acteurs ont bien fait leur boulot, parce que, encore une fois aujourd’hui, on n’a pas encore pris totalement la mesure de ce que représente, en termes d’enjeux de pouvoir, en termes aussi d’impacts sociaux et écologiques du numérique, même si ça progresse, ce n’est pas encore tout à fait bien travaillé. Donc, quand on réalise que ces choix sont politiques, c’est, je pense, là qu’on peut mesurer l’écart entre les valeurs d’une structure et les outils qu’elle utilise.<br/>
J’ai l’impression de voir de plus en plus de lieux qui sont, pour moi, des lieux qui ont des valeurs fortes, qui sont chez Enercoop pour l’énergie, et je serais très curieux de les interroger sur leurs outils numériques. Je suis prêt à parier que c’est soit un impensé soit ils sont chez Google, parce que c’est moins cher, voire c’est gratuit, parce que c’est plus simple, et c’est un impensé, c’est-à-dire que c’est même pas encore forcément une dissonance cognitive, c’est souvent un impensé.<br/>
Pour moi, le point de départ c’est vraiment se redire que le numérique est politique. Une fois qu’on a compris qu’on a des valeurs, quelles sont-elles, quels outils numériques, du coup, sont à notre disposition et après, comme l’a dit Angie, il n’y a pas d’outil idéal. Parfois, il faut aussi assumer certaines de ces contradictions, pour moi y en a une qui est très claire : si vous êtes une structure d’intérêt général qui a besoin de faire du plaidoyer grand public, aujourd’hui vous passer des réseaux sociaux dominants est impossible, c’est vous tirer une balle dans le pied ! Mais, si vous avez, à un niveau stratégique et politique de votre structure, décidé que vous assumiez cette contradiction, que ça existe quelque part, que vous êtes présent sur les plateformes alternatives, que, peut-être, vous avez une visibilité privilégiée sur ces plateformes, vous pouvez déjà faire un certain nombre de choses pour faire en sorte que les gens ne soient pas obligés de vous suivre sur Instagram ou Twitter parce que vous leur avez offert d’autres moyens de vous suivre, ce qui n’est pas toujours le cas des structures. Et là, on a déjà passé un cap de dire « tous ces choix sont politiques, on n’a pas fait exactement les choix qu’on voulait parce qu’on n’est pas dans le meilleur des mondes. En revanche, on a vraiment travaillé sur l’écart ».<br/>
Pour moi, le point de départ c’est politiser les choix et ensuite, on revient à des accompagnements de transformation « numérique », entre guillemets, alternumériques, culturels ou organisationnels d’une structure.
 
<b>Marie-Charlotte Woëts : </b>Est-ce que je peux compléter ? C’est une discussion que j’ai déjà eue avec Louis par ailleurs. C’est vrai que je fréquente beaucoup d’associations, on voit qu’il y a un problème de raccord entre les valeurs que met l’association dans son discours ou dans son projet associatif et le numérique, parce qu’il y a vrai impensé, je suis d’accord avec ça.<br/>
Je trouve que c’est aussi une histoire de terminologie, parce qu’on parle beaucoup d’outils numériques et, très vite, dans la tête des gens, un outil n’a pas de morale ; un tournevis c’est un tournevis, il y a un petit peu ce truc-là. Je pense que c’est aussi cela qui fait qu’on ne pense pas dans une globalité et dans une version politique par le choix de ce qui est employé et par le choix de ce qu’on a dit tout à l’heure sur la question de l’efficience, de la productivité aussi et de l’amélioration.<br/>
Pour parler plutôt du milieu associatif, on voit que tout ce qui est poussé vers les associations pour leur organisation est vraiment présenté dans le choix d’un outil qui va améliorer le fonctionnement, qui va améliorer leurs rapports, leur gouvernance, tout ça, mais jamais on ne vient questionner pourquoi cet outil-là et pas un autre, y compris, parfois, des outils qui sont propulsés par des institutions, par l’État, auprès des associations.
 
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<b>Guillaume Lung Tung : </b>Une dernière question

Version du 24 août 2024 à 09:51


Titre : Quel numérique éthique et responsable pour les tiers-lieux ? - Table ronde

Intervenant·es : Yaël Benayoun - Angie Gaudion - Marie-Charlotte Woëts - Louis Derrac - Richard Hanna - Guillaume Lung Tung

Lieu : En ligne

Date : 5 octobre 2023

Durée : 1h 32 min 35

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·es mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Une table-ronde suivie d’échanges, pour partager autour du numérique responsable et éthique, ses limites, ses intérêts et sa mise en œuvre concrète dans des structures comme les tiers-lieux.

