« Émission Libre à vous ! diffusée mardi 9 juillet 2024 sur radio Cause Commune » : différence entre les versions

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==Le deuxième texte : retranscrire, mettre en valeur et partager des textes de femmes via les communs numériques==
==Le deuxième texte : retranscrire, mettre en valeur et partager des textes de femmes via les communs numériques==


<b>Frédéric Couchet : </b> Nous allons poursuivre par notre sujet principal
<b>Frédéric Couchet : </b> Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur Le deuxième texte : retranscrire mettre en valeur et partager des textes de femmes via les communs numériques. Ce sujet est animé par Laurent Costy, vice-président de l’April, avec nos invités Clara Verdier et Fil.<br/>
Laurent, te passe la parole.
 
<b>Laurent Costy : </b>Merci.<br/>
<em>La corbeille</em>
« Choisis-moi, dans les joncs tressés de ta corbeille,<br/>
Une poire d’automne ayant un goût d’abeille,<br/>
Et dont le flanc doré, creusé jusqu’à moitié,<br/>
Offre une voûte blanche et d’un grain régulier.<br/>
Choisis-moi le raisin qu’une poussière voile<br/>
Et qui semble un insecte enroulé dans sa toile.<br/>
Garde-toi d’oublier le cassis desséché,<br/>
La pêche qui balance un velours ébréché<br/>
Et cette prune bleue allongeant sous l’ombrage<br/>
Son œil d’âne troublé par la brume de l’âge.<br/>
Jette, si tu m’en crois, ces ramures de buis<br/>
Et ces feuilles de chou, mais laisse sur tes fruits<br/>
S’entre-croiser la mauve et les pieds d’alouette<br/>
Qu’un liseron retient dans son fil de clochettes.<br/>
 
C’est un poème intitulé <em>La corbeille</em> tiré du recueil tandis <em>Tandis que la terre tourne,</em> de Cécile Sauvage, édité en 1910 au Mercure de France.<br/>
C’est toujours passionnant de préparer une émission, parce qu’on découvre plein d’univers qu’on ne soupçonne pas. On va découvrir tout cela aujourd’hui, avec l’association Le deuxième texte.<br/>
On accueille donc, comme l’a dit Frédéric, Fil et Clara qui vont se présenter respectivement. Clara.
 
<b>Clara : </b>Bonjour. Merci pour l’invitation. Je m’appelle Clara et ça fait deux ans et demi maintenant que je suis au Deuxième texte. Pour ma part, je ne suis pas arrivée tout à fait au début de l’association, mais à un atelier, en fait un peu comme ça. Je cherchais à m’engager pour la cause féministe au départ, j’étais déjà convaincue, mais je ne savais pas exactement comment m’impliquer. C’était juste après la sortie du livre, je ne sais pas si vous en avez entendu parler, <em>Le génie lesbien</em> d’Alice Coffin, qui incite notamment à remplir sa bibliothèque d’écrits de femmes parce que, finalement, on en lit très peu au cours de sa vie. C’est comme cela que j’ai décidé de m’engager dans cette association qui met justement à disposition de tous des textes de femmes en libre accès pour essayer de changer un peu nos représentations.
 
<b>Laurent Costy : </b>L’association fait pas que ça on va on va me parler pendant 45 minutes à peu près.<br/>
Fil.
 
<b>Fil : </b>Bonjour. Je m’appelle Fil. Je suis dans l’association depuis sa création. J’y suis resté d’abord parce que l’équipe était chouette et c’est quand même quelque chose de plutôt motivant ; que j’étais assez convaincu par l’importance du bénévolat et des communs numériques, les communs en général et les communs numériques en particulier ; et puis que le contexte autour de l’égalité femmes-hommes et du besoin de plus de diversité me touchait. En particulier, on est parti sur un projet qui était de rendre plus accessibles les textes de femmes, indépendamment du milieu dont on venait, des revenus qu’on avait, etc. Du coup, en particulier, participer plutôt à l’éducation en France pour permettre d’avoir de nouveaux repères, y compris dès l’enfance.<br/>
J’ai une formation en informatique, ça m’avait aussi poussé vers les communs numériques, à la recherche publique qui, elle aussi, m’a poussé vers les communs numériques.
 
<b>Laurent Costy : </b>Merci Fil. Du coup, il va falloir nous expliquer un petit peu ce qu’est Le deuxième texte, l’association Le deuxième texte, pourquoi c’est né, comment c’est né. Qui veut commencer ? Clara ou Fil ?
 
<b>Clara : </b>Fil est l’un des fondateurs de l’association, donc peut-être qu’il veut raconter l’histoire.
 
<b>Laurent Costy : </b>On lui laisse raconter l’histoire. Merci Clara.
 
<b>Fil : </b>En mars 2017, un hackathon de trois jours a été organisé à la fois par le ministère de l’Égalité femmes-hommes, une organisation sur trois jours avec plein de gens qui se regroupent et qui ont envie de pousser un objectif commun. Initialement, les hackathons ça vient de tout ce qui est informatique, mais, là, c’était dans l’objectif de travailler à améliorer l’égalité femmes-hommes autour des communs numériques, des données en particulier. Il y avait Laurence Rossignol, qui était la ministre de l’Égalité femmes-hommes [ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes], et Etalab, une structure d’État qui permet de faciliter le service public par l’usage des données.<br/>
Ils ont donc organisé cela dans un contexte qui était vachement agréable. Pour vous donner une idée : pour faciliter la participation des jeunes parents, il y avait une garderie qui permettait d’initier les jeunes enfants au développement, à la programmation, d’une manière un peu ludique, ce n’était pas Scratch, ça pouvait être beaucoup plus tôt. Scratch est un langage d’initiation au développement.
 
<b>Laurent Costy : </b>Avec des briques, tout coloré.
 
<b>Fil : </b>Exactement, tout à fait, quelque chose qui facilite. On avait donc un cadre qui était vraiment agréable, bienveillant, des coachs venaient nous aider. C’était extrêmement agréable, le contexte était enrichissant, bref ! C’était bien, super chouette. On a travaillé pendant trois jours. On avait la chance d’avoir des gens qui avaient des compétences vraiment complémentaires à la fois dans numérique, dans la communication, dans la recherche et l’utilisation des données, dans tout ce qui est aussi animation de communauté, on a donc pu produire une maquette, on a remporté un prix et, suite à ce prix, on s’est dit que c’était vraiment trop dommage de s’arrêter, on va essayer de continuer. On a donc créé une association pour pouvoir prolonger cet engagement.
 
<b>Laurent Costy : </b>D’accord. Les personnes qui ont créé l’association se connaissaient avant ou, finalement, c’est cette rencontre, ce hackathon en mars 2017, qui a fait que vous avez, après, poursuivi ensemble sans vous connaître en amont ?
 
<b>Fil : </b>On avait un noyau dur, on avait trois personnes qui se connaissaient auparavant ; d’autres personnes sont venues sur place, nous ont rejoints et ont permis de compléter les compétences de l’équipe de manière assez intéressante, parce que, forcément, il y avait un biais dans les compétences qu’on avait puisqu’on se connaissait et on venait plus ou moins du même milieu, en fait on venait initialement d’une association qui s’appelait la Confédération des jeunes chercheurs, feu association qui s’intéressait aux jeunes chercheurs étonnamment.
 
<b>Laurent Costy : </b>Étonnamment ! Donc six mois après ce hackathon en 2017, création de l’association. Clara, du coup, que le nom a été choisi pour cette association et pourquoi ce nom ?
 
<b>Clara : </b>En tout cas, le nom qui a été gardé aujourd’hui c’est Le deuxième texte, ça fait référence au <em>Deuxième Sexe</em>, le livre de Simone de Beauvoir qui a été écrit il y a maintenant quand même quelque temps Au tout départ, ça s’appelait George Le deuxième texte. C’est d’ailleurs le lien qui a été gardé pour notre site web. George faisait référence à ce nom qu’employaient beaucoup de femmes autrices, en fait simplement pour pouvoir être publiées à l’époque ; on pense surtout à George Sand qui est la plus connue d’entre elles.
 
<b>Laurent Costy : </b>Dans les nombreux liens auxquels on fait référence, sur la page de l’émission, vous verrez effectivement apparaître le mot « george ». Maintenant, vous avez l’explication de pourquoi on retrouve on retrouve ce prénom.<br/>
Du coup, au fil temps l’objet de l’association se consolide. On peut peut-être préciser un peu l’objet de l’association, les différents buts.
 
