« Du local à l'échelle européenne, comment l'OS contribue à un numérique plus responsable » : différence entre les versions

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<b>Richard Hanna : </b>Bonjour à toutes et tous. Richard Hanna de la Direction du numérique. Je suis chargé de mission interministérielle numérique écoresponsable. On travaille sur la réduction de l’empreinte environnementale de l’administration publique. Je ne suis pas là pour vous parler de moi. On a quatre intervenants, on va parler de l’<em>open source</em> comme contributeur à un monde un peu plus soutenable à l’échelle locale mais aussi à l’échelle européenne.<br/>
On a notamment Sandrine Elmi Hersi qui est chargée des affaires européennes à l’Arcep [Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse] et aussi coprésidente du groupe de travail sur la soutenabilité du numérique au BEREC [Body of European Regulators for Electronic Communications] qui regroupe l’ensemble des régulateurs télécoms européens.<br/>
On a Mauna Traikia qui est consultante Transformation numérique et élue conseillère territoriale à Plaine Commune au nord de Paris.<br/>
On a Agnès Crepet qu’on ne présente peut-être plus, mais que je présente quand même, responsable de la longévité des logiciels chez Fairphone.<br/>
Jean-Christophe Elineau qui dirige NAOS, Nouvelle-Aquitaine Open Source, un pôle de compétences régional en logiciels et technologies libres et <em>open source</em> et également scénariste du documentaire <em>Responsables du Numérique</em> qui a été diffusé à 12 heures 30 tout à l’heure et qui est disponible en ligne.
On a 45 minutes, je vous propose de démarrer ce tour de France et d’Europe des initiatives.<br/>
Mauna, quelle est la place du logiciel libre et comment le logiciel libre contribue-t-il à un numérique plus responsable dans votre collectivité, à Plaine Commune ?
<b>Mauna Traikia : </b>Plaine Commune ce sont neuf villes de Seine-Saint-Denis, comme vous l’avez effectivement cité, et 440 000 habitants. C’est la plus ancienne communauté d’agglomération avec des villes qui vont de 9000 âmes à 120 000 âmes pour Saint-Denis, qui est la plus connue, puisque c’est une des plus grandes villes d’Île-de-France.<br/>
Comment est entré l’<em>open source</em> ? Quand on enlève la partie idéologie de l’<em>open source</em> et je vais effectivement m’attacher uniquement à notre capacité à avoir des démarches collectives de partage, notamment de sources, comment c’est entré dans les collectivités ? Historiquement c’est entré sur les sites web parce qu’il y avait des freins qui étaient incontournables et qui demeurent encore avec la triste actualité de la cybersécurité. Il y avait des freins qui étaient de dire « attention, plus on partage les codes sources, plus on donne un petit peu les clefs de notre maison et de nos systèmes d’information ». Quand on a dit ça c’est bien mais que fait-on?M Nous nous sommes appuyés sur l’ANSSI qui est l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information pour se pencher sur le volet cybersécurité, pour pouvoir, justement, aborder des solutions <em>open source</em> de manière sécurisée, en tout cas, même si le risque zéro n’existe pas, d’anticiper au maximum ce risque.
L’idée de l’<em>open source</em> au sein des collectivités, c’est tout simplement une opportunité de se dire que quand on a un sujet qui ne va pas on peut faire appel à toute une communauté, vous l’avez dit nationale, européenne, même mondiale sur des sujets fonctionnels, mais c’est aussi, pour les collectivités, une opportunité de se réapproprier leur patrimoine informationnel.<br/>
Aujourd’hui on demande systématiquement, quand on a, par exemple, un renouvellement de solution propriétaire, qu’on regarde s’il n’existe pas une solution <em>open source</em> disponible en intégrant, je dirais, la cybersécurité <em>by design</em>. Ça nous permet surtout de prendre de la hauteur, de nous demander quelles sont les solutions qui existent en <em>open source</em>, comment on va pouvoir faire une phase de réappropriation du système d’information tout en envisageant une phase de décommissionnement pour les changements.
C’est une véritable opportunité. On travaille de manière très active sur ces sujets-là, sur des aspects fonctionnels pur métier, je dirais, en impliquant les agents, les services et les directions sur ces nouveaux choix avec un duo expertise métier et aussi expertise SI, en mettant le point fort sur la cybersécurité qui est un enjeu majeur pour les collectivités.
