« Communs numériques et transition écologique » : différence entre les versions

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche
(Page créée avec «  '''[Catégorie:Transcriptions '''Titre :''' Communs numériques et transition écologique '''Intervenants : ''' Agnès Crepet - Sébastien Shulz - Stéphane Cro... »)
 
(Contenu remplacé par « Catégorie:Transcriptions Publié [https://www.librealire.org/communs-numeriques-et-transition-ecologique ici] - Juin 2023 »)
Balise : Contenu remplacé
 
(25 versions intermédiaires par 2 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
[[Catégorie:Transcriptions]]


'''[[[Catégorie:Transcriptions]]
Publié [https://www.librealire.org/communs-numeriques-et-transition-ecologique ici] - Juin 2023
 
'''Titre :''' Communs numériques et transition écologique
 
'''Intervenants : ''' Agnès Crepet - Sébastien Shulz - Stéphane Crozat - Sébastien Broca - Lionel Maurel  - Corinne Vercher-Chaptal
 
'''Lieu :''' Campus Condorcet – Aubervilliers - 17e congrès RIODD
 
'''Date :''' 18 novembre 2022
 
'''Durée :''' 1 h 50 min 27
 
'''[https://riodd.net/congres-du-riodd/congres-2022/ Vidéo]'''
 
'''[https://riodd.net/congres-du-riodd/congres-2022/ Page de présentation du congrès]'''
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
'''Illustration :''' À prévoir
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.<br/>
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.</em>
 
==Transcription==
 
<b>Corinne Vercher-Chaptal : </b>On va commencer la dernière session plénière, la session plénière de clôture de notre congrès. Je crois qu’on arrive tous un peu en bout de course parce que ça a été dense et riche. On s’en réjouit et on vous remercie encore d’avoir répondu présent.<br/>
Comme c’est la dernière plénière, je voulais remercier le RIODD [Réseau International de Recherche sur les Organisations et le Développement Durable] et l’équipe d’organisation, je vais citer Laura Aufrère, Yvan Bertin, Anna-Sofia qui n’est pas encore là, Caroline qui est là, Alexandre aussi, parce qu’ils ont fait un travail extraordinaire, je le disais hier soir, tout en finesse en plus. Merci beaucoup.<br/>
Je voulais remercier aussi l’Université Sorbonne Paris Nord, notre université qui a accueilli le congrès du RIODD. Le RIODD remercie aussi l’USPN, la structure fédérative de recherche « Les communs » et remercie le CEPN [Centre d’économie de l’Université Paris Nord] et tout particulièrement l’équipe « Crises et transitions » qui est à l’initiative de la prise en charge et de l’organisation de ce 17e colloque du RIODD.
 
[Applaudissements]
 
<b>Corinne Vercher-Chaptal : </b>Merci beaucoup. J’ai été vraiment ravie et encore une fois émue de voir que ce thème des communs ait réuni une telle communauté pluridisciplinaire. Je crois que c’est dans la pluridisciplinarité qu’Ostrom a construit son approche, c’est donc aussi dans la pluridisciplinarité qu’elle doit se poursuivre.
 
On a beaucoup parlé de communs mais pas encore de communs numériques. On a pensé intéressant à questionner que poser effectivement ce fait que les communs numériques, les logiciels libres, ont été pensés et promus comme un outil d’émancipation, d’émancipation de nos pratiques numériques, mais probablement qu’on a oublié en chemin le coût écologique que ça représentait. Aujourd’hui plusieurs militants du logiciel libre, et on y reviendra, alertent justement sur l’insuffisante prise en compte des enjeux écologiques par le mouvement du logiciel libre. Je crois que c’est en 2017 que Félix Tréguer et Gaël Trouvé sortaient un petit article, une tribune, sur le site Reporterre qui s’intitulait, déjà en 2017, « Le coût écologique d’Internet est trop lourd, il faut penser à un Internet low-tech ». Je cite un extrait de cette tribune qui me semble bien poser la table ronde : « En dépit des apports d’un mouvement comme celui du logiciel libre à la réflexion sur les biens communs et malgré les croisements anciens entre le mouvement hacker et certaines luttes écologistes, le combat pour une informatique émancipatrice échoue le plus souvent à expliciter le constat qui est aussi l’une de ses principales contradictions : les effroyables coûts écologiques et humains du numérique. »<br/>
On ne va pas faire le constat des coûts aujourd’hui, on va essayer plutôt de voir justement comment les communs numériques peuvent se saisir de cet enjeu qu’ils ont peut-être originellement oublié et, pour se livrer à ce travail, nous sommes vraiment très heureux d’accueillir pour notre table ronde plusieurs experts. On est entre nous, je vais m’adresser directement à la régie. On voit Agnès Crepet quand je la présente. OK ! Super, merci. Vous avez remarqué que c’est une table ronde masculine, mais si, en plus les participantes féminines ! On voit Agnès.
 
Je vais commencer par vous Agnès. Vous êtes responsable de la longévité logicielle chez FairPhone qui propose un smartphone éthique conçu pour durer et construit de manière responsable. Vous avez cofondé, en France, la société Ninja Squad, une équipe de développeurs qui met un accent fort sur l’<em>open source</em>. Vous êtes également <em>co-leader</em> de Duchess France et cofondatrice de la conférence MiXiT qui œuvre pour plus de diversité et de prise de conscience éthique dans le monde de la tech. Merci Agnès d’être avec nous.
 
Nous avons également Lionel Maurel qui est directeur-adjoint scientifique à l’INSHS [Institut des sciences humaines et sociales] du CNRS, qui est en charge de la science ouverte et des Maisons des Sciences de l'Homme. Lionel est juriste, bibliothécaire et, par manque de temps pour l’actuel, anciennement militant des communs de la connaissance au sein de diverses associations dont La Quadrature du Net. Merci Lionel d’avoir pris de ton temps.
 
Sébastien Broca est enseignant-chercheur à l’Université Paris 8. C’est un spécialiste reconnu du logiciel libre qui a écrit son premier ouvrage, <em>Utopie du logiciel libre</em> qui en est à sa deuxième édition. Merci beaucoup Sébastien d’être là.
 
Stéphane Crozat, Je suis aussi ravie de ta présence Stéphane. Stéphane est enseignant-chercheur à l’UTC, l’Université de technologie de Compiègne, et militant à Framasoft. C’est à ces deux titres que tu es là aujourd’hui : Framasoft et ton travail d’enseignant-chercheur.
 
Enfin Sébastien Shulz, qui est docteur, qui a soutenu sa thèse et actuellement post-doc à l’UTC.
 
Je vous laisserai compléter ces présentations si vous le jugez utile.
 
Je voulais commencer en vous posant cette question : comment, finalement, l’approche <em>open source</em> et le logiciel libre, par rapport au constat que je viens de résumer un petit peu, permet-elle aujourd’hui d’intégrer les enjeux écologiques et de soutenabilité dans le numérique. Sébastien S, si tu veux bien peut-être commencer en nous donnant quelques éléments de cadrage puisque c'est ton travail actuel de poser des éléments de contexte sur, justement, la manière dont les communs peuvent s’inscrire dans les enjeux de transition.
 
<b>Sébastien Shulz : </b>Merci beaucoup Corinne. Je suis d’autant plus ravi d’être ici qu’on organise la semaine prochaine, vendredi 25 novembre [2022], une journée d’étude spécialement dédiée à la manière dont les communs numériques sont mis au service de la transition écologique. C’est vraiment un thème qui me tient à cœur.<br/>
Le mouvement des communs numériques, comme tu l’as rappelé, comme tout le milieu du numérique, s’est inscrit dans une idéologie, en tout cas dans une culture de l’illimité, du virtuel, de l’immatériel et on assiste, depuis d’une dizaine d’années, à une sorte d’écologisation du numérique, pas seulement des communs numériques mais du numérique, où il y a une prise en compte des enjeux écologiques par les acteurs du numérique et le législateur.<br/>
J’ai vu trois temps d’articulation entre communs numériques et écologie dans la manière dont ça s’intègre.<br/>
Le premier vient du mouvement du logiciel libre. Vous avez par exemple des acteurs comme Fairphone – Agnès va nous en parler à l’instant – ou des acteurs comme Commown, qui soutiennent – c’est la promesse – que le logiciel libre, de par le fait que le code est ouvert, permet une augmentation de la durée de vie des terminaux qui sont responsables pour 85 % de la pollution due au numérique. C’est un argument qui est repris par la Commission européenne, qui est aussi repris par The Shift Project dans son rapport sur la sobriété. C’est la promesse que le code ouvert permettra d’augmenter la durée de vie, je ne vais pas m’étendre là-dessus puisqu’Agnès va en parler.<br/>
La deuxième articulation qui est faite c’est avec le mouvement des plateformes coopératives. Le mouvement des plateformes coopératives apparaît aux États-Unis en 2015, principalement comme une critique du capitalisme de plateforme, notamment une critique du fait que le capitalisme de plateforme extrait la valeur et exploite le travail des travailleurs de plateforme. Cette critique est complétée par des enjeux écologiques. Vous avez un ensemble de plateformes comme Mobicoop en France, ou CoopCycle, qui intègrent à leur logique des questions environnementales.<br/>
Il y a deux promesses pour lesquelles le modèle des communs numériques permet aux plateformes coopératives de prendre en compte les enjeux écologiques.<br/>
La première c’est qu’ils se sont rendu compte qu’il y a dégénérescence capitaliste quand elle prend en charge l’économie collaborative. L’économie collaborative est une économie basée sur le partage de biens et de services qui, théoriquement, peut être une économie de mutualisation donc de réduction de la consommation, mais, en fait, on se rend compte qu’il y a une dégénérescence capitaliste puisqu’elle est reprise par des logiques capitalistes qui augmentent, en fait, la consommation et la production. Leur logique c’est qu’en tant que coopérative, dont le but n’est pas la maximisation des profits, le but ne sera pas non plus d’augmenter la consommation, donc la production.<br/>
La deuxième promesse c’est celle d’avoir une gouvernance partagée, c’est une promesse qui est notamment portée par Mobicoop, pour être dans une logique de complémentarité avec d’autres services plutôt qu’en compétition. Si je prends l’exemple de Mobicoop qui est une plateforme de covoiturage, elle crique BlaBlaCar puisque BlaBlaCar fait du covoiturage, donc, à priori, théoriquement, ça réduit le nombre de voitures en circulation, à part que BlaBlaCar rentre en concurrence notamment avec des acteurs du ferroviaire, donc d’autres acteurs de la mobilité décarbonée. Un des principes du commun c’est celui de la gouvernance ouverte. Le principe de Mobicoop est donc de dire « si jamais on intègre dans notre gouvernance des acteurs publics qui sont responsables des transports collectifs et on intègre aussi des acteurs du ferroviaire, on fera une offre complémentaire de mobilité décarbonée qui ne soit pas en compétition ». C’est la promesse.
 
La troisième articulation c’est celle du mouvement des <em>makers</em> qui a une longue histoire du <em>Do it yourself</em>, qui émerge vraiment de manière un peu plus franche dans les années 2000. Ce sont des formes de fabrication distribuée. Là la promesse est la suivante : collaborer pour construire globalement des ressources et des modèles 3D, qu’ensuite des acteurs de terrain au niveau local dans des <em>makerspaces</em>, dans des <em>fab labs</em>, vont pouvoir fabriquer, avec des matériaux – c’est la promesse – biosourcés, recyclés, etc., au plus près des besoins d’un territoire. Il y a donc un réencastrement de la production au plus près des besoins du territoire qui s’extraie de la logique de production industrielle qui est critiquée ici.
 
J’ai donc vu trois formes d’articulation, il y en a sûrement d’autres : la sobriété, la mutualisation et la relocalisation. Je vais juste terminer en pointant deux paradoxes.
Pour l’instant ça reste une économie de la promesse. Des acteurs se mettent en œuvre, des entreprises, des acteurs publics essaient de soutenir, mais il y a deux paradoxes.<br/>
Le premier, je pense que c’est important de le dire, c’est que l’articulation entre écologie et numérique ne va pas du tout de soi, d’une part parce qu’il y a des critiques de plus en plus fortes sur la pollution due au numérique. Il y a des gens, par exemple les auteurs du livre <em>Contre l'alternumérisme - Pourquoi nous ne vous proposerons pas d'"écogestes numériques" ni de solutions pour une "démocratie numérique"</em>, qui disent qu’il faut stopper toute activité numérique puisque, de toute façon, elle est polluante. Cette articulation est compliquée aussi d’un point de vue sociologique, puisque, comme je l’ai dit, le monde du numérique est un monde qui a des pratiques et une culture de l’illimité et de l’immatériel, alors que celui du monde écologiste c’est plutôt l’inverse. La question qui va se poser c’est comment on articule des pratiques, des cultures et des dispositifs aussi différents et ça va évidemment créer des difficultés.<br/>
Le deuxième paradoxe, c’est la différence entre leurs promesses et leur force. La promesse de ces trois mouvements – logiciel libre, plateformes coopératives et <em>makers</em> – porte en elle une promesse anticapitaliste qui est de dire que la production est polluante dans le monde numérique puisqu’elle est prise et enchâssée dans une logique capitaliste. Leur perspective c’est donc de sortir du capitalisme, de faire une économie post-capitaliste. Leur paradoxe c’est qu’ils sont largement dominés à la fois dans le champ économique par les acteurs du capitalisme numérique et également dans le champ politique et étatique, c’est-à-dire qu’ils ne captent pas les ressources et la puissance de l’État. On pourra y revenir plus tard.
 
<b>Corinne Vercher-Chaptal : </b>Merci beaucoup Sébastien.<br/>
Je vais donner la parole à Agnès pour, peut-être, illustrer au travers de Fairphone la piste de la longévité logicielle et nous rappeler aussi que le numérique, comme Lionel l’a écrit dans un de ses billets, est extrêmement matériel et que, justement, il faut réinscrire nos pratiques numériques. À partir du moment où on réinscrit nos pratiques numériques dans toute la chaîne de valeur et toute la chaîne digitale, on se rend compte des difficultés que ça pose. Je pense que le travail de Fairphone illustre à la fois les difficultés et les manières d’y apporter des réponses. Agnès.
 
==15’ 30==
 
<b>Agnès Crepet : </b>Pour illustrer

Dernière version du 12 juin 2023 à 13:40


Publié ici - Juin 2023