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'''Titre :''' Interview de M. Emmanuel Grégoire
Publié [https://www.april.org/l-april-20-ans-ensemble-continuons-developper-l-informatique-libre#egregoire ici] - Avril 2017
 
'''Intervenants :''' Emmanuel Grégoire, adjoint à la maire de Paris - OliCat - Clara
 
'''Lieu :''' Le Petit Bain - Paris
 
'''Date :''' 26 janvier 2017
 
'''Durée :''' 30 min 32
 
'''[http://media.april.org/audio/20ans-april/transcription/Interview_E_Gr%c3%a9goire_20%20ans.mp3 Écouter l'enregistrement de Radio Libre à Toi]'''
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
'''Statut :''' Transcrit MO
 
==Transcription==
 
<b>OliCat :</b> Vous êtes à l’écoute Libre à Toi, la radio. Sur le chat c’est en direct https://chat.libre-a-toi.org/. On est au Petit Bain. Clara est toujours à mes côtés, qui est debout cette fois.
 
<b>Clara :</b> Eh bien oui, je fais Radio debout !
 
<b>OliCat :</b> Absolument. Tu es Radio debout. Emmanuel Grégoire, qu’on vous avait promis parmi les personnalités éminentes qu’on allait recevoir ce soir. Non je plaisante !
 
<b>Emmanuel Grégoire:</b> Personnalité éminente !
 
<b>OliCat :</b> Vous êtes peut-être éminent.
 
<b>Emmanuel Grégoire:</b> Mais personne ne le sait !
 
<b>OliCat :</b> Peut-être qu’une fois que je vous connaîtrai, je vous trouverai effectivement éminent. Emmanuel Grégoire, merci d’être passé au studio improvisé de Libre à Toi.
 
<b>OliCat :</b> Merci à vous.
 
<b>OliCat :</b> Je suis désolé, je n’ai pas retenu votre carte de visite parce qu’elle est assez impressionnante. Alors vous représentez la mairie de Paris, aujourd’hui, ici.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b>  Oui. Je suis adjoint d’Anne Hidalgo.
 
<b>OliCat :</b> Voilà, vous êtes adjoint d’Anne Hidalgo. Vous avez notamment dans vos missions, vos prérogatives, la modernisation de l’administration, et plein d’autres trucs. Je pense que c’est plutôt au titre de la modernisation de l’administration que vous représentez, aujourd’hui, la mairie auprès de l’April. D’abord, effectivement, vous l’avez dit dans votre discours d’ouverture, le logiciel libre et la mairie de Paris c’est une histoire d’amour qui date.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Absolument.
 
<b>OliCat :</b> Pour autant, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les faits, les choses que la mairie de Paris, dans ses différentes administrations, met en œuvre, qui seraient effectivement en accord avec les combats de l’April aujourd’hui.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Oui. Alors écoutez, simplement, c’est une histoire d’amour ancienne parce que, ça a été dit, depuis longtemps la ville de Paris a développé des applicatifs, des téléservices en logiciel libre autour d’une plate-forme qui s’appelle Lutece et qui comprend de nombreuses briques applicatives. Et pour vous donner un exemple, à la ville de Paris il y a, grosso modo, à peu près 400 applications métier. La ville de Paris est une grande maison, puisque c’est à la fois une commune et un département, donc c’est un champ très vaste qui va du sport, de l’enfance, mais surtout aux compétences départementales, donc tout ce qui est l’action sociale, le développement économique, l’innovation, etc. Sur ces 400 applications métier, un peu plus de 200 sont en logiciel libre, c’est-à-dire autour de cette brique qui s’appelle Lutece, de ce grand système d’information qui s’appelle Lutece. Et, pour être encore plus précis, pour l’accélération de cette dynamique à la faveur du logiciel libre, depuis le début de la mandature, pour prendre des exemples très concrets qui font écho, sans doute, à des choses que les gens connaissent, eh bien le budget participatif, tout a été développé en libre, la quasi-intégralité des téléservices nouveaux sont développés en logiciel libre, et pour la grande innovation de la mandature qui est le compte parisien ; le compte parisien c’est à la fois la convergence de l’ensemble des services numériques de la ville de Paris autour d’un identifiant usager unique, mais aussi, derrière, un <em>back office</em> de gestion de la relation usager, eh bien c’est développé intégralement sous Lutece et je crois que c’est inédit dans le monde que, la GRU, ce qu’on appelle, je le disais tout à l’heure un peu plus vulgairement la CRM [<em>Customer Relationship Management</em>, NdT], est développée en logiciel libre et donc à la disposition des partenaires qui souhaiteront reprendre les éléments.
 