<b>Clara : </b>Bien sûr. Un premier but était plus orienté vers les enseignants, les universitaires, tous ceux qui enseignent à un moment ou un autre. Il s’agissait de trouver, tout simplement, des alternatives pour les manuels scolaires, en fait pour avoir des autrices à étudier en cours, essentiellement. On a notamment créé un portail qui permet de se documenter à ce sujet-là.<br/>
On a essayé également de pousser vers la création de chiffres, puisqu’il existe très peu de chiffres pour parler des autrices, on ne sait pas exactement quelle est la proportion d’auteurs ou d’autrices aujourd’hui dans les différents genres littéraires, etc. On a essayé également de mettre en lumière tout cela pour poser le constat, pour voir comment on pouvait changer ça aussi.
 
<b>Laurent Costy : </b>C’est ça, essayer d’abord de faire un constat, voir combien d’auteurs étaient étudiés, d’autrices étaient étudiées et, justement, de mettre en évidence ce chiffre-là. Et mettre en évidence ce chiffre-là était déjà une forme de démonstration finalement. Très bien.
 
<b>Clara : </b>Ça venait aussi d’un constat. En fait, une pétition est sortie en 2017, je sais pas si ça va vous parler, qui a recueilli 20 000 signatures pour dénoncer l’absence d’autrices au bac littéraire, menée par une enseignante qui s’appelle Françoise Cahen, du Val-de-Marne. Cela nous avait effectivement beaucoup impactés et c’est aussi pour cela que des personnes s’étaient mobilisées pour ce hackathon. C’est un peu dans cet ordre-là que les choses se sont faites.
 
<b>Laurent Costy : </b>Très bien. Du coup, l’usage du mot « autrice » a un peu émergé à ce moment-là ? Ça allait un peu avec le processus ou pas du tout ?
 
<b>Clara : </b>Je ne sais plus exactement quand est-ce qu’a réémergé le mot « autrice », en tout cas c’est un mot dont on n’a pas l’habitude de l’usage aujourd’hui, on a tendance à dire « auteur » ou auteurE, d’ailleurs, c’est ce qui est recommandé par l’Académie française encore aujourd’hui. Ça correspond effectivement à une période, donc en 2017, où Éliane Viennot, Aurore Évain aussi, qui est pas mal médiatisée, qui avaient justement ressorti des vieux textes pour montrer qu’en fait « autrice » est un mot qui a toujours existé en français, qui permet justement de marquer davantage le féminin, de ne pas dire toujours « auteur » comme si c’était le générique. On a donc décidé, de manière un peu militante d’une certaine manière, de réutiliser le mot « autrice » qui est d’ailleurs maintenant accepté dans le langage d’aujourd’hui, en 2024.
 
<b>Laurent Costy : </b>D’accord. Pour essayer d’être le plus inclusif possible dans l’écriture et, effectivement, éviter d’oublier un peu la deuxième partie de l’humanité.<br/>
Très bien. Fil, as-tu des choses pour compléter, par rapport à cet objet ?<br/>
Du coup, on va rentrer dans le concret, dans le dur finalement : que fait l’association maintenant au quotidien ? Depuis sa création, quelles sont les grandes actions et puis les choses dont vous dont vous pouvez être fiers et aussi le cumul de ces actions-là dans le temps, le retour ? Maintenant vous pouvez commencer à avoir aussi un retour par rapport à ce que vous avez lancé il y a maintenant six/sept ans, c’est ça ? On vous écoute. Il y a un blog, si j’ai bien compris, où vous concentrez pas mal d’informations. Vas-y Fil.
 
<b>Fil : </b>Tout à fait. En fait, on a commencé par faire un blog, en même temps que ce portail pour essayer de trouver des autrices, où on a recensé toutes les informations qu’on trouvait dans notre état des lieux On a donc commencé par rassembler des informations : quelles sont les autrices sont disponibles sur le site de la Bibliothèque nationale de France, par exemple, ou dans Wikidata, un site qui est associé à Wikipédia, qui permet de faire base de données derrière, qui permet de recenser tous les chiffres, les dates de naissance, etc.<br/>
On a donc commencé à publier ces statistiques, entre autres avec les statistiques institutionnelles : combien on avait de texte au niveau des manuels scolaires, combien on avait de textes de femmes, combien on avait d’autrices qui étaient étudiées dans les textes des concours, des diplômes, etc. Du coup, on s’est attaqué aussi à des choses plus légères, qui montrent aussi le sexisme dans la société : la présence des femmes dans les biopics, les films qui sont inspirés par des femmes, des femmes de lettres entre autres ; on s’est intéressé aux portraits dans les musées, on a même fait des statistiques sur les citations présentes à l’intérieur des papillotes Révillon et on s’est rendu compte qu’il y avait moins de 1,1 % d’autrices sur les 600 chocolats qu’on a mangés en 2019. Eh bien, en 2023, suite à notre interpellation, ou pas, en tout cas Révillon a évolué puisqu’on était à 51,6 % d’autrices.
 
<b>Laurent Costy : </b>Pour que les gens comprennent bien : dans les chocolats il y a des citations et il y en avait 2 sur 100 qui étaient des citations de deux femmes ! OK, je comprends mieux.
 
<b>Clara : </b>Il y en avait 7 sur 600.
 
<b>Laurent Costy : </b>Ah oui ! 7 sur 600, ce n’est pas beaucoup !
 
<b>Clara : </b>Il a fallu manger beaucoup de chocolat.
 
<b>Laurent Costy : </b>Du coup, après, ça a évolué. Vous avez fait une interpellation à l’entreprise directement ? Vous avez un courrier ?
 
<b>Fil : </b>Pas un courrier, on les a interpellés sur les réseaux sociaux.
 
<b>Laurent Costy : </b>Bien sûr, ce sont les moyens modernes, excusez-moi je suis un peu <em>old school</em>.
 
<b>Fil : </b>On les a interpellés, on leur a dit qu’il y avait un souci là-dessus, de la même manière qu’on a interpellé Google en disant « il nous dit que « autrice » c’est erroné, il y a un problème ». Donc on a interpellé des gens.
 
<b>Laurent Costy : </b>Excuse-moi. « Autrice », c’est erroné, c’est-à-dire ?
 
<b>Fil : </b>Pour les gens qui utilisaient Google, le mot « autrice » était souligné en rouge en disant « il y a une erreur ». Donc, on a essayé d’interpeller des éléments qui participaient en masse au monde, on va dire, donc, des sites très utilisés, des produits très utilisés, et puis aussi ceux qu’on avait sous la main d’où Révillon, on allait bien manger des chocolats à Noël.
 
<b>Laurent Costy : </b>Très bien. Une des premières étapes, c’est finalement essayer d’y voir clair, essayer d’identifier quelle est la réalité, se baser sur des chiffres, des statistiques et ça rejoint après la question peut-être des données ouvertes, qui est aussi quelque chose qui vous tient à cœur.
 
<b>Clara : </b>Oui effectivement. Par exemple, quand on fait la démarche de produire des statistiques, on essaye toujours d’être transparents sur cette démarche-là. Le fait qu’on choisisse Wikidata, qui n’est pas quelque chose de sombre, ce n’est pas une boîte noire d’informaticien, n’importe qui peut l’utiliser. En fait, dans nos billets de blog, on propose la démarche à suivre, parfois on propose des vidéos à suivre aussi, donc n’importe qui peut reproduire ça chez soi, dans n’importe quel domaine de la société.
 
<b>Laurent Costy : </b>Vous donnez la recette avec laquelle vous êtes arrivés à produire la statistique. Comme ça, les gens peuvent critiquer, éventuellement recalculer s’il y a des erreurs, etc., puisque tout le monde peut faire des erreurs. On a donc la recette et on est capable de reproduire le calcul si on le souhaite. OK. Merci.<br/>
 
<b>Clara : </b>Tu veux enchaîner, Fil ?
 
<b>Fil : </b>Peut-être pour compléter sur les données qu’on va utiliser. Celles qu’on utilise seront, en général, des données ouvertes pour qu’on puisse les ré-exploiter, les réutiliser, que les personnes qui sont intéressées puissent faire de même ; on va essayer d’éviter d’utiliser des données qu’on nous a données sous le manteau.<br/>
De la même manière, quand nous allons produire des données, comme le nombre de textes de femmes qui ont été étudiées dans un concours, on va en faire un dépôt, une archive ouverte, quelque chose qui va être accessible à tout le monde et qui peut être ré-exploité, y compris par la recherche par exemple. C’est une matière première qui est ouverte, réutilisable derrière.
 
<b>Laurent Costy : </b>Où déposez-vous ça du coup ?
 
