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'''Titre :''' Table ronde Accessibilité - Congrès ADULLACT 2022
Publié [https://www.librealire.org/table-ronde-accessibilite-congres-adullact-2022 ici] - Février 2023
 
'''Intervenants :''' Fernando PINTO DA SILVA, Denis BOULAY (Fédération des Aveugles de France), Aurore BOUFFEL (ADICO), Antoine CAO (DINUM) et Matthieu FAURE (ADULLACT).
 
'''Lieu :''' Congrès ADULLACT 2022 = 8ème Congrès de l'ADULLACT le vendredi 17 juin 2022
 
'''Date :''' 17 juin 2022
 
'''Durée :''' 1 h 17
 
'''[https://www.youtube.com/watch?v=7KhK4lUBQH0 Vidéo]'''
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
'''Illustration :''' À prévoir
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br/>
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
==Introduction==
 
Table ronde portant sur le sujet de l'accessibilité, qui s'est tenue lors du 8e Congrès de l'ADULLACT le vendredi 17 juin 2022. Avec la participation de Fernando PINTO DA SILVA et Denis BOULAY (Fédération des Aveugles de France), Aurore BOUFFEL (ADICO), Antoine CAO (DINUM) et Matthieu FAURE (ADULLACT).
 
==Transcription==
 
<b>Animateur : </b>Bienvenue à cette table ronde sur l’accessibilité. Alors, nous allons avoir, à ma droite, deux représentants de la FAF, la Fédération des Aveugles de France <ref>[https://aveuglesdefrance.org/ Fédération des Aveugles de France]</ref> . C’est bien ça. Donc avec Fernando Pinto da Silva, qui est juste à ma droite, et un petit peu plus loin, Denis Boulay. C’est eux qui ouvriront le bal. Nous avons tout à fait au bout de la table, Aurore Bouffel de l’Adico <ref>[https://www.adico.fr/ Association pour l’innovation numérique des collectivités locales Adico]</ref>, Antoine Cao et Matthieu Faure, de l’ADULLACT
<ref>[https://adullact.org/ ADILLACT]</ref>, que tout le monde ici connaît et qui conclura le premier tour de table.
 
Dans un premier temps, nous allons donc faire simplement une présentation des différentes thématiques de la table ronde et ensuite, nous aurons une partie débat et questions. Et pour commencer donc, la FAF va nous présenter durant à peu près 15-20 minutes la problématique de l’accessibilité du point de vue d’une fédération de personnes en situation de handicap. Messieurs, je vous laisse la parole.
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Bonjour à toutes et à tous et merci à l’ADULLACT de nous accueillir aujourd’hui pour parler accessibilité. Comme Bertrand nous présentait, je m’appelle Fernando Pinto Da Silva et je suis chargé, au sein de la Fédération des Aveugles de France, de la stratégie numérique. Donc, bonjour, mesdames et messieurs.
 
<b>Denis Boulay : </b>Donc, Denis Boulay, je suis chargé du pôle accessibilité numérique au sein de la Fédération des Aveugles de France.
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Alors en quelques mots, rapidement, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas la Fédération des Aveugles de France, c’est une structure qui rassemble au niveau national, donc aussi bien en métropole qu’en Outre-Mer, une grosse cinquantaine d’associations qui oeuvrent à améliorer la vie des personnes malvoyantes et aveugles, avec un certain nombre de chantiers et donc, comme vous l’aurez compris, Denis et moi travaillons plus spécifiquement sur le numérique.
 
Alors, en ouverture de cette table ronde, on a jugé qu’il était intéressant de vous montrer un cas d’usage, en l’occurrence le nôtre, pas parce qu’il a valeur d’exemple, pas du tout, mais c’est juste pour, peut-être, donner un peu de chair à ce que c’est que l’accessibilité numérique, à comment une personne, par exemple aveugle comme moi, peut utiliser le numérique quand c’est accessible. Je dis que ça n’a pas valeur d’exemple parce que, en réalité, il faut bien comprendre que l’accessibilité numérique concerne une personne sur cinq dans le monde. C’est un ratio qu’on retrouve dans beaucoup de statistiques au niveau international, on le retrouve aussi en France, donc 20 % des Français ont besoin de systèmes accessibles. Dans ces 20 %, on trouve des personnes aveugles et malvoyantes, mais on trouve des gens qui ont des troubles - dyslexie, dyspraxie, on trouve des personnes sourdes, malentendantes, etc. Et donc, concevoir un système nativement accessible, c’est s’assurer que ces 20 % de la population ne vont pas rester sur le bord du chemin sans pouvoir utiliser le numérique.
 
Ce que j’ai devant moi, c’est un ordinateur, un vieil ordinateur que j’ai retapé tranquillement avec un Windows 10 et dessus, j’utilise ce qu’on appelle un lecteur d’écran. Alors, un lecteur d’écran, qu’est-ce que c’est ? C’est un logiciel qui va attraper l’information qui va passer par la carte graphique, et qui va la rediriger, soit, par exemple, vers un périphérique braille, ce que je ne vais pas vous montrer aujourd’hui, parce que ça serait un peu long à expliquer et à démontrer, soit - et c’est la solution de facilité que j’ai décidé de prendre aujourd’hui - vers une voix de synthèse vocale, et la synthèse vocale que j’utilise est présente sur le système Microsoft Windows 10. Donc je n’ai pas eu besoin d’installer de synthèse. La seule chose que j’ai installé, c’est ce fameux lecteur d’écran qui attrape l’information. Et lui pour le coup c’est un lecteur d’écran open source qui s’appelle NVDA <ref>[https://www.nvda-fr.org/ NVDA]</ref>, pour <em>Non visual desktop access</em>, que vous pourrez trouver sur nvda-fr.org, qui correspond à la communauté francophone qui maintient ce lecteur d’écran.
 
Alors, comment ça fonctionne ? Et bien vous avez à l’écran la page de la région : si je me mets tout en haut de la page :
 
<b>Voix du lecteur d’écran, qui lit très vite :</b> Lien Aller au contenu
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Et que je fais « Lire la page automatiquement » :
 
<b>Voix du lecteur d’écran :</b>Lien Aller au contenu. Bannière région. Navigation principale - Navigation région - Bouton réduit Votre collectivité - Bouton réduit Participer - Bouton réduit Vous aider - Bouton réduit Vivez l’Occitanie - Bouton Menu rechercher.
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Bon, j’arrête : en fait ça lit toute la page, de haut en bas. Il est bien évident que ce n’est pas forcément comme ça que je vais naviguer, et encore heureux, sinon ça serait très fastidieux. Donc, j’ai tout un tas de raccourcis clavier, une fois que ce lecteur d’écran est activé, qui vont me permettre de regarder quels sont les niveaux de titres. Autrement dit, qu’est-ce que l’éditeur de ce site internet a voulu valoriser pour que le contenu soit facilement compréhensible, même si on n’a pas d’appréhension visuelle.
 
Donc là, en l’occurrence, je vais taper le raccourci h pour aller regarder quel est le titre le plus proche :
 
<b>Voix du lecteur d’écran :</b>Principales régions cliquables - Région Occitanie, barre oblique, Pyrénées-Méditerranée, titre niveau 1.
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Donc, j’ai un titre de niveau 1 qui est Région Méditerranée, ça ne m’intéresse pas spécialement, je vais au titre suivant :
 
<b>Voix du lecteur d’écran :</b>Que fait la région pour moi ?
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Ça ne m’intéresse pas non plus. Je vois qu’il est en titre 2, ça c’est intéressant, ça veut dire que, dans la hiérarchie des informations, il est placé en dessous. Si je continue toujours avec h :
 
<b>Voix du lecteur d’écran :</b>Quoi de neuf dans ma région ?
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Et encore avec h :
 
<b>Voix du lecteur d’écran :</b>À la une, titre niveau 3.
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Et là, ce coup-ci, c’est un niveau 3. Donc dans la hiérarchie des informations je suis encore un cran en dessous. Ça parait très bête ce que j’essaye de vous démontrer, mais c’est juste pour vous dire qu’une personne aveugle en réalité va chercher à comprendre mentalement comment l’information est organisée, et la façon de comprendre, - si les titres ont bien été hiérarchisés dans le code source - ça me permet, alors que je n’ai aucune espèce d’appréhension visuelle de la page, de comprendre ce que l’éditeur a voulu mettre en avant, comment il a rubriqué son site etc. Et moi, ça me permet, comme vous l’avez vu, de naviguer assez rapidement, mais en plus, je suis en train de vous parler depuis tout à l’heure, il est bien évident que si je n’étais pas en train de faire une démonstration, j’irais beaucoup plus vite. Là si je regarde, par exemple :
 
<b>Voix du lecteur d’écran :</b>Lien À Gruissan, des hébergements flottants, écologiques et uniques en France
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>j’ai ensuite des liens que je vais pouvoir activer pour aller regarder à quoi correspond l’information.
 
Alors pourquoi ai-je choisi ce site, puisque, évidemment, j’aurais pu en prendre plein ? D’abord, on est à Montpellier, je pense que ce n’était pas très difficile. Mais il y a des choses intéressantes dessus : d’abord il y a une structuration, malheureusement ce n’est pas toujours le cas, on y reviendra tout à l’heure.
 
<b>Voix du lecteur d’écran :</b>Information sur le contenu - Plan du site - Lien Labo des usages - Liens Accessibilité - Accessibilité : non conforme
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>En réalité, il y a quelque chose, là : j’ai dans le pied de page « Accessibilité non conforme ». Cette mention en fait, c’est ce qu’on appelle une déclaration d’accessibilité, c’est une obligation légale. Je suis sûr qu’Antoine y reviendra tout à l’heure, donc je ne vais pas nécessairement rentrer dans les détails. Mais disons, pour faire court : aujourd’hui, tous les sites publics, en France, depuis octobre 2020, doivent présenter cette mention, et même certains sites privés qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros. Et moi en tant qu’utilisateur aveugle, je sais tout de suite, en voyant cette mention, que la région se déclare comme non-conforme en matière d’accessibilité. On va juste aller faire un tour dedans rapidement.
 