Transcription

Guillaume Lung Tung : Bonjour à tout le monde. Bienvenue à cette table ronde sur le numérique éthique et responsable dans les tiers-lieux.
Je vais commencer par une petite introduction et après je vous présenterai les différents invités.
Donc le numérique est très présent dans les tiers-lieux et partout au quotidien. J’ai notamment pu observer, grâce un diagnostic des usages du numérique dans les tiers-lieux qu’on va lancer bientôt. On a référencé un nombre d’usages assez énorme qui existent dans les tiers-lieux, que ce soit pour la communication interne, externe, l’évènementiel, l’administration, les systèmes de données et plein d’autres usages pour être en quête d’un fonctionnement qui soit ouvert, partagé, coopératif et, pour cela, le numérique est souvent hyper pratique. Mais, à la fois, on est aussi souvent dépassé par ces outils et par leur complexité. J’ai notamment pu expérimenter, dans les communautés, qu’on se pose souvent des questions face à un nouveau besoin qui arrive : est-ce qu’on met plutôt en place un outil pour répondre à ce besoin ou est-ce qu’on va privilégier l’humain et se réunir plus souvent ? Est-ce qu’on va choisir les outils dominants que les gens connaissent déjà, pour faciliter l’accès à ces outils, ou est-ce qu’on va choisir une alternative libre pour laquelle on le sait, il faudra, en général, faire beaucoup plus d’accompagnement sur ces outils ? Est-ce que mettre en place un outil va permettre plus d’ouverture, d’accessibilité, de coopération ou est-ce que, au contraire, ça va éloigner certaines personnes qui sont réticentes ou en difficulté face au numérique ?
Pour répondre à tout ça, chaque tiers-lieu va se référer à des valeurs qu’il a établies – écologiques, sociales – et il va chercher la meilleure voie.
Les tiers-lieux, au quotidien, expérimentent des solutions pour le monde de demain et c’est clair que ce n’est pas la technologie qui va sauver le monde, pourtant c’est bien la technologie qui est au cœur du numérique, qui le rend possible. Est-ce qu’il faut imaginer un monde avec moins de numérique ou avec un autre numérique ? En tout cas, des tiers-lieux essaient de jongler avec tout cela et proposent déjà des façons de faire pour ne pas subir, pour ne pas être victimes, mais pour être acteurs de cet univers numérique.
J’ai eu l’occasion d’animer ou de participer à des ateliers sur ce sujet avec des tiers-lieux et je vous livre une rapide conclusion qu’on a eue. On a fait ressortir cinq piliers de cette vision du numérique qui sont : un numérique éthique et démocratique ; local et décentralisé ; inclusif et accessible ; convivial et coopératif ; low-tech et soutenable.
De ces ateliers, on a aussi pu conclure que les actrices et les acteurs des tiers-lieux constatent un manque de connaissance de ressources, de méthodologies ou de personnes compétentes pour agir concrètement dans cette voie du numérique éthique.
Aujourd’hui nous allons va parler de tout cela, et nous avons la chance d’accueillir cinq intervenantes et intervenants de ce numérique qui défend des valeurs, une vision de la société, et il y a aussi, parmi vous toutes et vous tous dans l’audience, des actrices et des acteurs des tiers-lieux, des fab labs, des Chatons, de la médiation, du développement du logiciel libre ou des communs. Ça va donc être une après-midi riche et on espère créer, avec vous toutes et vous tous, un dialogue et du commun autour du numérique éthique, de ce que ça signifie, des actions concrètes qui peuvent être mises en place et des façons dont les tiers-lieux peuvent s’emparer de ce sujet.
Un rapide petit point sur l’organisation du temps aujourd’hui. Ça va durer une heure trente. Pendant les quarante premières minutes, on va commencer par discuter avec les invités pour avoir leurs regards croisés sur le numérique éthique et ensuite, pendant les quarante autres minutes, on va prendre les interventions, les questions, les remarques de vous toutes et vous tous ici.

J’ai le grand plaisir, l’honneur d’accueillir cinq invités aujourd’hui, donc de vous présenter notre premier invité Angie Gaudion. Angie a fait beaucoup d’animations d’espaces numériques, on ne parlait pas encore médiation à l’époque, d’accompagnement aux usages numériques en médiathèque, de formation, et, depuis 2019, Angie à rejoint Framasoft en tant que chargée de relations publiques, de coordinatrice du projet Emancip'Asso et également du collectif CHATONS. Son objectif est, je cite, « permettre à toutes et tous de comprendre les problématiques posées par le numérique et de présenter les solutions offertes par le numérique éthique dans une optique d’émancipation.
Angie. Bonjour.

Angie Gaudion : Bonjour

Guillaume Lung Tung : Richard Hanna. Richard est vagabond numérique, développeur, il a été chargé de mission numérique écoresponsable, pendant trois ans, à la Direction interministérielle du numérique, la DINUM, avec, pour objectif, de réduire l’empreinte environnementale du numérique de l’État et de produire des communs à travers des guides et référentiels. Il est aussi l’animateur du podcast Techology, le podcast qui tente de lier technologie et écologie alors que, nous dit le podcast, tout les oppose.
Richard, bonjour.

Richard Hanna : Bonjour à tous.

Guillaume Lung Tung : Louis Derrac. Louis travaille, depuis une dizaine d’années, sur les enjeux d’éducation au numérique. Il s’intéresse particulièrement à la formation de la citoyenne et du citoyen. Aujourd’hui, en plus de ces enjeux, il travaille également sur la notion d’alternumérisme radical, pour envisager un autre numérique, compatible avec l’urgence sociale et écologique. Et enfin, Louis a bien travaillé, avec moi, au lancement du travail sur le numérique éthique dans les tiers-lieux et il a également beaucoup contribué à la mise en place de cette table ronde, alors merci Louis et bonjour.

Louis Derrac : Bonjour.

Guillaume Lung Tung : Marie-Charlotte Woëts est chargée de mission dans le réseau des acteurs pour une économie solidaire, l’APES, en particulier sur le projet Plateformcoop qui vise à développer et soutenir les initiatives locales qui utilisent des plateformes dans leur activité économique. Elle est également installée dans un tiers-lieu lensois, Le Toit Commun.
Marie-Charlotte, bonjour.

Marie-Charlotte Woëts : Bonjour.

Guillaume Lung Tung : Et enfin Yaël Benayoun. Elle est cofondatrice du Mouton Numérique, une association qui apporte au débat public une réflexion critique sur le numérique et les nouvelles technologies, en mettant en lumière leurs enjeux sociaux, politiques et environnementaux. Elle est également l’autrice de Technologies partout, démocratie nulle part, un plaidoyer pour que les choix technologiques deviennent l’affaire de tous.
Yaël, bonjour.