<b>Fil : </b>Entre autres on va avoir un dépôt sur data.gouv.fr, en fait un site de l’État, un endroit qui est dédié à pouvoir rendre accessibles, on va dire, des données ouvertes. On va aussi avoir des données sur Wikidata, sur Wikisource, on en reparlera un petit peu plus tard.
 
<b>Laurent Costy : </b>Très bien. Du coup, je me permets un petit aparté. C’est vrai que la question des données ouvertes, de l’open data, de data.gouv, montre que l’État se soucie, se questionne par rapport à ça, donc c’est plutôt intéressant, ça fait plusieurs années que l’État se pose des questions et essaye de contribuer un peu à cette ouverture des données. Maintenant, je fais référence à un texte de Christophe Masutti, qui a été référencé dans la dernière revue de presse de l’April. Il y a une tendance à se dire que les communs et les data c’est important, mais Christophe Masutti écrit un peu qu’il faut aussi faire attention à ne pas assécher les communs numériques. Il y a une volonté de l’État de contribuer, mais, parfois, c’est un peu maladroit parce que ça vient assécher, ça oublie tout ce qu’il y a derrière, les gens qui contribuent, et ça oublie de nourrir aussi tout l’écosystème initial. J’essaierai de penser à mettre ça, je ne l’ai pas encore mis, dans la page des références de l’émission. Ce texte-là est intéressant parce que, justement, il apporte un regard un peu objectif sur la façon dont l’État approche la question de l’open data. Ils ont bien compris que c’est important, mais, parfois, ils sont un peu maladroits sur l’approche. C’était une petite parenthèse, excusez-moi. Quand j’ai lu la préparation de l’émission, je me suis dit que c’était intéressant de faire ce lien avec le texte que Christophe Masutti, une personne de Framasoft, a produit récemment.<br/>
On a on a parlé du blog que Le deuxième texte a produit, finalement c’est la première action qui a permis de communiquer un peu sur toutes les actions qui étaient mises en œuvre. Sur le blog, avez-vous encore des choses à dire ou, peut-être, voulez-vous évoquer les actions suivantes ?
 
<b>Clara : </b>On peut peut-être enchaîner, puisqu’on n’a pas seulement un blog, on a aussi un moteur de recherche qui aide à trouver des autrices. Comme on l’a dit, on a essayé de faire des statistiques, notamment sur les manuels scolaires, qu’on a voulu, après, rendre accessibles. Par exemple, il faut savoir qu’au brevet, jusqu’en 2017, il y avait 22 % de femmes enseignées pour 88 % d’hommes ??? [28 min 28] et plus on monte dans les classes supérieures, plus ce chiffre diminue, ce qui n’est pas forcément intuitif, puisqu’on tombe, par exemple au bac, à 9 %, donc une personne sur dix seulement, et, pour l’agrégation c’est à peu près pareil, 8 % de femmes enseignées.
L’idée c’était donc d’avoir un moteur de recherche intuitif, facile à utiliser, qu’on puisse trouver une alternative aux auteurs qui étaient proposés dans les manuels scolaires ou par rapport à une thématique scolaire. C’était plutôt quelque chose qu’on mettait en regard toujours par rapport à un homme. C’est quelque chose qu’on a fait évoluer par la suite, puisqu’on voulait que les femmes ne soient pas toujours reliées à des hommes, qu’elles puissent aussi exister en tant qu’autrices à part entière, qui ont parfois leurs propres mouvements.
 
<b>Laurent Costy : </b>Sans dire « c’est la femme de untel », c’est ça, sans systématiquement les associer au travail d’un homme.
 
<b>Clara : </b>Pour les surréalistes on va toujours parler d’André Breton et on ne va jamais parler des femmes autour. C’est bien aussi de dire qu’elles ne sont pas là que par rapport aux hommes qui existent déjà dans le mouvement. On a donc décidé de faire quelque chose plutôt par rapport à qui est contemporain de qui. C’est donc comme cela que fonctionne le moteur de recherche aujourd’hui. Une fois que vous arrivez sur cette page, on vous propose du contenu pédagogique associé pour vous aider à enrichir vos cours, puisque, malheureusement, c’est parfois difficile de trouver des informations sur le sujet, ça peut donc renvoyer vers divers sites. Tout à l’heure, on parlait de la BNF ou de Wikidata, c’est principalement ça.
 
<b>Laurent Costy : </b>Je suis allé voir le moteur de recherche « Autrices », et l’exemple qui est donné, avant qu’on puisse saisir quelque chose, c’est Pierre de Ronsard qui est mentionné. C’est volontaire ? Je t’embête !
 
<b>Fil : </b>Tout à fait. Mais, comme le disait Clara, historiquement on est parti sur des figures d’alter ego. On s’est dit « je suis prof de français, j’ai l’habitude d’étudier Ronsard, j’ai l’habitude d’étudier Verlaine, j’ai l’habitude, etc. Du coup, je voudrais trouver des alternatives, pas forcément parce que je suis convaincu, ça peut être tout bêtement parce que j’en ai marre d’utiliser les mêmes auteurs ». Par défaut, effectivement, on a commencé par un auteur qui semblait beaucoup étudié et on s’est dit « qui est-ce qu’on pourrait trouver d’autre ? » Les programmes ont évolué, mais, à l’époque, il y avait des notions qui étaient souvent liées aux mêmes époques, typiquement on avait, pendant le Siècle des Lumières, des notions qui ont été beaucoup étudiées par les auteurs et les autrices de l’époque. On s’est dit « on va essayer de trouver des personnes qui vivaient à la même époque », d’où le terme « alter ego ». L’idée, ce n’est pas forcément « la femme de », ça peut être tout bêtement « on aimerait avoir Olympe de Gouges, par exemple, quand on parle de liberté » ; connue, elle choque, mais efficace
 
<b>Laurent Costy : </b>OK. C’est donc moi qui n’avais pas compris la logique du moteur de recherche, tout simplement. Ce n’est pas une erreur de l’association Le deuxième texte.<br/>
Je t’en prie Fred, tu voulais intervenir.
 
<b>Frédéric couchet : </b>Je vais juste relayer la question de Marie-Odile, et la réponse de Clara, sur le salon web. Vous pouvez nous rejoindre sur causecommune.fm, bouton « chat » et salon #libreavous. Elle demande qu’elle est la formation de Clara. Clara a répondu sur le salon, je vais lui demander de répondre aussi à la radio.
 
<b>Clara : </b>Oui, en direct. Comme formation, j’ai fait un master de sociologie et de statistiques, d’où le goût pour les statistiques.
 
<b>Laurent Costy : </b>Ah oui ! C’est effectivement important de le préciser. Je comprends mieux !
 
<b>Clara : </b>Je fais encore des statistiques aujourd’hui dans mon métier, pour la sociologie, c’est peut-être ça qui m’a beaucoup sensibilisée aux thématiques d’égalité de genre, ce genre de choses.
 
<b>Laurent Costy : </b>Très bien, merci, cette précision était importante.<br/>
Par rapport au moteur de recherche, est-ce qu’il y a encore des choses à éclairer ?
 
<b>Clara : </b>Je voudrais peut-être dire qu’on produit des chiffres, on donne un outil utile à tous pour rechercher des autrices et, après, on essaye de rendre ces autrices visibles. Pour cela, on a créé un concours, c’est la troisième grosse activité de notre association. C’est un défi qui s’appelle « JeLaLis », pour faire lire des autrices et leur donner de la visibilité. C’est centré sur les autrices uniquement d’expression française. Le but c’est de leur donner de la visibilité de manière créative : il y a des gens qui créent des podcasts sur le sujet, là il y a <em>Libre à vous !</em>, mais ça pourrait être d’autres podcasts, on avait eu un podcast sur les femmes de la Commune, par exemple, fait par des collégiens et collégiennes. Des gens vont également créer des interviews fictives, par exemple, ou qui vont créer un compte Instagram pour parler des influenceuses d’antan. L’imagination de chacun est toujours assez intéressante. C’est un concours auquel on peut participer seul ou en groupe ; on a un an pour essayer de parler d’une autrice de son choix, qu’elle soit du 20e siècle ou beaucoup plus ancienne, puisqu’on a des autrices, comme Marie de France, qui datent plutôt de la période médiévale. La seule condition c’est que l’autrice soit décédée depuis plus de 70 ans puisqu’il faut que son œuvre soit dans le domaine public.
 
<b>Laurent Costy : </b>Très bien. Du coup, le niveau scolaire ? À qui ça s’adresse ? À quel nombre d’élèves ? Peut-on le faire en petits groupes, en grands groupes. ?
 