<b>Voix du lecteur d’écran :</b>Visiter Lien accessibilité.
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Donc, je valide ce lien en faisant Entrer. J’ai oublié de le préciser, mais là j’ai un clavier qui est totalement normal. Je n’utilise évidemment pas la souris, donc je fais absolument tout au clavier, ça va de soi, mais avec un clavier qui est totalement standard, ça n’est pas un clavier adapté. La seule chose, c’est que, pour pouvoir utiliser un ordinateur, j’ai dû apprendre la dactylo, comme une secrétaire, par exemple, devrait savoir le faire.
 
Et donc, si là je vais chercher les niveaux de titres, toujours avec h :
 
<b>Voix du lecteur d’écran :</b>Principales régions - Cliquez sur l’accessibilité, titre niveau 1 - Lien partagé sur Twitter - Aucun titre suivant - Lien partagé sur bouton Imprimer. La région Occitanie, barre oblique Pyrénées Méditerranée porte une attention particulière sur l’accessibilité des sites internet, depuis plusieurs années - Liste de trois éléments
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Donc là, j’ai tout un laïus, je vais aller encore plus vite, et heureusement je peux quand même aller de paragraphe en paragraphe, notamment avec Ctrl Flèche bas, par exemple.
 
<b>Voix du lecteur d’écran :</b>Carré noir, la formation des agents - Carré noir Déclaration d’accessibilité en cours d’audit, prévue pour juin 2022
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Là par exemple, il y a une déclaration d’accessibilité en cours d’audit qui sera publiée en juin 2022. Ça, c’est fondamental, parce que ça me garantit, à moi, le fait de bien comprendre ce qui est en cours. Et je vais maintenant donner la parole à Denis sur la base de ce que je viens de vous expliquer en matière de déclaration d’accessibilité, pour que vous compreniez quelle est la petite étude qu’on vient de faire sur 1400 sites et quels sont aujourd’hui les constats qu’on en tire. Denis ?
 
<b>Denis Boulay : </b>Merci, Fernando. Donc je prends la suite de Fernando. Vous avez vu, sur  l’aspect légal, un certain nombre de choses. La loi oblige les sites publics et un certain nombre de sites privés à être conforme avec des règles d’accessibilité, des critères d’accessibilité qui existent au niveau international depuis un certain temps et qui, dans l’espace français, se concrétisent sous la forme d’un référentiel général d’amélioration de l’accessibilité, le RGAA <ref>[https://design.numerique.gouv.fr/accessibilite-numerique/rgaa/ Le RGAA]</ref>. Peut-être en avez-vous entendu parler ? Il y a la partie technique - un site doit être rendu accessible techniquement - et il y a aussi une partie déclarative, dont la fameuse déclaration d’accessibilité que vous avez sous les yeux, ainsi qu’un autre élément assez important, et Fernando a justement mis le focus dessus rapidement sur la page d’accueil du site de la région - c’est « Accessibilité non conforme » dans ce cas-ci. Ça veut dire que tout site soumis aux obligations légales sur la base d’une déclaration d’accessibilité - donc techniquement, c’est de réaliser un audit sur un échantillon de pages du site qui est visé, sur le service en ligne qui est visé - d’en déduire un pourcentage du niveau d’accessibilité et, à partir de ce pourcentage d’accessibilité, de dire : si le poucentage c’est 100 %, la mention obligatoire à mettre sur la page d’accueil, c’est « Accessibilité : totalement conforme ». Si le résultat n’est pas 100 % mais supérieur à 50 %, indiquer sur la page d’accueil « Accessibilité : partiellement conforme », . Et enfin, si le résultat de l’audit est inférieur à 50 % de conformité donc au fameux RGAA, eh bien, la mention affichée sur le site web sera « Accessibilité : non conforme ». Et là, c’est le cas notamment pour celui de la région, en tout cas, tel qu’il est évoqué ici.
 
Donc, nous, au niveau de la Fédération des Aveugles de France, on a décidé de prendre un échantillon assez large de sites web soumis aux obligations légales. Sur 1400 sites 70 % sont des sites publics et le reste sont des sites privés, des sites du CAC 40, des choses comme ça. Et on a décidé donc - manuellement pour le moment - eh bien de vérifier. Parce que tout ce que on vient d’évoquer, ce sont des données publiées sur le site web, donc publiques. On a essayé de référencer l’ensemble des sites qui publiait à la fois une déclaration de conformité ainsi que la petite mention sur la page d’accueil, de voir ceux qui faisaient à moitié le travail, par exemple, publier uniquement une déclaration de conformité sans forcément mettre la mention sur la page d’accueil - on l’a fait pour le public, on l’a fait pour le privé - et essayer de dresser et de croiser un certain nombre de chiffres. Donc, le résultat, malheureusement, je vais y venir dans quelques instants...
 
Ce qu’il faut signaler, c’est que l’accessibilité numérique en France est quasiment obligatoire dans les faits depuis 2012. Même si les décrets et la loi sont antérieurs, en 2012 l’ensemble des sites web publics français, en tout cas, devaient déjà être accessibles et publier une preuve de leur mise en accessibilité. Donc en 2014 l’association Braillenet <ref>[https://fr.wikipedia.org/wiki/BrailleNet Braillenet]</ref> a, par exemple, publié une étude qui s’appelait « Ce que les sites web publics veulent nous dire de leur accessibilité ». Donc voilà, j’avais pris un échantillon un peu plus court que celui qu’on a fait, 602 sites, mais qui n’était pas rien, uniquement sur le public, et il s’avérait que simplement 22 sites sur 602 avaient fait un travail de déclaration d’accessibilité, ce qui représente 3,7 % de sites, sur un échantillon quand même non négligeable de sites qui avaient produit une preuve de mise en accessibilité de leurs services en ligne.
 
Voilà. Donc, on a le chiffre de 3,7 % à l’esprit. Avec la publication de l’étude sur les 1400 sites le 19 mai dernier [2022], pour le secteur public uniquement, on est passé de 3,7 % à 14,6 % en sept ans. C’est-à-dire que, indéniablement, il y a une augmentation, ça augmente, c’est indéniable, inattaquable. Maintenant on est 17 ans après la loi de 2005, 7 ans après la première mesure. C’est multiplié, certes, mais on pouvait s’attendre quand même à ce que la prise en charge de l’accessibilité, au moins au niveau déclaratif - qui reste une obligation légale, on est bien d’accord - eh bien puisse être effective. Là, je parle de la déclaration d’accessibilité, c’est-à-dire le document que vous avez sous les yeux. Maintenant, au niveau de la mention sur la page d’accueil, on n’est plus à 14,6 %, on est tombé à 7,5 % de l’échantillon des sites publics. Je ne veux pas dire <em>no comment</em>, mais enfin, vous voyez que c’est très, très faible en 2022. Et pour faire une petite comparaison avec un échantillon certes un peu plus court, sur les sites privés soumis aux obligations légales, je rappelle, avec un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 250 millions d’euros, ce qui doit représenter, en France, entre 1400 et 1500 entités, eh bien là, on tombe à 7,5 % de sites qui ont fait une déclaration d’accessibilité, et uniquement à 2,7 % de sites qui ont fait cette mention sur la page d’accueil, qui est elle aussi obligatoire. Donc voilà un petit peu l’état des lieux.
 
Alors, là encore, on a fait une étude sur l’aspect déclaratif des choses, d’accord, et ça ne veut pas dire que ceux qui déclarent mentionnent systématiquement 100 % de conformité totalement conforme. Parmi tous ceux dont je viens parler, les quelques pourcentages de sites qui ont fait le travail déclaratif, donc obligatoire, eh bien la majeure partie va être des sites non conformes, partiellement conformes, c’est la plus grande part, et de manière très, très réduite, ça va être des sites avec 100 % de conformité, donc qui déclarent 100 % et donc « site Accessibilité totalement conforme », et ça, l’échantillon est encore plus petit. Je n’ai même pas fait le calcul parce que c’est vraiment très, très faible.
 
On a donc fait cette étude centrée « travail déclaratif », et là encore, on n’a pas pris chacun des 1400 sites où on a regardé les 106 critères du RGAA manuellement pour vérifier la réelle accessibilité des sites. On a vraiment pris sur la partie déclarative, qui fait donc partie de l’enveloppe - on va dire légale, de ce qui est demandé à chacun de ces sites soumis à obligations légales. Donc voilà en quelques minutes. Alors pour vous dire, par exemple, on a sectorisé un petit peu les 1400 sites, et notamment dans les sites publics on a fait les universités. En France, il y a 59 universités, eh bien, il y en a 57 qui ne produisent ni déclaration de conformité, ni mention sur la page d’accueil, uniquement 2 qui vont faire le travail déclaratif : l’université de l’Île de la Réunion, par exemple, et l’université d’Orléans. Et donc on a pu montrer, au niveau des ministères, au niveau des collectivités territoriales, on a pu inclure les départements, les régions, les grandes communautés de communes et urbaines, et là c’est pareil, on tombe à des chiffres qui sont malheureusement très faibles. De toutes façons, pour arriver à 4,6 % de sites qui ont fait une déclaration de conformité, vous imaginez bien que c’est relativement faible en règle générale.
 
Les meilleurs élèves vont être les sites de ministère, les plus importants, les chiffres arrivent à peu près à 50 % de conformité, des sites qui font bien le travail déclaratif. Idem au niveau privé, c’est plutôt les sites qui ont un gros, gros chiffre d’affaires, notamment ceux du CAC 40, qui montrent une certaine connaissance de leurs obligations légales. On va parler de ça, une connaissance de l’obligation légale qui tire vers le haut les chiffres. Mais les chiffres, globalement, comme vous avez pu le constater, sont très faibles. Je vais terminer cette petite présentation et je repasse la parole à Fernando.
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Très brièvement, vous dire que faire de l’accessibilité c’est fondamental pour nous garantir, à nous, personnes notamment en situation de handicap, de pouvoir accomplir les démarches, remplir sa déclaration d’impôts, ce qui n’est toujours pas complètement accessible au moment où je vous parle. C’est par exemple pouvoir prendre un rendez-vous pour renouveler sa carte d’identité avant de partir en vacances : par exemple, le système qui a été adopté par ma commune n’est pas accessible, donc pas la possibilité de prendre un rendez-vous. Ce sont tous ces genres de choses du quotidien qui vraiment nous impactent et, comme vous l’aurez sans doute compris, en tout cas même si c’est très bref, au travers de la démonstration, ça ne nécessite pas de mettre en place, par exemple, des versions audio de site internet, puisqu’en réalité, on a déjà, nous, les outils qui nous vont bien pour vocaliser si on en a besoin, ou pour le mettre en braille. C’est simplement appliquer les fameux 106 critères [du RGAA], mais là, je pense que d’autres autour de la table vont vous en reparler. Je vous remercie pour votre attention.
 
