« Le phénomène ChatGPT et l'intelligence artificielle : l'Homme en évolution ou en révolution » : différence entre les versions

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<b>Asma Mhalla : </b>Aujourd’hui on va parler intelligence artificielle, révolution ou évolution ?, sous forme de questions d’ailleurs, avec l’anthropologue Emmanuel Grimaud.
<b>Emmanuel Grimaud, voix off : </b>Ce qui est compliqué c’est de se projeter dans un monde où en fait il va y avoir autour de nous, ou qui vont rentrer dans nos cerveaux si vous voulez, des intelligences sans subjectivité, qui n’ont pas l’intelligence au sens où on l’entend et c’est strate-là qu’il va falloir accepter.
<b>Asma Mhalla : </b>Bonjour. Je suis Asma Mhlalla et mon job consiste à décrypter les nouvelles formes de pouvoir et de puissance qui sont en train de se recomposer actuellement autour de la question technologique. Chaque semaine nous allons nous plonger dans une grande affaire pour tirer méticuleusement le fil de cette histoire, lever le voile sur ce qui est en train de se jouer en coulisses, déchiffrer ensemble les enjeux politiques, géopolitiques qui s’affrontent et qui nouent le cœur de ces nouveaux jeux de pouvoir et de puissance de ce début de 21e siècle.<br/>
Aujourd’hui, la grande affaire c’est le phénomène mondial ChatGPT et les enjeux politiques invisibles de l’intelligence artificielle.<br/>
<em>CyberPouvoirs</em> sur France Inter, c’est parti.
<b>Voix off : </b>On arrive à faire des choses très intéressantes dans des domaines très particuliers : on fait du <em>machine learning</em>, du <em>deep learning</em>, des moteurs de règles, mais ce n’est pas de l’intelligence, en gros, on ne devrait pas appeler ça de l’intelligence artificielle parce que ça n’a rien d’intelligent.
<b>Voix off : </b>France Inter. Asma Mhalla. <em>CyberPouvoirs</em>.
<b>Asma Mhalla : </b>Fin 2022 le lancement de ChatGPT provoque un séisme mondial, ou presque.
<b>Voix off : </b>Cette technologie payante, 22 euros par mois, décrypte les textes mais aussi bientôt les images. Certaines professions l’utilisent déjà comme un super assistant, mais le risque n’est-il pas de remplacer nos ingénieurs, nos médecins ? Toutes les filières devraient bientôt être bouleversées par ce développement de l’intelligence artificielle.<br/> [https://www.tf1info.fr/high-tech/video-nouvelle-version-de-chat-gpt-la-revolution-de-l-intelligence-artificielle-vient-elle-de-commencer-2251471.html]
Meta, anciennement Facebook, et Google lancent chacun leur intelligence artificielle, c’est pour eux le marché prioritaire. Le grand public a désormais un accès facile à une technologie complexe, mais surtout peu transparente.
<b>Asma Mhalla : </b>Quel est l’arbre technologique que l’arbre ChatGPT cache ? C’est en me posant cette question et, en fait, cette obsession que j’ai pour la démystification de mes objets d’étude, que j’ai préparé cette émission. Commençons par le commencement.<br/>
C’est par le prisme du phénomène mondial ChatGPT que l’intelligence artificielle est revenue par la grande porte dans le débat public. Elle est d’ailleurs souvent présentée comme une perspective, quelque chose à venir, à craindre, un fantasme. Or, d’après moi, le fantasme c’est précisément de croire qu’il y en a un, de fantasme donc. En fait, l’IA n’est pas un horizon, elle est une réalité matérielle, palpable, déjà omniprésente dans nos quotidiens avec parfois des moments d’accalmie, où on en parle moins, et parfois des pics, comme en ce moment, où on en parle beaucoup. Mais en fait, de quoi parle-t-on quand on parle d’intelligence artificielle ?
L’intelligence artificielle n’est pas une technologie à proprement parler, mais plutôt un domaine scientifique qui va prendre son envol à la fin de la Seconde guerre mondiale avec cette question lancinante qui va être posée par Alan Turing, l’un des grands chercheurs de cette question-là, qui est : est-ce qu’une machine peut penser ? En bref, l’IA est une discipline scientifique qui va avoir deux grands volets : d’abord son volet en termes de recherche fondamentale, c’est-à-dire comprendre le fonctionnement de l’intelligence humaine pour, peut-être, la reproduire, et un deuxième volet, celui de la recherche appliquée, c’est-à-dire trouver des usages, des cas d’applications pour résoudre des problèmes spécifiques à la place de l’homme. Et là vous avez pléthore de systèmes, d’outils, qui sont dopés à l’intelligence artificielle, par exemple ce qu’on appelle les IA génératives qui vont générer du contenu – texte, voix, code, images, musique ; vous avez des systèmes prédictifs qui vont prédire des résultats, par exemple des logiciels de police ou de justice prédictive ; vous avez aussi des systèmes de recommandation, c’est ce que vous allez retrouver par exemple sur les moteurs de recherche ou sur les réseaux sociaux ; vous allez avoir tout un tas d’outils d’aide à la décision, mais aussi ce qu’on appelle de la domotique intelligente, ces systèmes que vous allez mettre un peu partout chez vous pour vérifier que la nounou est rentrée à l’heure ou pour baisser votre chauffage quand vous êtes à distance ; et enfin vous avez les fameuses IA militaires, par exemple les armes autonomes, semi-automatiques, les drones, etc.