<b>Clara : </b>On peut faire ça seul ou en groupe. On n’a pas mis de limite de personnes pour la taille des groupes, c’est vraiment à la discrétion de chacun. Ça s’adresse à tout le monde, pas forcément que les scolaires ; je crois que les plus jeunes qu’on a eus c’étaient des primaires, sinon pas mal de collégiens et des licences. Mais même les gens qui ne sont plus dans un cursus universitaire peuvent participer, c’est vraiment ouvert à tous et à toutes.
 
<b>Laurent Costy : </b>D’accord et on gagne combien ? 40 000 euros j’imagine !
 
<b>Fil : </b>On gagne de beaux livres, des livres déjà, mais aussi de beaux livres, évidemment écrits par des femmes. On va avoir un dictionnaire des autrices, par exemple. Ces cadeaux sont offerts à la classe ou à l’individu, à la personne qui gagne.<br/>
Il est intéressant aussi de noter que, pour cette édition, on ne laisse pas les gens sauter à l’eau tout seuls, on va aussi essayer de les former aux communs numériques. Typiquement, ce qu’on propose sans aucune obligation, c’est de leur faire découvrir des outils, ça peut être uMap ou OpenStreetMap, ça peut être les Framapads, ça peut être Wikipédia, l’encyclopédie bien connue, mais aussi Wikisource dont on va reparler tout à l’heure, Wikidata, donc pas mal d’outils, comme ça, qui sont souvent en ligne, des outils libres mais aussi des licences qui sont associées, on pourra en reparler un petit peu tout à l’heure. On parle aussi beaucoup, dans les communs numériques, des licences Creative Commons, qui sont donc des licences qui permettent de redistribuer plus facilement les données, les rè-exploiter des licences libres en particulier, donc, on entendra souvent parler des licences Creative Commons Attribution Partage dans les mêmes conditions.
 
<b>Laurent Costy : </b>Très bien. Merci pour cet éclairage. Tu as parlé de uMap et d’OpenStreetMap. Dans dans la préparation de l’émission j’ai rêvé ou, en fait, vous localisez aussi les autrices, c’est ça ? J’ai bien vu qu’il y avait une carte, du coup, peut-être que vous pouvez éclairer aussi cet aspect-là ?
 
<b>Fil : </b>En fait, dans JeLaLis, on a une carte qui permet d’identifier les autrices et tous les lieux en France qui sont associés à ces autrices, c’est-à-dire qu’on peut avoir les lieux de naissance, les lieux de décès, les lieux où elles sont vécues éventuellement. Pour choisir son autrice, si on n’a absolument aucune idée ou que, éventuellement, on veut laisser faire le hasard, l’idée c’est qu’on va pouvoir sélectionner quelqu’un qui est proche de chez soi. Effet de bord intéressant, on peut se dire « tiens, dans ma ville, on veut renommer ou nommer une nouvelle rue », on peut aussi taper dans ce moteur.
 
<b>Laurent Costy : </b>Extrêmement intéressant. Avez-vous déjà eu un peu des retours, justement de ces usages-là ? C’est une hypothèse ou ça s’est déjà produit ?
 
<b>Fil : </b>Différentes applications ont été faites. Un de nos collègues, Philippe Gambette, l’un des fondateurs de l’association, qui est chercheur, a travaillé, entre autres, dans un projet de recherche sur les communs numériques pour essayer de faire mieux connaître les autrices. Entre autres, il y a eu des applications comme des balades virtuelles, on va dire des déambulations pour découvrir les autrices à certains endroits. Des personnes se sont intéressées à ce moteur de recherche pour effectivement essayer de savoir quelles sont les autrices dans tel ou tel coin ; nous nous sommes éventuellement déplacés dans certains endroits pour essayer de découvrir ensemble ce qu’il y avait dans les archives, ce qu’on pouvait y trouver.<br/>
Par contre, pour répondre à ta question, on n’a pas eu d’exploitation directement de, je ne sais pas, la base adresses nationales pour essayer d’identifier qu’il n’y a pas d’autrices à tel endroit, etc.<br/>
Par contre, ce qu’on peut faire et qui a déjà été fait, entre autres, par Philippe c’est essayer d’identifier le pourcentage, on va dire, de mobilier urbain ou de rues qui sont dédiés à des femmes, à des hommes. Parfois, éventuellement, on va trouver des rues genre Pierre et Marie Curie, les deux sont associés et sans surprise, malheureusement, on se rend compte qu’il y a très peu de rues qui sont associés à des femmes, souvent des petites rues, des petites places.
 
<b>Laurent Costy : </b>D’accord. Avez-vous déjà fait des statistiques sur cela ? C’est en cours ?
 
<b>Clara : </b>Je crois qu’il y a une chercheuse géographe qui travaille là-dessus.
 
<b>Fil : </b>Il me semble qu’on avait effectivement des statistiques, mais je ne saurais pas vous les dire de tête.
 
<b>Clara : </b>Parfois, il y a aussi un autre biais dans les noms de rues : quand la rue porte un nom femme, il n’y a que le nom de famille qui apparaît, donc, on ne sait pas que c’est une femme.
 
<b>Laurent Costy : </b>D’accord. C’est donc en créant ces cartes-là et en vous posant ces questions autour de ce sujet-là que vous vous êtes aperçu de cela. Très bien. Merci beaucoup pour cet éclairage.<br/>
Je vais passer la parole à Fred qui va, je crois, nous introduire la pause musicale, entre autres.
 
<b>Frédéric Couchet : </b>En parlant de licence Creative Commons, la plupart de nos pauses musicales sont sous licence Creative Commons ou licence Art Libre qui est une licence d’origine française.<br/>
Donc, le choix d’Isabella. Nous allons écouter <em>Spleen & Sénégal</em> par Le Chaos Entre 2 Chaises. Ce chouette titre a été déniché par Vincent Calame, dont on entendra la chronique tout à l’heure. Merci à lui. On se retrouve dans quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
 
<b>Pause musicale : </b><em>Spleen & Sénégal</em> par Le Chaos Entre 2 Chaises.
 
<b>Voix off : </b>Cause Commune, 93.1.
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Nous venons d’écouter <em>Spleen & Sénégal</em> par Le Chaos Entre 2 Chaises, disponible sous licence Libre Creative Commons Attribution, CC By.<br/>
Une présentation de ce groupe est disponible sur le site auboutdufil.com. Alice raconte notamment la genèse du groupe qui a eu lieu pendant le confinement et les raisons qui ont amené le fondateur du groupe à placer la musique sous licence libre.
 
[Jingle]
 
==Deuxième partie 43’ 40==
 
<b>Frédéric Couchet : </b>Nous allons poursuivre

Version du 10 juillet 2024 à 11:47


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 9 juillet 2024 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Luk - Clara - Fil - Laurent Costy - Vincent Calame - Frédéric Couchet - Étienne Gonnu à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 9 juillet 2024

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir une heure trente d’informations et d’échanges sur le logiciel libre, les libertés informatiques et également de la musique libre.
Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le deuxième texte : retranscrire, mettre en valeur et partager des textes de femmes via les communs numériques, ce sera le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique « La pituite de Luk » sur le thème « Médias hostiles » et la chronique « Le libre et la sobriété énergétique » de Vincent Calame sur le thème « Éloge de la lenteur ».

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles

Nous sommes mardi 9 juillet, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, mon collègue Étienne Gonnu. Salut Étienne.

Étienne Gonnu : Salut Fred.

Frédéric Couchet : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « La pituite de Luk » – « Médias hostiles »

Frédéric Couchet : Nous allons commencer par « La pituite de Luk », une chronique rafraîchissante au bon goût exemplaire qui éveille l’esprit et développe la libido. C’est bien sûr la description de Luk, ça n’engage que le chroniqueur.
La chronique « La pituite de Luk » porte aujourd’hui sur le thème Médias hostiles ». Le sujet a été enregistré il y a quelques jours. Je vous propose d’écouter ce sujet et on se retrouve juste après.

[Virgule sonore]

Luk : En France, aller sur Internet se résume, pour le plus grand nombre de nos concitoyens, à la fréquentation des réseaux sociaux. Je me souviens, avec une nostalgie teintée de consternation, de l’époque où l’idée que l’Internet/réseau social, le fameux Web 2.0, était considéré comme « le nouveau monde ». Il s’opposait à un ancien monde des médias, totalement dépassés, dont la télévision était le fer de lance. Même du côté de l’Internet libre, il y avait cette conviction qu’un espace inédit de liberté s’ouvrait devant nous. Les consommateurs passifs de médias allaient enfin pouvoir prendre la parole !

En anglais, le terme employé est social media, facile à traduire en « médias sociaux ». Du point de vue du vocabulaire au moins, cela les range dans la même catégorie que la télé, la radio, les magazines. Ce sont tous des médias. Ça me semble assez juste, un média étant un truc placé entre des gens, qui leur permet de communiquer. Selon cette définition, le vrai Internet lui-même reste un média.