==17:44==
 
<b>Bertrand : </b>On va tout de suite passer justement à l’aspect réglementaire et contrôle de la réglementation avec Antoine Cao, donc, qui opère au sein de la DINUM <ref>[https://www.numerique.gouv.fr/dinum/ DINUM]</ref>.
 
<b>Antoine Cao : </b>Bonjour à toutes et à tous. Donc, je suis Antoine Cao, je travaille à la Direction interministérielle du numérique, j’essaye de ne pas utiliser d’acronyme puisque, justement, ça n’est pas accessible. Et donc je travaille au sein de cette direction dans un pôle qui s’appelle Design des services numériques, qui s’intéresse à la qualité des services numériques, l’ensemble de nos activités. Et, pour ma part, je suis plutôt en charge du fameux Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité qui a été évoqué par mes collègues précédemment, sur ces deux aspects, c’est-à-dire à la fois les aspects des obligations au sens réglementaire et sur les aspects techniques qui permettent de vérifier la conformité à ces obligations, les fameux 106 critères qui ont été évoqués.
 
Et donc, je fais en sorte que, justement, on puisse faire évoluer ça puisque, comme les technologies, les solutions évoluent en permanence. Il faut aussi maintenir à jour toutes ces parties-là. Je voudrais juste rajouter un élément par rapport à ce qui était indiqué par Denis. Dans les évolutions réglementaires, il y a effectivement la déclaration d’accessibilité, qui est devenue obligatoire, la mention, mais il y a également un troisième élément, parce que ces deux premiers éléments n’indiquent que la situation. Le troisième élément, c’est « quelle est la stratégie d’amélioration que vous avez prévue ? ». On sait que vous n’allez pas le faire sur un an, donc c’est prévu sur plusieurs années. Et habituellement, ce qui se fait sur plusieurs années, on l’appelle pluriannuel - ça c’est assez simple - et l’orientation que vous allez donner à votre stratégie d’amélioration des anomalies que vous avez déclarée, eh bien, vous le faites en publiant, c’est une obligation, un schéma pluriannuel d’amélioration de l’accessibilité et qui a une portée maximale de trois ans. Voilà pour compléter sur l’aspect, je dirais, obligations réglementaires.
 
<b>Bertrand : </b>Et il y a aussi un observatoire ?
 
<b>Antoine Cao : </b>Il y a un autre élément que je voudrais corriger par rapport à la présentation que vous avez faite de mon activité. Je définis ou je participe - puisque je suis le principal prescripteur mais après ça passe par tout le circuit interministériel de validation, etc. - les éléments qui sont portés par la réglementation. Je porte également tout ce qui est les critères opérationnels de vérification, donc des critères techniques. Je ne suis pas organe de contrôle : je ne peux pas être à la fois le juge et l’arbitre.
 
<b>Bertrand : </b>C’est un peu logique.
 
<b>Antoine Cao : </b>Voilà. Donc en fait la mission de contrôle
n’est pas assurée par la DINUM. On me pose beaucoup de questions par rapport à ce contrôle.
 
<b>Bertrand : </b>Mais alors dans ce cas, qui contrôle ?
 
<b>Antoine Cao : </b>Les textes ont prévu qu’il y ait une autorité de contrôle qui soit définie par un arrêté conjoint par les ministres en charge de la politique du handicap. Donc ils sont plusieurs : le ministre en charge du numérique et le ministre en charge des personnes handicapées. Cet arrêté, on l’attend toujours, malheureusement.
Moi, je ne suis pas dans le circuit d’écriture des arrêtés, c’est du bon sens. Je sais qu’il y a des discussions, que c’est remonté très haut, surtout avec la volonté politique qui nous a été donnée de faire en sorte que le numérique ne crée pas une fracture supplémentaire, tel que vous l’avez signalé. Que ça réussisse l’inclusion, c’est pour ça qu’on parle de qualité ou de design des services numériques dans notre activité. Mais malheureusement, on n’a pas de nom. Et actuellement, avec la situation électorale dans laquelle nous sommes, comme ça va dépendre de ministres, on ne sait pas qui sera en charge.
 
<b>Bertrand : </b>Ceci dit, si vous me permettez, ça fait quand même trois ans, quatre ans que la Défenseure des droits, très régulièrement, vient taper sur la e-administration, on s’en est fait l’écho sur CIO ??? et sur le <em>Monde informatique</em> à plusieurs reprises, parce que précisément l’administration n’est pas accessible, n’est pas conforme à l’égalité de traitement des citoyens. Et la DINUM finalement n’a pas réagi sur ce point de vue-là. Par exemple, inclure dans le code des marchés publics l’obligation que les marchés de prestation numérique s’appuient sur le RGAA : ça, ça pourrait être prévu par un autre circuit ? Est-ce que c’est possible de l’envisager, ça ?
 
<b>Antoine Cao : </b>C’est déjà fait. Mais vous savez, dans une réponse à un marché, les candidats, avant de devenir titulaires, disent : on va faire ça, ça, ça et ça, on s’engage. Après le problème n’est pas que l’engagement, il y a aussi : est-ce que vous avez prévu des réfactions de réception parce que ce n’est pas conforme ? Généralement vous n’avez pas d’écrit.
 
<b>Bertrand : </b>C’est ennuyeux.
 
<b>Antoine Cao : </b>C’est ennuyeux parce que ça n’est pas dans les les modalités administratives, mais dans les modalités techniques. Vous voyez ce que je veux dire ? Et c’est l’argument que prennent les titulaires, ils disent : mais vous n’avez pas prévu, etc. Donc si vous me demandez, c’est une évolution. Alors que ça n’est pas une évolution.
 
<b>Bertrand : </b>Non, bien sûr, c’est dans le cahier des charges originel.
 
<b>Antoine Cao : </b>Mais c’est l’argument que prennent très souvent les services juridiques. Moi, je ne suis pas juriste, je suis là pour me batailler sur ces principes-là. Mais c’est vrai que j’essaie de conseiller un certain nombre d’entités ministérielles, puisque mon périmètre est surtout ministériel, de ne pas s’appuyer uniquement sur les clauses administratives de respect des référentiels généraux, puisque je suis en charge plutôt des référentiels généraux. Donc, vous avez le RGPD, vous avez le RGS |Référentiel général de sécurité] <ref>[https://www.ssi.gouv.fr/entreprise/reglementation/confiance-numerique/le-referentiel-general-de-securite-rgs/ RGS]</ref>, le RGI [Référentiel général d’interopérabilité] <ref>[https://www.numerique.gouv.fr/publications/interoperabilite/  RGI]</ref> et le RGAA. Moi, je m’occupe plus du RGAA. En fait, ils sont déjà implicitement obligatoires. Tous. Mais ça n’est pas pour autant que tout le monde les suit. Et malheureusement, celui qui est le moins suivi, c’est le RGAA, on le voit depuis un certain nombre d’années.
 
<b>Bertrand : </b>Il faut dire que lorsqu’on ne respecte pas le RGS, c’est l’ANSSI [Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information] <ref>[https://www.ssi.gouv.fr/ ANSSI]</ref> qui se fâche tout rouge.
 
<b>Antoine Cao : </b>Voilà. Alors après, juste pour expliquer pourquoi les mentions, quand vous avez fait votre étude, pourquoi un certain nombre de mentions n’ont pas progressé de la même façon que sur la déclaration ? Parce que l’obligation de ces mentions n’est apparue qu’avec l’évolution de la réglementation depuis 2016, avec aussi également la transposition d’une réglementation européenne qui a été faite en 2019. Donc en fait, il n’y a que 3 ans où on a eu cette partie d’obligation avec les entreprises privées sur les trois mentions. Voilà, et ça a donné lieu à une évolution aussi de l’aspect technique : je la connais bien puisque j’en suis le principal instigateur et porteur. Je suis passé de la version 3 du RGAA à la version 4. Et donc en fait, de façon mnémotechnique, la version 4 amène quoi ? L’accessibilité numérique toujours obligatoire, un facteur. La déclaration d’accessibilité, deuxième facteur. La mention obligatoire, troisième facteur. Et le quatrième, le schéma pluriannuel. RGAA 4 = quatre facteurs. Comme ça, c’est facile de se rappeler pour vous, un petit moyen.
 
Alors l’énorme différence qu’il y a, avec ces trois facteurs supplémentaires qui ont été rajoutés, c’est que l’accessibilité numérique, le fait qu’on ne l’ait pas suivie, il n’y a pas de sanctions. On pénalise les utilisateurs, mais il n’y a pas de sanctions. Alors que les trois autres, eh bien, il y a des sanctions qui sont prévues. Vous prenez un risque juridique et un risque financier, ça a été prévu par la loi. C’est ça aussi la grande différence. Et on espère que ça fera peut-être bouger les choses.
 
<b>Bertrand : </b>En France, si ça n’est pas puni, on s’en fout, quoi.
 
<b>Antoine Cao : </b>Maintenant ce qui manque, mais effectivement, comme vous le signalez, c’est l’organe de contrôle qui permettra justement d’avoir... Mais ça va marcher comme tous les autres systèmes de contrôle : soit c’est lui-même qui fait le contrôle, soit il reçoit des informations pour qu’il aille contrôler. Et après il va calculer la sanction, etc.
 
<b>Bertrand : </b>Par exemple l’Arcom [l’Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique] <ref>[https://www.arcom.fr/ L’Arcom]</ref>, ça serait possible ?
 
<b>Antoine Cao : </b>Je ne sais pas, je ne suis pas dans les discussions de qui on va être nommé, sur quels arguments, etc. Mais par contre, ce que je peux vous dire, c’est qu’actuellement je me base sur une directive européenne qui était la directive d’accessibilité des sites internet du secteur public, qui a donné lieu à ces évolutions, à ce schéma, etc. Mais il y a une autre directive qui est en cours de transposition, qui sera applicable pour 2025, mais dont le texte doit être transposé pour 2023 au niveau de chaque État membre et qui est l’accessibilité de tous les produits et services. Donc ça ne touchera pas que les entreprises de plus de 250 millions d’euros, mais tous les fournisseurs de prestations de services et de produits à destination des usagers.
 