Donc c’est un engagement technique, financier et philosophique très fort de la ville de Paris.
 
<b>Clara :</b> Et de longue date aussi ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Oui, de longue date, puisque c’est dès le début des années 2000 que la ville de Paris a commencé à libérer ses logiciels (libres), parce qu’on faisait du développement en propre, mais a fait le choix philosophique – c’est Bertrand Delanoë qui l’a initié dès le début des années 2000 – de partager ça, et c’est bien l’esprit, de partager pour en bénéficier collectivement. C’est un bien commun et je crois que c’est quelque chose qui vous importe.
 
<b>OliCat :</b> Absolument. Alors une petite question très directe concernant Lutece et les différents modules ou téléservices que vous développez en Libre. Ça veut dire que là, aujourd’hui, n’importe qui peut accéder au code source des ces applications, les télécharger et les modifier, les redistribuer et les utiliser.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Oui, absolument.
 
<b>OliCat :</b> Et vous avez une plate-forme dédiée.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Il y a une plate-forme dédiée qui est accessible. Je laisse aux techniciens et aux informaticiens les subtilités d’accès à ce type de service. Et c’est d’ailleurs moi, à titre personnel, même une priorité, j’ai souhaité qu’on puisse accélérer la population de Lutece pour que la communauté de développement soit la plus large possible. Et par exemple, pour vous citer des partenaires qui travaillent sous Lutece, qui est un nom du coup impropre puisque l’intérêt va au-delà de Paris, Météo-France, la ville de Marseille, la ville de Lyon, ont pris Lutece, mais ont eux-mêmes développé des choses et reversé au pot commun des briques que nous-mêmes, derrière, nous récupérons pour en bénéficier.
 
<b>OliCat :</b> Là on est d’accord, la stratégie est d’essaimer, de faire en sorte que cette dynamique en faveur de la libération du code et du développement de logiciels libres ne se restreigne pas à Paris. Est-ce qu’il existe, justement, des suprastructures qui permettent entre les différentes collectivités de pouvoir échanger sur ces questions ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Non. Paradoxalement pas tellement.
 
<b>OliCat :</b> Et que font les développeurs de Lutece ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Mais du coup, paradoxalement, c’est l’April qui joue en partie ce rôle, en favorisant les contacts avec la communauté. Il faut bien comprendre que la raison stratégique de l’engagement de la ville de Paris en faveur du logiciel libre, elle est triple. La première c’est une question de souveraineté. C’est-à-dire que quand on est un acteur public, que ce soit l’État ou une grande collectivité comme la ville de Paris, nous ne voulons pas, ou éviter autant que possible, de nous retrouver pieds et poings liés avec un éditeur, parce qu’il y en a beaucoup de grande qualité.
 
<b>OliCat :</b> Mais le jour où il ferme les portes, voilà !
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Promouvoir le logiciel libre, ça ne veut pas dire critiquer les éditeurs ; il y a aussi des éditeurs de grande qualité.
 
<b>OliCat :</b> Oui, tout à fait, absolument.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Mais simplement, autant que possible, sur ce qui est la partie stratégique de nos systèmes d’information, nous souhaitons rester aussi indépendants que possible. La deuxième raison est financière. C’est qu’on fait à chaque fois l’étude et, autant que possible, dès lors que c’est le plus intéressant, nous promouvons l’utilisation du logiciel libre. Et la dernière, c’est une question philosophique et c’est aussi une question d’intérêt, c’est l’idée que, en promouvant le logiciel libre, on promeut une communauté de développement. On partage ce qu’on fait et on bénéficie collectivement de ce partage. Et donc c’est pour ça que, notamment sur la GRU qui est la brique la plus innovante en matière de développement récent à la ville de Paris, nous souhaitons, le plus vite possible, la partager avec le plus grand nombre de collectivités territoriales.
 
<b>OliCat :</b> OK ! Non, mais je m’attendais à ce qu’il y ait une plate-forme commune !
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Moi souvent je leur dis. Comment on fait plus de pub ? Parce que moi, vous savez, je suis un méchant, moi je suis un élu.
 