Les élections actuelles nous démontrent douloureusement une chose : les vieux médias sont loin d’être dépassés. Aux régionales, les deux candidats qui ont reçu le plus de votes sont très exactement ceux qui ont eu la meilleure couverture dans les médias de masse. C’est donc dans les vieux médias qu’on fait les meilleures soupes autoritaires !

C’est pour cela qu’on le nomme 4e pouvoir et pour cela qu’il y a 80 ans, un des piliers du programme du Conseil national de la Résistance était de mettre les médias à l’abri des puissances industrielles. Le CNR ? C’était une bande de gauchiasses initiée par cette fiotte cosmopolite qu’était le Général de Gaulle.
Si j’étais Zuckerberg, je prendrais ça comme un camouflet. Malgré ses milliards de dollars et la quantité terrifiantes de données personnelles sous son emprise, d’autres milliardaires arrivent à détruire la démocratie mieux que lui et avec une technologie éculée, de surcroît. Dire qu’il y a quelques années il vantait un avenir où son réseau social serait une infrastructure de la société, rien de moins ! Aujourd’hui, il se prépare à aller se cacher sous son lit. Mais, vu sa fortune, le fameux lit est un bunker auto-suffisant qu’il fait construire à Hawaï.

C’est qu’au final, les services des GAFAM sont des passoires. L’important étant de faire du bénéfice, peu importe que le service se « merdifie ». Les recherches Google sont vérolées par les sites marchands et les pubs dégueulasses. Meta, le monstre à trois têtes de Zuckerberg, est, quant à lui, l’inverse de celui qui gardait l’antre d’Hadès dans la mythologie grecque. Il a distribué les données personnelles à absolument n’importe qui et il prospère sur la diffusion tous azimuts de la désinformation et des idées les plus poisseuses.
Les médias sociaux se sont dissous dans leur propre inanité, tout absorbés à définir quelle sera la nouvelle façon de générer du profit avec des données personnelles.

En conséquence, toutes ces plateformes sont également un terrain de jeu pour les puissances étrangères qui les utilisent pour déstabiliser nos sociétés à leur avantage. Des études révèlent ainsi que l’essentiel de la désinformation émane de très peu de sources.
C’est un jeu auquel tout le monde joue. Les services secrets américains ont par exemple fait ça aux Philippines pour décrédibiliser le vaccin chinois du Covid. Ils n’ont, bien entendu, pas pu le faire directement en Chine ou en Russie, car, dans ces pays, les médias sociaux sont strictement contrôlés et largement isolés des influences extérieures. Il est évident là-bas, que les médias sont des sujets stratégiques, des outils de pouvoir, des armes.
Chez nous, cette dimension a été gommée des esprits, occultée des débats qui se tiennent au sein des médias eux-mêmes.
Les médias plus traditionnels sont désormais concentrés entre un nombre de mains réduit par des gens qui eux n’ont pas perdu de vue la nature de ce qu’ils se sont payé.

Et l’Internet libre dans tout ça ? Ce n’est manifestement pas lui qui va sauver la démocratie. Sa voix est noyée dans le chaos des rouleaux compresseurs médiatiques. Ce ne sont certainement les solutions de chiffrement ou les médias sociaux alternatifs confidentiels qui vont nous sauver la mise. Dans un système autoritaire, avoir quelque chose à cacher ou fréquenter les mauvais sites, c’est se coller une cible sur le front.
L’Internet devait révolutionner le monde, la télé vient de prouver qu’elle reste la reine du royaume, la Reine de Cœur qui tranche des têtes.

Si les médias sont des armes, les partisans d’une informatique libre doivent être lucides et constater qu’ils en ont des toutes petites, comparativement à l’adversité, bien sûr.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Vous êtes de retour en direct sur radio Cause Commune. Nous venons d’écouter un sujet enregistré il y a quelques jours consacré au thème des « Médias hostiles ». Ça nous fait plaisir de le diffuser sur un radio associative, un média indépendant qui va continuer à faire son travail. Vous êtes su Cause Commune 93.1 FM.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : J’en profite pour remercier Isabella Vanni, ma collègue, qui a préparé l’émission du jou. Je vois que dans les musiques qu’elle a prévues, je pense qu’elle a fait la première pause musicale pour moi, parce que c’est une de mes artistes préférées, un de mes morceaux préférés.
Nous allons écouter Yesterday par Kellee Maize. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Yesterday par Kellee Maize.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Yesterday par Kellee Maize, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par le sujet principal.

[Virgule musicale]

Le deuxième texte : retranscrire, mettre en valeur et partager des textes de femmes via les communs numériques

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur Le deuxième texte : retranscrire mettre en valeur et partager des textes de femmes via les communs numériques. Ce sujet est animé par Laurent Costy, vice-président de l’April, avec nos invités Clara Verdier et Fil.
Laurent, te passe la parole.

Laurent Costy : Merci.
La corbeille « Choisis-moi, dans les joncs tressés de ta corbeille,
Une poire d’automne ayant un goût d’abeille,
Et dont le flanc doré, creusé jusqu’à moitié,
Offre une voûte blanche et d’un grain régulier.
Choisis-moi le raisin qu’une poussière voile
Et qui semble un insecte enroulé dans sa toile.
Garde-toi d’oublier le cassis desséché,
La pêche qui balance un velours ébréché
Et cette prune bleue allongeant sous l’ombrage
Son œil d’âne troublé par la brume de l’âge.
Jette, si tu m’en crois, ces ramures de buis
Et ces feuilles de chou, mais laisse sur tes fruits
S’entre-croiser la mauve et les pieds d’alouette
Qu’un liseron retient dans son fil de clochettes.

C’est un poème intitulé La corbeille tiré du recueil tandis Tandis que la terre tourne, de Cécile Sauvage, édité en 1910 au Mercure de France.
C’est toujours passionnant de préparer une émission, parce qu’on découvre plein d’univers qu’on ne soupçonne pas. On va découvrir tout cela aujourd’hui, avec l’association Le deuxième texte.
On accueille donc, comme l’a dit Frédéric, Fil et Clara qui vont se présenter respectivement. Clara.

Clara : Bonjour. Merci pour l’invitation. Je m’appelle Clara et ça fait deux ans et demi maintenant que je suis au Deuxième texte. Pour ma part, je ne suis pas arrivée tout à fait au début de l’association, mais à un atelier, en fait un peu comme ça. Je cherchais à m’engager pour la cause féministe au départ, j’étais déjà convaincue, mais je ne savais pas exactement comment m’impliquer. C’était juste après la sortie du livre, je ne sais pas si vous en avez entendu parler, Le génie lesbien d’Alice Coffin, qui incite notamment à remplir sa bibliothèque d’écrits de femmes parce que, finalement, on en lit très peu au cours de sa vie. C’est comme cela que j’ai décidé de m’engager dans cette association qui met justement à disposition de tous des textes de femmes en libre accès pour essayer de changer un peu nos représentations.

Laurent Costy : L’association fait pas que ça on va on va me parler pendant 45 minutes à peu près.
Fil.

Fil : Bonjour. Je m’appelle Fil. Je suis dans l’association depuis sa création. J’y suis resté d’abord parce que l’équipe était chouette et c’est quand même quelque chose de plutôt motivant ; que j’étais assez convaincu par l’importance du bénévolat et des communs numériques, les communs en général et les communs numériques en particulier ; et puis que le contexte autour de l’égalité femmes-hommes et du besoin de plus de diversité me touchait. En particulier, on est parti sur un projet qui était de rendre plus accessibles les textes de femmes, indépendamment du milieu dont on venait, des revenus qu’on avait, etc. Du coup, en particulier, participer plutôt à l’éducation en France pour permettre d’avoir de nouveaux repères, y compris dès l’enfance.
J’ai une formation en informatique, ça m’avait aussi poussé vers les communs numériques, à la recherche publique qui, elle aussi, m’a poussé vers les communs numériques.

Laurent Costy : Merci Fil. Du coup, il va falloir nous expliquer un petit peu ce qu’est Le deuxième texte, l’association Le deuxième texte, pourquoi c’est né, comment c’est né. Qui veut commencer ? Clara ou Fil ?

Clara : Fil est l’un des fondateurs de l’association, donc peut-être qu’il veut raconter l’histoire.

Laurent Costy : On lui laisse raconter l’histoire. Merci Clara.

