« Economie politique et informatique libre conf Luc Fievet » : différence entre les versions

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Vidéo ici : [http://video.rmll.info/videos/economie-politique-et-informatique-libre/]
transcription publiée : http://www.april.org/economie-politique-et-informatique-libre-conf-luc-fievet-lors-des-rmll-2013
 
== 00' transcrit Marie-Odile ==
 
Bonjour ! Je suis Luc Fievet comme c'est écrit en bas. Je vais vous parler d'un sujet que j'ai à l'esprit depuis un petit moment qui est de faire un parallèle entre économie politique et logiciel libre. Je suis à l'April et, il y a un problème ? On entend à peine dans le micro ! Je vais passer en mode ???,  ça ira mieux !
 
Donc ce sujet de l'économie politique et informatique libre. Je suis à l'April mais je ne suis pas informaticien. J'ai une formation en sciences humaines et j'ai fait un peu d'économie. Je ne suis pas économiste non plus vraiment. J'ai eu la chance d'aborder l'économie sous un angle très théorique et je parle bien d'économie politique. Je vais vous en dire un peu plus après ça.
L'objet de cette conférence et de ses réflexions c'est de voir comment on peut essayer de modifier notre vision de l'informatique libre et d'essayer d'aborder de nouvelles façons de voir les choses.
Donc premier point, je vais parler un petit peu d'économie politique pour définir ça et vous expliquer un petit peu ce que j’entends par là. Ensuite en quoi ça peut être utile pour le libre. J'aborderai cette question du pouvoir de l'économie, là encore je me situe dans un contexte plutôt idéologique, théorique et pour finir en quoi ça peut avoir une influence pour ce qui nous intéresse tous.
 
Donc l'économie, on est dans une acception assez large, c'est une discipline qui s’intéresse à la production et à l'échange de biens et de services. Donc c'est une définition qui est très large. On a souvent la vision économie égal argent et ça peut être pris comme quelque chose de plus large que ça. Dans le domaine de l'économie par exemple on distingue entre économie marchande où on va échanger des biens pour faire du bénéfice, et avec notamment une monnaie, et une économie non marchande. La notion d'économie non marchande est relativement peu étudiée mais elle existe chez les économistes dans leur réflexion.
L’intérêt de l'économie à mon sens c'est que c’est un outil de description universel, c'est-à-dire qu'on va pouvoir aborder d'un point de vue économique énormément de choses puisque la production et l'échange c'est quelque chose de foncièrement humain, donc on va pouvoir aborder les activités humaines au travers d'une vision économique.
 
Si j'invoque la notion d'économie politique c'est qu'il me semble important de faire une différence avec ce qu'on appelle la science économique, que personnellement je trouve assez contestable et l’intérêt c'est ce que c'est politique, donc politique au sens large notamment, ça touche nos vies !
J'ai mis ici une petite citation de José Mujica, qui est président de l'Uruguay, qui est réputé être le président le plus pauvre du monde et qui explique que, en quelque sorte l'argent ne fait pas le bonheur, truc assez bien connu, mais qui montre qu'on peut avoir une échelle de valeurs complètement différente et cette question de la richesse c'est juste un choix, un biais qui est pris par certaines personnes, considéré comme étant supérieur aux autres, mais on peut tout à fait en avoir d'autres et ce n'est pas parce qu'on a une échelle de valeurs différente comme par exemple la liberté que la démarche économique est inadaptée.
 
Dans le libre actuellement, tel que je le vois, les aspects économiques que je peux voir dans le libre, le premier c'est ce que j'appelle l'économie du savoir scientifique. C'est le modèle idéal dont on sait qu'il est un petit peu mis à mal actuellement, donc le modèle idéal de la science qui est le fait de faire des recherches, publier ses recherches auprès de ses pairs afin que le savoir soit partagé par tous et que le travail de recherche s'accumule et qu'il y ait une validation de la pertinence des recherches par ses pairs. Et plutôt que d’être dans quelque chose où je vais faire une recherche, la garder dans mon coin, poser un brevet ou un autre système de verrouillage, je vais au contraire partager, publier, rendre public et ce système a largement prouvé sa valeur depuis quelques siècles. Même si aujourd’hui l'idéal de propriété intellectuelle a tendance à vouloir essayer de mettre des verrous là-dessus.
Dans le logiciel libre on a une économie qui est celle de la notoriété. Certes le code est en général téléchargeable assez facilement, la question de la notoriété importante. Un développeur inconnu qui va se lancer dans un projet, y contribuer, aider les autres personnes qui sont dans ce projet-là ou s'il est tout seul dans son projet, faire un logiciel efficace, etc, il va effectivement produire du code, mais il va également produire de la notoriété. Il va être connu, reconnu. S'il travaille mal il va être également connu et reconnu mais de façon négative et ça ça va jouer de façon assez considérable dans les échanges qui vont pouvoir y avoir derrière. C'est-à-dire que quand Richard Stallman par exemple appelle les gens à soutenir par exemple une cause ou se lancer, à faire quelque chose de particulier, il est beaucoup plus écouté que quand c'est moi qui parle par exemple.
Ça c'est typiquement un exemple d'économie non marchande. On n'est pas dans un bien ou un service, on est dans de la réputation et cette réputation elle s'échange et elle se construit.
 