Yaël Benayoun : Bonjour. J’en profite, j’espère que ça ne va pas couper, parce que je suis en déplacement avec un pack connexion partagée avec mon téléphone, bref ! Si ça coupe, j’essaierai de revenir, j’espère que tout va bien se passer.

Guillaume Lung Tung : On espère, OK, merci de la précision.
C’est un grand plaisir, un grand honneur de vous avoir toutes et tous ici.
Moi-même, Guillaume Lung Tung, je suis artiste, ingénieur en informatique, je suis acteur dans un tiers-lieu à La Réunion, La Raffinerie, dans le réseau régional de La Réunion. Je participe également à la réflexion sur les communs des tiers-lieux. Aujourd’hui, je fais l’animateur de cette table ronde sur le numérique éthique et responsable pour les tiers-lieux. C’est parti.
Première question. Certainement beaucoup de personnes ici, qui nous regardent, doivent se demander comment on associe ces deux notions, numérique et éthique, en expliquant simplement, le plus simplement possible, comment peut-on expliquer ce que veut dire numérique éthique ? Qui veut se lancer là-dessus ? Pour toi Yaël.
C’est pour toi Yaël !

Yaël Benayoun : Non, pas pour moi, c’est la question piège ! Je peux commencer, mais je pense que je passerai très vite la parole au moins à Richard ou à Angie, bref, je sais que vous avez tous des choses à apporter.
Bien sûr, c’est une question compliquée. J’aime bien la prendre en rentrant, en tout cas en dépliant un peu la question du cycle de vie des outils numériques, parce que ça permet de se souvenir que le numérique ce n’est pas que l’usage qu’on fait à un moment t. Souvent, quand on parle de numérique, il y a plusieurs problématiques.
La première, c’est qu’on dit « le numérique » au singulier et, qu’en fait, derrière, on met plein d’usages et plein d’outils qui sont très différents les uns des autres, du coup ça brouille beaucoup de beaucoup le débat.
La deuxième c’est qu’on ne s’intéresse que aux conséquences et, du coup, on n’agit que sur les conséquences qui peuvent être problématiques, ce qui fait qu’on est dans une optique plus de réparations ; c’est ce qu’on voit beaucoup aussi parce que c’est ce qui est le plus financé, il ne faut pas se le cacher. Un des exemples, dont on va sûrement beaucoup parler parce que c’est là que, peut-être aujourd’hui, il y a le plus d’exigence numérique, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y échapper, c’est tout ce qui concerne la dématérialisation des services publics : il faut faire une démarche en ligne, il faut se connecter, et on n’a pas le choix de la plateforme ou du service sur lequel il faut aller, ce sont des choses qui sont imposées, du coup, il faut arriver à le faire, bref ! Il y a plein de sujets et je pense qu’on pourra développer par la suite sur les questions d’inclusion numérique. Du coup, on ne se concentre que sur le service : il est sorti et il faut que des personnes qui réalisent la démarche. C’est pour cela que je parle d’une visée plus réparatrice, parce que, finalement, on ne regarde pas du tout comment le service a été conçu ni, au-delà du service, comment l’ordinateur a été conçu, etc. Je trouve que le réinsérer un peu dans la chaîne de production, que ce soit à la fois les questions de logiciel que les questions matérielles, ça permet de retracer tous les enjeux écologiques qu’on peut avoir, tous les différents aspects.
Je dis tout ce qui me passe, vous restructurerez tout derrière, je pense que ça sera bien comme ça.
Typiquement les questions de fabrication, c’est là où, en termes d’empreinte écologique, on va dire que pour les gros matériels, 80 % se joue à ce niveau-là ; ce n’est pas au moment de l’usage, c’est dans la fabrication, mais aussi tout le côté plutôt social qui concerne l’extraction des minerais, qui concerne l’apprentissage, comme on dit, des intelligences artificielles qui sont, en fait délégués à bas coût, dans des logiques plutôt d’exploitation.
Du coup ça permet de prendre toutes ces thématiques. Pourquoi est-ce que je fais tous ces détours ? Quand on parle d’éthique, en tout cas d’intérêt général, oui, il y a à la question de ce ça fait à la société en bout de course, mais il y a aussi quelles sont les conditions d’existence de ces services ou des matériels et des terminaux qu’on utilise. Du coup, dans les conditions d’existence, il y a les conditions écologiques, sociales, politiques et ça permet de tirer tout un tas de sujets qui sont vite monstrueux.
Comme ça, j’ai fait la grosse introduction théorique et je vous laisse, chacun et chacune, développer, comme nous sommes cinq, je ne monopolise pas plus.

Richard Hanna : Je reprends la main, juste pour compléter vraiment rapidement.
En fait, le numérique est vu comme un ensemble, mais est-ce qu’on parle de l’objet numérique ? Il y a l’objet numérique, il y a les activités des entreprises, des organisations, donc le numérique éthique, c’est quoi ? Ce sont les objets ou les activités ? Je pense que la réponse est un peu les deux et que l’éthique doit être l’objet – que fait-on du numérique ? –, mais aussi les activités. Il faut déjà se poser la question : est-ce que les activités de l’entreprise sont éthiques ?, ce qui est drôle parce que, finalement, la réponse n’est jamais binaire. Les activités de l’entreprise, de l’organisation – ça peut aussi une organisation publique –, peuvent être éthiques, alors que l’outil n’est pas éthique ; l’outil peut être éthique, super respectueux de l’environnement, et l’activité de l’organisation très peu éthique. On peut faire toutes les combinaisons possibles, pour compléter ce que disait Yaël.

