Différences entre les versions de « Neutralité du Net Adrienne Charmet »

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'''Journaliste :''' Du coup, cette neutralité du Net est-ce qu'elle est réglementée par différentes lois, ou pas du tout ?
 
'''Journaliste :''' Du coup, cette neutralité du Net est-ce qu'elle est réglementée par différentes lois, ou pas du tout ?
  
'''Adrienne Charmet :'''  Pour l'instant elle n'est pas très définie parce que, justement, c’était un principe, enfin c'est toujours d'ailleurs un principe qui était un des principes de base du fonctionnement du réseau Internet, qui est un réseau complètement décentralisé, où les gens échangent des paquets de données les uns avec les autres, donc il n'y avait pas de définition stricte de la neutralité du Net. Et puis là, à la fois aux États-Unis et en Europe, on a des opérateurs qui ont des pratiques de plus en plus dangereuses pour la neutralité du Net, qui, concrètement, commencent à verrouiller des choses, à interdire certains services parce que ça leur ferait concurrence sur d'autres, à ralentir certains flux, à demander à faire pression sur des entreprises pour qu'elles payent pour avoir accès au réseau. Et donc on se retrouve avec, à la fois aux États-Unis et au niveau européen, des projets de règlements, de directives, de lois, enfin bon quelle que soit la forme législative que ça prenne, qui ont pour but de définir, en gros, ce qu'on va avoir le droit de faire ou de ne pas faire. Et donc concrètement en Europe, par exemple, c'est un gros règlement sur les Télécoms qui est en cours de négociation, et dedans, toute la question est de savoir, d'une part si on va définir ce qu'est la neutralité du net, et d'autre part quelle va être la définition qu'on va donner à cette neutralité du Net. Et là, il y a un grand jeu d’influence entre les lobbies des opérateurs, les grosses plates-formes genre Google, etc, qui ne veulent pas payer, les citoyens au milieu qui se retrouvent pris entre les deux feux, et nous, notre travail c'est de faire en sorte qu'il y ait une définition précise de la neutralité du Net et que les citoyens, les internautes, soient au maximum protégés dans cette histoire.
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'''Adrienne Charmet :'''  Pour l'instant elle n'est pas très définie parce que, justement, c’était un principe, enfin c'est toujours d'ailleurs un principe qui était un des principes de base du fonctionnement du réseau Internet, qui est un réseau complètement décentralisé, où les gens échangent des paquets de données les uns avec les autres, donc il n'y avait pas de définition stricte de la neutralité du Net. Et puis là, à la fois aux États-Unis et en Europe, on a des opérateurs qui ont des pratiques de plus en plus dangereuses pour la neutralité du Net, qui, concrètement, commencent à verrouiller des choses, à interdire certains services parce que ça leur ferait concurrence sur d'autres, à ralentir certains flux, à demander à faire pression sur des entreprises pour qu'elles payent pour avoir accès au réseau. Et donc on se retrouve avec, à la fois aux États-Unis et au niveau européen, des projets de règlements, de directives, de lois, enfin bon quelle que soit la forme législative que ça prenne, qui ont pour but de définir, en gros, ce qu'on va avoir le droit de faire ou de ne pas faire. Et donc concrètement en Europe, par exemple, c'est un gros règlement sur les Télécoms qui est en cours de négociation, et dedans, toute la question est de savoir, d'une part si on va définir ce qu'est la neutralité du net, et d'autre part quelle va être la définition qu'on va donner à cette neutralité du Net. Et là, il y a un grand jeu d’influence entre les lobbies des opérateurs, les grosses plates-formes genre Google, etc, qui ne veulent pas payer, les citoyens au milieu qui se retrouvent pris entre les deux feux, et nous, notre travail c'est de faire en sorte qu'il y ait une définition très stricte de la neutralité du Net et que les citoyens, les internautes, soient au maximum protégés dans cette histoire.
  
 
'''Journaliste :''' Du coup, comment lutter et est-ce que c'est déjà un peu trop tard ? Si vous me le dites certains acteurs sont déjà rentrés dans cette violation de la neutralité du Net, en fait.
 
'''Journaliste :''' Du coup, comment lutter et est-ce que c'est déjà un peu trop tard ? Si vous me le dites certains acteurs sont déjà rentrés dans cette violation de la neutralité du Net, en fait.

Version du 22 décembre 2014 à 16:20


Titre : Neutralité et libertés sur Internet

Intervenant : Adrienne Charmet - Journaliste

Date : Décembre 2014

Lieu : Game Hits - Actus - High Tech

Durée : 19 min 23

Lien vers la vidéo : [1]


00' Transcrit MO

Journaliste : Bonjour Adrienne Charmet.

Adrienne Charmet : Bonjour.

Journaliste : Vous faites partie de la Quadrature du Net. Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, qu'est-ce que c'est la Quadrature du Net ?