<b>OliCat :</b> Forcément ! Là on vous voit.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Je leur dis : « Vous comprenez il faut qu’on soit le plus de développeurs possibles sur Lutece et donc faites de la pub. Faites de la pub pour qu’il y ait le plus de gens possibles. » Donc il y a une plate-forme accessible sur Lutece, elle est connue des gens de la communauté qui utilisent déjà Lutece. Mais c’est vrai qu’on peut sans doute faire mieux en termes de communication sur la disponibilité de ces outils-là et l’April y joue un grand rôle.
 
<b>OliCat :</b> Très bien. Je vous ai entendu parler, dans le cadre de votre discours d’ouverture, de la lutte contre la fracture numérique. Effectivement, il y a 20 ans, on pouvait parler de fracture numérique, aujourd’hui on parle plutôt de fracture des usages, puisque accéder au numérique aujourd’hui est assez aisé ou en tout cas, ça s’est popularisé. On sait qu’il existe des structures publiques, les EPN [Espace Public Numérique, NdT] – ça a été cité d’ailleurs par Frédéric Couchet – qui, parce qu’on a eu l’occasion dans le cadre des activités de Libre à Toi de travailler avec certains d’entre eux, sont aujourd’hui en difficulté. À Paris on avait des chiffres, mais je ne les ai plus en tête. Tu te souviens Clara ?
 
<b>Clara :</b> Il me semble qu’il y avait vingt EPN, et qu’il n’y en avait plus que seize et que la moitié des EPN allait encore disparaître. Il n’en resterait plus que sept.
 
<b>OliCat :</b> Là sur 2017 ?
 
<b>Clara :</b> Sur 2017, il devrait en rester moins de dix, peut-être même…
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Moi je ne sais pas, je n’ai pas les chiffres précis en tête, parce qu’il ne s’agit pas d’acteurs publics en réalité, il s’agit d’acteurs, pour la plupart associatifs, et donc beaucoup d’entre eux relèvent de la Fédération nationale des centres sociaux.
 
<b>OliCat :</b> En tout cas dont la création a été initiée.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Absolument. Et il y a eu, en fait, une évolution du besoin. D’abord, ce sont des acteurs très importants qui occupent une place centrale et qui ont occupé une place centrale dans le développement, la popularisation des outils numériques.
 
<b>OliCat :</b> Informatiques, oui.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Simplement on est face à une difficulté qui, du coup, par répercussion, peut avoir des conséquences difficiles pour ces structures. D’abord, moi je considère que quand on est une collectivité territoriale, pour ce qui relève de la fracture numérique et de la médiation numérique, on doit aussi assumer nos responsabilités. Et donc nous avons souhaité à la ville de Paris monter en gamme, on va dire ça comme ça, autour de la facilitation numérique pour accompagner les usagers, notamment ceux qui sont les plus exclus de ces usages numériques. D’ailleurs, pour être très franc, on retrouve les mêmes populations que celles qui avaient déjà du mal à accéder aux services publics physiques.
 
<b>OliCat :</b> Absolument !
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> C’est-à-dire on trouve une barrière culturelle, linguistique, des personnes en situation de handicap, qui avaient des problèmes pour accéder aux services publics, en général, et pas plus ou pas moins aux services numériques. Et donc, notamment, on a développé à la ville de Paris tout un service public de facilitation numérique qui a été expérimenté dans plusieurs mairies, dans quatre, dans lequel nous avons testé plusieurs choses, à la fois des dispositifs techniques : qu’est-ce qui est le plus satisfaisant pour aider les usagers à utiliser nos propres téléservices, nos services numériques ? Deuxièmement, à organiser physiquement l’accueil des usagers pour permettre ça, parce qu’il y a à la fois le besoin d’être accompagné, mais aussi un besoin de confidentialité, donc on a testé des choses. Et troisièmement, quelle est la formation qu’on doit donner à nos agents pour accompagner ça.
 
Après, il y a le vrai sujet que vous évoquez et c’est vrai qu’il crée des difficultés parce que le contexte budgétaire est complexe, etc., qui est celui de l’inclusion numérique. L’inclusion numérique c’est, au-delà d'aider les usagers à utiliser nos services numériques, c’est plutôt la mission citoyenne d’un acteur public qui est la ville de Paris. Comment la ville de Paris aide les usagers à mieux s’adapter à cette transformation numérique de la société ?
 