Après, je ne sais pas quel sera le référentiel de vérification de conformité sur l’ensemble de ces produits et services. Mais moi, ce que je peux dire d’entrée de jeu, c’est que je n’ai pas la compétence, ou la DINUM n’a pas la compétence dans certains périmètres. Donc, forcément, il faudra que ces méthodes de vérification soient portées par d’autres ministères ou d’autres entités qui ont la compétence.
 
<b>Bertrand : </b>Alors justement, puisqu’on parle de mise en compétence, Aurore Bouffel, vous à l’Adico [Association pour l’innovation numérique des collectivités locales] <ref>[https://www.adico.fr/ L’Adico]</ref>. Est-ce que, pour commencer d’ailleurs, vous pourriez présenter l’Adico ?
 
<b>Aurore Bouffel : </b>Bonjour à tous. Je suis Aurore Bouffel, chef de projet Accessibilité et sobriété numérique, et donc j’interviens pour l’Adico, c’est l’Association pour le développement et l’innovation numérique des collectivités territoriales. Nous sommes basés à Beauvais, dans l’Oise, et nous pouvons être qualifiés d’opérateur public de service numérique [OPSN], c’est-à-dire que nous accompagnons les collectivités territoriales dans leur transformation numérique. Ça c’est pour l’introduction. Aujourd’hui, je viens vous parler plus précisément de notre service RGAA, notre service accessibilité numérique. Ce service-là, pour replacer le contexte, a été créé début 2020 à peu près. Pour ma part, j’ai eu la chance de le rejoindre un an plus tard, courant été 2021.
 
Ce service, à sa création, a rapidement eu deux objectifs à remplir. Un premier objectif c’était de pouvoir accompagner nos collectivités territoriales sur les questions d’accessibilité numérique, puisque, comme ça a été présenté avant, il y a des obligations juridiques qui doivent être respectées par les collectivités. Et donc il fallait les accompagner sur ce sujet-là, puisque c’est des questions techniques qui nécessitent des compétences particulières qu’elles n’avaient pas forcément en interne. Et en parallèle de cet objectif, l’objectif était également de mener la démarche en interne, et c’est plus particulièrement sur ça que je vais m’exprimer aujourd’hui.
 
Pourquoi mener cette démarche en interne ? Déjà, tout simplement parce que c’était une obligation également pour nous, de par notre structuration. Et tout simplement aussi dans une démarche d’exemplarité, puisque c’est plus facile d’amener un sujet si soi-même on est lancé dans la démarche. On pouvait être sûr qu’on allait rapidement nous renvoyer vers nos propres responsabilités si on se permettait de faire des leçons sans nous-mêmes nous appliquer ces mêmes bonnes pratiques et ces mêmes règles. D’ailleurs il faut parler de règles en matière de RGAA.
 
Donc, sur cette thématique de l’accessibilité, des premières actions ont été réalisées dès 2020. Tout d’abord de la formation puisque, comme je le disais, l’accessibilité numérique, c’est un sujet technique et s’il y a énormément de ressources en ligne pour vous aider à comprendre le sujet, à monter en compétences, rien ne remplace une formation par un organisme qui est compétent et reconnu en la matière. En tout cas, c’est ma vision des choses, puisqu’il faut vraiment comprendre ce qu’est le RGAA, les implications, quelles ont été aussi les volontés au moment de sa rédaction. Il y a des choses qu’on ne peut pas comprendre simplement en lisant le texte brut. Donc la formation, c’est un préalable indispensable.
 
En parallèle de ça, des premiers audits ont été réalisés puisque, comme vous l’avez compris, l’audit de conformité est un passage indispensable pour la conformité aux obligations réglementaires.
Des premiers audits sur notre site principal, évidemment, et au fur et à mesure, on a étendu aux sites que nous proposons à nos collectivités. Et surtout, en parallèle de ça - et c’est sur ça que je vais m’arrêter un peu plus longtemps - on a adopté notre premier schéma pluriannuel de mise en accessibilité. On vous en a parlé un petit peu juste avant : ce schéma-là, c’est vraiment la colonne vertébrale, la base de travail pour une mise en accessibilité réussie.
Tout simplement puisque, au-delà des déclarations de bonnes intentions, si on veut que l’accessibilité puisse progresser, il faut avoir un plan d’action défini, des échéances fixées, des objectifs précis pour pouvoir suivre l’avancée et les réussites, les échecs, pour pouvoir avancer à vue, en tout cas.
 
Donc, ce schéma pluriannuel de mise en accessibilité est d’autant plus important à l’Adico qu’il est rédigé, proposé à la direction et accepté par celle-ci. Il est donc vraiment endossé par la direction avant d’être diffusé auprès de toutes les équipes de l’Adico. Ce qui montre vraiment que c’est quelque chose d’important pour notre structure, et qui va devoir s’intégrer dans tous les projets de l’Adico, finalement. Dans ce schéma pluriannuel, il y a différents grands axes de travail qui ont été identifiés.
 
Tout d’abord, la sensibilisation : c’est vraiment la porte d’entrée de l’accessibilité numérique, c’est sensibiliser les équipes de l’Adico au sujet afin qu’ils y pensent, afin que ce soit intégré dans tous les projets. Ça passe par des ateliers, par la diffusion d’informations en interne. On a des canaux de discussion sur lesquels, dès qu’il y a des actualités en lien avec l’accessibilité numérique ou plus largement sur le sujet du handicap, on va diffuser ça via les canaux afin de sensibiliser et que nos collaborateurs aient ça à l’esprit en toutes circonstances. La sensibilisation, c’est aussi vis-à-vis de nos adhérents, sous forme de webinaires, d’articles, de guides pratiques, selon les prestations. On essaye vraiment d’intégrer l’accessibilité dans tout ce que l’on fait. Donc, ça, c’était pour la sensibilisation.
 
On a un axe de travail sur la communication. Le service communication n’est pas le seul concerné par l’accessibilité numérique, mais c’est quand même un acteur privilégié sur cette thématique-là. Donc, on a un travail plus avancé avec eux, des livrables particuliers pour répondre à leurs besoins, pour les accompagner dans leurs missions.
 
A côté de cela, on a un axe Projets Adico. Donc, dès qu’il y a des questions d’accessibilité numérique à soulever, on fait en sorte que ça le soit et on en discute en interne sur les projets qui en ont besoin. Par exemple, on a proposé un agenda des obligations du numérique : cet agenda-là, on en a fait une version accessible pour qu’elle soit diffusée au besoin pour les mairies qui auraient des secrétaires en situation de handicap. Donc, ça, c’est un exemple parmi d’autres.
 
Et enfin, un dernier axe de travail sur les sites web, qui est un des autres gros services impactés, à l’Adico, par l’accessibilité numérique. Des groupes de travail privilégiés avec eux pour s’assurer que les sites web que nous proposons aux collectivités soient aussi accessibles que possible. On n’est pas sur un engagement à 100 % d’accessibilité, on fait au mieux pour s’en approcher, mais, encore une fois, c’est quelque chose de technique qui nécessite du travail dans la durée pour atteindre cet objectif des 100 %, on l’espère, au bout du chemin.
 
Et en parallèle de ce schéma, j’aimerais aussi mettre l’accent sur un travail de mutualisation à l’échelle de Déclic <ref>[https://www.asso-declic.fr/ Déclic]</ref>. Déclic c’est notre réseau national des OPSN qui fédère surtout ce qui va être nos missions, nos compétences. Il faut savoir qu’on travaille aussi à l’accessibilité numérique à cette échelle-là. Donc, d’une part, sensibiliser les OPSN à cette thématique, qu’ils puissent eux-mêmes mener leur démarche, se mettre en conformité à leur échelle, voire, s’ils le souhaitent, monter en compétences sur l’accessibilité numérique pour pouvoir accompagner leur collectivité, leur territoire. Sur cette problématique-là, qui aujourd’hui reste encore malheureusement très méconnue des collectivités territoriales, ou parfois connue, mais pas encore bien prise en charge par les collectivités. Donc, on souhaite vraiment diffuser ce sujet-là auprès de nos collectivités, et il faut que ça passe par les OPSN qui vont pouvoir faire rayonner le sujet, chacun sur leur territoire au niveau français.
 
Il fallait aussi que je précise un peu vers quoi j’allais pour la suite. À l’avenir, qu’est-ce que va être l’accessibilité numérique pour l’Adico ? Aujourd’hui, on est sur un gros travail de répertoriation de nos services de communication publique en ligne. C’est un gros travail puisqu’on en a un certain nombre. On doit les identifier pour pouvoir voir ce qu’il est nécessaire de faire pour les mettre en conformité, d’une part, au niveau de la réglementation, et de voir comment on va pouvoir les améliorer pour qu’ils soient toujours plus accessibles aux personnes handicapées. Donc, ce travail-là est en train d’être mené. On va même un petit peu plus loin en identifiant aussi les services de communication publique en ligne qu’on propose à nos collectivités, dans l’idée aussi de pouvoir améliorer ces supports-là pour qu’elles-mêmes puissent respecter leurs obligations. Il y aura tout un travail, donc, en interne, à mener auprès de nos services, mais aussi auprès des prestataires qui sont derrière certains de ces services, pour les interroger sur leur prise en compte de l’accessibilité, voire peut-être entamer des discussions, les accompagner pour essayer de mettre ça en avant. Donc, ça, c’est un travail qui est mené.
 
En parallèle on maintient notre niveau d’accessibilité en interne. On n’y est pas encore, on a encore du travail notamment sur les documents bureautiques, puisqu’énormément de nos livrables sont des documents bureautiques, et ceux-ci doivent eux-mêmes être accessibles lorsqu’ils sont diffusés en ligne. Donc on fait ce travail-là même au-delà de ceux qui sont diffusés en ligne : on souhaite que ce soit accessible à nouveau au plus grand nombre et respectueux du RGAA.
 