Autre exemple qu'on connaît bien, ce sont les entreprises du logiciel libre qui sont finalement très proches puisqu’elles sont soumises aux mêmes règles que les entreprises conventionnelles, mais dont on peut se dire qu'elles ont une approche assez particulière par rapport à un modèle capitaliste ou on va arriver, faire un gros investissement, aller chercher du capital, faire un gros investissement pour développer du code par exemple qui sera propriétaire et où on va essayer de rentabiliser cet investissement. Les entreprises du libre peuvent partir avec moins de moyens, puisqu'elles peuvent bénéficier d'un logiciel libre qui a déjà été développé et avec déjà des milliers d'heures de travail intégré dans ce logiciel. Elles n'ont pas besoin de partir de zéro, de mettre les gros chèques sur la table. Il y a nécessairement des investissements, mais disons que c'est déjà d'un point de vue économique un pas de côté qui est intéressant.
 
Et là on rejoint notre histoire bien connue du fait que le libre n'est pas gratuit. Cette notion de gratuité finalement est assez trompeuse, parce que même dans notre économie de la notoriété qu'on peut avoir entre geeks, quelqu’un qui va contribuer bénévolement à un logiciel libre et bien cette notoriété il va pouvoir avoir des bénéficies de celle-ci, donc on peut tout-à-fait considérer et il y a plein d'étudiants qui vont par exemple participer à des projets libres et qui vont pouvoir, après ça, quand ils vont chercher du travail mettre ça dans leur CV, montrer ce dont ils sont capables et tout ça ça  a une valeur.
 
Comme je vous le disais, pour moi l’intérêt de cette approche en terme d'économie politique c'était d'avoir des angles de vue différents ce ceux qu'on a actuellement pour essayer d'enrichir notre vision du libre.
Les points de vue que je vois actuellement dominants sur la question de l'informatique libre, on a la philosophie de la liberté, c'est pour ça que j'ai mis une photo de Stallman, c'est vraiment le point d'entrée.
On a cette question du droit d'auteur, puisque en Europe notamment, le code est régi par le droit d'auteur.
On a des aspects techniques, même s'ils ne sont pas totalement exclusifs au logiciel libre mais en tout cas on a des logiciels et donc on va pouvoir en parler d'un point de vue technique.
 
On a des organisations avec des projets, différentes formes. Donc on va pouvoir parler de tel type d'organisation, tel type de licence, tel type de business modèle pour une entreprise, mais on a effectivement ce côté business pur et dur. On a des entreprises qui sont dans un circuit économique marchand, classique et de ça on va en parler également.
 
On pourrait donc tout à fait adopter d'autres points de vue, là j'en ai mis trois qui sont ceux qui me sautent aux yeux, mais je pense que chacun peut trouver en fonction de son parcours et de son environnement d'autres trucs. Moi je vois par exemple celui de la sociologie du travail. Je trouve par exemple extrêmement symptomatique que les libristes s'arrogent légitimité à dire comment on travaille bien et quelle est la bonne façon de travailler sur les codes et en informatique. C'est-à-dire qu'ils veulent partager leurs codes, ils veulent le faire et le partager avec d'autres et avec des méthodes spécifiques. Et ça, quand on se replace dans une question de sociologie du travail, sur la forme du travail qu'on a en Occident traditionnellement, on a une notion de pouvoir. C'est pour ça que je cite Gorz ici qui dit dans La Métamorphose du Travail que la première priorité d'une entreprise c'est de conserver le pouvoir sur le travail de ses salariés. Avec on a des notions, où un salarié répond aux ordres de la personne qui l'emploie, donc il va louer son temps de travail etc, et aujourd'hui dans ce que je vois chez les libriste, ce modèle-là qui est hiérarchique, qui est modèle de pouvoir, est mis en cause par les libristes.
 