<b>OliCat :</b> Oui, parce qu’aujourd’hui les services publics sont dématérialisés.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Exactement. Mais même pas que les services publics. C’est évidemment chercher du boulot et ne sont pas concernés que les acteurs publics. Chercher du boulot, chercher une maison, les vacances.
 
<b>OliCat :</b> Absolument, c’est la CAF.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> C’est la CAF.
 
<b>Clara :</b> Sur le travail, toutes les agences Pôle emploi ont des ordinateurs à disposition.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Absolument. Même faire ses courses, acheter. Voilà il y a plein de sujets. Et pour ça, les EPN ont rempli une place essentielle à nos yeux, un peu moins récemment, mais certains d’entre eux pourront avoir une place centrale. Et hier même, avec ma collègue Dominique Versini, puisque c’est Dominique Versini au titre de la dimension sociale de sa délégation qui travaille là-dessus avec moi, nous avons lancé le premier temps de la construction d’un schéma stratégique pour l’inclusion numérique dans lequel, en discutant avec les acteurs, nous allons essayer de définir les meilleurs outils, les meilleures méthodes pour favoriser l’inclusion numérique. Et pour vous donner un exemple très précis sur les EPN, hier j’ai répondu, sans doute un peu rapidement, à une question qui m’avait été posée par un EPN, qui me disait : « Est-ce vous envisagez le chèque numérique ? » J’avais déjà réfléchi à cette question. J’étais plutôt sur le non, parce que, pour moi, le chèque numérique a un défaut c’est que c’est une nouvelle forme de financement et ça veut dire qu’on se préoccupe d’abord du financement avant de se préoccuper de l’usager et de ce qu’on doit faire. Or, je dis que j’ai répondu un peu vite, parce que j’y ai re réfléchi hier soir – parce qu’on a toujours des moments où on peut réfléchir un peu plus – je me suis que ça méritait peut-être qu’on en discute un peu plus parce que ça a au moins un avantage, le chèque numérique, c’est que ça cible très précisément la prestation que l’on veut donner à quelqu’un en particulier. On en a rediscuté avec Dominique Versini, ça fait partie du champ de possibles que nous allons évoquer. Oui, c’est vrai, les EPN ont besoin d’être réassurés dans leurs missions, dans leurs modes de financement. Évidemment, les décisions que nous avons prises sont difficiles, je le regrette, mais le contexte est difficile. Mais nous allons discuter avec eux.
 
<b>OliCat :</b> Mais ils s’exprimaient politiquent. On nous expliquait que, à la mairie de Paris en l’occurrence, puisqu’il était question d’EPN parisiens, d’abord il y avait un élu qui était consacré, enfin qui se consacrait à la gestion des EPN et puis, pendant une mandature, il a complètement disparu et puis, à la mandature suivante, il y a eu quelqu’un qui pouvait avoir dans le champ de ses compétences la gestion de ces EPN. En fait, ils ont eu l’impression d’être complètement abandonnés. Mais ce que j’entends aussi dans ce que vous dites…
 
<b>Clara :</b> Surtout qu’il y a un point qu’on n’a pas abordé, quand même, par rapport aux EPN, c’est la mission d’intégration sociale.
 
<b>OliCat :</b> Mais c’est ça, justement, c’est ce que j’allais dire.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Ils ne la remplissent pas, vous le savez aussi, ils ne la remplissent pas du tout de la même façon, parce qu’ils n’ont pas tous exactement la même vocation historique.
 
<b>OliCat :</b> Absolument.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Le même type d’usagers qui les fréquentent. Je les connais bien les EPN. Vous avez raison il y a eu un petit glissement qui traduit aussi des priorités, qui traduit aussi l’air du temps. Les EPN, avant, étaient dans le secteur social, avant 2008. À partir de 2008, c’est Jean-Louis Missika, au titre de la délégation innovation universités recherche, qui s’en est occupé, je le sais, j’y étais très impliqué. Et pendant cette mandature, en 2014, on retrouve une priorisation sociale, puisque c’est ma collègue Colombe Brossel, au titre de la politique de la ville qui a récupéré la supervision des EPN.
 