En parallèle à notre travail, celui d’adopter un nouveau schéma pluriannuel de mise en accessibilité, puisque l’actuel arrive à son échéance. Donc, on va devoir se fixer de nouveaux objectifs pour trois années de plus. Et enfin, pour élargir un petit peu et finir mon intervention, je vais aussi me former à la certification Opquast, tout simplement parce que beaucoup de prestataires avec lesquels je peux échanger dans le cadre de mes missions mettent en avant cette certification pour valoir de compétences en matière d’accessibilité numérique. Donc, c’est intéressant d’avoir cette certification-là pour comprendre un petit peu leur approche de l’accessibilité numérique et pour mieux communiquer avec eux.
 
==38:20==
 
<b>Bertrand : </b>Alors, il se trouve qu’il y aurait dû y avoir une sixième personne à cette table ronde, en l’occurrence Sylvie ??? [38:20], qui, elle, est côté entreprise, qui réalise notamment les audits, mais pas seulement. Alors vous avez beaucoup mentionné la formation, et moi j’ai eu donc Sylvie ??? hier au téléphone assez longuement, qui m’a expliqué ce qu’elle aurait voulu pouvoir défendre aujourd’hui. Et ce sujet de la formation lui tien beaucoup, beaucoup à cœur quand on rentre dans notre discussion. J’ai été assez étonné de ça : mais dans les écoles de design web, dans les écoles d’informatique, eh bien on ne parle pas du tout d’accessibilité, ce qui implique de devoir reformer les gens derrière, notamment dans les collectivités locales, mais aussi dans les entreprises. Et ça, ça m’a beaucoup surpris que le sujet ne soit même pas abordé, en fait, en formation. Donc, là aussi, peut-être, un rôle militant à avoir auprès de l’Éducation nationale. Oui, M. Cao ?
 
<b>Antoine Cao : </b>C’est en cours.
 
<b>Bertrand : </b>Aahhhh... [Rires]
 
<b>Antoine Cao : </b>Puisque dans les actions que nous menons pour essayer d’améliorer cette prise en compte, il y a l’inscription d’un certain nombre de modules de formation. Puisque ça touche différents types de postes, de fonctions qui sont concernés, ceux qui sont sur la communication, ceux qui sont sur le développement, ceux qui produisent des documents bureautiques, les assistantes de direction, les secrétaires généralement, ou les directeurs eux-mêmes... Donc tout un ensemble de formations et de modules de formation qui prennent en compte l’accessibilité numérique sont maintenant inscrites dans un document dont je ne connais plus le nom exact. Excusez-moi parce que je suis pas du monde de l’Éducation, mais une sorte de schéma directeur des éléments de l’éducation. Il y a également la mise en place d’une plateforme d’autoformation qui va être déployée en interministériel, qui est en expérimentation, et qui était issue de l’Éducation nationale qui est passée, je ne sais plus, à la DGAFP, la Direction générale de l’administration de la fonction publique, qui s’appelle Mentor <ref>[https://mentor.gouv.fr/ Mentor]</ref>, dans lequel il y a déjà deux modules sur l’accessibilité numérique qui sont prévus.
 
Et il y a également des travaux qui ont été faits avec cette fameuse Direction générale de l’administration et de la fonction publique, puisque elle couvre tous les versants de la fonction publique, État et territoriale : l’accessibilité numérique va être inscrite dans leur catalogue et c’est officiel. Alors ça a quel impact ? Ça veut dire en fait que tous les services RH [ressources humaines] des administrations publiques auront dans leur catalogue des formations, à proposer aux agents pour leur évolution de carrière, des modules d’accessibilité numérique. C’est quelque chose qui me tenait beaucoup à cœur. Après il fallait trouver le bon niveau, mais donc c’est en cours.
 
Un autre élément, puisque vous avez parlé de vos travaux sur le schéma pluriannuel, bon, moi, je le connais par cœur, évidemment, puisque j’ai rédigé son contenu et ses attentes...
 
<b>Bertrand : </b>Alors attendez, avant qu’on attaque ce point du schéma directeur pluriannuel, M. Pinto Da Silva voulait réagir.
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Je voulais juste compléter sur la formation, puisque, évidemment, c’est une préoccupation qu’on partage avec Sylvie ???. Alors il se trouve que, en me présentant, je n’ai pas précisé qu’une de mes autres casquettes c’est d’être vice-président du Conseil national consultatif des personnes handicapées <ref>[https://cncph.fr/ CNCPH, Conseil national consultatif des personnes handicapées]</ref>, qui est une structure au niveau national qui statue sur tout ce qui concerne de près ou de loin le handicap en général. Et une des choses qu’on porte depuis un certain nombre d’années c’est le fait d’inscrire la formation à l’accessibilité numérique dans les cursus de formation initiale et aux cours aussi, c’est-à-dire que les démarches que présente Antoine sont tout à fait pertinentes. Mais en réalité, un des écueils - et vous l’avez souligné, Bertrand, c’est qu’on se heurte au fait que les développeurs eux-mêmes, quand ils sont dans les écoles, quand ils sont à l’université, en fait quand ils sont en train d’apprendre leur futur métier, sans même présager du fait qu’ils vont travailler pour le public ou le privé, n’en entendent quasiment jamais parler, ou parfois une paire d’heures par-ci et ça s’arrête là. Et donc, effectivement, on a aussi des démarches, mais c’est extrêmement long. On a une charte, notamment, signée avec l’association Braillenet en 2015 pour travailler avec les universités sur ces questions, mais on a du mal à faire émerger ça. Je vous confirme qu’il y a des contacts de haut niveau avec l’enseignement supérieur, avec l’Éducation nationale, avec, fut un temps, le Secrétariat d’État au numérique qui avait pris cette question, notamment peut-être même pour voir comment ramener ça dans le CAPES informatique. Mais on voit effectivement qu’on peine à faire comprendre que, de la même façon qu’on parle sécurité dans les cursus, on devrait aborder l’accessibilité numérique. Sans quoi on se retrouve à chaque fois à devoir expliquer ce que c’est quand on dit : vous devez respecter cette clause parce qu’elle est obligatoire.
 
<b>Bertrand : </b>Merci. Alors donc, pour poursuivre sur le schéma directeur pluriannuel.
 
<b>Antoine Cao : </b> Le schéma pluriannuel d’activité - il n’y a pas le mot directeur. Dans les rubriques qui en font partie, il y a « vérifier que dans tous les contrats, conventions qui sont passés -  vous avez parlé de prestataires, de sous-traitants -, il y a bien des clauses d’accessibilité ». Il y en a également dans les processus d’embauche, les fiches de poste de maintien en emploi, de recrutement. Il y en a également dans tous les outils internes utilisés par le service pour ses agents, puisqu’il y a une obligation d’emploi, prévue par la réglementation, de personnes en situation de handicap et donc ces personnes, il ne faut pas, à partir du moment où elles sont dans vos effectifs, qu’elles soient défavorisées par rapport à l’ensemble des autres employés de l’entreprise. Vous voyez : il y a toutes ces rubriques également qui sont aussi dans le schéma pluriannuel et sur lequel il faut aider peut-être les gens à dire comment je vais faire, comment je pourrais faire, comment je pourrais rédiger. Après, il y a des sociétés comme la vôtre qui sont là pour ça.
 
Moi je peux expliquer ce qu’on avait comme idée derrière.
 
<b>Bertrand : </b>Il y a également un autre point important sur lequel Sylvie ??? voulait insister, et là on rejoint complètement les autres discours que j’ai pu entendre, notamment de la part de l’ANSSI sur les autres référentiels, typiquement le RGS : il ne faut jamais appliquer le référentiel à la fin, c’est la pire catastrophe qui puisse être faite, puisqu’évidemment, du coup, quand on arrive à la fin, qu’on arrive à faire un bel audit, évidemment, il y a plein de choses qui ne fonctionnent pas. Donc, il y a un surcoût puisqu’il faut adapter ce qui a été fait et, en matière de sécurité, c’est assez catastrophique très vite. Je pense qu’en matière d’accessibilité, c’est aussi catastrophique assez vite. Catastrophique sur le plan budgétaire, s’entend, alors que, bien évidemment, si on embarque tous les référentiels dès le départ, c’est vrai pour la sécurité, c’est vrai pour l’accessibilité, c’est vrai aussi pour d’autres types de référentiels, bien évidemment, il n’y a pas de surcoût puisque c’est fait dès le départ. Donc, que ce soit fait comme ça ou autrement, ça revient au même. En fait, il y a un véritable intérêt à prévoir la sécurité, l’accessibilité, la résilience etc. dès le départ des projets, et donc les inclure complètement dans les cahiers des charges, et notamment les cahiers des clauses techniques particulières ou autres.
 
<b>Bertrand : </b>Voilà. Alors, dernier intervenant pour cette première partie de la table ronde, c’est Matthieu Faure donc, pour l’ADULLACT.
 
<b>Matthieu Faure : </b>Merci. Je souhaitais vous parler d’un de nos projets à l’ADULLACT, qui s’appelle ni plus ni moins que l’Observatoire de l’accessibilité <ref>[https://adullact.org/breves/68-actualite/vie-associative/1103-l-observatoire-de-l-accessibilite L’Observatoire de l’accessibilité de l’ADULLACT]</ref>. Avant de vous présenter le projet, je vous propose de vous partager quelques petites anecdotes, une ou deux, qu’on a eu l’occasion de vivre par le fait de nos rencontres avec nos membres, les collectivités.
 
En préambule, on va poser le fait que l’accessibilité est un sujet qui nous tient à cœur, moi à titre individuel, je suis dans l’accessibilité depuis quasiment vingt ans, et c’est un sujet qui me passionne. Ce qu’on a eu l’occasion de rencontrer chez nos adhérentes, ce sont en fait des collectivités qui faisaient preuve de la plus grande bonne volonté - et ça, je tiens à souligner que c’est assez remarquable -, mais qui, par contre, se sont retrouvées dans certaines situations qui n’étaient pas tout à fait agréables. Typiquement des collectivités qui lancent une démarche de mise en accessibilité et puis qui utilisent un outil qu’elles pensent fiable et qui donne une note du style : « vous êtes à 98 %, OK, c’est super ». Sauf que quand on passe derrière et quand il y a des professionnels du métier qui arrivent, « ah non mais 98 % ? En fait, vous avez fait juste une portion du travail ». Et ça, ça pose problème parce qu’il y a eu une erreur de compréhension dès le début.
 