<b>Richard Hanna : </b>Merci. On va pendre le train, on va aller à La Rochelle. Jean-Christophe vous avez participé à une feuille de route numérique responsable pour la région Nouvelle-Aquitaine. Quelle est la place du logiciel libre dans cette feuille de route ?
<b>Jean-Christophe Elineau : </b>Bonjour à tous.<br/>
Comme l’a dit Richard, j’arrive effectivement d’une belle région, la Région Nouvelle-Aquitaine où on mange bien et où on a du bon vin. Une fois qu’on a dit on fait aussi du numérique responsable, on en fait depuis octobre 2020, notamment à travers cette feuille de route qui a été votée et qui avait une durée de mise en place de deux ans. On arrive en fin de feuille de route, donc on va pouvoir faire le bilan au début de l’année 2023. Sur cette feuille de route, avec quatre objectifs et 27 actions, sur ces 27 actions on avait trois actions autour du logiciel libre et des communs numériques, avec un enjeu, effectivement, de développer et valoriser un patrimoine de communs numériques, communs numériques régionaux ; un enjeu de pouvoir financer des projets autour du logiciel libre. La région Nouvelle-Aquitaine a lancé un appel à manifestation d’intérêt doté d’à peu près 700 000 euros par an pour, justement, financer des projets en logiciel libre innovants et financer de l’ouverture de codes sources. Ce projet est en cours, il tourne. La région Nouvelle-Aquitaine est sans doute la seule région aujourd’hui à avoir un chargé de mission logiciel libre, spécifiquement dédié à ces aspects-là, certains d’entre vous le connaissent. Parmi ces actions, il y avait aussi une action qui était liée à la réutilisabilité du code, donc favoriser cette réutilisabilité au travers d’une forge régionale.
<b>Richard Hanna : </b>Merci.<br/>
On va prendre un peu de hauteur. Sandrine, quel état des lieux faites-vous à l’échelle européenne sur les impacts environnementaux du numérique ?
<b>Sandrine Elmi Hersi : </b> Merci Richard. Bonjour à tous.<br/>
Comme ça a été dit je travaille à l’Arcep et au BEREC, donc j’ai une perspective plus réglementaire du sujet.<br/>
Pour commencer, ça peut surprendre, mais la réduction de l’empreinte environnementale du numérique est un sujet très nouveau au niveau européen et pour les pouvoirs publics impliqués dans la conception du cadre réglementaire européen. Pendant une longue période, le numérique a d’abord été considéré comme une solution au changement climatique et aux crises environnementales. Cette perception, cette doctrine, s’est concrétisée de façon réglementaire de telle sorte que jusqu’à très récemment il y avait peu d’obligations réglementaires environnementales qui s’appliquaient au secteur du numérique en dehors de quelques exceptions, par exemple concernant les déchets électriques et électroniques. Il y a eu un vrai changement de paradigme avec le <em>European Green Deal</em>, le pacte vert pour l'Europe en 2019 où, pour la première fois, on a vu des objectifs ambitieux centrés sur le numérique, pour un numérique responsable, par exemple pour appliquer un logique d’économie circulaire au secteur ou, évidemment, pour atteindre la neutralité climatique pour les infrastructures du numérique. C’est dans ce contexte qu’au BEREC on a créé un groupe de travail dédié à la soutenabilité du secteur numérique.<br/>
Depuis ce <em>European Green Deal</em> plusieurs initiatives sont en cours de discussion au niveau européen, ou en cours de préparation, qui montrent que des enjeux sont désormais vraiment au cœur de l’agenda des pouvoirs publics européens. Il y a des initiatives sur les terminaux, donc téléphones portables et tablettes, je laisserai Agnès Crepet nous en dire un mot. Il y a aussi des initiatives qui sont en cours de discussion sur les infrastructures du numérique, donc évidemment sur les centres de données, mais aussi sur la partie réseau qui est un peu moins mise au centre de la scène dans le débat public européen, mais qui est vraiment importante et sur laquelle nous contribuons particulièrement au niveau du BEREC et de l’Arcep.