On peut également avoir une approche en terme de sciences de l'information et de la communication et notamment pour comprendre comment justement toutes ces informations circulent, comment elles sont partagées, ce genre de choses. On a d'autres trucs en termes d'infos, l'information et la communication qui sont à mon sens assez symptomatiques. On va  prendre par exemple un site comme linux.fr qui est un site, je ne sais pas si tout le monde le connaît, mais  qui est assez communautaire, dans lequel des informations, de dépêches vont être rédigées, des informations vont être amenées. Je trouve très intéressant que la communauté garde le pouvoir sur ce truc-là. C'est très important. Il y a beaucoup de domaines avec des amateurs, des gens qui partagent l’information, qui travaillent tous sur un même sujet, bien peu à mon sens ont le pouvoir sur un outil de communication, ils vont souvent se fédérer autour d'une revue tenue par des professionnels, des journalistes professionnels, un groupe de presse et quand on voit le monde du libre, on a comme ça des îlots autogérés de gestion de l'information.
 
Et donc le dernier, c'est évidemment l'économie politique que j’aborde ici aujourd'hui.
 
==11' 20 ==
Donc je le disais au début l'économie politique s'intéresse à la façon dont on va créer, dont on échange, dont on partage éventuellement, qui est une forme d'échange. A mon sens l'informatique libre a posé de nouvelles façons de le faire, pas complètement nouvelles, puisque j’évoquais l'économie du savoir scientifique au début. Et j'ai ressorti cette vieille expression de nouvelle économie qui vous avez sans doute assez fait rire il y a quelques années, c'était celle qui avait été utilisée lors de la première bulle internet et où la nouvelle économie entre guillemets c’était simplement de faire des affaires avec un nouveau terrain mais exactement de la même façon que ça pouvait être fait avant. A partir du moment où on a des règles et des principes de partage et de création différents, la nouvelle économie réside non pas dans le fait que ce soit de l'informatique mais au contraire dans la façon dont c'est produit et échangé.
 
Et du coup au travers de ça on touche le politique. Alors je suis allé chercher quelques notions de philosophes grecs qui ont trois mots pour la politique ; politikos qui est vraiment la politique au sens large avec cette idée de changer le monde et d'avoir du poids sur la façon dont on vit et politeia, je ne sais pas si je prononce correctement, qui est l'idée de la politique dans une notion d'organisation, d'organisation sociale. Là on retrouve deux éléments importants dans le logiciel libre qui est on a un idéal de liberté, de partage du savoir, on est là sur le niveau politikos et au niveau politeia qui est comment concrètement  on s'organise, comment les communautés fonctionnent, les licences et toutes ces choses là.
 
Après il y a quelques exemples que je veux aborder qui pour moi sont assez intéressants pour voir comment l'informatique peut avoir cette influence politique sur ces deux sens-là et je veux parler de productivité. On entend parfois parler de choc de compétitivité, de collectivité dans les entreprises. Il y a un exemple que j'aime bien c'est celui de la machine à laver. Si vous situez historiquement une période où il n'y avait pas de machine de laver, pour nettoyer le linge d'une famille c’était probablement une demi-journée de travail par semaine, qui était fait pas des femmes bien sûr. Et donc cette demi-journée était prise à laver du linge. A partir du moment où vous introduisez la machine à laver, on peut avoir une vision économique en disant " C'est super, je réponds à un besoin donc je vais faire beaucoup de bénéfices en vendant des machines à laver" et on peut avoir une autre  approche, qui celle-là est juste, qui dit "Certes, c'est vrai, mais en plus en introduisant la machine à laver, j'économise, je permets aux gens qui font leur lessive de laver la même quantité de linge non pas en une demi-journée mais en trente minutes", le temps de mettre le linge dans la machine et de l'étendre après. Et donc je fais économiser à toutes les personnes qui font leur lessive, 4,5 heures de travail par semaine. Et donc ce temps-là on peut le mettre à profit à autre chose. Et après ça, ça c'est une vraie question politique c'est qu'est-ce qu'on fait de ce temps là ? Dès lors qu'on a un outil qui arrive et qui permet de faire plus avec moins, on fait un gain de productivité. Évidemment dans une entreprise ce gain de productivité on sait en général comment il va être utilisé, mais on va avoir une société plus efficace, qui va permettre de faire autre chose, et si on a la liberté on va pouvoir mettre ce temps à profit par exemple pour militer, faire du logiciel libre ou que sais-je encore.
 