L’IA, en réalité, qu’on se le dise, est équivalente à ce qu’à été l’électricité en son temps. Elle est omni-usages, omniprésente, incontournable. Elle définit les nouveaux critères de production, de consommation, d’information, d’éducation, même de pratiques démocratiques. Elle est partout, elle est système.<br/>
Mais le point sur lequel je veux vraiment insister c’est que la question technologique a en fait toujours sous-tendu les luttes de pouvoir, elle a toujours été un véhicule de puissance, même le papyrus, en son temps, l’était ; pour notre époque ce sera l’IA.
<b>Voix off : </b>Coup de projecteur sur l’intelligence artificielle. L’homme en évolution ou en révolution ?
<b>Asma Mhalla : </b>La lutte se joue sur trois grands fronts, d’abord sur le plan géopolitique : la rivalité aujourd’hui entre États-Unis et Chine se joue notamment sur la question technologique et en particulier la domination de l’intelligence artificielle surtout à des fins militaires. Ces fameuses luttes de pouvoir se jouent aussi dans le champ idéologique. La technologie n’a de réelle valeur – à mon sen en tout cas parce que j’ai un prisme politique davantage que technique – en cela qu’elle encapsule des normes, donc une vision du monde. En gros, si je résume, celui qui détient la technologie en contrôle l’intention politique. Et enfin, le troisième champ de cette fameuse lutte des pouvoirs se pose sur une question philosophique qui est universelle. Je vous la soumets et je vous laisse d’ailleurs y réfléchir : qu’est-ce qu’un être humain face à des machines anthropomorphes, c’est-à-dire qui semblent simuler le comportement humain, qui semblent humaines ? Où se loge alors notre singularité d’Humains, avec un grand « H », et surtout, comment préparer cet avenir qui est par nature imprévisible ? Vous voyez le glissement : la question philosophique devient alors fondamentalement politique et tout le sens de mon travail est celui-là : déconstruire la propagande de l’intelligence artificielle et de la technologie en général pour mieux en mesurer l’impact, les promesses, les limites.<br/>
D’après moi, il nous faut vraiment calmer toutes ces paniques qu’on a préfabriquées autour du discours et des narratifs de l’intelligence artificielle qui, un coup, détruirait l’homme, un coup serait totalement l’avenir unique possible de notre progrès, parce que potentiellement la vérité se situera entre les deux. Il nous faut donc calmer ces paniques-là pour trier les vrais sujets des faux problèmes.
À travers l’IA, c’est nous-mêmes, nos choix, notre société que, dans le fond, on interroge. L’intelligence artificielle risque bien, en fait, de signer la résurrection du Politique avec un grand « P », mais à une condition et, pour cela, j’aimerais citer le philosophe Paul Virilio qui m’a beaucoup inspirée sur ces questions-là et qui disait que le progrès est devant nous à condition de dépasser sa propagande. Chiche ?
Face à ces nouveaux pouvoirs, ces cyberpouvoirs, que restera-t-il d’humain dans l’homme finalement ? C’est à cette question extraordinaire que nous allons nous attaquer avec Emmanuel Grimaud, chercheur au CNRS et anthropologue, qui est mon invité dans <em>CyberPouvoirs</em> aujourd’hui, sur Inter, et qu’on retrouve dans quelques instants.
<b>Voix off : </b>Les enjeux technologiques d’aujourd’hui, les enjeux politiques de demain. CyperPouvoirs sur France Inter.
<b>Pause musicale : </b><em>Dreams</em> par Nuages.
<b>Asma Mhalla : </b>C’était le magnifique titre <em>Dreams</em> de Nuages sur France Inter. On continue notre exploration de l’intelligence artificielle dans <em>CyberPouvoirs</em>.
<b>Voix off : </b><em>CyberPouvoirs</em>. Asma Mhalla sur France Inter.
==11’ 55==
<b>Asma Mhalla : </b>Je suis très heureuse

Version du 25 juillet 2023 à 04:46


Titre : Le phénomène ChatGPT et l'intelligence artificielle : l'Homme en évolution ou en révolution ?