Il faut aussi comprendre, et ça nous on l’assume et parfois c’est difficile, que par moments nous identifions des priorités. La priorité 2008/2014 c’était accélérer la transformation numérique de la société. Aujourd’hui il nous semble que la priorité c’est plutôt les grands exclus de l’accès aux services numériques et donc ça nous impose un peu de tâtonnement pour l’instant. Hier, je vous dis, on a lancé les travaux sur ce schéma stratégique. Je m’excuse que ça prend toujours un peu de temps. On prend du temps parce que tout ça coûte de l’argent et donc on veut être sûrs que ça remplisse les objectifs politiques qu’on se fixe collectivement. Mais clairement, aujourd’hui, notre priorité c’est deux choses : c’est l’inclusion, c’est-à-dire pour toutes les populations qui sont les plus exclues socialement, et la facilitation numérique, parce que nous accélérons la transformation numérique de la ville de Paris, c’est notre devoir d’accompagner les citoyens pour ne pas les laisser au bord de la route en termes d’accès aux services publics parisiens.
 
== 54’ 58==
 
<b>OliCat :</b> Mais là, malheureusement, on est sur une vraie volonté, une vraie dynamique, moi je suis tout à fait enclin à vous croire et j’entends parfaitement votre propos et je comprends aussi que les EPN se sont peut-être endormis sur leur mission initiale et n’ont pas, non plus, bien géré et voilà. Mais on est à Paris, là. Comment ça se passe dans les autres villes ? Comment cet accès et cette résorption de cette fracture véritable des usages dans le cadre d’une citoyenneté de plus en plus dématérialisée – aujourd’hui exister, avoir un compte Pôle emploi, enfin voilà, être au chômage ou travailler ou, comme vous disiez, faire ses courses ça implique, alors vous, je sais, vous êtes élu municipal, vous êtes élu parisien, je ne vais pas vous interroger sur la politique globale – mais comment vous imaginez que l’ensemble puisse devenir cohérent ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Si vous voulez c’est aussi une bonne nouvelle. C’est qu’il y a beaucoup d’acteurs. Pendant longtemps les EPN ont eu un rôle quasiment exclusif en termes d’inclusion numérique. Et la bonne nouvelle c’est que beaucoup d’acteurs se sont rendu compte qu’ils devaient aussi faire ça. Je vais vous citer plusieurs exemples, mais la ville de Paris a développé « Ma mairie Mobile » qui est un bus dans lequel on va le plus proche possible des populations qu’on considère exclues pour les accompagner là-dessus. Il y a les PIMMS qui ont pris un rôle croissant en matière d’inclusion numérique.
 
<b>Clara :</b> Qu’est-ce que c’est les PIMMS ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Les PIMMS, c’est le point d’information médiation multiservices, c’est une association qui regroupe l’assurance maladie, la CAF, EDF, la Poste, la ville de Paris, dans lequel on essaye de prendre un usager dans le sens transversal pour l’aider sur les problèmes qu’il peut avoir avec l’administration et, notamment, sur la médiation numérique, remplir les dossiers.
 
<b>Clara :</b> Donc c’est une prise en charge globalisée, globale d’une personne.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Globale. Absolument. Moi je crois beaucoup que les acteurs publics doivent s’adapter aux usagers et donc en matière de médiation, pas que numérique d’ailleurs, mais en matière de médiation sociale, pour les populations les plus exclues, ils doivent faire des guichets qui sont capables de répondre à la globalité de leurs problèmes, parce que si on continue à les envoyer au guichet municipal, au guichet social, au guichet, parce que le département avait des guichets particuliers, à la Poste, à la médiation de l’assurance maladie, etc., ça ne peut pas fonctionner. Et puis aussi parce que des grands acteurs des politiques sociales, de l’accompagnement social, je vais prendre un exemple parmi tant d’autres Emmaüs Connect, beaucoup ont développé des services d’accompagnement numérique et donc nous, on essaye, toujours imparfaitement, je le reconnais, mais on essaye d’accompagner l’évolution de l’écosystème et en se posant la question, en essayant des choses, parfois en faisant des erreurs, de trouver la meilleure solution pour ce qui nous semble être la priorité. Et la priorité, en ce moment, c’est l’inclusion des grands exclus en matière de numérique.
 
<b>Clara :</b> Alors Marie-Odile avait deux questions sur le chat.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Bonjour Marie-Odile.
 
<b>OliCat :</b> Marie-Odile, c’est une fervente de l’April.
 