Il y a un autre élément qui est assez intéressant, donc L'Abeille et l'Économiste, qui est un livre de Moulier Boutang, je ne sais pas si certains l'ont lu. Il commence sur un petit conte qu'il a inventé avec un jeune économiste qui récupère la ferme de son père en héritage ou d'un parent et qui s'aperçoit que sur cette énorme ferme il y a des ruches qui sont détenues par le voisin. Donc son aïeul avait un accord avec le propriétaire des ruches et donc le propriétaire des ruches pouvait avoir ces ruches là contre un peu de miel qu'il donnait lors de sa récolte. Et donc l'économiste va voir l'apiculteur et lui dit "Bon et bien vos abeilles récupèrent le pollen des fleurs de mes plantes, donc sans mes plantes vos abeilles ne peuvent pas faire de miel. Donc je vous propose un contrat où je prends 30% de tous vos bénéfices puisque votre miel nécessite mon pollen." Et donc l'apiculteur dit je vais réfléchir et revient le lendemain et dit "Je suis d'accord pour signer le contrat, vous avez tout-à-fait raison, mais je rajoute une petite clause parce que vos plantes ont besoin, pour être pollinisées, ont besoin de mes abeilles. Donc je vous donne 30 % de mes recettes, de mon chiffre d'affaire sur le miel mais je prends 30 % de vos recettes sur l'ensemble de votre exploitation agricole."
 
Ça illustre très bien ces notions d'interconnexion et le fait que c'est ce qu'on appelle les externalités dans le domaine économique. Mais la façon dont un petit outil quelque part à quelque chose va avoir des conséquences assez importantes. Et là encore dans l'idéal assez néfaste de la propriété intellectuelle qui s'instaure depuis quelques temps, il y a cette volonté de mettre des verrous et de gagner de l'argent sur toutes les conséquences de ce qu'on est en train de faire. Et c'est l'idée qui est assez néfaste, à laquelle le logiciel libre s'oppose et offre une alternative que je trouve très intéressante.
 
Voilà sur cette question des gains de productivité, je l'avais noté là, on peut peut-être le passer rapidement. Pierre Larrouturou explique, selon lui, mais il n'est pas le seul à le penser, le problème des crises qu'on a est que depuis les années 80 on a cessé de partager les gains de productivité de l'économie avec le travail. C'est-à-dire qu'avant on avait grosso modo un tiers qui partait pour le travail, un tiers qui partait pour le capital et un tiers pour les entrepreneurs.
 
 
'''Public :''' Il faut lire le livre qui vient de sortir avec Rocard. C'est génial, non mais sérieusement. Rocard, c'est sorti là, c'est récent.
 
 
'''L. F. :''' C'est tout à fait intéressant. Et donc il explique qu'à partir des années 80 on a cessé de faire ce partage, donc on était une moitié pour le capital une moitié pour les entrepreneurs et qu'à partir du moment où les gains de productivité ne bénéficient plus aux salariés, au travail, la consommation va baisser et donc du coup on a un système qui s'effondre petit à petit.
 
Toujours sur cette question de l'économie politique, on a donc des économistes classiques qui ont posé un certain nombre de théories et on voit que ces théories ne sont jamais neutres. Quand ils les posent, ils posent la question avec une certaine vision de l’intérêt général.
Adam Smith, par exemple, auteur du XVIIIème siècle, son livre s'appelle De la Richesse des Nations, donc la question qui se pose, c'est un britannique, c'est comment on peut améliorer l'organisation du pays pour que la Grande-Bretagne soit un pays plus puissant, plus efficace, plus riche, plus prospère. Donc il n'est pas en train de réfléchir à comment il va avoir une plus grande maison, etc, il se pose dans une dynamique de prospérité nationale avec toutes les représentations de l'époque. Mais il a un objectif et sa vision n'est pas neutre.
 
Maltus qui vient un peu plus tard a une grosse angoisse sur la surpopulation et pense que l'augmentation de la population par rapport au rendement agricole fait qu'on va, à l'époque, arriver rapidement à une catastrophe humaine et c'est quelque chose qui l'angoisse pas mal et donc il fait toute une série de développements là-dessus.
 
Marx, pareil, lui s'oppose à des mouvements d’exploitation et analyse le capitalisme, crée la notion de prolétariat, justement pour s'opposer à une certaine forme d'organisation sociale et de domination qu'il peut y avoir à l'époque.
 
Donc toutes ces théories économiques sont engagées. Elles ne sont pas neutres et elles ont toujours cette envie de changer la société. Et ça c'est quelque chose qui me semble important parce qu'avec la science économique, à partir du moment où on a prononcé le mot science, on se place assez naturellement dans l'implacable, dans le non négociable, en disant voila ce sont les lois naturelles du marché et si on veut aller contre et bien c'est comme vouloir aller contre les lois de la gravité, ce n'est pas très raisonnable. Quand quelqu'un vous dit qu'il n'y a pas d'alternative, en général, c'est qu'il est en train d'essayer de vous mettre dans un système pour que surtout vous n'en sortiez pas.
 