Dans les autres exemples malheureux qu’on a pu voir : dans le monde de l’accessibilité, il y a différents prestataires, dans le monde du web, il y a différents prestataires, et puis, parfois vous avez des vendeurs qui vous vendent monts et merveilles et les collectivités seront toujours, une fois de plus, persuadées de bien faire. Et, malheureusement, ça ne tombe pas toujours juste, voire ça tombe même carrément à côté de la plaque. Ça a été mentionné par Fernando et par Denis tout à l’heure : quand il s’agit de mettre en place des systèmes de vocalisation, je vous invite à ne surtout pas tomber là-dedans parce que, comme Fernando l’a très bien montré, les utilisateurs ont déjà la vocalisation. Donc tout ce qui est rajouter de la vocalisation ne sert clairement à rien. Autant le dire clairement et être limpide sur le sujet.
 
C’est de par ces vécus que nous nous sommes dit : comment pourrions-nous aider les collectivités à y voir un peu plus clair ? On s’est dit, bien évidemment, en allant à leur rencontre, oui, mais ça, c’est évident. Mais après, on est dans des considérations de limite humaine, de limite de ressources en termes de personnes. Donc, comment est-ce qu’on pourrait communiquer à une plus large échelle ? En fait, ce qu’on a fait c’est qu’on s’est inspiré des travaux de la DINUM qu’a menés Antoine Cao, il y a de cela quelques années, où il s’est agit  de mesurer sur un très large panel le niveau d’accessibilité des sites web, en l’occurrence des sites web publics. Et ce qu’avait fait Antoine à l’époque avec la DINUM consistait à mesurer ces sites-là : donc il a pu, à un instant t, opérer une photo du niveau d’accessibilité des sites web publics à cet instant t, dans tel secteur, les universités, les collectivités, les villes, les communautés de communes, et ainsi de suite.
 
Et nous, ce qu’on a pensé, c’est que ça avait du sens de refaire la photo. Et puis, quand on fait une photo une deuxième fois, une troisième fois, et puis quand on a fait vingt-cinq images par seconde, ça fait un film. Et on s’est dit : pourquoi ne pas faire le film de l’accessibilité, c’est-à-dire une « mesure » - entre guillemets - continue, du moins régulière, de l’accessibilité des sites web publics, et c’est ça l’Observatoire. Et c’est ça, ce projet que nous portons. L’idée de cet observatoire, c’est bien de fournir aux collectivités - qu’elles soient adhérentes à l’ADULLACT ou pas, d’ailleurs, ça n’est pas très important - de leur fournir un niveau d’information sur ce qu’on va appeler les erreurs grossières de l’accessibilité.
 
L’Observatoire n’a pas pour objectif de mesurer la totalité de l’offre de l’accessibilité : c’est important de le préciser parce que dans l’accessibilité, il y a des choses qui sont automatisables et des choses qui ne le sont pas, et donc, on va travailler sur ce qui l’est. Et sur cette partie qui est automatisable, nous allons identifier les erreurs les plus manifestes, en gros tout ce qui est trouvable de manière automatique, dans le but d’informer les collectivités en disant : regardez, vous avez une note - on est comme sur les diagnostics énergétiques qui vont de A à F, A étant la meilleure note - vous avez une note qui est de E ou F, c’est qu’il reste un certain nombre d’erreurs grossières et que vous pouvez corriger, la plupart du temps de manière très facile, parce que ces choses, si c’est grossier, c’est que les choses sont franchement faciles à corriger. Donc, le but de l’Observatoire, c’est bien d’aider les collectivités dans ce sens-là. Ça, c’est une première étape, qui est une étape assez technique, dans le sens où le périmètre qui est pris est celui de la technique.
 
Mais on a décidé de ne pas s’arrêter là. On a décidé aussi de publier toutes ces informations en <em>open data,</em> bien évidemment, dans le but d’arriver à sortir des statistiques pour arriver à voir si, par exemple, on mesure à l’échelle de la ville chacun des sites web des villes, de se dire à l’échelle de ce département, on observe que le niveau d’accessibilité des villes est plus élevé que dans tel autre département. Après, charge aux acteurs locaux de prendre le relais, mais l’idée, c’est de fournir ce niveau d’information. Alors je parle des villes, on pourrait parler des régions et de tout autre découpage géographique. Mais donc, c’est le genre de chose sur lequel on va travailler, ça vous a d’ailleurs déjà été présenté brièvement hier sur les graphes sur lesquels nous travaillons.
 
== 52:04 ==
 
Et puis, enfin, il y a un autre point sur lequel on souhaite faire intervenir l’Observatoire, c’est le risque juridique. En fait, comme il a été présenté tout à l’heure par la Fédération des Aveugles de France, l’idée c’est que cette fameuse déclaration, cette mention qu’on trouve sur la page d’accueil, cette mention-là est obligatoire. Donc, on va aussi aller vérifier la présence de la mention : ce qui a été fait par la Fédération de France de manière manuelle, nous allons l’automatiser, ce qui va nous permettre de passer à l’échelle. Ça a été fait sur globalement 1500 sites. Nous, notre première marche, c’est 30 000 sites. En gros, l’unité sur laquelle on va travailler, ça sera la dizaine de milliers de sites, voire la centaine de milliers de sites, parce que quitte à automatiser, autant aller jusqu’au bout.
Donc, on va mesurer la présence de cette déclaration. Et puis nous allons rajouter un petit peu d’intelligence derrière pour aller observer des choses : si par hasard on tombait sur un site qui déclare être conforme - et comme ça vous a été présenté, vous vous souvenez que conforme, c’est quand vous êtes totalement accessible - et puis que d’un autre côté, il y a le ??? [53:00] qui dit : tiens, c’est surprenant, j’observe des erreurs. On va pouvoir montrer les écarts entre le discours et les faits, toujours dans une optique d’aider les collectivités. Et c’est ça, ces outils d’automatisation qu’on souhaite mettre à disposition du public et du secteur public pour arriver à faire monter le niveau de maturité sur l’accessibilité.
 
Ceci étant dit, ce qui va nous intéresser aussi par le biais de l’Observatoire, là, on est à postériori, puisqu’on mesure quelque chose qui a déjà été fait, quelque chose qui a déjà été réalisé, en l’occurrence ces sites web. Ce qui va nous intéresser aussi, toujours dans l’optique d’aider les collectivités, c’est de faire en sorte que, au moment de la commande publique, au moment de l’achat public, vous, collectivité, puissiez dire dès le début, à vos ou votre prestataire, si vous n’avez pas une note de A, ça n’est même pas la peine de nous proposer un rendu, puisqu’on sait que les erreurs qu’on mesure ne sont que les erreurs grossières. Donc, commencez par ça. Et l’idée de cet observatoire, c’est aussi d’aider les collectivités à ce niveau-là.
 
<b>Bertrand : </b>Très bien. Alors moi, y a un truc qui m’a étonné dans toutes vos interventions, c’est - bon, alors personne n’a voulu invoquer satan moi, je vais donc le faire - c’est que le premier aveugle du monde, chacun le sait, s’appelle Google. Donc bien structurer un site web, avoir ces différents niveaux de titres, avoir des menus bien positionnés, bien structurés, des choses qui sont nécessaires pour les personnes qui ont un certain nombre de handicaps, c’est aussi une manière d’assurer son référencement. C’est une règle de SEO [Optimisation pour les moteurs de recherche], mais c’est aussi une manière de faciliter la circulation dans le site web. Donc ça n’est pas seulement pour des pouièmes de pourcents de la population, ça n’est même pas pour les 20 % de la population qui ont une difficulté ou une autre, c’est bien pour 100 % de la population. Quand vous structurez correctement un site web, un service en ligne, c’est bien pour l’ensemble des personnes qui vont y avoir accès, parce que si les menus sont bien faits ce sera plus facile, plus rapide, on n’aura pas à chercher partout une information.
 
Un truc tout bête : j’avais à une époque un petit jeu avec mes collègues de la rédaction. Quand vous créez un compte sur CIO ??? [55:40], vous déclarez une adresse mail, et puis derrière, si vous êtes un DSI d’entreprise utilisatrice ou d’administration, eh bien vous avez un statut particulier qui vous permet d’avoir davantage de crédits pour lire davantage et plus facilement des contenus. Et donc, du coup, moi je vérifie que l’entreprise qui est déclarée est une entreprise qui est utilisatrice, et pas un éditeur, par exemple. Eh bien, j’arrive sur des sites web et je ne sais pas ce que fait l’entreprise. Du tout. On n’en est même pas à savoir est-ce qu’un aveugle pourrait comprendre ce que fait l’entreprise ? Moi, je suis a priori tout à fait valide, je n’ai pas de problème, je ne suis pas dyspraxique, pas aveugle, rien. J’arrive sur un site web, je ne comprends pas ce que fait l’entreprise. Donc je suis obligé de chercher. Et bien évidemment les sites sont extrêmement mal conçus dans ces cas-là, et donc les menus ne mènent nulle part, ou mènent à choses ou à des slogans vides. Pour un certain nombre, parfois, j’abandonne, je dis hop ! prestataire.
 
Mais c’est dramatique, je trouve. Et donc, avoir conscience du fait que lorsque l’on structure correctement un site web, lorsqu’on le rend accessible, on le rend en fait accessible à tout le monde, c’est, je crois, quelque chose d’important. C’est pour ça j’ai préféré invoquer Satan.
 
Oui, M. Cao ?
 