Guillaume Lung Tung : Tu veux enchaîner Angie.

13’48

Angie Gaudion : Peut-être pour dire que chez Framasoft, nous n’utilisons pas trop ce terme de « numérique éthique » parce que c’est quand même un mot-valise dans lequel tout le monde peut mettre un peu ce qu’il a envie d’y faire entrer. On parle plutôt d’un numérique au service de l’émancipation des citoyens ou des citoyennes. On est plutôt dans « à quoi il sert » et c’est vrai que, par exemple, on ne pense pas tant les enjeux environnementaux et sociaux, et je suis d’accord avec toi il y a une problématique de pensée. On se consacre plutôt aux services que, effectivement, à la fabrication des matériels, aussi parce que chez Framasoft on fait de l’accompagnement aux pratiques, donc, c’est assez logique qu’on n’en parle pas, et puis parce qu’il n’y a pas beaucoup d’autres solutions Aujourd’hui, malheureusement, il n’y a absolument pas de réelle offre qui serait respectueuse, qui aurait des vrais critères éthiques sur ce plan du matériel, c’est aussi la problématique. Il n’y a pas a vraiment beaucoup d’autres possibilités, il me semble, autres que faire durer le plus longtemps possible le matériel existant.
On se pose quand même cette question de l’éthique, parce que, par exemple, on a travaillé sur un site qui s’appelle Emancip’Asso, un site de mise en relation entre prestataires de services en ligne, qu’on a qualifiés d’éthiques. C’est un site grand public, qu’on veut rendre visible auprès du monde associatif, on a donc utilisé le terme éthique plutôt que le terme émancipation. On s’est dit qu’on pouvait l’utiliser, mais, derrière on doit le définir. Du coup, dans ce cadre-là, parce que c’est un cadre très précis, nous l’avons associé à quatre autres adjectifs, à quatre autres éléments, qui sont :
l’équité, l’équitable, c’est-à-dire que, comme nous sommes plutôt sur des organisations qui vont chercher des prestataires pour faire une transformation numérique, il faut qu’ils trouvent des solutions qui soient adaptées à leur budget, tout en permettant aux prestataires de vivre de leur activité, il y a donc un équilibre, en fait une équité réellement entre qui est le client et qui est le fournisseur ;
ensuite on a un critère de respect des utilisateurices, je pense que c’est quelque chose qui est partagé à tous les niveaux, donc sans exploitation des données personnelles, sans publicité ;
accessible à tous, avec des solutions qui sont utilisables par toutes les personnes, quel que soit leur handicap, leur contexte, leur âge, etc., en tout cas, en limitant au maximum l’exclusion :
et puis de proximité. Pour nous, derrière l’éthique, il y a souvent un critère de proximité, donc des interlocuteurs qu’on peut potentiellement rencontrer qui vont partager un certain nombre de valeurs.
C’est rigolo, parce que ça fait très écho aux cinq piliers dont tu parlais en introduction, Guillaume. Je trouve que c’est intéressant de voir que ça se recoupe vraiment beaucoup, même si, peut-être que low-tech et numérique, sont, pour moi, quand même assez incompatibles. On pourra en discuter plus tard.

Guillaume Lung Tung : Là, on a eu quand même un bon panel, on voit que c’est très transversal, que ce soit du matériel, de l’infrastructure, des API, des logiciels, des usages, puis ce que les gens en font, il y a énormément de choses. Il y a effectivement des définitions et cette définition est importante pour savoir de ce dont on parle.
J’enchaîne sur la deuxième question. On peut aussi se dire, vu l’ampleur de tout ce que ça touche, que ça peut être aussi un peu décourageant. On peut se demander comment on peut faire et est-ce qu’on peut réellement proposer des alternatives plus éthiques, par rapport à tout ce dont on a parlé, face à des géants du numérique, je pense aux GAFAM entre autres et à la masse d’utilisateurs et d’utilisatrices que ce que ça représente ? Sur quoi peut-on vraiment avoir un levier d’action face à ces puissances ? Marie-Charlotte.

Marie-Charlotte Woëts : Je ne sais pas si la question c’est forcément de trouver une alternative à un outil qui existe déjà, qui ne serait pas étiqueté éthique au sens où il a été défini là. Il faut plutôt se poser la question de l’usage : est-ce qu’on en a vraiment besoin en fait ? Si on remplace juste un outil par un autre outil, ça me paraît peu réfléchi comme action, parce que, finalement, il y a beaucoup d’outils numériques qu’on utilise aujourd’hui ou qu’on fait utiliser aux gens dans leur quotidien, qui ne répondent à un vrai besoin ; en fait, le besoin a été créé par l’invention de l’outil et pas l’inverse. Peut-être que la première question à se poser, pour se mettre en action, c’est déjà de questionner les besoins, les usages qu’on fait et peut-être aussi se poser la question de la dénumérisation qui va avec. Juste remplacer un outil en disant « j’ai cet usage ». Si je prends l’exemple des réseaux sociaux, on essaye, ce n’est pas facile en ce moment, on a petit enjeu à faire passer nos acteurs économiques de Facebook à Mastodon, et ce n’est pas décorrélé du fait de se demander si vraiment leurs interactions avec leur communauté doit forcément passer par un réseau social. On est obligé de faire les deux pas en même temps.