Donc l’intérêt, l'approche, d'économie politique qu'on va avoir pour le libre, déjà c'est comprendre comment on fonctionne. Ce serait une nouvelle façon d'aborder le truc et de comprendre comment on fonctionne. Donc comment les communautés se construisent, comment elles fonctionnent, comment elles échangent, comment elles produisent ? Où sont les raretés, puisque l'économie est extrêmement pertinente là-dessus, c'est comment on gère la rareté ? Quelles sont les externalités, c'est-à-dire ce que je vous expliquais avec les abeilles, la machine à laver ? Quand on commence à diffuser du logiciel libre, qu'est-ce qui se passe ? Quelles sont les conséquences sur la société ? Et du coup sortir des valeurs, de la valorisation, pas purement monétaire nécessairement, que jusqu'à maintenant on n'a pas vu.
 
Et une fois, si une capable de faire ça, on peut alimenter le libre dans sa dimension utopique. L'utopie est souvent considérée comme quelque chose de négatif. On dit que les utopistes sont de rêveurs. Je pense que tous les gens qui se sont lancés dans le logiciel en 1984 devaient être de sacrés utopistes et c'est justement, je crois que l'utopie, si ma mémoire est bonne c'est, au niveau de l'étymologie, ça veut dire un lieu qui est ailleurs. Et donc on a tout intérêt à être utopiste si on veut changer le monde. Et je pense que si on est libriste, c'est qu'on est au moins un peu utopiste.
 
Autre point c'est donc de construire une vision complexe, dans le sens systémique. Là encore je cite Larrouturou qui explique que l’économie est une discipline, est quelque chose de complexe ; c'est-à-dire que chaque phénomène économique, si on parle de l’inflation par exemple, c'est assez simple de comprendre ce qu'est l'inflation, donc on a des trucs qui ne sont pas très compliqués mais qui sont tous reliés entre eux. Et donc quand on commence à toucher un bout du système ça a des influences dans tous les sens. Et c'est ça qui fait la complexité de l'économie, ce n'est pas tant chacun des éléments, mais toutes les influences qu'il peut y avoir. Ça on l'a également, je pense, dans le libre et ce serait intéressant de réussir à comprendre tout ça.
 
Ensuite ce serait effectivement le moment de commencer à pouvoir avoir une parole économique d'économie politique et de réussir à construire un modèle de l'informatique libre où on puisse à la fois avoir économique au sens économie marchande mais qui n'exclut pas le partage et les libertés. Alors qu'aujourd'hui quand on voit les développements juridiques avec des trucs comme ACTA par exemple ou des choses comme ça, on a plutôt l’impression que ça va dans le sens inverse.
 
Ensuite ça nous permettrait de positionner l'informatique libre dans une tradition philosophique et politique et donc de dire voila où on se situe par rapport à ce qui existe, plutôt que d’être ce que j'ai appelé un Opni, donc vous allez le deviner, c'est un objet politique non identifié, et j'ai le sentiment que bien souvent quand on va parler d'informatique libre on tombe face à des gens qui ne connaissent pas nécessairement la chose, même si aujourd'hui ça commence vraiment à rentrer et qui ont du mal à situer ça par rapport à des repères qu'ils ont déjà aujourd'hui. Et donc avec ce genre d'analyse on arriverait à créer notre propre position et à avoir quelque chose de plus lisible.
 
Et dernier point. C'est une fois qu'on a réussi à créer ce modèle complexe, ce serait d'élargir le libre, puisqu'on sait que les principes du logiciel libre se répandent un petit peu partout mais avec cette crainte que j'ai vu très souvent chez les libristes de dire on va diluer le principe. Notamment quand on voit de la musique qui s'échange en Creative Commons nc nd est-ce qu'on est vraiment dans le libre ? A mon sens non, on a vraiment perdu l'essentiel de ce qui fait le libre. Si certains ne connaissent pas nc nd, donc les licences Creative Commons, donc on n'a pas le droit de dériver l’œuvre ni d'avoir une exploitation commerciale. On a juste le droit de la diffuser de façon non marchande. Et ça permettrait à mon sens de gagner en cohérence et d'avoir des visions plus carrées et donc de faire infuser nos principes au-delà de l'informatique.
 
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Autre intérêt de construire cette représentation

Dernière version du 22 août 2013 à 15:52