Fil : En mars 2017, un hackathon de trois jours a été organisé à la fois par le ministère de l’Égalité femmes-hommes, une organisation sur trois jours avec plein de gens qui se regroupent et qui ont envie de pousser un objectif commun. Initialement, les hackathons ça vient de tout ce qui est informatique, mais, là, c’était dans l’objectif de travailler à améliorer l’égalité femmes-hommes autour des communs numériques, des données en particulier. Il y avait Laurence Rossignol, qui était la ministre de l’Égalité femmes-hommes [ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes], et Etalab, une structure d’État qui permet de faciliter le service public par l’usage des données.
Ils ont donc organisé cela dans un contexte qui était vachement agréable. Pour vous donner une idée : pour faciliter la participation des jeunes parents, il y avait une garderie qui permettait d’initier les jeunes enfants au développement, à la programmation, d’une manière un peu ludique, ce n’était pas Scratch, ça pouvait être beaucoup plus tôt. Scratch est un langage d’initiation au développement.

Laurent Costy : Avec des briques, tout coloré.

Fil : Exactement, tout à fait, quelque chose qui facilite. On avait donc un cadre qui était vraiment agréable, bienveillant, des coachs venaient nous aider. C’était extrêmement agréable, le contexte était enrichissant, bref ! C’était bien, super chouette. On a travaillé pendant trois jours. On avait la chance d’avoir des gens qui avaient des compétences vraiment complémentaires à la fois dans numérique, dans la communication, dans la recherche et l’utilisation des données, dans tout ce qui est aussi animation de communauté, on a donc pu produire une maquette, on a remporté un prix et, suite à ce prix, on s’est dit que c’était vraiment trop dommage de s’arrêter, on va essayer de continuer. On a donc créé une association pour pouvoir prolonger cet engagement.

Laurent Costy : D’accord. Les personnes qui ont créé l’association se connaissaient avant ou, finalement, c’est cette rencontre, ce hackathon en mars 2017, qui a fait que vous avez, après, poursuivi ensemble sans vous connaître en amont ?

Fil : On avait un noyau dur, on avait trois personnes qui se connaissaient auparavant ; d’autres personnes sont venues sur place, nous ont rejoints et ont permis de compléter les compétences de l’équipe de manière assez intéressante, parce que, forcément, il y avait un biais dans les compétences qu’on avait puisqu’on se connaissait et on venait plus ou moins du même milieu, en fait on venait initialement d’une association qui s’appelait la Confédération des jeunes chercheurs, feu association qui s’intéressait aux jeunes chercheurs étonnamment.

Laurent Costy : Étonnamment ! Donc six mois après ce hackathon en 2017, création de l’association. Clara, du coup, que le nom a été choisi pour cette association et pourquoi ce nom ?

Clara : En tout cas, le nom qui a été gardé aujourd’hui c’est Le deuxième texte, ça fait référence au Deuxième Sexe, le livre de Simone de Beauvoir qui a été écrit il y a maintenant quand même quelque temps Au tout départ, ça s’appelait George Le deuxième texte. C’est d’ailleurs le lien qui a été gardé pour notre site web. George faisait référence à ce nom qu’employaient beaucoup de femmes autrices, en fait simplement pour pouvoir être publiées à l’époque ; on pense surtout à George Sand qui est la plus connue d’entre elles.

Laurent Costy : Dans les nombreux liens auxquels on fait référence, sur la page de l’émission, vous verrez effectivement apparaître le mot « george ». Maintenant, vous avez l’explication de pourquoi on retrouve on retrouve ce prénom.
Du coup, au fil temps l’objet de l’association se consolide. On peut peut-être préciser un peu l’objet de l’association, les différents buts.

Clara : Bien sûr. Un premier but était plus orienté vers les enseignants, les universitaires, tous ceux qui enseignent à un moment ou un autre. Il s’agissait de trouver, tout simplement, des alternatives pour les manuels scolaires, en fait pour avoir des autrices à étudier en cours, essentiellement. On a notamment créé un portail qui permet de se documenter à ce sujet-là.
On a essayé également de pousser vers la création de chiffres, puisqu’il existe très peu de chiffres pour parler des autrices, on ne sait pas exactement quelle est la proportion d’auteurs ou d’autrices aujourd’hui dans les différents genres littéraires, etc. On a essayé également de mettre en lumière tout cela pour poser le constat, pour voir comment on pouvait changer ça aussi.

Laurent Costy : C’est ça, essayer d’abord de faire un constat, voir combien d’auteurs étaient étudiés, d’autrices étaient étudiées et, justement, de mettre en évidence ce chiffre-là. Et mettre en évidence ce chiffre-là était déjà une forme de démonstration finalement. Très bien.

Clara : Ça venait aussi d’un constat. En fait, une pétition est sortie en 2017, je sais pas si ça va vous parler, qui a recueilli 20 000 signatures pour dénoncer l’absence d’autrices au bac littéraire, menée par une enseignante qui s’appelle Françoise Cahen, du Val-de-Marne. Cela nous avait effectivement beaucoup impactés et c’est aussi pour cela que des personnes s’étaient mobilisées pour ce hackathon. C’est un peu dans cet ordre-là que les choses se sont faites.

Laurent Costy : Très bien. Du coup, l’usage du mot « autrice » a un peu émergé à ce moment-là ? Ça allait un peu avec le processus ou pas du tout ?

Clara : Je ne sais plus exactement quand est-ce qu’a réémergé le mot « autrice », en tout cas c’est un mot dont on n’a pas l’habitude de l’usage aujourd’hui, on a tendance à dire « auteur » ou auteurE, d’ailleurs, c’est ce qui est recommandé par l’Académie française encore aujourd’hui. Ça correspond effectivement à une période, donc en 2017, où Éliane Viennot, Aurore Évain aussi, qui est pas mal médiatisée, qui avaient justement ressorti des vieux textes pour montrer qu’en fait « autrice » est un mot qui a toujours existé en français, qui permet justement de marquer davantage le féminin, de ne pas dire toujours « auteur » comme si c’était le générique. On a donc décidé, de manière un peu militante d’une certaine manière, de réutiliser le mot « autrice » qui est d’ailleurs maintenant accepté dans le langage d’aujourd’hui, en 2024.

Laurent Costy : D’accord. Pour essayer d’être le plus inclusif possible dans l’écriture et, effectivement, éviter d’oublier un peu la deuxième partie de l’humanité.
Très bien. Fil, as-tu des choses pour compléter, par rapport à cet objet ?
Du coup, on va rentrer dans le concret, dans le dur finalement : que fait l’association maintenant au quotidien ? Depuis sa création, quelles sont les grandes actions et puis les choses dont vous dont vous pouvez être fiers et aussi le cumul de ces actions-là dans le temps, le retour ? Maintenant vous pouvez commencer à avoir aussi un retour par rapport à ce que vous avez lancé il y a maintenant six/sept ans, c’est ça ? On vous écoute. Il y a un blog, si j’ai bien compris, où vous concentrez pas mal d’informations. Vas-y Fil.

Fil : Tout à fait. En fait, on a commencé par faire un blog, en même temps que ce portail pour essayer de trouver des autrices, où on a recensé toutes les informations qu’on trouvait dans notre état des lieux On a donc commencé par rassembler des informations : quelles sont les autrices sont disponibles sur le site de la Bibliothèque nationale de France, par exemple, ou dans Wikidata, un site qui est associé à Wikipédia, qui permet de faire base de données derrière, qui permet de recenser tous les chiffres, les dates de naissance, etc.
On a donc commencé à publier ces statistiques, entre autres avec les statistiques institutionnelles : combien on avait de texte au niveau des manuels scolaires, combien on avait de textes de femmes, combien on avait d’autrices qui étaient étudiées dans les textes des concours, des diplômes, etc. Du coup, on s’est attaqué aussi à des choses plus légères, qui montrent aussi le sexisme dans la société : la présence des femmes dans les biopics, les films qui sont inspirés par des femmes, des femmes de lettres entre autres ; on s’est intéressé aux portraits dans les musées, on a même fait des statistiques sur les citations présentes à l’intérieur des papillotes Révillon et on s’est rendu compte qu’il y avait moins de 1,1 % d’autrices sur les 600 chocolats qu’on a mangés en 2019. Eh bien, en 2023, suite à notre interpellation, ou pas, en tout cas Révillon a évolué puisqu’on était à 51,6 % d’autrices.

Laurent Costy : Pour que les gens comprennent bien : dans les chocolats il y a des citations et il y en avait 2 sur 100 qui étaient des citations de deux femmes ! OK, je comprends mieux.

Clara : Il y en avait 7 sur 600.

Laurent Costy : Ah oui ! 7 sur 600, ce n’est pas beaucoup !

Clara : Il a fallu manger beaucoup de chocolat.