<b>Clara :</b> Et donc le ne pouvait pas venir vu qu’elle est en Italie, ai-je compris. Donc les questions qu’elle avait c’était de revenir plus en détail sur le chèque numérique. Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que ça recouvre ? Comment ça se présenterait si ça se mettait en place ? Et puis, la deuxième question, c’était aussi par rapport aux écoles de la ville de Paris.
 
<b>OliCat :</b> C’est marrant, parce que ça c’est une question que j’allais poser.
 
<b>Clara :</b> Comment se mettait en place le logiciel libre dans les écoles. Moi j’avais une autre question, qui était un peu similaire, sur les bibliothèques municipales. Est-ce que la ville de Paris a contribué à mettre en place la plateforme ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Oui. Enfin je vais répondre dans le désordre, alors. La bibliothèque oui, pour une raison simple, c’est que c’est intégralement des services publics municipaux. Donc évidemment ! Et c’est un service dont on est très fiers parce que je crois qu’il y a eu, ces dernières années, une montée en gamme importante en termes de qualité pour les usagers et les agents. On a beaucoup simplifié le système, c’est devenu assez simple.
 
<b>OliCat :</b> C’est génial !
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Les retours qualité sont plutôt sympas
 
<b>OliCat :</b> Je suis d’accord. C’est vraiment très bien.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Sur les écoles. Je vais finir par les écoles parce que c’est sujet le plus complexe. Le chèque, pour être très clair, il y a différentes formes qui existent. Mais globalement ça consiste à cibler une aide publique financière, sous forme de chèque à valeur monétaire, mais dont on dit : « On ne vous donne pas de l’argent et vous en faites de ce que vous voulez », c’est « on vous donne un potentiel d’achat pour une prestation qui, en l’occurrence, est de l’accompagnement, de la formation, etc ». Et l’intérêt c’est que, ce que je disais tout à l’heure, c’est que vous êtes sûr que vous ciblez l’aide sur un segment particulier dont vous considérez que c’est un besoin social. Et c’est aussi, je le crois, c’est pour ça que beaucoup de structures associatives sont intéressées, elles voient un moyen de relais de financement basé sur l’activité qu’elles mettraient en œuvre pour faire ça, à une époque où beaucoup de ces structures fonctionnaient à la subvention.
 
<b>OliCat :</b> Ce n’est plus trop la mode, là.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Ce n’est plus trop la mode, parce qu’il y avait des glissements, c’est-à-dire que des acteurs faisaient plein de choses, et vous donniez des subventions, et quand vous financiez un nouveau programme eh bien vous observiez, deux ans après, que tout l’argent que vous aviez mis sur ce nouveau programme n’était pas forcément mobilisé pour ça. Bref, c’est un problème inhérent à toutes les structures financées de cette façon, avec des avantages et des inconvénients, mais le chèque, voilà. Je n’étais pas fan, à priori. Je souhaite qu’à la ville de Paris on y réfléchisse un petit peu plus.
 
<b>Clara :</b> Mais ce serait des montants variables selon les besoins ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Oui en fonction des besoins, des lieux, des publics, etc.
 
<b>OliCat :</b> C’est un travail avec les EPN, en fonction, justement de ce qu’ils sont.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Pas que les EPN.
 
<b>OliCat :</b> Ça peut aussi se travailler avec les EPN.
 
<b>Clara :</b> Ça veut dire aussi que les associations peuvent chiffrer les services qu’elles rendent et ce n’est pas toujours facile.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Absolument. Il faut que les associations puissent avoir des justes financements de leurs coûts de structure. C’est une évidence. Parce que la baisse des subventions, les conduit sinon mécaniquement à des impasses budgétaires que chacun comprend bien.
 
Sur l’école, c’est plus compliqué parce, que l’école, comme vous le savez, est sous double responsabilité historiquement : une responsabilité Éducation nationale pour, grosso modo, tout ce qui touche à la pédagogie et à la prise en charge des personnels de l’Éducation nationale. Et la ville, les villes historiquement, avaient une mission c’était de construire les écoles et les entretenir. Voilà.
 