Intervenants : Emmanuel Grimaud - Asma Mhalla

Lieu : CyberPouvoirs - France Inter

Date : 23 juillet 2023

Durée : 34 min 48

Podcast

Page de présentation du podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Asma Mhalla aborde le concept d’IA pour mieux démystifier nos paniques préfabriquées, pour sortir cette technologie d’une pensée trop souvent binaire. Accompagnée d'Emmanuel Grimaud, ils posent une question simple : à l'avenir, où se logera notre singularité d’humain face à la machine ?

Transcription

Asma Mhalla : Aujourd’hui on va parler intelligence artificielle, révolution ou évolution ?, sous forme de questions d’ailleurs, avec l’anthropologue Emmanuel Grimaud.

Emmanuel Grimaud, voix off : Ce qui est compliqué c’est de se projeter dans un monde où en fait il va y avoir autour de nous, ou qui vont rentrer dans nos cerveaux si vous voulez, des intelligences sans subjectivité, qui n’ont pas l’intelligence au sens où on l’entend et c’est strate-là qu’il va falloir accepter.

Asma Mhalla : Bonjour. Je suis Asma Mhlalla et mon job consiste à décrypter les nouvelles formes de pouvoir et de puissance qui sont en train de se recomposer actuellement autour de la question technologique. Chaque semaine nous allons nous plonger dans une grande affaire pour tirer méticuleusement le fil de cette histoire, lever le voile sur ce qui est en train de se jouer en coulisses, déchiffrer ensemble les enjeux politiques, géopolitiques qui s’affrontent et qui nouent le cœur de ces nouveaux jeux de pouvoir et de puissance de ce début de 21e siècle.
Aujourd’hui, la grande affaire c’est le phénomène mondial ChatGPT et les enjeux politiques invisibles de l’intelligence artificielle.
CyberPouvoirs sur France Inter, c’est parti.

Voix off : On arrive à faire des choses très intéressantes dans des domaines très particuliers : on fait du machine learning, du deep learning, des moteurs de règles, mais ce n’est pas de l’intelligence, en gros, on ne devrait pas appeler ça de l’intelligence artificielle parce que ça n’a rien d’intelligent.

Voix off : France Inter. Asma Mhalla. CyberPouvoirs.

Asma Mhalla : Fin 2022 le lancement de ChatGPT provoque un séisme mondial, ou presque.

Voix off : Cette technologie payante, 22 euros par mois, décrypte les textes mais aussi bientôt les images. Certaines professions l’utilisent déjà comme un super assistant, mais le risque n’est-il pas de remplacer nos ingénieurs, nos médecins ? Toutes les filières devraient bientôt être bouleversées par ce développement de l’intelligence artificielle.
[1] Meta, anciennement Facebook, et Google lancent chacun leur intelligence artificielle, c’est pour eux le marché prioritaire. Le grand public a désormais un accès facile à une technologie complexe, mais surtout peu transparente.

Asma Mhalla : Quel est l’arbre technologique que l’arbre ChatGPT cache ? C’est en me posant cette question et, en fait, cette obsession que j’ai pour la démystification de mes objets d’étude, que j’ai préparé cette émission. Commençons par le commencement.
C’est par le prisme du phénomène mondial ChatGPT que l’intelligence artificielle est revenue par la grande porte dans le débat public. Elle est d’ailleurs souvent présentée comme une perspective, quelque chose à venir, à craindre, un fantasme. Or, d’après moi, le fantasme c’est précisément de croire qu’il y en a un, de fantasme donc. En fait, l’IA n’est pas un horizon, elle est une réalité matérielle, palpable, déjà omniprésente dans nos quotidiens avec parfois des moments d’accalmie, où on en parle moins, et parfois des pics, comme en ce moment, où on en parle beaucoup. Mais en fait, de quoi parle-t-on quand on parle d’intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle n’est pas une technologie à proprement parler, mais plutôt un domaine scientifique qui va prendre son envol à la fin de la Seconde guerre mondiale avec cette question lancinante qui va être posée par Alan Turing, l’un des grands chercheurs de cette question-là, qui est : est-ce qu’une machine peut penser ? En bref, l’IA est une discipline scientifique qui va avoir deux grands volets : d’abord son volet en termes de recherche fondamentale, c’est-à-dire comprendre le fonctionnement de l’intelligence humaine pour, peut-être, la reproduire, et un deuxième volet, celui de la recherche appliquée, c’est-à-dire trouver des usages, des cas d’applications pour résoudre des problèmes spécifiques à la place de l’homme. Et là vous avez pléthore de systèmes, d’outils, qui sont dopés à l’intelligence artificielle, par exemple ce qu’on appelle les IA génératives qui vont générer du contenu – texte, voix, code, images, musique ; vous avez des systèmes prédictifs qui vont prédire des résultats, par exemple des logiciels de police ou de justice prédictive ; vous avez aussi des systèmes de recommandation, c’est ce que vous allez retrouver par exemple sur les moteurs de recherche ou sur les réseaux sociaux ; vous allez avoir tout un tas d’outils d’aide à la décision, mais aussi ce qu’on appelle de la domotique intelligente, ces systèmes que vous allez mettre un peu partout chez vous pour vérifier que la nounou est rentrée à l’heure ou pour baisser votre chauffage quand vous êtes à distance ; et enfin vous avez les fameuses IA militaires, par exemple les armes autonomes, semi-automatiques, les drones, etc.