Adrienne Charmet : La Quadrature du Net est une association citoyenne, de défense des libertés, qui s'attache spécifiquement à tout ce qui concerne Internet. Donc on s'occupe des libertés fondamentales, des droits de l’homme classiques et des libertés d'information, d’expression, de droit à la vie privée, etc, mais dans l'aspect numérique des choses.

Journaliste : D'accord. Et alors vous existez depuis quand ?

Adrienne Charmet : La Quadrature du Net a été fondée en 2008, au moment des discussions législatives sur la loi Hadopi, donc sur les questions de répression du partage de la culture, et ça a été fondé par des gens qui étaient déjà bien impliqués dans les questions numériques, et puis, petit à petit, on s'est étendu à d'autres sujets, sur les données personnelles, la neutralité du Net, la censure, la surveillance, etc.

Journaliste : D’accord, donc c'est Hadopi qui vous a vraiment donné le déclic de créer l'association. C'est ça ?

Adrienne Charmet : Voilà. Oui. De créer au départ juste un collectif, une association de fait, et puis la Quadrature est devenue une association légalement déclarée il y a deux ans.

Journaliste : D'accord. Quels sont vos combats ?

Adrienne Charmet : De manière générale, nos combats sont la défense des droits fondamentaux des citoyens et ça va prendre plusieurs formes. Il y a toutes les questions de droits d'auteur, qui sont liées à Hadopi mais pas que, puisqu'il y a aussi toutes les réglementations européennes, donc on soutient a minima, une légalisation du partage non marchand de la culture, des biens culturels. Donc ça c'est un des premiers volets. Ensuite on s'occupe de tout ce qui concerne les questions de neutralité du Net, donc d'accès non faussé et neutre au réseau Internet. On s'occupe également de toutes les législations qui concernent la vie privée, les données personnelles, c'est ce qui est fait de ce que vous mettez en ligne et comment sont traitées les données personnelles par les grandes entreprises, les petites entreprises ou les États, dans un contexte international avec toutes les questions derrière de NSA, etc. On travaille aussi sur des questions de censure sur Internet, quelles législations sont proposées sur les questions de régulation du discours et donc de censure. On travaille également sur tout ce qui concerne les services en ligne, et puis, pas mal aussi, sur les traités internationaux, les traités de commerce internationaux, comme ACTA, qui a été abandonné il y a deux ans, ou comme TAFTA qui est en cours de négociation, et qui comportent souvent des clauses qui concernent, que ce soit le droit d'auteur, la neutralité du Net, les données personnelles, etc, mais qui sont des accords qui ont des points qui nous concernent.

Journaliste : Oui, donc les enjeux sont toujours en cours, c'est ça ?

Adrienne Charmet : Voilà. Exactement.

Journaliste : Vous faites actuellement une campagne de dons. Vous récoltez des dons et ça sert à quoi ? A quoi servent les dons ?

Adrienne Charmet : Les dons c'est simplement notre source de financement essentielle. C'est-à-dire que pour garder une certaine indépendance, voire une indépendance complète, à la Quadrature on ne demande pas de subventions publiques, on ne récupère pas de fonds de réserve parlementaire comme c'est parfois le cas pour d'autres associations. On n'a pas du tout de financements publics. On va baser notre financement essentiellement sur les dons des internautes. On a quelques fondations aussi qui nous financent, mais c'est majoritairement les dons des internautes qui nous permettent de payer le local dans lequel on travaille, la petite équipe salariée et puis le matériel de campagne. Ce qui est un des aspects principaux de la Quadrature du Net, c'est qu'on fait un travail de veille, d'analyse législative et d’influence auprès du monde politique, mais on va également créer des outils et utiliser ces outils avec les citoyens, pour former les citoyens et les inciter, les aider à s'impliquer eux-mêmes dans la vie publique. Le budget qu'on a, qui est un budget assez réduit à vrai dire, sert essentiellement à ça, donc à permettre à la petite équipe de permanents de vivre et puis à travailler sur nos outils campagne.

Journaliste : Vous avez parlé de la neutralité du Net il y a un instant. On va y revenir plus longuement maintenant. Brièvement c'est quoi la neutralité du Net ? Parce que c’est toujours un terme un peu compliqué à aborder.

Adrienne Charmet : La neutralité du Net, en fait, ce n'est pas très compliqué. C'est le principe selon lequel les différents paquets de données qui transitent sur Internet, à chaque fois qu'on va appeler une page Internet, mettre une URL dans son navigateur Internet, on va aller chercher un paquet, un ou plusieurs, enfin des paquets de données, qui vont transiter sur le réseau Internet. La neutralité du Net c'est un principe fondamental du fonctionnement d'Internet, depuis le démarrage d'Internet, qui est qu'on ne traite pas différemment les paquets qui transitent sur le réseau. On ne va pas regarder dans les paquets de données ce que c'est, et on ne discrimine pas les paquets les uns par rapport aux autres.