<b>OliCat :</b> Les structures.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Exactement, les structures. Ça a beaucoup évolué, suite à la réforme des rythmes scolaires, parce que, via la mise en place de l’aménagement des rythmes éducatifs, eh bien les villes ont été amenées, à la fois parce qu’elles devaient gérer du temps périscolaire en plus, mais aussi parce qu’il y avait une demande des parents d’un service public de qualité à s’intéresser un peu à des domaines qui ne touchent pas la pédagogie – je n’oserais pas dire ça, sinon je me ferais tirer les oreilles – mais qui touchent en tout cas à des domaines un peu lus intéressants que construire des murs et les peindre ensuite. Et notamment, évidemment, le numérique a une place centrale. Moi je vais être très franc je trouve que l’Éducation nationale, malgré les efforts considérables qui ont été faits ces dix dernières années, a un retard stratosphérique en matière de pédagogie de transformation numérique sur les méthodes d’enseignement, sur les niveaux d’équipements, parce que c’est bien gentil de demander aux profs de faire de l’enseignement à la transformation numérique, etc., mais enfin on ne leur donne juste pas d’ordinateurs, etc.
 
<b>OliCat :</b> C’est ça.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Évidemment, si on veut leur demander ça, il faut aussi y mettre les moyens conséquents. Mais bon, l’Éducation nationale a mis en place des plans d’investissement numérique avec des appels à projet, il y a plein d’appels à projets sur les équipements en classe, comment utiliser la tablette. Il y a par ailleurs des vraies interrogations de fond et je suis totalement incompétent sur la question, sur quelle est la juste place du numérique en matière d’enseignement. Est-ce que, en gros, on doit prendre acte que tous les enfants ont accès à des portables et donc basculer là-dessus ? Ou est-ce que le rôle de l’école ce n’est pas, un peu, de tempérer ça et de garder, quand même, certains un garde-fous par rapport à la surexposition des enfants aux écrans.
 
<b>OliCat :</b> Aux écrans.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Qui est un vrai problème de santé publique et peut-être même un problème cognitif. Et la ville a souhaité engager aussi des moyens en matière de numérique. D’abord nous entretenons le parc informatique de la plupart des écoles avec des dotations en ordinateurs, pas assez, c’est vrai, mais ma collègue Alexandra Cordebard qui s’occupe de tout ça, a présenté un plan d’accélération des équipements, de renouvellement des équipements, et là-dessus quelle est la place du libre ?
 
<b>OliCat :</b> C’est ça, parce que, au-delà de l’équipement, il y a ce qu’il y a dedans !
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Absolument. L’équipement, si vous voulez, c’est toujours le truc ! Les parents d’élèves vous disent : « Eh bien moi je vous donne mon ordinateur, j’ai un ordinateur dans ma cave, il ne sert plus ». Le problème c’est que s’il est dans la cave, c’est bien généralement parce qu’il est un peu vieux et donc il n’y a pas de raison que nous on s’en serve beaucoup mieux qu’eux s’ils y ont renoncé, donc ce n’est pas toujours la bonne solution. Mais, incontestablement, dans les équipements des ordinateurs, on a cette réflexion en permanence, on a le souci d’essayer d’éduquer les enfants à d’autres standards que uniquement les <em>big???</em> comme on dit, avec lesquels ils sont familiers. Sans non plus les couper parce que sinon ça les éloignerait un peu de la vraie vie, parce que la réalité…
 
<b>OliCat :</b> C’est un peu compliqué parce les enseignants, eux-mêmes, grâce au contrat entre l’Éducation nationale et Microsoft, sont éduqués, enfin biberonnent du logiciel propriétaire, donc c’est compliqué de transmettre autre chose quand même, non ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Absolument. Après, si vous voulez, moi je pourrais vous faire croire que je condamne le truc, etc., ce serait facile en étant à cette soirée. Ce n’est pas ça que je pense parce la réalité c’est qu’une fois qu’on a pris des positions de principe il faut aussi développer tout ça. Si vous mettez un Ubuntu, un Linux devant quelqu’un qui n’a jamais été formé à ça, il va juste vous regarder en vous disant : « Mais qu’est-ce que tu fais là ! » Donc derrière le développement des logiciels libres…
 
<b>Clara :</b> Vous exagérez un peu peut-être !
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Non ! Mais Je vous le dis !
 
<b>OliCat :</b> C’était vrai il y a quelques années, ça l’est beaucoup moins.
 
<b>Clara :</b> C’est quand même clefs en main. On allume un ordinateur sous Ubuntu, c’est comme s’il était sous Windows ou sous Mac ! Il ne faut pas…
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Non ! Je vous assure, ce n’est malheureusement pas aussi simple que ça. Et pour vous donner un exemple précis, à la ville de Paris, on a trente mille ordinateurs avec une suite bureautique que vous connaissez très bien, je n’ai même pas besoin de la citer.
 