<b>Antoine Cao : </b>Je suis tout à fait d’accord avec vous, mais je vais plutôt même le généraliser. Là vous êtes sur la partie « ils ont mal conçu, etc. ». Dans un processus de réalisation du site, avant de faire son audit à la fin - qui est le plus mauvais moment, donc, comme vous avez dit, il faut le prendre bien plus en amont - il y a une phase bien particulière et ça fait partie du schéma pluriannuel : c’est de prévoir des tests utilisateurs. Parce que là c’est en tant qu’utilisateur, indépendamment du fait d’être valide ou non valide, c’est déjà le test utilisateur qui va vérifier que le design du site - puisque là on est sur la notion de design, avant même de parler que l’accessibilité est bien faite - et parmi les tests utilisateurs, prévoir des tests d’utilisateurs avec des personnes en situation de handicap, parce que je vois mal, par exemple, une société dire « ah, mais je vais rendre mon application compatible avec les lecteurs vocaux ». Ils ne vont pas mettre des modules audio comme tu disais, mais comment ils appréhendent l’usage d’un lecteur vocal ? Il n’y a qu’une personne qui a l’habitude. S’il faut qu’il appréhende d’abord l’usage de l’outil, ça n’a pas de sens : autant demander à l’utilisateur qui serait en situation, qui utilise ce type d’outils ou d’autres outils par rapport à d’autres types de handicap, de faire partie du panel d’utilisateurs qui vient tester. Certaines phases, si c’est fait par petits bouts en mode agile, en mode on s’en fout de la méthodologie, mais que dans la phase de test il y ait bien l’avis d’utilisateurs qui puissent intervenir et non pas attendre  l’assemblage de tout et la mise en production.
 
<b>Matthieu Faure : </b>Ce que dit Antoine est évidemment frappé au coin du bon sens. Je souhaite, si tu le permets, préciser le propos sur une chausse-trape qu’on observe parfois. Concernant les tests utilisateurs, il me semble très important de dire qu’un test utilisateur ne remplace absolument pas l’application du référentiel. Je vais le dire encore autrement : dans vos travaux vous déroulez toute votre méthodo-projet, et vous suivez le RGAA. C’est super. Et à un moment, certainement vers la fin, vous allez faire intervenir les tests utilisateurs. Et il est important d’avoir en tête que les tests utilisateurs ne doivent pas contrevenir au RGAA. C’est le RGAA qui fait foi, quand vous êtes sur des tests utilisateurs avec des personnes en situation de handicap. Pourquoi est-ce que je dis ça ? Parce que ce qu’on observe, c’est que, dans une situation de handicap à l’autre, on pourrait imaginer des solutions qui vont régler un problème pour une personne, mais qui vont en générer d’autres pour les autres. Et c’est justement pour ça que le référentiel a été créé. C’est justement pour ça que le référentiel - là, on parle du référentiel français, mais qui n’est ni plus ni moins que la transcription en français d’une norme internationale, résultat de trente ans de travaux de différents organismes répartis de par le monde, c’est justement pour éviter ce genre de choses. Donc, dans l’ordre, soyez vigilant à bien appliquer le référentiel et ensuite appliquer vos tests, sans jamais remettre en cause le référentiel.
 
<b>Bertrand : </b>On va passer aux questions, il nous reste un quart d’heure : qui veut se lancer pour la première question ? Oui, monsieur ?
 
<b>Public</b>Bonjour, je suis DSI adjoint à l’université Paul Valéry Montpellier 3. On a lancé un projet avec une nouvelle plateforme pédagogique il y a deux ans. Donc, on a intégré dans le marché l’accessibilité, etc., et tout le monde est content, c’est super bien. Il faut maintenant aller plus loin. Donc tous nos sites, toutes nos applications un peu plus anciennes, etc. Mais c’est un sujet qui est difficile, en fait, à porter dans l’établissement. Apporter du crédit : puisque voilà, on a tous des priorités, budgétaires, temporelles, etc. On a énormément de difficultés, par exemple, avec le RGPD, où on est obligé d’avoir un DPO, il y a des choses qui sont quand même très strictes. Donc, vous disiez tout à l’heure que l’autorité de contrôle était en création. Est-ce qu’il ne faudrait pas accélérer la création de cette autorité ? On doit avoir un DPO : il faut qu’on soit obligé d’avoir un référent accessibilité, sinon j’ai peur que ça n’avance pas beaucoup.
 
<b>Bertrand : </b>M. Cao ?
 
<b>Antoine Cao : </b>C’est une des rubriques du schéma pluriannuel. Il y a la désignation des référents accessibilité numérique. Mais en fait ce qu’il faut comprendre, c’est que ce n’est pas un poste, c’est une activité. Je vais prendre un exemple d’organisme qu’on a souvent cité ici, c’est l’INRIA [Institut national de recherche en informatique et en automatique]. Ils ont voulu faire leur schéma pluriannuel, ils m’ont demandé de venir les conseiller auprès de la direction générale et on s’est rendu compte que, vu le nombre de sites - puisque qu’ils ont fait l’inventaire des sites que vous avez cité - ils en ont 14 000. Mais c’est réparti par rapport aux différentes activités de recherche, de développement qu’ils ont. Donc en fait le référent activité numérique, ils ont décidé que c’était un comité.
 
Mais effectivement, vous avez raison, c’est prévu par les textes. Alors que le RGPD, le DPO comme vous avez dit, c’est vraiment un poste qui est dans une personne, en fait c’est une activité que peut compléter la personne avec d’autres choses, mais vu l’ampleur du travail, néanmoins, il est à temps plein. Le référent accessibilité, c’est peut-être un ensemble de personnes qui sont sur différents projets, différents services, différentes entités du service, puisque on touche à la formation, au développement, on touche à tout un ensemble de choses, celui qui crée des contrats au service de recrutement, aux RH. Donc, en fait, on voit bien que la prise en compte de l’accessibilité, il faudrait que le référent soit tellement multi-facettes que ce n’est pas possible. C’est le mouton à sept pattes, même pas à cinq ou six, et en plus il y a neuf rubriques. Alors que je ne vais pas jusqu’à neuf...
 
Voilà donc, effectivement, je suis d’accord avec vous. C’est prévu par les textes, mais il faut le voir comme une mission. Et je crois que c’est le deuxième alinéa du schéma pluriannuel qui le décrit, si je me rappelle bien.
 
<b>Bertrand : </b>M. Pinto da Silva, vous vouliez apporter une précision ?
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Pour répondre à notre interlocuteur dans la salle. Vous dire que, de toute façon, cette structure de contrôle va exister. Je ne vais pas vous dire qu’elle va exister d’ici la fin de l’année, puisque je vous mentirais. Par contre, elle va de toute façon exister et je vais essayer très brièvement de vous expliquer pourquoi.
 
En juillet dernier des utilisateurs ont décidé de saisir la ministre en charge du handicap de l’époque, la secrétaire d’État, en utilisant un processus qui existe, qui est long, fastidieux, qui peut amener à des sanctions administratives, etc. Et en fait, à cette occasion, c’était la première fois que c’était fait en France. Donc, il y a eu huit saisines sur des services publics et des services privés, etc. Et ça a été extrêmement long, laborieux, ça s’est retrouvé devant le conseil d’État puisque, du coup, la ministre n’a pas répondu dans les temps. Finalement, la ministre a fait ce qu’il fallait, et puis là, il va falloir qu’on reprenne les choses une fois les législatives passées, pour que le nouveau ministre reprenne ces saisines et du coup fasse ce qu’il faut vis-à-vis des collectivités et des entreprises. Pour la petite histoire, il y a quand même une sanction financière qui existe pour chaque infraction constatée en matière d’obligation légale, de 20 000 euros par service, pas par site internet, mais bien par service.
 
Donc là, il y a quelque chose, mais qui, effectivement, comme on vous l’a tous dit aujourd’hui, manque d’un pilote dans l’avion, pour le dire de façon un peu triviale. Et donc pourquoi je vous dis que, de toute façon, ça va bouger ? C’est parce qu’en fait, il y a une transposition d’une autre directive, qui s’appelle l’Acte européen d’accessibilité
<ref>[https://www.vie-publique.fr/en-bref/20043-acte-europeen-sur-laccessibilite-projet-de-directive-sur-le-handicap L’Acte européen d’accessibilité]</ref>, qui est beaucoup plus large en réalité, qui adresse l’accessibilité du cadre privé. Donc, nous, en France, on a déjà commencé un peu à le faire en amont, on va dire, de ce qui se passe au niveau européen. Mais là, effectivement, comme le précisait Antoine tout à l’heure, en 2025 c’est une obligation pour les sites privés, sauf les micro-entreprises au sens européen du terme. Et il y a tout un tas d’autres choses, notamment liées, je vous les dis en vrac : les transports, l’accessibilité des distributeurs bancaires, l’accessibilité du livre numérique, etc. Et donc, du coup, ce qui est sûr, avec ce qui s’est passé en juillet dernier, la façon dont ça a été traité, la façon dont on s’est tous agacés collectivement - je pense ici à la fédération, au CNCPH, même à la DINUM, je le sais aussi - eh bien, on fait tous le constat que, de toute façon, avec un texte comme la directive européenne il nous faut un organisme. Alors, est-ce que ça sera l’ARCOM ? Est-ce que ça sera la DGCCRF [Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes], parce qu’on en parle aussi, on ne sait pas encore à ce stade. Par contre, ce que je peux vous dire, c’est que ça va exister, tout simplement parce que les enjeux sont tels pour cette directive que ça sera totalement ingérable si il n’existe pas. Et ces paroles-là, elles ont été portées très haut, notamment par Jean Castex, lors du conseil interministériel au handicap, le trois février dernier [2022]. Donc, on sait que là, de toute façon, il y a une volonté de l’État pour aller là-dessus.
 
<b>Bertrand : </b>Mathieu Faure ?
 
<b>Matthieu Faure : </b>Peut-être pour vous aider dans votre démarche. On peut s’inspirer de ce que fait le secteur du privé. Parce qu’on parle bien évidemment du secteur du public, là, mais c’est quand même pas inintéressant de regarder ce qui est fait dans le secteur privé, et particulièrement dans le monde des grandes entreprises, parce que - quelque part ça m’attriste un petit peu de de le dire -, mais on est obligé de le constater : en fait, les entreprises du CAC 40 et les grandes entreprises sont, me semble-t-il, en avance sur l’accessibilité par rapport au secteur public. Et, fort de ça, ce que font ces entreprises, ces organisations, c’est qu’elles ont ce qu’elles appellent une mission handicap et c’est au sein de la mission handicap qu’il y a ce qui était appelé l’activité de référent accessibilité. Et cette notion de mission qui va prendre en charge ces travaux, je pense que c’est une manière de s’organiser qui, l’expérience le montre, a l’air de ne pas trop mal fonctionner.
 
<b>Bertrand : </b>On va prendre une autre question. Oui, monsieur ?
 
<b>Public : <b>Bonjour, je suis enseignant au Maroc.  Moi, je m’intéresse énormément à cette problématique de l’accessibilité, depuis des années. Alors, pour vous dire, pour l’anecdote, il y a, je crois, dix ans, il y a eu une conférence faite par Richard Stallman lors des rencontres mondiales du libre, et j’avais proposé à la FSF [Free Software Foundation] : pourquoi ne pas ajouter une cinquième règle au niveau des logiciels libres ? Il y a les quatre règles que tout le monde connait : droit d’étude, d’accès, de modification, d’utilisation... Mais pourquoi pas le droit d’accès ? Pourquoi ? Parce que ça n’est pas simplement au niveau des sites web, mais surtout au niveau des applications. Moi, je trouve ça mal lorsque je trouve des libristes qui développent des choses très, très intéressantes, mais malheureusement, ils oublient ça : cette population très importante qui a des droits. Ça n’est pas un cadeau, c’est un droit. C’est un droit universel, un droit humain : l’accès à l’information, l’accès aux ressources fabriquées par l’argent de ces personnes-là. Ça d’une part.
 
D’autre part, j’ai une autre chose qui m’intéresse personnellement. Dans mon expérience que j’essaye d’intégrer dans l’enseignement, ce n’est pas évident pour les étudiants parce que, malheureusement, ils ignorent cette chose-là, parce qu’ils ne se mettent pas à la place de quelqu’un qui a besoin d’avoir accès. Et j’ajouterais : l’accessibilité n’est pas simplement pour les non-voyants. Il y a une autre catégorie, et je vais prendre le cas de mon pays, ce sont les analphabètes, j’allais dire pas les analphabètes, mais les gens qui ne savent pas facilement lire. A titre indicatif, en France, il y a 2,5 millions de personnes, je crois, qui ont des difficultés pour lire. Et ces personnes-là, il ne faut pas les oublier, ils ont le droit d’accéder aux sites publics, aux sites universitaires, d’information, etc. Et ils ne sont pas pris en considération. Il ne faut pas simplement restreindre l’accessibilité pour les gens mal-voyants, mal-entendants, etc. Mais élargir la chose : c’est-à-dire que l’accessibilité, c’est le droit d’accès. J’ai le droit d’accéder à un immeuble, j’ai le droit d’accéder à mon PC, j’ai le droit d’accéder à mon téléphone : ce machin-là où il y a Google derrière, etc., ne prend pas en considération cette population, il n’a pas le droit j’allais dire. C’est-à-dire qu’en tant que consommateurs nous devrons être exigeants, et j’allais dire même plus que ça : nous tous, un jour, on va avoir besoin d’accessibilité. C’est l’âge : on va vieillir et lorsqu’on va vieillir, on aura des difficultés pour voir, on aura des difficultés pour plein de choses. Donc on est tous, potentiellement parlant, des gens entre guillemets « non valides ». Merci.
 
<b>Bertrand : </b>Une petite réaction de l’un ou l’autre ?
 
<b>Antoine Cao : </b>Merci de cette réaction. Juste pour vous préciser, je ne veux pas rentrer dans les détails, mais il y a des critères dans le RGAA sur le problème de ce qu’on appelle le langage clair ou langage simplifié, pour certains types de déficits, on va dire, qu’ils soient liés également, par exemple, de mal maîtriser une langue. Vous parlez des gens analphabètes ou autres, mais il y a aussi ce genre de choses, et donc il y a tout un ensemble de critères qui tiennent compte de ça. Et je veux donner un exemple assez simple : Fernando vient d’utiliser un lecteur vocal.
 
<b>Fernando Pinto Da Silva : </b>Non, un lecteur d’écran, j’insiste.
 
<b>Antoine Cao : </b>oui, un lecteur d’écran, pardon. Mais ce lecteur d’écran a lu en français. Parce que dans la page, je présume qu’il était indiqué que la page de l’écran, puisque c’était la région Occitanie, il y a quelque part indiqué que c’est en langue française. Mais si Fernando avait utilisé un autre site qui serait indiqué en langue anglaise, on aurait tous entendu son lecteur d’écran prononcer avec la langue anglaise. Et ça, ça fait partie des critères du RGAA :  l’indication de la langue sur une page ou un sous-ensemble de pages. Ce genre d’éléments a été prévu dans les critères.
 
<b>Bertrand : </b>Et c’est d’ailleurs là aussi un critère de SEO. Denis Boulay, vous vouliez intervenir également ?
<b>Denis Boulay : </b>C’était juste pour dire que la norme internationale du W3C <ref>[https://fr.wikipedia.org/wiki/World_Wide_Web_Consortium W3C, Word Wide Web Consortium]</ref>, sur laquelle se base le fameux RGAA, prévoit donc ce type d’accès à des typologies de besoins plus spécifiques. Il y a trois niveaux d’accessibilité: au niveau international, A, AA [double A], AAA [triple A]. Les normes, on va dire nationale, française, tous les pays qui légifèrent, ont A et AA, et c’est vrai que le AAA peut apparaître dans le RGAA, mais pas de façon la plus obligatoire. On incite à utiliser légalement A et AA, on propose les critères du AAA : faites-le si possible, mais l’aspect légal s’arrête souvent au AA dans les pays qui légifèrent. Mais en tout cas, Antoine a raison, la norme internationale prend en charge ce besoin très particulier.
 
<b>Bertrand : </b>Alors une dernière question peut-être ? 
 
<b>Public : </b>pour Aurore. D’abord, merci Adico et bienvenue.
Si j’ai bien compris, Adico aide ses collectivités à fabriquer des sites web le plus proprement possible. Peux-tu nous donner un peu de quantitatif de combien de collectivités, donc de combien de sites web parle-t-on ?
 
<b>Aurore Bouffel : </b>Je n’aurai pas les chiffres exacts, mais on a une bonne centaine de sites internet. À savoir que moi, j’accompagne le service web dès la phase de maquette. Dès le début, on discute ensemble, je regarde les maquettes, je fais des remarques, ce qui est nécessaire de corriger. Une fois que la maquette est finalisée, ils vont passer à la phase de développement et là, j’interviens à nouveau avec un audit de vérification où, justement, je vais voir ce qui peut gêner dans le code, dans la page, et leur remonter à nouveau de nouvelles corrections à réaliser. Là, ils vont faire tout ce qu’ils peuvent, ils vont mettre autant de corrections que possible en place, dès cette étape-là. Malheureusement, il y a des choses qui vont demander un petit peu plus de temps, puisque parfois, il y a des outils tiers qui sont insérés dans les pages où on n’a pas forcément la main pour les corriger. Donc, il y a besoin de développements assez conséquents pour pallier ces problèmes-là. Donc, ça, forcément, c’est des choses qui sont planifiées pour plus tard et qui seront adressées lorsqu’ils auront du temps à y consacrer, en tout cas.
 
<b>Public : </b>Est ce que tu as imaginé utiliser notre Asqatasun  <ref>[https://asqatasun.org/ Asqatasun, en anglais]</ref> pour t’aider dans cette mission ?
 
<b>Aurore Bouffel : </b>Alors, comme j’ai été formée comme auditrice d’accessibilité, j’ai quand même tendance à préférer les tests manuels. Ces outils-là sont très intéressants : en premier lieu, pour un premier accès à l’accessibilité numérique pour les personnes qui n’ont pas l’information, qui n’ont pas les compétences. Ça leur donne quand même une bonne visibilité de où ils en sont. Après, avec toutes les alertes qui ont déjà été faites sur le fait que ce n’est pas exhaustif et qu’il y a dans tous les cas besoin de tests manuels. Après, pour ma part, j’avoue que j’ai tout simplement ma panoplie d’outils et que je déroule mes tests comme j’ai appris à le faire. Je suis habituée avec mes outils.
 
<b>Matthieu Faure : </b>Peut-être juste pour partager quelque chose sur les outils et pour l’assemblée. Il est évident que les outils automatisés ne vont pas être d’une grande aide auprès d’experts en accessibilité, qui sont les experts qui vont contrôler le travail des outils. Ça, c’est limpide. Ceci étant, un expert, ça reste une personne et une personne n’est pas forcément toujours disponible. Et quand il s’agit de multiplier, donc de passer à l’échelle, le recours aux outils permet de valoriser le temps de chacun et de se dire toujours, une fois de plus : on évacue les erreurs grossières. Et une fois qu’on a évacué les erreurs grossières, et pas avant, après, on sollicite les experts. Parce que si les experts sont sollicités, alors que c’est des erreurs grossières la première fois, ils vont venir la deuxième fois, et à la dixième fois, ils commencent à en avoir marre. Et il se trouve que j’ai aussi vécu cette situation et j’étais agacé qu’on me demande d’intervenir sur des bêtises. Donc, l’intérêt des outils n’est pas tant dans une problématique de l’univers, il est dans le fait de faciliter la répartition du temps, l’optimisation du temps entre tous les différents profils.
 
<b>Denis Boulay : </b>C’était juste un point de détail. C’est vrai que moi, dans ma procédure, j’ai quand même une expérience dans l’audit d’accessibilité, et c’est vrai que des outils comme Asqatasun, moi, ça me permet, sur certains critères - où je sais que c’est chronophage de vérifier qu’il ne faut pas embarquer des éléments obsolètes du HTML -, cet outil est fiable, parce qu’il les a tous dans sa bibliothèque. Plutôt que je fasse des recherches manuelles pour ce genre de choses, je passe l’outil et c’est bon, c’est pas bon, et en tout cas, ça permet de gagner beaucoup de temps, au moins sur un certain nombre de critères très précis.
 
<b>Bertrand : </b>Très bien. Eh bien, écoutez, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter un bon appétit. Il y a une dernière question ? Alors une petite dernière.
 
<b>Public : </b>Plus qu’une question, un commentaire. Simplement, c’est que quand on veut mettre en place une politique sur l’accessibilité de manière globale, il faut avoir des indicateurs de départ pour mesurer le chemin parcouru. Et Asqatasun est un outil parfait pour fabriquer avec les indicateurs de départ et voir où on en est et où on peut aller, et ça, c’est un outil de base pour commencer à établir une politique.
 
<b>Bertrand : </b>D’accord. Merci beaucoup, merci à tous, mesdames et messieurs, merci.
 
[Applaudissements]

Dernière version du 19 février 2023 à 14:37


Publié ici - Février 2023