Laurent Costy : Du coup, après, ça a évolué. Vous avez fait une interpellation à l’entreprise directement ? Vous avez un courrier ?

Fil : Pas un courrier, on les a interpellés sur les réseaux sociaux.

Laurent Costy : Bien sûr, ce sont les moyens modernes, excusez-moi je suis un peu old school.

Fil : On les a interpellés, on leur a dit qu’il y avait un souci là-dessus, de la même manière qu’on a interpellé Google en disant « il nous dit que « autrice » c’est erroné, il y a un problème ». Donc on a interpellé des gens.

Laurent Costy : Excuse-moi. « Autrice », c’est erroné, c’est-à-dire ?

Fil : Pour les gens qui utilisaient Google, le mot « autrice » était souligné en rouge en disant « il y a une erreur ». Donc, on a essayé d’interpeller des éléments qui participaient en masse au monde, on va dire, donc, des sites très utilisés, des produits très utilisés, et puis aussi ceux qu’on avait sous la main d’où Révillon, on allait bien manger des chocolats à Noël.

Laurent Costy : Très bien. Une des premières étapes, c’est finalement essayer d’y voir clair, essayer d’identifier quelle est la réalité, se baser sur des chiffres, des statistiques et ça rejoint après la question peut-être des données ouvertes, qui est aussi quelque chose qui vous tient à cœur.

Clara : Oui effectivement. Par exemple, quand on fait la démarche de produire des statistiques, on essaye toujours d’être transparents sur cette démarche-là. Le fait qu’on choisisse Wikidata, qui n’est pas quelque chose de sombre, ce n’est pas une boîte noire d’informaticien, n’importe qui peut l’utiliser. En fait, dans nos billets de blog, on propose la démarche à suivre, parfois on propose des vidéos à suivre aussi, donc n’importe qui peut reproduire ça chez soi, dans n’importe quel domaine de la société.

Laurent Costy : Vous donnez la recette avec laquelle vous êtes arrivés à produire la statistique. Comme ça, les gens peuvent critiquer, éventuellement recalculer s’il y a des erreurs, etc., puisque tout le monde peut faire des erreurs. On a donc la recette et on est capable de reproduire le calcul si on le souhaite. OK. Merci.

Clara : Tu veux enchaîner, Fil ?

Fil : Peut-être pour compléter sur les données qu’on va utiliser. Celles qu’on utilise seront, en général, des données ouvertes pour qu’on puisse les ré-exploiter, les réutiliser, que les personnes qui sont intéressées puissent faire de même ; on va essayer d’éviter d’utiliser des données qu’on nous a données sous le manteau.
De la même manière, quand nous allons produire des données, comme le nombre de textes de femmes qui ont été étudiées dans un concours, on va en faire un dépôt, une archive ouverte, quelque chose qui va être accessible à tout le monde et qui peut être ré-exploité, y compris par la recherche par exemple. C’est une matière première qui est ouverte, réutilisable derrière.

Laurent Costy : Où déposez-vous ça du coup ?

Fil : Entre autres on va avoir un dépôt sur data.gouv.fr, en fait un site de l’État, un endroit qui est dédié à pouvoir rendre accessibles, on va dire, des données ouvertes. On va aussi avoir des données sur Wikidata, sur Wikisource, on en reparlera un petit peu plus tard.

Laurent Costy : Très bien. Du coup, je me permets un petit aparté. C’est vrai que la question des données ouvertes, de l’open data, de data.gouv, montre que l’État se soucie, se questionne par rapport à ça, donc c’est plutôt intéressant, ça fait plusieurs années que l’État se pose des questions et essaye de contribuer un peu à cette ouverture des données. Maintenant, je fais référence à un texte de Christophe Masutti, qui a été référencé dans la dernière revue de presse de l’April. Il y a une tendance à se dire que les communs et les data c’est important, mais Christophe Masutti écrit un peu qu’il faut aussi faire attention à ne pas assécher les communs numériques. Il y a une volonté de l’État de contribuer, mais, parfois, c’est un peu maladroit parce que ça vient assécher, ça oublie tout ce qu’il y a derrière, les gens qui contribuent, et ça oublie de nourrir aussi tout l’écosystème initial. J’essaierai de penser à mettre ça, je ne l’ai pas encore mis, dans la page des références de l’émission. Ce texte-là est intéressant parce que, justement, il apporte un regard un peu objectif sur la façon dont l’État approche la question de l’open data. Ils ont bien compris que c’est important, mais, parfois, ils sont un peu maladroits sur l’approche. C’était une petite parenthèse, excusez-moi. Quand j’ai lu la préparation de l’émission, je me suis dit que c’était intéressant de faire ce lien avec le texte que Christophe Masutti, une personne de Framasoft, a produit récemment.
On a on a parlé du blog que Le deuxième texte a produit, finalement c’est la première action qui a permis de communiquer un peu sur toutes les actions qui étaient mises en œuvre. Sur le blog, avez-vous encore des choses à dire ou, peut-être, voulez-vous évoquer les actions suivantes ?

Clara : On peut peut-être enchaîner, puisqu’on n’a pas seulement un blog, on a aussi un moteur de recherche qui aide à trouver des autrices. Comme on l’a dit, on a essayé de faire des statistiques, notamment sur les manuels scolaires, qu’on a voulu, après, rendre accessibles. Par exemple, il faut savoir qu’au brevet, jusqu’en 2017, il y avait 22 % de femmes enseignées pour 88 % d’hommes ??? [28 min 28] et plus on monte dans les classes supérieures, plus ce chiffre diminue, ce qui n’est pas forcément intuitif, puisqu’on tombe, par exemple au bac, à 9 %, donc une personne sur dix seulement, et, pour l’agrégation c’est à peu près pareil, 8 % de femmes enseignées. L’idée c’était donc d’avoir un moteur de recherche intuitif, facile à utiliser, qu’on puisse trouver une alternative aux auteurs qui étaient proposés dans les manuels scolaires ou par rapport à une thématique scolaire. C’était plutôt quelque chose qu’on mettait en regard toujours par rapport à un homme. C’est quelque chose qu’on a fait évoluer par la suite, puisqu’on voulait que les femmes ne soient pas toujours reliées à des hommes, qu’elles puissent aussi exister en tant qu’autrices à part entière, qui ont parfois leurs propres mouvements.

Laurent Costy : Sans dire « c’est la femme de untel », c’est ça, sans systématiquement les associer au travail d’un homme.

Clara : Pour les surréalistes on va toujours parler d’André Breton et on ne va jamais parler des femmes autour. C’est bien aussi de dire qu’elles ne sont pas là que par rapport aux hommes qui existent déjà dans le mouvement. On a donc décidé de faire quelque chose plutôt par rapport à qui est contemporain de qui. C’est donc comme cela que fonctionne le moteur de recherche aujourd’hui. Une fois que vous arrivez sur cette page, on vous propose du contenu pédagogique associé pour vous aider à enrichir vos cours, puisque, malheureusement, c’est parfois difficile de trouver des informations sur le sujet, ça peut donc renvoyer vers divers sites. Tout à l’heure, on parlait de la BNF ou de Wikidata, c’est principalement ça.

Laurent Costy : Je suis allé voir le moteur de recherche « Autrices », et l’exemple qui est donné, avant qu’on puisse saisir quelque chose, c’est Pierre de Ronsard qui est mentionné. C’est volontaire ? Je t’embête !

Fil : Tout à fait. Mais, comme le disait Clara, historiquement on est parti sur des figures d’alter ego. On s’est dit « je suis prof de français, j’ai l’habitude d’étudier Ronsard, j’ai l’habitude d’étudier Verlaine, j’ai l’habitude, etc. Du coup, je voudrais trouver des alternatives, pas forcément parce que je suis convaincu, ça peut être tout bêtement parce que j’en ai marre d’utiliser les mêmes auteurs ». Par défaut, effectivement, on a commencé par un auteur qui semblait beaucoup étudié et on s’est dit « qui est-ce qu’on pourrait trouver d’autre ? » Les programmes ont évolué, mais, à l’époque, il y avait des notions qui étaient souvent liées aux mêmes époques, typiquement on avait, pendant le Siècle des Lumières, des notions qui ont été beaucoup étudiées par les auteurs et les autrices de l’époque. On s’est dit « on va essayer de trouver des personnes qui vivaient à la même époque », d’où le terme « alter ego ». L’idée, ce n’est pas forcément « la femme de », ça peut être tout bêtement « on aimerait avoir Olympe de Gouges, par exemple, quand on parle de liberté » ; connue, elle choque, mais efficace

Laurent Costy : OK. C’est donc moi qui n’avais pas compris la logique du moteur de recherche, tout simplement. Ce n’est pas une erreur de l’association Le deuxième texte.
Je t’en prie Fred, tu voulais intervenir.