Un dernier point. On peut noter que la partie services numériques est la partie où on a le moins d’initiatives pour le moment, le moins de données, le moins de travaux. Au regard de notre sujet ça sera intéressant de voir ce qui va sortir. On note quand même que la lutte contre l’obsolescence programmée, logicielle et aussi matérielle, fait partie des objectifs à l’agenda de la Commission actuelle.
Pour conclure, on avance sur le sujet au niveau des pouvoirs publics, des autorités publiques européennes, mais il faudra bien veiller à ce que tous les acteurs de la chaîne de valeur du numérique soient effectivement responsabilisés d’un point de vue environnemental.
<b>Richard Hanna : </b>Merci Sandrine.<br/>
Agnès, justement on en parlait. Vous travaillez chez Fairphone. Quelles sont les avancées en termes réglementaires qui permettent d’avancer sur les aspects soutenabilité du numérique, notamment des mobiles ?
<b>Agnès Crepet : </b>J’ai eu la question ce matin, j’ai fait un <em>talk</em> sur comment l’<em>open source</em> nous a aidés à faire, en tout cas nous, à faire des produits plus responsables, j’ai parlé de longévité, etc., et j’ai eu une question après mon <em>talk</em> où on me disait « oui, mais concrètement qu’est-ce que vous avez observé sur ces dernières années au niveau législatif et comment avez-vous poussé d’autres industries à la changer ? »<br/>
Je pense qu’on a une influence directe et indirecte.<br/>
Directe parfois sur le sourcing : pour information, au-delà de la longévité logicielle et matérielle, on a aussi, chez Fairphone, un axe sur sourcer des matériaux plus éthiques que ce soit dans les mines de déchets industriels ou dans les mines dans la terre. Donc là, oui, il y a des partenaires industriels qui nous ont rejoints sur ces mines équitables.<br/>
Par contre, sur tout ce qui est longévité, matérielle ou logicielle, je pense qu’on a plus une influence indirecte en ce moment parce qu’on fait partie, justement, de ces groupes de travail pour définir un nouvel arsenal législatif. Je fais partie des groupes de travail, avec le gouvernement français, sur l’indice de réparabilité/durabilité et c’est cool qu’ils invitent FairPhone, un homme/une femme/une voix, au même titre qu’ils invitent Apple ou Samsung. Je trouve ça classe, <em>disclaimer</em> : c’est quand même super pour des acteurs comme nous ! Nous sommes 100 employés, nous vendons 5000 téléphones par an, c’est déjà pas mal, mais ce ne sont pas les volumes des concurrents que j’ai cités juste avant.
Grâce à notre présence dans ces groupes de travail, évidemment qu’on montre que c'est possible de faire des choses différemment. Même s’il y a plein de limites – je suis plutôt à dire, qu’il faut aller encore plus loin –, sur les dix dernières années, ça a quand même vraiment tout changé. La directive dont vous parliez sur l’éco-design, qui arrive maintenant sur les tablettes et les téléphones, oui il y a des limites, il y a des trucs qui sont perfectibles. Par exemple, je ne suis pas vraiment d’accord sur le fait que le <em>draft</em> sur les batteries dit qu’il faudrait choisir entre une batterie qui dure et une batterie qui soit <em>removable</em>. Je pense que par défaut, de toute façon, qu’il faut qu’on puisse la changer, mais ça va quand même dans le bon sens. Les acteurs comme nous sont intégrés. Pour l’index de durabilité et de réparabilité, on a le même « poids », entre guillemets, qu’Apple et que Samsung, comme je l’ai dit, et on nous écoute, c'est-à-dire qu’on présente ce qu’on fait concrètement et on montre que c’est possible de faire un support logiciel non pas de deux à trois ans, ce qui est la moyenne des téléphones Android, mais plutôt sur cinq/six ou sep ans et je pense que ça va dans le bon sens.