Or, ce qui arrive depuis quelques années, c'est qu'on a des fournisseurs d'accès à Internet, des opérateurs, en Europe, aux États-Unis, etc, qui commencent à dire « oui, mais on transporte de plus en plus de données et des données de plus en plus lourdes ». Alors qu'est-ce que c'est que des données lourdes ? C'est, par exemple, tout ce qui est vidéo. On a besoin que ça transite vite pour que la vidéo ne saute pas tout le temps et que ça n'aille pas. Ces opérateurs disent « eh bien maintenant, nous on veut que, d'une manière ou d'une autre, ces contenus lourds soient plus rentables pour nous, soient plus intéressants pour nous. On dépense trop d'argent à les transporter donc il va falloir payer ». Et là on a plusieurs solutions pour faire payer ces données, pour discriminer ces données. Soit c'est l'internaute qui paye, je ne sais pas, faire monter l’abonnement. Soit c'est l'internaute qui se retrouve avec des offres Internet différenciées, par exemple un accès à Internet avec YouTube et Dailymotion serait plus cher qu'un accès à Internet sans YouTube et sans Dailymotion. Donc ça c'est une des premières voies, c'est de faire payer l'internaute. Et puis il y a une autre voie qui est de faire payer les gros services Web, les YouTube, les Google, les Amazon, etc, les Netflix et tout, en disant vous faites passer des contenus qui sont lourds donc vous allez payer.

Et pourquoi ça nous pose un problème ? Parce que le principe de base de l'Internet qui est tout le monde a accès de manière égalitaire au réseau, qui est un principe extrêmement important pour l'accès à l'information, qui fait en sorte qu'on n'a pas de goulets d'étranglement, on a le droit d'accéder à tout de la même façon ; et puis pour l'accès des gens à l’expression et l'accès des entreprises à l’innovation et à pouvoir créer des services sans avoir une barrière d'entrée trop lourde. Imaginons que je crée une start-up dont le business modèle c'est de faire transiter de la vidéo, si, immédiatement à partir du moment où c'est de la vidéo que je veux faire transiter, les opérateurs me disent « ah tu payes d'abord un forfait avant de pouvoir accéder au réseau », je ne vais pas pouvoir me développer en tant qu’entreprise. Et ça, ça casse très concrètement tous les principes fondateurs d'Internet et l'énorme espace de liberté, d'innovation, de création, d'information, d'expression, etc. Imaginons un Wikipédia, par exemple, qui est le cinquième plus gros site au monde, cinquième site le plus visité au monde, qui n'est pas une entreprise, il est financé par des dons, qui est une organisation sans but commercial, si Wikipédia devait payer pour pouvoir être accessible à tout le monde sur Internet, probablement, il ne s'en sortirait pas avec un modèle non commercial comme c’est le cas actuellement.

Journaliste : Du coup, cette neutralité du Net est-ce qu'elle est réglementée par différentes lois, ou pas du tout ?

Adrienne Charmet : Pour l'instant elle n'est pas très définie parce que, justement, c’était un principe, enfin c'est toujours d'ailleurs un principe qui était un des principes de base du fonctionnement du réseau Internet, qui est un réseau complètement décentralisé, où les gens échangent des paquets de données les uns avec les autres, donc il n'y avait pas de définition stricte de la neutralité du Net. Et puis là, à la fois aux États-Unis et en Europe, on a des opérateurs qui ont des pratiques de plus en plus dangereuses pour la neutralité du Net, qui, concrètement, commencent à verrouiller des choses, à interdire certains services parce que ça leur ferait concurrence sur d'autres, à ralentir certains flux, à demander à faire pression sur des entreprises pour qu'elles payent pour avoir accès au réseau. Et donc on se retrouve avec, à la fois aux États-Unis et au niveau européen, des projets de règlements, de directives, de lois, enfin bon quelle que soit la forme législative que ça prenne, qui ont pour but de définir, en gros, ce qu'on va avoir le droit de faire ou de ne pas faire. Et donc concrètement en Europe, par exemple, c'est un gros règlement sur les Télécoms qui est en cours de négociation, et dedans, toute la question est de savoir, d'une part si on va définir ce qu'est la neutralité du net, et d'autre part quelle va être la définition qu'on va donner à cette neutralité du Net. Et là, il y a un grand jeu d’influence entre les lobbies des opérateurs, les grosses plates-formes genre Google, etc, qui ne veulent pas payer, les citoyens au milieu qui se retrouvent pris entre les deux feux, et nous, notre travail c'est de faire en sorte qu'il y ait une définition très stricte de la neutralité du Net et que les citoyens, les internautes, soient au maximum protégés dans cette histoire.

Journaliste : Du coup, comment lutter et est-ce que c'est déjà un peu trop tard ? Si vous me le dites certains acteurs sont déjà rentrés dans cette violation de la neutralité du Net, en fait.

09'33

Adrienne Charmet : Non ce n'est pas trop tard.