<b>Clara :</b> Avec Office ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Voilà, avec Office connu.
 
<b>Clara :</b> 2011 ou 2015 ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Non, non un vieux justement.
 
<b>Clara :</b> Un vieux ? 2007 ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Et donc la question va être de le renouveler et j’ai demandé à ma DSI d’explorer le champ des possibles. Moi je n’ai aucun a priori, je vais vous dire je, suis quelqu’un de très ouvert, si on me convainc que ça fonctionne, etc. Simplement on s’alerte collectivement.
 
<b>OliCat :</b> La gendarmerie l’a fait.
 
<b>Clara :</b> L’Assemblée nationale aussi. Non, mais l’Assemblée nationale aussi, ils sont passés…
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Oh j’ai dû voir quelques postes à l’Assemblée nationale et je suis familier du lieu, qui n’étaient pas tous sur d’autres OS que celui auquel on pense.
 
<b>OliCat :</b> Donc allez-y, excusez-nous. Je vous écoute.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Simplement, quand on fait des migrations sur d’autres suites logicielles, que ce soit d’ailleurs des suites propriétaires ou des suites libres, ça demande de la préparation, de l’anticipation et de la formation.
 
<b>OliCat :</b> Il y a de la conduite de changement, c’est évident.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Exactement. Et donc il faut faire de la formation, de la popularisation, c’est d’ailleurs la mission de l’April de le faire, expliquer aux administrations. Parce que, si vous voulez, l’un des écueils, quand même, parfois, du choix du libre quand il est formulé, notamment par certaines administrations centrales, c’est qu’il n’est pas fait pour faire du libre, il est fait pour que ça coûte moins cher. Et je ne suis pas convaincu que ce soit toujours une très bonne idée.
 
<b>OliCat :</b> Et c’est une erreur, en fait. Mais absolument, c’est une erreur.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Moi j’ai plutôt un tropisme pro libre philosophique, mais après, il faut que ça se fasse dans des conditions organisationnelles, opérationnelles, qui soient soutenables pour la continuité des services en général et du service public en particulier. Mais oui, et notamment c’est une mission de l’April, d’essayer de faire découvrir tout ça aux agents publics, aux administrations, pour les rassurer. Et moi je suis convaincu que oui, dans la suite bureautique dont a besoin quelqu’un qui a une mission de secrétariat, peut-être que l’intégralité des fonctionnalités et de développement en VBA ne s’impose pas.
 
<b>OliCat :</b> Non, absolument !
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Et que justifier, centrer, mettre en gras et en italique peut suffire. Quand on sait que, par ailleurs, il y a des logiciels de bureautique libres qui ont des puissances extrêmement importantes.
 
<b>Clara :</b> LibreOffice, c’est beaucoup plus stable, d’ailleurs.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Moi je suis un client, donc je n’ai pas d’avis. Mais c’est incontestablement une voie qu’il faut explorer et on le fera dans les mois et années à venir.
 
<b>OliCat :</b> Vous nous assurez que la dynamique est là, en tout cas.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Oui, elle est réelle.
 
<b>Clara :</b> Juste pour chiffrer sur le parc informatique de la ville de Paris, trente mille postes, ils sont tous, donc, en Windows ? C’est ça ?
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> 100 % moins deux postes.
 
<b>OliCat :</b> Dont le vôtre.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Par contre, ce n’est pas le cas sur les serveurs. Par exemple, sur les serveurs, on est à deux tiers, deux tiers des serveurs fonctionnent en logiciel libre, ce qui est déjà pas mal dans une administration.
 
<b>OliCat :</b> Non, non, effectivement, mais c’est un peu ça. Dans le monde deux tiers des serveurs sont sous logciel libre.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> On est juste moyens !
 
<b>OliCat :</b> Merci Emmanuel Grégoire.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Merci à vous.
 
<b>OliCat :</b> J’espère qu’on ne vous a pas trop ennuyés.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Non, non, c’est très bien vous êtes là pour ça.
 
<b>OliCat :</b> Et très belle soirée à vous.
 
<b>Emmanuel Grégoire :</b> Merci à vous.
 
<b>OliCat :</b> À bientôt.

Dernière version du 9 avril 2017 à 13:45


Publié ici - Avril 2017