Louis Derrac : Je veux bien enchaîner. Je vais répondre aux deux questions d’un coup puisque j’avais noté deux-trois trucs sur la première.
Pour compléter, puisque je suis évidemment totalement en phase avec ce qui a été dit, j’aimerais rajouter l’idée que, ce sera un fil conducteur, le numérique est politique. Évidemment, quand on dit « le numérique », comme l’a rappelé Yaël, on veut dire énormément de choses, en tout cas, toute technologie numérique est politique dans le sens où elle relève de choix, de rapports de pouvoir, etc. Là-dessus, je vous renvoie notamment à l’ouvrage de Yaël et Irénée.
À partir du moment où, d’une part, les technologies numériques sont politiques, ça va même un petit peu sur la manière dont on est les nomme. En ce moment, sans en être du tout un expert, je me passionne pour les termes. Même s’il ne faut pas s’interdire d’utiliser certains termes, parce que, pour des raisons pratiques, comme d’ailleurs on vient de l’évoquer dans le cas d’Emancip’Asso, à un moment, il faut qu’on s’exprime. C’est bien de rappeler que « le numérique », ça ne veut rien dire et, en même temps, on n’arrête pas de l’utiliser, parce que c’est pratique, mais « numérique éthique » c’est, pour moi, un oxymore. Ça fait partie de cette galaxie d’oxymores. Yaël a très bien fait de revenir sur cette histoire d’analyse des cycles de vie. Quand on connaît, quand on sait à quoi ressemble la vie de nos outils numériques qui démarre dans les mines en Afrique, dans des conditions effroyables, en zones de conflit, des enfants qui travaillent, puis qui sont fabriqués dans des usines, globalement en Asie, pareil, exploitation humaine, etc., en fait « numérique éthique » ne veut rien dire. La question c’est : pourrait-il l’être ? Est-ce possible ? Là, j’aime bien poser la question : savez-vous ce qu’est une mine éthique et avez-vous envie d’aller dans une mine, un jour par semaine pour contribuer ?, parce qu’on y pense ; se dire que, peut-être, il faudra qu’on travaille un jour par semaine, tous, dans les champs, si on revient à une agroécologie. Mais seriez-vous prêt à aller travailler un jour par semaine, dans une mine ? Une mine, que, évidemment, on aurait re-délocalisée en Europe parce que, à un moment, foutre le bordel dans les autres pays, ça ne va plus être possible, donc dégueulasser nos propres sols.
Donc numérique éthique, ça me questionne.
Numérique responsable, autre oxymore, ça me questionne, de la même manière que, évidemment, la croissance verte, l’inénarrable consommation responsable ou l’énergie propre.
Du coup, la notion d’éthique est floue, d’ailleurs on voit que la régulation court après et c’est intéressant de voir que les GAFAM l’ont bien compris, ils ont tous des politiques dont on pourrait parler, je pense que Yaël pourrait en parler bien mieux. Ils ont aussi un pôle lobby, un gros pôle de lobbyistes et je pense qu’ils ont beaucoup plus d’argent que le politique.
C’est pour cela, peut-être qu’on en reparlera, que je préfère pousser la notion de « numérique acceptable », parce que je trouve que j’arrive à utiliser ces deux termes sans me dire que je suis face à un oxymore : c’est acceptable dans le sens où on est prêt à tolérer des outils et des technologies numériques parce qu’elles nous rendent un service suffisant pour qu’on accepte la face cachée, le côté noir.
Pour répondre à la deuxième question très rapidement, donc les alternatives plus éthiques, en commençant par ce qui vient d’être dit, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’alternatives parfaites. Elles existent et effectivement, comme cela vient d’être dit par Marie-Charlotte, pour moi ça commence par vraiment repenser son rapport au temps, à l’efficience, à la vie privée, au progrès, parce qu’on a effectivement digéré, en un espace de temps très court, une tonne d’outils qui, aujourd’hui, nous paraissent absolument indispensables, alors qu’à la base on ne les avait même pas désirés, c’est-à-dire que ce n’était même pas un souhait. Je prends l’exemple de la cartographie : personne n’a jamais désiré Google Maps, mais, aujourd’hui, vous discutez avec des gens, c’est devenu quelque chose d’indispensable. Même si vous leur dites qu’il existe plein d’alternatives éthiques à Google Maps, ils vous diront « je perds dix minutes sur mon trajet, parce que je n’ai pas le trafic, je n’ai pas tous les commerces. Vous vous rendez compte, il faut que je me renseigne sur des sites, etc. », donc rapport au temps, rapport à l’efficience et je peux multiplier les exemples par 1000.
Ce qui est complexe dans le monde numérique, et je finirai sur ça, c’est que plus les services sont dominants, plus on est nombreux à les utiliser, plus on les nourrit de nos données, donc plus ils sont performants. On appelle ça les effets de réseau : dans les réseaux sociaux, plus on est nombreux sur un réseau, puis il a d’utilité pour ses utilisateurs ; ou les effets de rendement croissant : plus on utilise un outil comme Google, plus on nourrit l’algorithme de Google de nos données et plus cet outil est performant.
Donc, pour aller vers des alternatives, il faut nécessairement accepter de perdre en niveau de confort, d’efficience et de temps, parce que, en fait, ce n’est pas possible d’avoir les deux.

Guillaume Lung Tung : Merci. Richard.

Richard Hanna : Je voudrais ajouter quelque chose là-dessus.
La première alternative, finalement, au numérique non éthique, c’est finalement pas de numérique, c’est peut-être renoncer au numérique, c’est dé-numériser, c’est même renoncer, démanteler comme un certain Alexandre Monnin prône dans ses écrits, plutôt qu’inventer autre chose. Comme on l’a dit, le numérique ne peut pas être éthique. Si on regarde la traçabilité de l’approvisionnement en terme environnemental et social, mais aussi les activités mêmes du numérique, le fait que ça soit addictif, etc. C’est tout cela toute l’ambivalence du numérique. C’est à la fois émancipateur, tout ce que prône Framasoft : le lien à autrui, l’apprentissage, l’éducation populaire, etc., qui est favorisée par le numérique. C’est à la fois émancipateur, mais c’est aussi aliénant du fait que c’est addictif. Je pourrais continuer, mais je m’arrête là.