Frédéric couchet : Je vais juste relayer la question de Marie-Odile, et la réponse de Clara, sur le salon web. Vous pouvez nous rejoindre sur causecommune.fm, bouton « chat » et salon #libreavous. Elle demande qu’elle est la formation de Clara. Clara a répondu sur le salon, je vais lui demander de répondre aussi à la radio.

Clara : Oui, en direct. Comme formation, j’ai fait un master de sociologie et de statistiques, d’où le goût pour les statistiques.

Laurent Costy : Ah oui ! C’est effectivement important de le préciser. Je comprends mieux !

Clara : Je fais encore des statistiques aujourd’hui dans mon métier, pour la sociologie, c’est peut-être ça qui m’a beaucoup sensibilisée aux thématiques d’égalité de genre, ce genre de choses.

Laurent Costy : Très bien, merci, cette précision était importante.
Par rapport au moteur de recherche, est-ce qu’il y a encore des choses à éclairer ?

Clara : Je voudrais peut-être dire qu’on produit des chiffres, on donne un outil utile à tous pour rechercher des autrices et, après, on essaye de rendre ces autrices visibles. Pour cela, on a créé un concours, c’est la troisième grosse activité de notre association. C’est un défi qui s’appelle « JeLaLis », pour faire lire des autrices et leur donner de la visibilité. C’est centré sur les autrices uniquement d’expression française. Le but c’est de leur donner de la visibilité de manière créative : il y a des gens qui créent des podcasts sur le sujet, là il y a Libre à vous !, mais ça pourrait être d’autres podcasts, on avait eu un podcast sur les femmes de la Commune, par exemple, fait par des collégiens et collégiennes. Des gens vont également créer des interviews fictives, par exemple, ou qui vont créer un compte Instagram pour parler des influenceuses d’antan. L’imagination de chacun est toujours assez intéressante. C’est un concours auquel on peut participer seul ou en groupe ; on a un an pour essayer de parler d’une autrice de son choix, qu’elle soit du 20e siècle ou beaucoup plus ancienne, puisqu’on a des autrices, comme Marie de France, qui datent plutôt de la période médiévale. La seule condition c’est que l’autrice soit décédée depuis plus de 70 ans puisqu’il faut que son œuvre soit dans le domaine public.

Laurent Costy : Très bien. Du coup, le niveau scolaire ? À qui ça s’adresse ? À quel nombre d’élèves ? Peut-on le faire en petits groupes, en grands groupes. ?

Clara : On peut faire ça seul ou en groupe. On n’a pas mis de limite de personnes pour la taille des groupes, c’est vraiment à la discrétion de chacun. Ça s’adresse à tout le monde, pas forcément que les scolaires ; je crois que les plus jeunes qu’on a eus c’étaient des primaires, sinon pas mal de collégiens et des licences. Mais même les gens qui ne sont plus dans un cursus universitaire peuvent participer, c’est vraiment ouvert à tous et à toutes.

Laurent Costy : D’accord et on gagne combien ? 40 000 euros j’imagine !

Fil : On gagne de beaux livres, des livres déjà, mais aussi de beaux livres, évidemment écrits par des femmes. On va avoir un dictionnaire des autrices, par exemple. Ces cadeaux sont offerts à la classe ou à l’individu, à la personne qui gagne.
Il est intéressant aussi de noter que, pour cette édition, on ne laisse pas les gens sauter à l’eau tout seuls, on va aussi essayer de les former aux communs numériques. Typiquement, ce qu’on propose sans aucune obligation, c’est de leur faire découvrir des outils, ça peut être uMap ou OpenStreetMap, ça peut être les Framapads, ça peut être Wikipédia, l’encyclopédie bien connue, mais aussi Wikisource dont on va reparler tout à l’heure, Wikidata, donc pas mal d’outils, comme ça, qui sont souvent en ligne, des outils libres mais aussi des licences qui sont associées, on pourra en reparler un petit peu tout à l’heure. On parle aussi beaucoup, dans les communs numériques, des licences Creative Commons, qui sont donc des licences qui permettent de redistribuer plus facilement les données, les rè-exploiter des licences libres en particulier, donc, on entendra souvent parler des licences Creative Commons Attribution Partage dans les mêmes conditions.

Laurent Costy : Très bien. Merci pour cet éclairage. Tu as parlé de uMap et d’OpenStreetMap. Dans dans la préparation de l’émission j’ai rêvé ou, en fait, vous localisez aussi les autrices, c’est ça ? J’ai bien vu qu’il y avait une carte, du coup, peut-être que vous pouvez éclairer aussi cet aspect-là ?

Fil : En fait, dans JeLaLis, on a une carte qui permet d’identifier les autrices et tous les lieux en France qui sont associés à ces autrices, c’est-à-dire qu’on peut avoir les lieux de naissance, les lieux de décès, les lieux où elles sont vécues éventuellement. Pour choisir son autrice, si on n’a absolument aucune idée ou que, éventuellement, on veut laisser faire le hasard, l’idée c’est qu’on va pouvoir sélectionner quelqu’un qui est proche de chez soi. Effet de bord intéressant, on peut se dire « tiens, dans ma ville, on veut renommer ou nommer une nouvelle rue », on peut aussi taper dans ce moteur.

Laurent Costy : Extrêmement intéressant. Avez-vous déjà eu un peu des retours, justement de ces usages-là ? C’est une hypothèse ou ça s’est déjà produit ?

Fil : Différentes applications ont été faites. Un de nos collègues, Philippe Gambette, l’un des fondateurs de l’association, qui est chercheur, a travaillé, entre autres, dans un projet de recherche sur les communs numériques pour essayer de faire mieux connaître les autrices. Entre autres, il y a eu des applications comme des balades virtuelles, on va dire des déambulations pour découvrir les autrices à certains endroits. Des personnes se sont intéressées à ce moteur de recherche pour effectivement essayer de savoir quelles sont les autrices dans tel ou tel coin ; nous nous sommes éventuellement déplacés dans certains endroits pour essayer de découvrir ensemble ce qu’il y avait dans les archives, ce qu’on pouvait y trouver.
Par contre, pour répondre à ta question, on n’a pas eu d’exploitation directement de, je ne sais pas, la base adresses nationales pour essayer d’identifier qu’il n’y a pas d’autrices à tel endroit, etc.
Par contre, ce qu’on peut faire et qui a déjà été fait, entre autres, par Philippe c’est essayer d’identifier le pourcentage, on va dire, de mobilier urbain ou de rues qui sont dédiés à des femmes, à des hommes. Parfois, éventuellement, on va trouver des rues genre Pierre et Marie Curie, les deux sont associés et sans surprise, malheureusement, on se rend compte qu’il y a très peu de rues qui sont associés à des femmes, souvent des petites rues, des petites places.

Laurent Costy : D’accord. Avez-vous déjà fait des statistiques sur cela ? C’est en cours ?

Clara : Je crois qu’il y a une chercheuse géographe qui travaille là-dessus.

Fil : Il me semble qu’on avait effectivement des statistiques, mais je ne saurais pas vous les dire de tête.

Clara : Parfois, il y a aussi un autre biais dans les noms de rues : quand la rue porte un nom femme, il n’y a que le nom de famille qui apparaît, donc, on ne sait pas que c’est une femme.

Laurent Costy : D’accord. C’est donc en créant ces cartes-là et en vous posant ces questions autour de ce sujet-là que vous vous êtes aperçu de cela. Très bien. Merci beaucoup pour cet éclairage.
Je vais passer la parole à Fred qui va, je crois, nous introduire la pause musicale, entre autres.

Frédéric Couchet : En parlant de licence Creative Commons, la plupart de nos pauses musicales sont sous licence Creative Commons ou licence Art Libre qui est une licence d’origine française.
Donc, le choix d’Isabella. Nous allons écouter Spleen & Sénégal par Le Chaos Entre 2 Chaises. Ce chouette titre a été déniché par Vincent Calame, dont on entendra la chronique tout à l’heure. Merci à lui. On se retrouve dans quatre minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Spleen & Sénégal par Le Chaos Entre 2 Chaises.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Spleen & Sénégal par Le Chaos Entre 2 Chaises, disponible sous licence Libre Creative Commons Attribution, CC By.
Une présentation de ce groupe est disponible sur le site auboutdufil.com. Alice raconte notamment la genèse du groupe qui a eu lieu pendant le confinement et les raisons qui ont amené le fondateur du groupe à placer la musique sous licence libre.

[Jingle]

Deuxième partie 43’ 40

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre