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| '''Titre :''' Les enjeux géopolitiques de la souveraineté numérique
| | Publié [https://www.librealire.org/les-enjeux-geopolitiques-de-la-souverainete-numerique ici] - Février 2022 |
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| '''Intervenant·e·s :''' Ophélie Coelho - Clotilde Bômont - Tariq Krim - Jean-Paul Smets - Simon Woillet
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| '''Lieu :''' Conférences consacrées à la souveraineté numérique - Centre Panthéon de l'Université Paris 2
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| '''[https://www.youtube.com/watch?v=4yIBbh6_PV8&ab_channel=LeVentSeL%C3%A8ve Vidéo]
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| '''Date :''' 15 janvier 2022
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| '''Durée :''' 1 h 12 min 40
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| '''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
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| '''Illustration :''' À prévoir
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| '''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
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| Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
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| ==Description==
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| La lutte pour l'indépendance numérique engage désormais l'avenir industriel, démocratique et géopolitique des nations. Des données critiques de nos services publics (en particulier de santé et de sécurité) aux données de nos grandes entreprises industrielles, rien ne semble échapper à la prédation des géants numériques américains et à la culture de la forfaiture si répandue chez nos élites dirigeantes.
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| De la maîtrise des infrastructures à la maîtrise des couches logicielles, une bataille culturelle s'impose aujourd'hui dans le champ technologique. Entre la conception défaitiste et dangereuse du "cloud de confiance" porté par le gouvernement, et la vision réaliste et volontaire de nos intervenants, ce colloque est l'occasion de sortir des préjugés sur "l'impuissance" des acteurs français et européens du numérique, pour écrire un nouveau récit mobilisateur. Celui de la souveraineté numérique de notre pays et de ses institutions critiques.
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| ==Transcription==
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| <b>Simon Woillet : </b>Comme vous l’avez vu, la première conférence porte sur la géopolitique du numérique. Je vais me permettre d’introduire très brièvement nos intervenants qui seront libres de modifier ou d’amplifier cette présentation à leur convenance.<br/>
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| Clotilde Bômont, vous êtes chercheuse au centre de recherche et de formation GEODE et doctorante à l’Université Panthéon Sorbonne. Vous êtes notamment spécialiste des questions d’intégration du <em>cloud computing</em> dans les systèmes d’information et de communication militaires.<br/>
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| Tariq Krim, vous êtes entrepreneur et pionnier du Web français. Fondateur de Netvibes, Joli<em>cloud</em> et Polite. vous êtes l’initiateur du mouvement slow Web, ancien vice-président du Conseil national du numérique. Vous êtes aujourd’hui reconnu comme une voix essentielle des combats pour un politique numérique française respectueuse des intérêts stratégiques nationaux et européens. Vous intervenez également régulièrement dans la presse nationale et dans de nombreux médias avec une audience importance tels que Thinkerview et B-Smart.<br/>
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| Ophélie Coelho, vous êtes spécialiste en géopolitique du numérique. Vous êtes membre du Conseil scientifique de l’Institut Rousseau, auteur de nombreux rapports passionnants et salués sur la géopolitique du numérique. On peut citer notamment votre rapport intitulé « Câbles sous-marins : les nouveaux pouvoirs des géants du numérique » ou encore « L'urgence d'une indépendance numérique révélée par l'urgence sanitaire » et plus récemment « Les États-Unis, les Big techs et le reste du monde… », qui sont consultables sur le site de l’institut Rousseau.<br/>
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| Jean-Paul Smets, vous êtes coprésident d’Euclidia, l’alliance européenne des industriels du <em>cloud</em> et CIO de Rapid.Space, entreprise de <em>cloud</em> de portée internationale avec une forte expérience en Asie, notamment en Chine et au Japon. Vous êtes l’un des fers de lance du combat pour un numérique européen libéré de l’emprise des GAFAM et vous vous inscrirez dans la défense d’un numérique plus ouvert au logiciel libre, notamment à travers la campagne EuroLinux dans laquelle vous avez joué un rôle clef.
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| Très brièvement pour laisser le plus vite possible la parole à nos intervenants, pour cadrer un petit peu le débat, la géopolitique du numérique ne consiste pas simplement, à notre sens, dans l’analyse de l’incrémentation du numérique dans les problèmes géopolitiques déjà préexistants. En fait, le numérique devient à part entière une grille si ce n’est la grille majeure contemporaine de lecture des faits géopolitiques et, pour cela, il suffit d’avoir en tête la question des infrastructures, de l’activation d’infrastructures clefs de communication. On peut penser aux câbles sous-marins dont on a parlé, aux satellites et encore à la fourniture aux administrations publiques de services <em>cloud</em> comme étant autant d’éléments majeurs d’une politique d’influence sur les autres nations.<br/>
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| Toutes les tensions diplomatiques et géopolitiques majeures que l’on rencontre aujourd’hui s’inscrivent pleinement dans la question numérique, notamment le rôle de la Chine qui est aussi profondément lié à la question des terres rares, comme vous le savez, ou bien la question taïwanaise pour ne citer que ces exemples extrêmement connus.
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| Pour ouvrir la discussion immédiatement, je vais m’adresser tout de suite à nos intervenants et je vais demander à chacun et chacune, à tour de rôle, de répondre à cette question d’ouverture : comment définir, dans notre monde contemporain, la question de la souveraineté numérique et quels enjeux généraux recouvre-t-elle ? Ophélie.
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| <b>Ophélie Coelho : </b>Merci Simon pour cette présentation.<br/>
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| Je vais commencer tout simplement par rappeler que quand on parle de souveraineté numérique, à mon sens, il faut déjà partir de cette idée que dans le monde numérique, d’ailleurs comme dans n’importe quelle industrie, on est soumis à de fortes interdépendances que ce soit dans le domaine du logiciel comme dans le domaine de la matérialité du numérique, à la fois au niveau des réseaux, où on a des réseaux interdépendants au niveau mondial, et aussi au niveau des terminaux qu’on utilise où on a une chaîne d’acteurs techniques de l’extraction des métaux jusqu’à la fabrication des composants et la fabrication des terminaux qui fait que forcément tous ces acteurs techniques vont être interdépendants.<br/>
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| De base, on pourrait se dire que s’ils sont tous interdépendants il n’y a pas de problème, ils ont tous une dépendance les uns par rapport aux autres donc ça va bien fonctionner. C’est un peu comme le marché libre. Le problème c’est que dans cet univers-là il y a des puissances qui ont aujourd’hui trop de pouvoir, qu’on va nommer les GAFAM, qu’on nomme de plus en plus les Big Tech aujourd’hui parce qu’elles ont une importance notamment dans le domaine infrastructurel. Les Big Tech étant – si on reprend une définition que j’aime bien qui vient d’un sociologue classique, pour ceux qui le connaissent, qui est Marcel Mauss – tout simplement un fait social total et qu’elles on aujourd’hui une influence à la fois sur nos sociétés, également sur le politique, évidemment sur notre souveraineté numérique, en tous cas, elles ont aujourd’hui une force sur nos sociétés. À partir de là, la souveraineté numérique c’est quoi ? À mon sens c’est avant tout s’intéresser à ces dépendances numériques, savoir les mesurer et savoir tout simplement rééquilibrer ces dépendances quand elles deviennent critiques pour notre capacité d’autodétermination. Voilà.<br/>
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| Donc aujourd’hui pour moi, quand on parle de souveraineté numérique, c’est vraiment lutter pour notre capacité d’autodétermination et, à mon sens, ça passe par la maîtrise des technologies plutôt que par une simple régulation, un simple contrôle des technologies.
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| <b>Tariq Krim : </b>Bonjour à tous. Tout d’abord merci de nous accueillir dans ce haut lieu de réflexion et puis merci à l’ensemble des partenaires.<br/>
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| La question de la souveraineté numérique est dans débat depuis quelques années, elle est beaucoup dans le débat depuis les deux dernières années puisque la pandémie, d’une certaine manière, nous a d’abord obligés à vivre dans le monde numérique des Big Tech, on était en permanence sur des Zoom qui n’en finissaient pas, des e-mails, des <em>chats</em>, des visios, du <em>cloud</em>, toutes ces technologies dont on se dit, et je fais partie des gens qui pensent qu’elles sont assez toxiques pour les individus, en fait pour échapper au virus on est rentré dans un monde numérique assez toxique.<br/>
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| Quand on parle de souveraineté numérique, chacun a une définition qui lui est propre. Pour moi le débat se pose autour de deux questions principales. Ce qui est intéressant c’est qu’on a ce débat alors qu’on est peut-être, en ce moment, à J-8 d’une guerre mondiale cybernétique. Vous avez peut-être vu que les serveurs ukrainiens ont été hier <em>disablés</em>, que la Pologne est en émoi et qu’on a, en fait une véritable problématique numérique.<br/>
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| Il y a deux choses importantes. La première c’est qu’on a basculé d’un Internet qui était ouvert, contrôlé par les États-Unis, puisque, comme vous le savez, l’ensemble des noms de domaine et toute l’architecture du réseau est américano-centrée, mais qui était quand même un Internet ouvert depuis quelques années, à un Internet qui s’est concentré au point qu’il est devenu monopolistique. J’aime bien parler d’Internet boîte noire. On est passé de l’Internet ouvert à l’Internet boîte noire parce que c’est un Internet dont on ne comprend pas comment il fonctionne. Il faut d’ailleurs comprendre qu’une grande partie du trafic est désormais à l’intérieur des <em>datacenters</em> des Big Tech. Ceux qui font de l’informatique savent que quand on a un serveur chez Amazon et un autre serveur chez Amazon, d’une autre boîte, et qu’ils doivent échanger des données, ils le font à l’intérieur du service du <em>datacenter</em> d’Amazon. Quand la majorité des serveurs sont sur Amazon, à partir de là une énorme partie du trafic se fait à l’intérieur de ces <em>datacenters</em>, c’est le cas aussi pour Google, pour Apple, pour Facebook. C’est-à-dire que non seulement on gère des données colossales, on les gère également pour des partenaires, ce qu’on appelle le <em>cloud</em>, mais en fait on a une concentration de ces données.<br/>
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| Et puis il y a une deuxième question qui est la question du rapport de l’État face à cet Internet monopolistique. On a la démocratie qui est déstabilisée par les Big Tech, il y a aussi la problématique de la protection des infrastructures vitales, on va le tester dans les semaines et les mois qui viennent.<br/>
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| Je voudrais juste faire deux petites remarques pour vous montrer d’où on vient et où on va.<br/>
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| En 2010, dans un discours assez célèbre, Hillary Clinton parlait de l’Internet comme d’un outil qui allait abattre les frontières de la censure, elle parlait notamment de la Chine mais aussi de l’Iran. Si on regarde dix ans plus tard, aujourd’hui la Chine, d’une certaine manière, censure l’Internet à l’extérieur de son territoire, puisque désormais quand vous êtes un citoyen chinois et que vous parlez d’une manière qui ne plaît pas au gouvernement chinois sur des réseaux américains comme Twitter ou des réseaux sociaux, quand vous revenez en Chine on vous pose des questions, on vous demande d’effacer les tweets. Vous avez le patron des Houston Rockets, patron américain d’une équipe de basketball américaine aux États-Unis qui s’exprime sur Twitter, réseau américain, et qui se retrouve avec un boycott. Il faut se rappeler que Twitter n’est absolument pas disponible en Chine, peut-être sous certaines façons, Jean-Paul pourra peut-être en parler plus tard, donc se retrouve en fait censuré.<br/>
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| De l’autre côté, comme vous le savez, les GAFAM ont été longtemps vus par les États-Unis comme un outil d’affirmation de la puissance, ça a été le cas de Trump qui est allé voir Huawei, qui lui a dit « maintenant vous n’avez plus accès aux technologies de Google, on va vous bloquer l’accès aux processeurs de TSMC. En 2019 Trump utilise la puissance des GAFAM pour, d’une certaine manière, affirmer la puissance américaine. Un an plus tard ces mêmes GAFAM ont déconnecté, déplateformisé, c’est le terme qui utilisé, le même président en exercice, il faut quand même le rappeler, c’est une première, donc on est dans un environnement qui est très mouvant. Par rapport à ce qu’on pouvait dire de la souveraineté il y a deux ans, et je conclurai là-dessus, on est maintenant véritablement à un moment où la souveraineté va être testée à la fois au niveau des infrastructures avec les fameuses guerres cybernétiques, mais également cette année. Vous savez évidemment qu’on est en campagne, donc on va se poser la question de voir quels seront les équilibres ou les déséquilibres de ces plateformes.
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| <b>Clotilde Bômont : </b>Bonjour à tous et merci beaucoup aux organisateurs pour leur invitation, je suis très heureuse d’être là, c’est toujours un plaisir de discuter de ces sujets.<br/>
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| Comme Simon m’a présentée, je suis chercheur donc je viens plutôt du monde académique. Peut-être que pour essayer d’aborder cette question de la souveraineté numérique, je vais me baser justement sur cette expérience de chercheur.<br/>
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| C’est vrai que comme j’ai travaillé pas mal au contact des acteurs de la Défense, en tout cas dans l’environnement des institutions étatiques, j’ai pu observer un petit peu l’évolution de la notion de souveraineté numérique. C’est vrai que ces dernières années, en tout cas en quelques années seulement, je l’ai vraiment vu s’imposer au point d’être aujourd’hui au cœur des discours, en tout cas sinon présent de toute façon en filigrane dans tous les enjeux numériques français.<br/>
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| Du coup, en tant que chercheur, ça m’a intéressé un petit peu de comprendre cette évolution, de voir un petit peu ce qui pouvait se cacher derrière, de comprendre aussi bien les limites, les contradictions, les logiques, les intérêts derrière cette évolution de la notion de souveraineté numérique.<br/>
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| Ça veut dire déjà sur le plan international, comme ça a été dit en introduction ausi, de ce que ça nous apprend sur les relations entre les différents acteurs géopolitiques, que ce soit des États, des entreprises ou des organisations internationales, mais aussi, et on a peut-être tendance à l’occulter un petit peu, sur le plan national et justement, encore une fois, avec cette notion de logique d’intérêts et pourquoi aujourd’hui parle-t-on de souveraineté numérique.<br/>
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| C’est pour ça que j’ai été amenée à traiter la question de la souveraineté numérique en me posant essentiellement trois questions et c’est pour ça que, finalement, je ne vais pas pouvoir répondre à cette grande question de la définition et des enjeux puisque ce serait d’ores et déjà toute mon intervention, mais je vais peut-être essayer de soulever quand même quelques questions, à savoir : la souveraineté numérique quoi ? Pourquoi ? Et comment ?<br/>
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| Quoi d’abord ? Comment en est-on venu justement à parler, entre guillemets, de « cette souveraineté numérique » et qu’est-ce qui se cache derrière cette notion ?<br/>
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| Pourquoi ensuite ? Pourquoi est-ce que nous, Français, et finalement Européens également, ressentons-nous le besoin de réaffirmer notre souveraineté dans le domaine numérique ?<br/>
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| Et enfin comment ? Comment peut-on affirmer cette souveraineté numérique et finalement, en d’autres termes, quels sont les leviers de cette souveraineté numérique ?<br/>
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| Je pense que ce dernier point nous amènera, on va le voir, à envisager des solutions, à ouvrir des pistes pour la présidentielle française qui est le thème de cette conférence, mais je pense aussi pour la présidence française de l’Union européenne qui a beaucoup de choses à faire dans ce domaine.
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| Peut-être d’abord pour revenir sur le quoi parce que les deux informations précédentes soulignent bien que très souvent, quand on parle de souveraineté numérique, on répond à la question pourquoi, on répond à la question comment, mais rarement à la question quoi. C’est vrai qu’il n’existe pas de définition neutre, consensuelle et objective de la souveraineté numérique pour la simple et bonne raison que « souveraineté numérique » est un petit peu un mot valise. Derrière ce terme, la souveraineté numérique est souvent présentée de façon monolithique, un petit peu comme un idéal, un but à atteindre, un objectif sur lequel en principe tout le monde semble à peu près s’accorder. Mais si on n’a pas de consensus c’est justement sur les moyens d’atteindre cette souveraineté et même sur ce que veut dire cet état de souveraineté. Est-ce que c’est de l’autonomie ? Est-ce que c‘est de l’autarcie ? Est-ce que c’est de l’interdépendance ? Et là-dessus il n’y a pas forcément de consensus non plus. Parce que derrière cette notion de souveraineté numérique sont en fait réunis et amalgamés beaucoup d’enjeux qui sont aussi bien d’ordre économique que juridique ou industriel ou même encore éthique. Je pense que tant qu’on continuera d’utiliser ce mot valise sans être vraiment clair sur ce qu’on entend derrière cette notion-là et sans avoir une position claire sur tous ces domaines juridique, éthique, etc., finalement sans avoir une réelle posture stratégique, on ne pourra s’entendre sur ce qu’on cherche à atteindre à travers cette souveraineté numérique.<br/>
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| Je vais être assez rapide sur le reste, mais finalement sur la question du pourquoi, peut-être pour reposer quelques bases, j’ai identifié trois raisons derrière la souveraineté numérique. Pourquoi est-ce qu’on cherche à se réaffirmer dans le domaine numérique ?<br/>
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| Déjà juste une petite parenthèse, en termes juridiques la notion de souveraineté numérique c'est un non-sens. On est souverain. La France est souveraine. Il s’agit bien de l’exercice de la souveraineté dans le domaine numérique qu’on cherche à avoir.<br/>
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| Du coup trois raisons.<br/>
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| La première c’est pour des raisons stratégiques assez évidentes, c’est-à-dire que si on cherche à réaffirmer notre souveraineté numérique c’est pour s’affirmer sur la scène internationale, pour éviter d’avoir une interférence de la part de puissances étrangères, du coup pour rester autonomes dans nos choix.<br/>
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| Pour des raisons économiques aussi, assez évidentes. Même si les Européens sont les plus gros producteurs de données au monde, ce ne sont pas ceux qui en bénéficient le plus, ce qui a amené d’ailleurs la sénatrice Catherine Morin-Desailly à parler de colonie numérique, l’Europe est une colonie numérique.<br/>
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| Et enfin peut-être une autre piste. Si on cherche à se réaffirmer dans le domaine numérique, c’est aussi pour des raisons que je vais appeler éthiques, civiques et morales, tout simplement parce que ces Big Tech, ces géants de la tech, en particulier les géants américains, ont une influence sur nos affaires domestiques, sur nos affaires internes. On l’a très bien vu par exemple dans les processus électoraux avec les affaires comme Cambridge Analytica, avec le Brexit, les élections présidentielles américaines aussi. Ces plateformes, ces entreprises américaines ont une réelle influence. Et puis aussi parce que je pense que les produits et les solutions qu’on utilise aujourd’hui en Europe n’incarnent pas forcément, ne sont pas forcément toujours en adéquation avec les valeurs européennes, si on peut appeler ça des valeurs, en tout cas avec les projets européens, avec les idées européennes de ce que peut être le numérique.<br/>
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| Voilà ces trois raisons essentiellement. Je pense que sur le comment on aura l’occasion de largement en parler aussi.
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| ==16’ 37==
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| <b>Jean-Paul Smets : </b>J’ai été inspiré aujourd’hui parce que dans la salle il y a quelqu’un qui a un bel ordinateur Huawei avec un système américain Microsoft et un processeur Intel. Puis je me suis demandé « est-ce qu’on a les logiciels qu’il faut en Europe ? » Eh bien oui, on a tout, donc ce n’est pas un problème logiciel aujourd’hui, en tout cas d’existence des logiciels puisqu’on a tous les logiciels, y compris en Libre en Europe, pour construire son infrastructure de <em>cloud</em> ou d’entreprise ; si on les utilise ou si on ne les utilise pas, ce n’est pas un problème lié au fait qu’ils existent ou non c’est notre choix, c’est qu’on a décidé de rester dans un état de colonisé numérique ou de se libérer. Moi j’ai choisi de me libérer, je n’utilise plus que du logiciel libre ou européen du matin au soir, y compris tout le monde dans mon entreprise.<br/>
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| Donc tout existe en Europe en matière de logiciel, de logiciel de <em>cloud</em>, d’intelligence artificielle. Je vous mets au défi de me donner un exemple où ce n’est pas vrai. On pourra en discuter plus tard.<br/>
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| Dans ce cas c’est quoi la souveraineté numérique ? C’est simple, c’est un problème de matériel maintenant. On pourrait le résumer à « est-ce qu’on est capable de faire des microprocesseurs en Europe ? » La réponse est non. Et c’est bien un problème de souveraineté au sens de souveraineté juridique. Pourquoi ? Parce que faire un microprocesseur aux États-Unis, ça se fait avec un contrat de défense, à coups de milliards ou de dizaines de milliards qu’on donne à des copains pour les enrichir, pour qu’ils fassent une usine, pour qu’ils fassent le processeur. Donc on a un bon mécanisme pour investir des grosses quantités aux États-Unis et faire des usines.<br/>
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| En Chine c’est la même chose. Il y a une structure juridique en Chine, entreprise semi-publique, semi-privée, ça date d’avant la réforme de Deng Xiaoping, ça permet de mettre quelques milliards dans une structure juridique en fait publique qui ensuite devient privée et puis, avec quelques astuces, devient la propriété d’un ancien membre du parti. Comme ça on arrive à enrichir quelqu’un qui est dans le parti avec une grosse usine de microprocesseurs. Donc ils ont un super mécanisme pour faire des usines qui produisent des processeurs, qui produisent n’importe quoi. Donc aujourd’hui il y a des processeurs chinois. Ils en vendent trois millions par an dans des ordinateurs portables, ce n’est plus de l’Intel, ce n’est plus de l’AMD, c‘est 100 % sous contrôle chinois, ils ont mis en place un certain nombre d’éléments dans leurs marchés publics pour créer toute une chaîne et un marché qui fait qu’ils sont maintenant complètement indépendants.<br/>
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| En France, en Europe, on n’a pas le droit de faire de ça. On n’a pas le droit de claquer dix milliards d’argent public pour enrichir un copain qui va faire des processeurs, donc on n’est pas souverain.
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| <b>Simon Woillet : </b>Merci pour ces réponses d’introduction.<br/>
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| La première question, cette fois-ci de lancement, que j’aimerais vous poser, c’est la question du <em>cloud</em>, parce que c'est un peu un gros mot du numérique que tout le monde entend et sur lequel on n’a pas forcément les idées toujours très claires. Je voulais vous proposer de définir, très brièvement, non seulement ce que c’est schématiquement mais également quels enjeux ça pose en termes géopolitiques puisque par exemple, dans notre actualité pour nous les Français, s’est notamment posé le problème, la question du « <em>cloud</em> de confiance » porté par le gouvernement français, qui a fait grand bruit et presque scandale chez les professionnels français du secteur.<br/>
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| Ophélie.
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| <b>Ophélie Coelho : </b>Je ne sais pas si tout le monde sait ce qu’est le <em>cloud</em> de confiance. On va résumer un petit peu. C’est un label qui est sorti en mai de l’année dernière qui , en fait, permet, pour résumer, aux entreprises françaises d’adopter des <em>clouds</em> américains, « en toute confiance » selon la définition, avec des gardes-fous qui se résument au fait d’avoir les serveurs sur le territoire européen et d’avoir un gestionnaire, c’est à-dire, en gros, un responsable commercial qui soit français ou européen.<br/>
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| Pour le coup on est vraiment sur une définition de la souveraineté minimale avec ce <em>cloud</em> de confiance. Le problème c’est un peu comme la transformation numérique depuis 20 ans, ce <em>cloud</em> de confiance est, en fait, un accélérateur de mise en dépendance aux Big Tech. Ça fait quoi ? Déjà il y a beaucoup d’entreprises du CAC 40 qui sont extrêmement dépendantes d’Amazon Web Services, comme une bonne part des sites internet, il ne faut pas se leurrer, Amazon Web Services est vraiment leader au niveau des services <em>cloud</em> de toute façon. C’est un accélérateur, c’est-à-dire qu’on se retrouve aujourd’hui avec des parts de marché qui augmentent depuis ces dernières années notamment à cause de ces politiques-là. C’est très grave parce que ce sont des choses qui ne sont pas forcément réversibles. Si vous parlez d’un projet comme le Health Data Hub – Simon pourrait tout à fait en parler parce qu’ils ont été trois auteurs, avec Audrey Boulard et Eugène Favier-Baron, à sortir un bouquin [<em>Le Business de nos données médicales</em>] spécialement sur ce sujet-là – quand on confie justement des données à une entreprise comme Microsoft Azure, des données de santé des Français, on se retrouve quand même avec un sujet assez dramatique, c’est que toutes les données qui vont être utilisées dans des projets de traitement de données en utilisant du <em>machine learning</em>, etc., c’est perdu en fait, c’est une occasion manquée par exemple pour améliorer nos technologies de <em>machine learning</em> en Europe. Ce sont des marchés perdus, mais ce sont aussi des opportunités d’améliorer la R&D chez nous qui sont perdues. Donc c’est assez dramatique cette histoire de <em>cloud</em> de confiance.<br/>
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| Par ailleurs, je vais quand même rappeler une chose, quand on parle de la territorialisation des <em>datacenters</em>. Vous voyez par exemple qu’en Europe les GAFAM, les Big Tech, sont en train de construire des <em>datacenters</em> un peu partout en Europe. Par exemple ils aiment bien la Finlande parce que la Finlande est un pays froid, donc on peut mettre les serveurs dans le golfe de Finlande, ça permet de faire des économies d’énergie. Ils aiment bien aussi la France parce qu’en France on a un réseau fluvial qui n’est quand même pas mal, au niveau géographique on a pas mal de ressources en eau et, par ailleurs, on a toute une énergie, une facture énergétique qui dépend du nucléaire, donc on est quand même assez intéressant comme territoire.<br/>
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| Là-dessus, les Big Tech, si vous voulez, avancent aussi sous couvert de leurs partenaires qui sont Equinix – en Europe en particulier c’est Equinix ou Digital Realty Trust qui sont en fait leurs partenaires <em>datacenters</em>. Restez bien éveillés aussi sur ces questions-là de prestataires. Si vous voyez Equinix à Bordeaux, ce n’est pas pour rien ! Ils étaient localisés à Paris, ils sont à Bordeaux en ce moment, tout simplement parce qu’ils sont reliés au câble Amitié et qu’il va aussi y avoir des liens avec le câble Dunant qui appartiennent donc Dunant à Google et Amitié à Microsoft/Facebook en majorité. Il faut vraiment avoir ça en tête quand on voit Equinix qui arrive en Europe ce n’est pas pour rien.<br/>
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| La territorialisation des <em>datacenters</em>, ce n’est pas pour faire plaisir aux Européens, ce n’est pas pour le label <em>cloud</em> de confiance, ce n’est pas pour faire plaisir au RGPD. C’est aussi parce que dans leur gestion de risques ils savent très bien que, dans les années qui viennent, ils vont avoir des problèmes avec ces sujets de ressources en eau et en énergie. Ils les ont déjà en Californie et au Texas où, quand ils veulent faire des projets de <em>datacenters</em> aux États-Unis, en fait on les emmerde ! De plus en plus les États leur disent « non, on ne veut pas forcément vos <em>datacenters</em> parce qu’on sait que ça va être très gourmand en eau et dans notre région on a de vrais problèmes de ressources en eau ».<br/>
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| J’aime bien faire ce lien aussi avec les priorités écologiques qu’on a, qu’on défend d’ailleurs beaucoup à l’Institut Rousseau, évidemment. Je n’en parle pas forcément beaucoup en ce moment dans mes études, mais c’est important. Il faut aussi avoir ça en tête.
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| J’ai fait un petit peu la boucle. Je suis désolée d’avoir été un peu longue sur le <em>cloud</em> de confiance, mais derrière le <em>cloud</em> de confiance il y a une dépendance sur x années qui se construit et c’est en train de s’accélérer à cause de cette politique-là.
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| ==25’ 08==
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| <b>Tariq Krim : </b>Sur la question du <em>cloud</em> de confiance j’avais écrit, j’avais d’ailleurs publié, le 14 juillet, un petit livre qui s’appelle <em>Lettre à ceux qui veulent faire tourner la France sur l’ordinateur de quelqu’un d’autre</em>. C’est assez court, une vingtaine de pages, mais ça reprend tous les arguments que j’ai sur ce sujet.<br/>
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| En fait, quand Jean-Paul parlait tout à l’heure d’un problème de hardware j’aurais dit qu’avant tout, au départ, c’est un problème de stratégie. Quand vous regardez l’histoire de l’Europe, qui est quand même le premier marché économique du monde, quelque chose de bizarre s’est passé il y a une quarantaine d’années, une trentaine d’années, on a décidé de délocaliser, on a décidé de n’être plus qu’un simple lieu de réflexion. On va concevoir, c’était le fameux fabless de Tchuruk. On avait des leaders dans les Télécoms. Peu de gens savent que dans les années 90 la France a fabriqué un téléphone mobile sur trois dans le monde et la plupart des technologies sur lesquelles se sont appuyées des boîtes comme Google quand elles se sont lancées, j’ai dit la plupart, je devrais dire la quasi-totalité des technologies ont été inventées en Europe : Linux a été inventé en Europe, le Web a été inventé en Europe, MySQL, base de données, a été inventé en Europe, Python, dont tout le monde parle, a été inventé en Europe, peut-être, je ne sais pas, Jean-Paul ?, peut-être d’ailleurs sur des crédits européens. Donc en fait, il y a une quarantaine d’années, on a une décision qui a été prise de détruire le savoir-faire industriel.<br/>
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| Pendant longtemps je me suis dit « est-ce qu’on fabrique en Chine parce que c’est moins cher ? » Et quand vous parlez à Tim Cook qui est, comme vous savez, le patron d’Apple, et Steve Jobs explique lui aussi très bien que le vrai sujet aujourd’hui de la Chine ce n’est pas tellement le coût humain, d’ailleurs la plupart des iPhones que vous allez acheter sont désormais fabriqués soit au Vietnam, peut-être d’ailleurs en Inde ; on commence à sentir que Trump a eu aussi un effet pour se dire que la relation avec la Chine n’est peut-être pas si fiable que ça, puisque Julien Nocetti, qui n’est pas là, utilise souvent un terme que j’aime beaucoup qui est la « militarisation de l’interdépendance ». On est dans un monde interdépendant, on a besoin des Chinois pour fabriquer des puces, qui sont fabriquées à Taïwan, qui sont assemblées aux États-Unis et vendues en Europe, en gros. Cette interdépendance a été pour la première fois <em>challengée</em> avec Trump de manière ouverte ; elle l’est souvent de manière ambiguë, mais là c’était clair.<br/>
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| Une des questions qu’on doit se poser c’est que ce qu’on a fait avec la tech, la <em>out-sourcée</em> en Chine, on l’a fait également avec le logiciel. Il y a quelques années j’avais fait une mission pour Fleur Pellerin, en fait la mission de préfiguration de ce qui allait devenir la French Tech, et une des choses que je leur avais demandée c’est qu’on fasse la liste des développeurs français qui ont eu un rôle essentiel dans la création de l’Internet. Très souvent le discours qu’on avait était un discours qu’on est en retard, tout a été fait ailleurs, ce n’était peut-être pas pire que ce qu’on a aujourd’hui mais pas loin., donc je voulais démontrer l’inverse. Je connaissais pas mal de gens, mais je ne connaissais pas tout le monde, et en fait j’ai découvert que Google <em>cloud</em> a été inventé par un Français, que le CTO de Linkedin était Français, que l’iPhone a été inventé à Paris, place de la Madeleine, avant d’être rapatrié en Californie. Donc on avait tout ce savoir-faire. Et ce qui est curieux c’est qu’alors que le <em>cloud</em> c’est une question de logiciel, là encore on a totalement décidé de ne pas faire les choses en France ou en Europe, en tout cas plutôt de ne pas soutenir les choses en France et en Europe, parce qu’il existe des choses en France et en Europe qui se sont faites malgré les gouvernements, malgré le discours ambiant qui consiste à dire régulièrement et d’ailleurs on le voit à travers la parole du ministre du numérique, du secrétaire d’État au numérique qui explique à l’Assemblée nationale, au Sénat que les Français ne sont pas au niveau. Quand on lui pose la question pourquoi ? Parce qu’ils n’investissent pas autant que les États-Unis, alors qu’on a même dépensé 15 milliards dans ce qu’on appelle la French Tech, 15 milliards d’argent public, je tiens à le préciser, pour construire 25 licornes qui sont détenues à 80 % par les États-Unis ou par l’Asie, ça dépend des boîtes, et qu’on peut se poser la question de quel est le retour en termes de souveraineté numérique ? Quel est le retour en termes de politique d’achat ? Encore une fois, j’étais toujours été très pro-startup, j’en ai monté plusieurs avec des investisseurs étrangers, ce n’est pas le sujet. Mais dès lors qu’il y a de l’argent public, 15 milliards, qu’est-ce qu’on peut faire avec 15 milliards surtout en ce moment où on se pose des questions sur l’hôpital, sur l’école, sur l’université, sur plein de sujets ? Quel est le retour ? Et c’est là où se rend compte qu’il n’y a aucune stratégie numérique. Il n’y en a aucune avec ce gouvernement, mais il n’y en avait aucune avec le gouvernement précédent et le gouvernement d’avant. À chaque fois, on est fasciné par ce qui brille. Ce qui brille il y a dix ans c’était Facebook, donc on les recevait comme des chefs d’État. Aujourd’hui ce sont les opérateurs de <em>cloud</em>. On a aussi un autre problème c’est que les gens qui sont en charge de ces questions – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on a désindustrialisé la France, qu’on nous explique que désormais il faut la réindustrialiser – les gens qui ont pris ces décisions n’ont aucune compétence technique, n’ont aucune compétence de fabrication, n’ont d’ailleurs aucune compétence tout court très souvent.<br/>
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| Si vous voulez, dans le monde la tech, il y a trois types de profils : il y a les <em >doers</em>, les <em>builders</em>, je pense que Jean-Paul et moi avons un peu ce profil ; quand on est confronté à un problème la première question qu’on se pose c’est comment on va faire. Ça ne veut pas dire qu’on va le faire mais c’est la question qu’on se pose, c’est une question un peu d’ingénieur ou de développeur ou de bidouilleur, vous pouvez prendre le terme en « eur » qui vous convient mais c’est ça.<br/>
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| Ensuite vous avez les consultants, le profil de consultant et le consultant fait, en fait, un benchmark, il regarde ce qui existe et il choisit : finalement Bruno Lemaire quand il a décidé de faire le <em>cloud</em> de confiance, c’est-à-dire de confier… Il ne faut pas oublier que Thales n’est pas un acteur anodin, c’est le cœur du consortium militaro-industriel français. C’est Thales qui fait tourner PARAFE. Ça veut dire que quand vous arrivez à l’aéroport, que vous mettez votre passeport, c’est un logiciel qui ne peut pas être confié à un tiers, ça ne peut être qu’un tiers français. Vous imaginez, surtout avec les débats un peu hystériques qu’on a en ce moment sur les questions d’immigration, un pays qui ne soit pas capable de contrôler ses frontières. Aujourd’hui, il n’est pas exclu que Google nous aide à gérer ce genre de chose, que Google, ou Microsoft, nous aide à gérer la Banque de France ou d’autres acteurs essentiels. Donc il y a un vrai problème c’est que l’unique compétence sur le phénomène de gens comme Bruno Lemaire, mais aussi Cédric O, c’est de choisir le plus beau des powerpoints qu’on leur a montré, ils n’ont pas d’autre chose, ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne comprennent pas que le problème de la sécurité n’est pas le seul problème. Il y a aussi le problème de l’approvisionnement. On est à deux doigts d’une guerre potentielle avec Taïwan, avec l’Ukraine on l’a dit tout à l’heure. On est dans une période de pénurie où aujourd’hui ne pas avoir de puces ça veut dire, pour Renault, faire des RTT et quand on n‘a plus de RTT on met les gens en chômage technique et c’est un problème pour le gouvernement, c’est d’abord et en priorité un problème pour les gens qui se retrouvent en chômage technique. Donc on se rend compte qu’on n’a aucune stratégie. Dans le <em>cloud</em> et d’ailleurs dans plein d’autres domaines c’est flagrant parce que désormais, je suis désolé, mais pour être ministre du numérique il faut avoir fait HEC ou Science Po, c’est ça le problème aujourd’hui. Prenez tous les ministres qu’on a eus depuis cinq ans, ce sont des gens qui sont des consultants dans leur pensée, c’est-à-dire qu’ils regardent ce qui existe et puis, des fois, il y a un truc qui a l‘air pas mal. « Ah oui, il y a un problème d’extraterritorialité ? — Ce n’est pas grave, on va le marier avec un acteur. » Sur le papier, on a un powerpoint qui fonctionne, qui a l’air d’être bien, mais ça ne marche pas ! Et le drame, aujourd’hui, c’est qu’on a dépensé énormément d’argent pour des choses qui ne marchent pas. À côté vous avez un écosystème de petits acteurs, plus ou moins gros, qui font des choses, qui vivent uniquement d’ailleurs parce qu’ils vendent à l’étranger. C’est ça qui est drôle, c’est que quand vous parlez aux acteurs qui réussissent ils vous disent « en fait, si je parle en France on me dit expliquez-moi ce que vous faites , alors que quand je vais aux États-Unis on me dit « OK ça m’intéresse on va tester. » Donc on se retrouve dans des situations ubuesques !<br/>
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| S’il y a une chose à retenir c’est que nous sommes dans une situation qui est la conséquence d’un ensemble d’échecs, qui est la conséquence du fait qu’on a mis des gens qui étaient incompétents à des positions qui semblaient anecdotiques parce que le numérique ça fait sympa, ça fait un peu diversité, on met toujours une femme ou quelqu’un de la diversité, c’est comme ça depuis quelques années. Il y a juste Besson, c’est l’exception qui confirme la règle, qui n’était pas un si mauvais ministre du numérique que ça d’ailleurs. Et à la fin qu’est-ce qu’on a ? On n’a rien ! Aujourd’hui on a du vide. On a dépensé, on a vendu les participations d’Engie, de la Française des Jeux pour financer quelque chose et on ne sait pas où ça va. Et c’est ça le vrai problème. À un moment donné on peut raconter du pipeau, faire du <em>Bullshit Bingo</em>, des mots clefs – intelligence artificielle, le quantique, le machin –, tous ces mots qui ne servent à rien et maintenant on est dans une situation assez claire : on est en dépendance totale. On est face à une guerre cybernétique qui va éclater peut-être pas dans huit jours mais dans les années qui viennent et là on a besoin de sérieux. Et le problème c’est qu’aujourd’hui, dans le monde politique tel qu’il est, il n’y a personne et c’est un vrai problème.
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| ==35’ 10==
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| <b>Jean-Paul Smets : </b>L’approvisionnement est quelque chose de très important. Ce n’est pas seulement le fait de pouvoir avoir ou pas les composants, ce qui est vrai. Quand vous connaissez, quand vous avez comme copain le patron de SMC qui est l’équivalent chinois de TSMC [Taiwan Semiconductor Manufacturing Company], vous pouvez vous faire produire n’importe quoi en deux mois. C’est mon cas, je suis très content. Si ce n’est pas votre copain c’est peut-être un an.<br/>
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| Si vous êtes Google, il y a un certain composant très important pour la 5G que vous pouvez avoir pour 75 dollars. Si vous êtes une PME américaine vous l’aurez pour 750 dollars et si vous êtes une PME française, vous l’aurez pour 12 000 dollars. Ce n’est pas le même prix selon les personnes. Donc ce n’est pas le même délai d’approvisionnement, ce n’est pas le même prix selon qui vous êtes, dans quel pays vous êtes. Et évidemment ça se ressent à la fin quand vous vendez les produits et vous êtes à l’export. Vous êtes une boîte française qui veut vendre quelque chose en Afrique du Sud, vous avez un concurrent américain qui a les produits à 75 dollars et un concurrent chinois dont les usines produisent en deux mois et vous, vous n’avez ni l’un ni l’autre. Ça c’est un autre aspect très important pour l’approvisionnement qui maintenant va sur les composants.<br/>
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| Personnellement, pour m’en sortir c’est pour ça, que j’ai des fournisseurs chinois et américains, je peux jouer l’un contre l’autre. À défaut d’être un sumo, je suis un nain, donc j’essaye d’utiliser deux sumos, de les faire se battre l’un contre l’autre pour en tirer profit.
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| <b>Ophélie Coelho : </b>Pour revenir sur la question du <em>cloud</em> de confiance. Je ne vous cache pas que c’est un petit peu un point d’interrogation cette notion de <em>cloud</em> de confiance et je suis plus dans une position où j’attends de voir ce que ça va donner avec pas mal de doutes que j’aimerais ne pas voir se justifier.<br/>
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| Premièrement, si on revient un petit peu sur la notion de souveraineté numérique, je pense qu’il y a deux dynamiques derrière la notion de souveraineté numérique.<br/>
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| Il y a d’abord une dynamique un petit peu vers l’extérieur. On parle de souveraineté numérique un petit peu comme une protection, finalement, en réaction à une menace perçue. On en a déjà pas mal parlé. La souveraineté numérique est aussi un moyen pour le développement de notre base industrielle et le renforcement de notre écosystème industriel national et européen.<br/>
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| Si on revient sur la notion de <em>cloud</em> de confiance et qu’on essaye d’analyser ces deux volets. Déjà, premièrement, sur la protection vis-à-vis d’une menace extérieure, en l’occurrence de l’extraterritorialité du droit, en particulier du droit américain. Quand on creuse un petit peu la notion de <em>cloud</em> de confiance, il s’agit normalement d’un label qui viendra compléter le label délivré par l’ANSSI qui s’appelle SecNumCloud. Ce label-là, SecNumCloud, est aujourd’hui en train d’être travaillé au sein de l’ANSSI. La particularité de cette nouvelle version de ce label, puisqu’il existe déjà depuis 2014, mais il a beaucoup été retravaillé, c’est qu’il va y avoir une nouvelle section justement sur l’extraterritorialité des droits. Pour l’instant cette section-là s’appelle « immunité à l’extraterritorialité du droit ». Pour moi c’est assez symptomatique d’une incompréhension, en tout cas d’une mauvaise connaissance de ce que veut dire justement cette extraterritorialité. Vous ne pouvez pas vous immuniser. Si les États-Unis décident que leur droit leur permet d’exiger les données, ils le feront. Après, l’entreprise elle-même peut dire qu‘elle n’est pas d’accord, auquel cas ça entraîne des procédures juridiques, etc., mais ça représentera, de toute façon, un risque. Donc cette notion d’immunité me paraît difficile à atteindre à part, peut-être, à travers des solutions techniques mais là il faudrait voir et c’est moins mon domaine, on ne l’a peut-être pas dit tout à l’heure, ma thèse est une thèse en géopolitique.<br/>
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| Pour revenir sur la question, je disais premier volet vers l’extérieur en protection.<br/>
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| Deuxième volet c'est plutôt sur le renforcement de notre puissance numérique, on va dire pour faire court. Du coup, en incluant des acteurs américains dans ce projet-là, je pense qu’on hypothèque un petit peu le développement de notre base industrielle. Ça permet l’allocation de ressources, quand je dis ressources, ce sont des ressources financières mais ça va être aussi toutes les données, en fait toute la matière première qui permet à ces entreprises de se développer, à des entreprises qui ne sont ni des entreprises françaises ni des entreprises européennes. Déjà, quand on prend ces deux volets, on a un gros point d’interrogation .<br/>
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| En fait je pense, et là-dessus je rebondis complètement sur ce que Tariq a dit tout à l’heure, que là encore c’est symptomatique d’un manque de vision stratégique. Je pense qu’en France on n’a pas de vision stratégique sur les questions numériques. Quand je dis vision stratégique c’est vraiment un positionnement politique, avoir une idéologie pas dans le sens négatif du terme idéologie, mais un projet : vers quoi on tend, qu’est-ce qu’on veut faire avec le numérique.<br/>
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| Pour rester sur les sujets de <em>cloud</em>, on l’avait observé dès le premier <em>cloud</em> souverain qui date de 2009, premier projet 2011 Andromède. Là, pour le coup, on avait quelque chose qui était à la base très souverain puisqu’on avait prévu de développer des solutions <em>cloud</em> exclusivement sur le territoire national en reposant exclusivement sur des prestataires nationaux. Mais, comme on manquait de vision et qu’on avait une compréhension à la base, en tout cas à l’époque, très économique et non pas forcément stratégique de ces enjeux-là, ça n’a pas marché, ça a été l’échec qu’on connaît qui a ensuite entraîné une très grande frilosité notamment de la part du gouvernement sur ces sujets-là. Pour revenir peut-être un petit peu sur les raisons de l’échec c’est parce que vous n’aviez déjà pas forcément d’incitation de la part du gouvernement à utiliser ces solutions-là, en fait la technologie n’a pas rencontré son marché. Il y avait aussi une mauvaise connaissance de la technologie en elle-même puisque les solutions qui étaient proposées étaient principalement des solutions d’hébergement, du Iaas [infrastructure as a service], mais aussi par une mauvaise connaissance de l’écosystème industriel français à l’époque.
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| <b>Simon Woillet : </b>Peux-tu préciser ce qu’est le IaaS ?
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| <b>Ophélie Coelho : </b>Le IaaS ce sont des solutions d’hébergement. Je vais juste dire ça, en gros.<br/>
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| Les acteurs impliqués. On a eu d’abord, si je ne me trompe pas, Dassault, Thales et Orange auxquels se sont ajoutés après SFR et Bull. Pour la plupart c’étaient effectivement des acteurs industriels majeurs en France, des acteurs du numérique mais pas forcément des spécialistes du <em>cloud</em>. On s’est vite aperçu qu’on a besoin de spécialistes dans le <em>cloud</em>, on a besoin de ces compétences, justement de ces gens qui comprennent à la fois l’environnement social dans lequel va s’inclure cette technologie mais aussi la technologie en elle-même, de comprendre comment elle fonctionne pour l’adapter à ses besoins.<br/>
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| Donc on voit déjà dès 2009 les échecs du <em>cloud</em> souverain et ce que je pense être un manque de vision stratégique.<br/>
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| Typiquement, dans le cas du <em>cloud</em> de confiance, en autorisant les acteurs américains à venir sur le marché, je pense qu’on pallie à l’urgence. On a une réponse qui est facile et c’est vrai qu’on peut avoir des bonnes solutions. De toute façon, je pense qu’à un moment interviendront des acteurs américains, ils sont aujourd’hui incontournables. En tout cas personnellement je trouve ça, et c’est vraiment du domaine de l’opinion, un petit dommage qu’on n’ait pas laissé un petit peu le temps aussi aux acteurs nationaux et pourquoi pas européens – parce qu’on peut aussi réfléchir en termes de consortium et c’est vers ce genre de solution qu’il faut aller – parce que c’est sûr que c'est moins facile de construire des solutions avec plusieurs acteurs, de réfléchir, d’avoir un projet stratégique derrière, que de simplement souscrire à une solution qui existe déjà, qui fonctionne qui est performante. Je trouve ça dommage qu’on ne se soit pas laissé un petit peu plus de temps et qu’on n’explore pas un petit peu plus tout ça.
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| <b>Clotilde Bômont : </b>Je rebondis justement sur ce que tu dis, sur la vision stratégique. Je pense, en effet, que tu as raison. Ce qui nous manque c’est vraiment une stratégie industrielle pour le numérique, c’est clair.<br/>
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| Pour en revenir sur les projets de Numergy justement et Cloudwatt, les échecs en fait du <em>cloud</em>, je pense que c'est bien que tu aies rappelé qu’en effet les acteurs techniques qui ont porté ces projets-là n’étaient de toute façon pas les bons au départ. On a eu cette habitude-là, ça remonte déjà au Minitel, de favoriser des grands acteurs. On se dit qu’il n’y a que les grandes entreprises qui peuvent porter ces projets-là alors que si on regarde un petit peu l’historique des Google, Microsoft, etc., au départ c’étaient des petites entreprises qui ont grandi au fur et à mesure. On n’a jamais fait confiance aux PME, aux startups si vous voulez, la version française de la startup, on n’a jamais fait confiance à la startup, à la PME, pour porter ces projets-là alors qu’on a tout un réseau de PME en Europe qui sont spécialistes du <em>cloud</em>, qui sont vraiment spécialistes du <em>cloud</em>, alors que chez Orange ils ont développé ça un petit peu au fur et à mesure, ce n’est pas leur spécialité. Chez Dassault ils ont développé ça mais à l’époque ce n’était pas du tout leur spécialité non plus, donc c’est vraiment dommage.<br/>
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| Sur le consortium, en effet c’est important, d’ailleurs je pense que tu va pouvoir en parler aussi, Jean-Paul. Aujourd’hui on a un consortium, une alliance en tout cas, qui se nomme Euclidia qui est quand même un bon signal pour l’écosystème européen. Je suis tout à fait pour une vision plutôt européenne sur ces notions-là puisqu’on a beaucoup de choses en Europe et, en plus de ça, c’est très compatible. On a vraiment un tissu de PME qui sont très compatibles entre elles et qui peuvent vraiment travailler ensemble, Euclidia représente aussi cela. Je te propose de présenter un petit peu le projet, éventuellement.
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| ==45’ 16==
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| <b>Jean-Paul Smets : </b>Tu as très bien dit ce que je voulais dire
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