Guillaume Lung Tung : Merci, c’est très clair.
Là, on a vu beaucoup tous les travers écologiques, sociaux, humains, du numérique et clairement, dans l’enjeu écologique qu’il y a aujourd’hui, la crise écologique et aussi sociale, on peut se demander si ça vaut le coup de mettre de l’énergie et du temps à se questionner, comme aujourd’hui, sur le numérique. Là, vous, spécialistes du numérique, vous êtes aussi un peu en train de dire que ce serait pertinent de mettre plus d’énergie à faire machine arrière et à dé-numériser. Ça serait ça ? Qui veut prendre celle-là ?

27’11

Yaël Benayoun : Je m’étais noté plein de trucs. Je voulais juste revenir un peu ce qui a été dit et répondre à cette question, peut-être en la tournant un petit peu différemment.
Je crois que c’est Louis qui disait qu’on peut garder le terme numérique parce que tout le monde l’utilise. En fait, je n’en suis pas sûre. En ce moment, je suis en observation dans un chantier d’insertion, typiquement j’ai très vite arrêté dire le mot numérique parce que, précisément, c’est tellement fourre-tout que ça ne parle pas à plein de gens, voire ça ferme, « le numérique, ce n’est pas pour moi », alors qu’en fait ordinateur si, informatique oui, téléphone oui, Internet oui. Finalement, ce terme englobant, c’est juste un petit truc, et ce n’est pas totalement inutile de dire qu’il y a plein de trucs derrière et je pense qu’il faut faire un peu attention à ceux à qui on parle, etc. Ce qui est intéressant sur ce que je suis en train de faire, là où je suis, je suis partie là-bas officiellement pour regarder les besoins numériques et c’est ce que disait Charlotte, en fait ces besoins pour qui ? À un moment, tu observes des gens qui se retrouvent à être en difficulté dans des situations parce qu’ils n’ont pas une certaine maîtrise ou certains outils, du coup ils sont en difficulté. Et, s’ils ne sont pas en difficulté, n’est-ce pas parce qu’ils font tout en papier ?, et là, en l’occurrence, ils font vraiment tout en papier, ont-ils des besoins ? Là, on revient sur ce qu’on disait avant, le truc un peu politique de cette notion de besoin qui, en fait, est besoin pour qui, pourquoi ? En revanche, ils en ont besoin pour répondre à des appels à projets pour avoir de la thune, donc là ils ont besoin. Et aujourd’hui, il n’y a pas 36 milliards de personnes qui ont ces compétences en interne.
C’est juste pour faire attention à ce dont on parle.
Je voulais revenir, et ça a été dit, juste pour tirer le fil. Effectivement, je te rejoins complètement quand tu parles ce côté fourre-tout. Aujourd’hui, effectivement, le terme a glissé : à un moment on dit éthique, à un moment on dit responsable, maintenant d’intérêt général, avec toujours un peu de flou sur ce que tu mets derrière, avec plein de chartes éthiques. C’est vrai qu’il y a un truc qui est peut-être intéressant : par exemple, en philo politique, qu’est-ce qu’on entend par éthique ? Normalement on a quand même une notion de discussion en commun, en tout cas de discussion, après ça demande qui on met dans le commun, c’est toujours la même question : qui est dans la discussion et qui n’est pas dans la discussion ? En tout cas, la dimension d’éthique peut avoir ce côté dialogique, qui dit qu’on n’a pas une norme, à un moment donné, qui va dire que les critères d’un truc éthique c’est ça, ça et ça, on est tous d’accord et ça ne bouge plus, mais dire qu’à un moment, c’est une sorte de discussion qu’on organise et qui permet d’avoir une norme socialement située, à un moment, et qui évolue avec l’évolution du groupe.
sauf que, ce qui est intéressant, si on prend ça comme une définition d’éthique appliquée aux questions numériques et aux choix technologiques, ça demande de savoir sur quoi on fait le choix, qui on met dans la boucle. C’est là où, pour répondre à la question que tu viens de poser, Guillaume, je trouve qu’on prend très mal le sujet en entrant par le numérique et la technique, en fait, ça devrait venir tout à la fin. La vraie question, je reprends un exemple que j’aime bien citer en ce moment : au Brésil, à un moment, ils mettaient en place, dans la constitution je crois, les universités avaient pour obligation d’intervenir dans les favelas. Plein intervenaient un peu n’importe comment, mais il y en a qui ont qui ont créé des trucs intéressants, notamment une, je n’ai plus le nom en tête, qui avait mis en place ce qu’ils appelaient des pôles de citoyenneté ; dit comme ça, c’est peut-être la traduction française, peut-être que ça donne mieux en brésilien et en portugais. En tout cas, l’idée c’était, à un moment, que des universités vont dans des favelas, qui ne décident pas et qui n’imposent pas ce qu’elles vont faire, mais qui organisent des comités et ce sont les habitants et les habitantes qui font les ordres du jour. Très concrètement, ils se sont organisés en pôles et des personnes s’occupaient des enfants, parce que, quand même, si tu les as dans les pattes, tu ne peux pas faire des trucs de fond, du coup ils faisaient des sortes d’éducation populaire avec les enfants, mais l’objectif principal, c’est d’occuper les enfants. Tu avais les juristes qui s’occupaient de la permanence juridique pour les gens qui étaient là, et les ingénieurs et les architectes aidaient à tous les travaux de réhabilitation qui étaient décidés par les habitants.
Pourquoi je fais ce détour ? Parce que la question ce n’est pas d’aller les voir et leur dire « hé ! Que voulez-vous comme outils numériques ? » ou « il faut que vous vous organisiez » ou « j’ai tel service, on va le travailler ensemble », c’est de repartir pour de vrai. Je ne sais pas si le terme de besoin est approprié, mais juste : que voulez-vous faire tous ensemble pour réhabiliter un quartier, pour je ne sais pas, aider telle personne ?, ou une question d’utilité sociale qui est hyper importante. En gros, tu travailles d’abord ton projet et, ensuite, tu tires les fils. Et si tu as du numérique dedans, normalement la question des outils qu’on utilise pour s’organiser, des outils qu’on crée, va arriver, est-ce que c’est low-tech, est-ce que ce n’est pas low-tech, en tout cas, ça arrive en dernier. Je trouve que si on arrive à faire ça et, du coup, à inverser la tendance dans la manière dont on fait le choix de nos outils, je pense qu’on prendrait le sujet un peu différemment.
Ça me fait penser, typiquement, à une expérimentation qui est faite aujourd’hui par le Mouvement Associatif de Bretagne, qui s’appelle, je crois, Transfo'Asso et c’est un peu le pari qu’ils ont fait. Ils accompagnent les associations dans leur transformation numérique. En fait, leur point d’entrée ce n’était pas du tout les questions numériques.
Dans Questions d’asso, un épisode va sortir avec, mine de rien, une association de Vannes qui fait de l’éducation populaire qui témoigne. Ils disent, et c’est intéressant, « on a juste discuté de la façon dont circule l’information au sein du collectif, qu’est-ce que ça veut dire en termes de répartition du pouvoir » et les questions des outils sont venues juste derrière. Si tu fais un groupe, que soit sur WhatsApp, Telegram ou je sais quoi, en fait il n’y a que ??? [33 min 22] dedans, tu fermes la discussion à tel groupe de personnes. Finalement, la discussion a plus porté sur les questions de circulation de l’information et des rapports de force au sein du collectif qui, après, été traduites dans les outils, que l’inverse. Je trouve que ce sont des choses intéressantes et c’est rarement pris dans ce sens-là.
J’espère que ça ne fait réagir personne.