L’IA, en réalité, qu’on se le dise, est équivalente à ce qu’à été l’électricité en son temps. Elle est omni-usages, omniprésente, incontournable. Elle définit les nouveaux critères de production, de consommation, d’information, d’éducation, même de pratiques démocratiques. Elle est partout, elle est système.
Mais le point sur lequel je veux vraiment insister c’est que la question technologique a en fait toujours sous-tendu les luttes de pouvoir, elle a toujours été un véhicule de puissance, même le papyrus, en son temps, l’était ; pour notre époque ce sera l’IA.

Voix off : Coup de projecteur sur l’intelligence artificielle. L’homme en évolution ou en révolution ?

Asma Mhalla : La lutte se joue sur trois grands fronts, d’abord sur le plan géopolitique : la rivalité aujourd’hui entre États-Unis et Chine se joue notamment sur la question technologique et en particulier la domination de l’intelligence artificielle surtout à des fins militaires. Ces fameuses luttes de pouvoir se jouent aussi dans le champ idéologique. La technologie n’a de réelle valeur – à mon sen en tout cas parce que j’ai un prisme politique davantage que technique – en cela qu’elle encapsule des normes, donc une vision du monde. En gros, si je résume, celui qui détient la technologie en contrôle l’intention politique. Et enfin, le troisième champ de cette fameuse lutte des pouvoirs se pose sur une question philosophique qui est universelle. Je vous la soumets et je vous laisse d’ailleurs y réfléchir : qu’est-ce qu’un être humain face à des machines anthropomorphes, c’est-à-dire qui semblent simuler le comportement humain, qui semblent humaines ? Où se loge alors notre singularité d’Humains, avec un grand « H », et surtout, comment préparer cet avenir qui est par nature imprévisible ? Vous voyez le glissement : la question philosophique devient alors fondamentalement politique et tout le sens de mon travail est celui-là : déconstruire la propagande de l’intelligence artificielle et de la technologie en général pour mieux en mesurer l’impact, les promesses, les limites.
D’après moi, il nous faut vraiment calmer toutes ces paniques qu’on a préfabriquées autour du discours et des narratifs de l’intelligence artificielle qui, un coup, détruirait l’homme, un coup serait totalement l’avenir unique possible de notre progrès, parce que potentiellement la vérité se situera entre les deux. Il nous faut donc calmer ces paniques-là pour trier les vrais sujets des faux problèmes.

À travers l’IA, c’est nous-mêmes, nos choix, notre société que, dans le fond, on interroge. L’intelligence artificielle risque bien, en fait, de signer la résurrection du Politique avec un grand « P », mais à une condition et, pour cela, j’aimerais citer le philosophe Paul Virilio qui m’a beaucoup inspirée sur ces questions-là et qui disait que le progrès est devant nous à condition de dépasser sa propagande. Chiche ?

Face à ces nouveaux pouvoirs, ces cyberpouvoirs, que restera-t-il d’humain dans l’homme finalement ? C’est à cette question extraordinaire que nous allons nous attaquer avec Emmanuel Grimaud, chercheur au CNRS et anthropologue, qui est mon invité dans CyberPouvoirs aujourd’hui, sur Inter, et qu’on retrouve dans quelques instants.

Voix off : Les enjeux technologiques d’aujourd’hui, les enjeux politiques de demain. CyperPouvoirs sur France Inter.

Pause musicale : Dreams par Nuages.

Asma Mhalla : C’était le magnifique titre Dreams de Nuages sur France Inter. On continue notre exploration de l’intelligence artificielle dans CyberPouvoirs.

Voix off : CyberPouvoirs. Asma Mhalla sur France Inter.

11’ 55

Asma Mhalla : Je suis très heureuse