Louis Derrac : Si ça fait réagir, si tu veux. Tu veux qu’on avance ?

Guillaume Lung Tung : Oui. On va avancer un petit peu et tu auras certainement l’occasion de revenir si tu souhaites rajouter quelque chose.
Je profite de ce que vient de dire Yaël. Dans les tiers-lieux justement, il y a quand même régulièrement cette culture d’essayer que les outils répondent à ce besoin d’organisation collective qui a pu être identifié, mais ça n’empêche pas, pour aller dans quelque chose de très concret, que le choix reste quand même très compliqué.
Tu parlais d’outils de communication, si on prend cet exemple d’avoir des canaux de discussion – je fais aussi un petit clin d’œil à un tiers-lieux.org qui est un peu dans cette problématique –, on a quand même le choix entre beaucoup de façons de faire, de la moins numérique – il n’y a pas d’outil, on s’appelle ou on se voit. Mais même, si on prend des outils numériques, il y a des outils propriétaires, Slack ou autre, il y a des outils libres qui vont être Rocket.chat, Mattermost, Matrix, etc. On peut auto-héberger son outil sur son propre serveur pour être dans une démarche décentralisée au risque, aussi, de se retrouver à trois personnes sur un canal de discussion, ou alors on peut faire le choix de technologies fédérées comme Matrix, Element, etc., mais ce n’est pas encore hyper accessible à des gens, donc, n’est-on pas en train de se tirer une balle dans le pied ?
Donc, comment un collectif qui a bien identifié son besoin, face à cette multiplication d’outils, peut-on s’aiguiller, pour ensuite, faire un choix ?

Angie Gaudion : Je peux revenir à quelque chose, c’est qu’il n’y a pas d’outil idéal. Du coup, il me semble que le choix de l’outil répond à un diagnostic des besoins – ce que disait Yaël, on revient toujours là-dessus – et, à un temps important de tests pour vérifier si l’outil est paramétrable pour correspondre à ses besoins et, après, on peut mettre des critères. C’est-à-dire que le la structure, l’organisation qui cherche un outil pour répondre à un besoin qu’elle a bien défini et sous toutes ses composantes, c’est donc plutôt un travail assez long. Le problème, aujourd’hui, c’est que tout cela ne se fait pas parce que personne ne veut prendre ce temps, ne veut prioriser, on va dire, ce travail de réflexion et de mise en contexte très forte des besoins. Cela fait que, très souvent, on ne prend pas non plus le temps finalement les propositions qui sont fournies. On prend celles qu’on connaît, donc souvent, effectivement, les outils des GAFAM parce qu’ils sont forcément mieux répartis qu’ailleurs. À la rigueur on a intégré des critères « éthiques », je mets des guillemets, du coup on va regarder ce qui existe dans ce champ-là, sachant qu’entre le Libre, l’émancipateur, le décentralisé, ça peut être plein de choses différentes, donc, il va déjà falloir aussi choisir à ce niveau-là. Et, ensuite, il va falloir trouver des structures ou des personnes au sein de la structure, qui vont pouvoir installer ou faire installer l’outil et former tout le monde. C’est donc une démarche qui est hyper longue. Il me semble qu’aujourd’hui le temps qui est donné à ce travail de choix, de pointage des outils, n’est pas du tout pris en compte et n’est pas financé, oui Yaël. Dans le MOOC Emancip’Asso, il y aura des pistes de financement, mais quand même !

Louis Derrac : Je veux bien enchainer, mais n’hésitez pas les autres.
Sur cette question, je commencerai par dire, pareil, qu’une des grandes mystifications du numérique en général et des technologies numériques, c’est de faire croire à une simplification, on simplifierait en numérisant, alors qu’en réalité c’est ultra complexe. Dès qu’on commence à avoir ce genre de discussion, on voit que ça le devient parce qu’il y a des tonnes d’injonctions contradictoires entre, par exemple, vouloir décentraliser et vouloir augmenter l’efficience énergétique du numérique. Les deux sont totalement des objectifs divisés, c’est-à-dire, en gros, d’un point de vue énergétique et d’un point de vue de consommation d’eau, un datacenter sera toujours mieux. Je dis ça, je fais attention, peut-être que l’on va trouver des trucs, en tout cas aujourd’hui, c’est bien mieux d’avoir un gros datacenter ultra optimisé que d’avoir tous nos petits serveurs chez nous. Il faut donc mesurer ces tensions.
Après, je reviendrai sur le fait que le numérique c’est politique. C’est là que quand on est sur les choix dont on parle, ce qui se passe, finalement aujourd’hui, c’est que les choix d’outils numériques, les choix techniques, sont laissés, reviennent souvent à des personnes techniques qui sont soit des DSI, des directions des systèmes d’information dans des grosses structures, soit au geek ou à la geek de l’asso quand c’est une plus petite asso, donc c’est dé-politisé. Donc, la question de se dire que le choix de l’outil n’est pas anodin c’est un impensé total, parce que les acteurs ont bien fait leur boulot, parce que, encore une fois aujourd’hui, on n’a pas encore pris totalement la mesure de ce que représente, en termes d’enjeux de pouvoir, en termes aussi d’impacts sociaux et écologiques du numérique, même si ça progresse, ce n’est pas encore tout à fait bien travaillé. Donc, quand on réalise que ces choix sont politiques, c’est, je pense, là qu’on peut mesurer l’écart entre les valeurs d’une structure et les outils qu’elle utilise.
J’ai l’impression de voir de plus en plus de lieux qui sont, pour moi, des lieux qui ont des valeurs fortes, qui sont chez Enercoop pour l’énergie, et je serais très curieux de les interroger sur leurs outils numériques. Je suis prêt à parier que c’est soit un impensé soit ils sont chez Google, parce que c’est moins cher, voire c’est gratuit, parce que c’est plus simple, et c’est un impensé, c’est-à-dire que c’est même pas encore forcément une dissonance cognitive, c’est souvent un impensé.
Pour moi, le point de départ c’est vraiment se redire que le numérique est politique. Une fois qu’on a compris qu’on a des valeurs, quelles sont-elles, quels outils numériques, du coup, sont à notre disposition et après, comme l’a dit Angie, il n’y a pas d’outil idéal. Parfois, il faut aussi assumer certaines de ces contradictions, pour moi y en a une qui est très claire : si vous êtes une structure d’intérêt général qui a besoin de faire du plaidoyer grand public, aujourd’hui vous passer des réseaux sociaux dominants est impossible, c’est vous tirer une balle dans le pied ! Mais, si vous avez, à un niveau stratégique et politique de votre structure, décidé que vous assumiez cette contradiction, que ça existe quelque part, que vous êtes présent sur les plateformes alternatives, que, peut-être, vous avez une visibilité privilégiée sur ces plateformes, vous pouvez déjà faire un certain nombre de choses pour faire en sorte que les gens ne soient pas obligés de vous suivre sur Instagram ou Twitter parce que vous leur avez offert d’autres moyens de vous suivre, ce qui n’est pas toujours le cas des structures. Et là, on a déjà passé un cap de dire « tous ces choix sont politiques, on n’a pas fait exactement les choix qu’on voulait parce qu’on n’est pas dans le meilleur des mondes. En revanche, on a vraiment travaillé sur l’écart ».
Pour moi, le point de départ c’est politiser les choix et ensuite, on revient à des accompagnements de transformation « numérique », entre guillemets, alternumériques, culturels ou organisationnels d’une structure.

Marie-Charlotte Woëts : Est-ce que je peux compléter ? C’est une discussion que j’ai déjà eue avec Louis par ailleurs. C’est vrai que je fréquente beaucoup d’associations, on voit qu’il y a un problème de raccord entre les valeurs que met l’association dans son discours ou dans son projet associatif et le numérique, parce qu’il y a vrai impensé, je suis d’accord avec ça.
Je trouve que c’est aussi une histoire de terminologie, parce qu’on parle beaucoup d’outils numériques et, très vite, dans la tête des gens, un outil n’a pas de morale ; un tournevis c’est un tournevis, il y a un petit peu ce truc-là. Je pense que c’est aussi cela qui fait qu’on ne pense pas dans une globalité et dans une version politique par le choix de ce qui est employé et par le choix de ce qu’on a dit tout à l’heure sur la question de l’efficience, de la productivité aussi et de l’amélioration.
Pour parler plutôt du milieu associatif, on voit que tout ce qui est poussé vers les associations pour leur organisation est vraiment présenté dans le choix d’un outil qui va améliorer le fonctionnement, qui va améliorer leurs rapports, leur gouvernance, tout ça, mais jamais on ne vient questionner pourquoi cet outil-là et pas un autre, y compris, parfois, des outils qui sont propulsés par des institutions, par l’État, auprès des associations.

44’ 09

Guillaume Lung Tung : Une dernière question