Pour répondre concrètement à la question, l’index de réparabilité est sorti en 2021, je pense qu’on en a tous entendu parler, c’est un peu comme les diagnostics énergétiques : on veut acheter un appartement, vous avez une note si vous dit si l’appartement est correct en termes d’émission de gaz à effet de serre et de consommation énergétique, eh bien c’est la même chose sur les téléphones et les tablettes. Vous pouvez avoir une idée sur la réparabilité de votre produit. Les gens se sont dit « ce n’est pas parce que je mets 1200 balles dans un smartphone qui va être réparable », eh bien oui, ça fait réfléchir les consommateurs, les consommatrices sur leur acte d’achat. Et l’index de durabilité va être encore plus global. On ne va pas s’intéresser uniquement à la réparabilité mais vraiment à la robustesse des appareils et à leur longévité. C’est super. Je vois plutôt des choses qui poussent à croire que ça peut changer dans le bon sens. Le fait que dans ses acteurs comme nous, on n’est pas les seuls, il y a Commown, une coopérative d’électronique durable qui est à Strasbourg fait partie de ça ; il y a HOP, Halte à l’Obsolescence Programmée qui est aussi dans ce groupe de travail, donc ça va plutôt dans le bon sens.
La limite que je verrais à ça c’est que nous sommes souvent des acteurs de taille moyenne, voire petite, donc on n’a pas 20 lobbyistes à plein temps qui peuvent participer à ces groupes de travail. Ce n’est pas tout le temps facile au quotidien, en tout cas c’est bien qu’on ait une place.
<b>Richard Hanna : </b>Mauna, quelle pourrait être le rôle de la commande publique pour justement soutenir de telles initiatives comme Fairphone, Commown ou autres ? Comment intégrer l’<em>open source</em> dans la commande publique pour les enjeux environnementaux et tu citais d’autres enjeux de cybersécurité, de souveraineté, un peu les mots à la mode ?
<b>Mauna Traikia : </b>Je me méfie justement des mots à la mode quand j’entends numérique responsable.<br/>
Je suis élue depuis 2014 et, dans la stratégie numérique, le numérique responsable est présent, prégnant dans toutes nos politiques publiques depuis 2015 avec vraiment une vraie volonté des collectivités, donc des neuf villes, mais aussi du territoire pour aller vers ces sujets-là.<br/>
Vous l’avez évoqué, le numérique est clairement un outil indispensable et ça peut accélérer la transition écologique, transition énergétique, et notamment toutes ces stratégies de numérique responsable et c’est aussi, quand on nomme les choses, un impact environnemental très fort, donc on s’est posé cette question très rapidement.
Je suis vice-présidente du GIP Maximilien qui est la première plateforme de la commande publique francilienne, ce sont quelques dizaines de millions d’euros de commande publique. La commande publique est un levier majeur pour les collectivités locales, à la fois en Île-de-France et au niveau national, pour accélérer cette transition écologique, accélérer cette transition énergétique, répondre aux défis qui nous sont assignés, notamment le fait d’intégrer dans nos dispositifs d’achat des critères d’achat responsable, d’achat éthique – vous avez utilisé ces termes-là, c’est un terme qui me tient beaucoup à cœur parce qu’il est essentiel de donner du sens à ce que l’on fait. La notion de numérique responsable est au cœur de cela.<br/>
On a voté une charte des achats publics éthiques et responsables et, à l’intérieur, on a mis un volet numérique très fort où toutes les solutions, mêmes les projets aujourd’hui, même depuis 2015, je peux en témoigner. Des projets qui seraient très consommateurs, énergivores et qui seraient à fort impact, ne sont pas des projets acceptables pour moi.
Je pense que la commande publique est au cœur de toutes ces transitions-là. C’est un levier parce que, quand vous lancez un appel d’offres avec des critères très forts de numérique responsable et d’<em>open source</em>, on a effectivement un impact et un levier tout de suite auprès des écosystèmes.
Je travaille aussi avec le contrat de confiance de la filière « Industries de sécurité défense » – vous avez parlé de la donnée et de son impact – je pilote un groupe de travail sur la donnée et sur le citoyen, deux choses essentielles : comment peut-on impliquer le citoyen dans tout cet impact du numérique pour aller vers un numérique plus sobre et un numérique responsable, aussi dans l’<em>open source</em>, et comment peut-on emmener avec nous des écosystèmes ? Vous parliez de l’indice de réparabilité. J’ai donné une conférence sur ce sujet-là auprès de la filière « Industries et sécurité » et on travaille sur la mutualisation avec des nouvelles formes de collaboration entre collectivités, État et acteurs des filières, des écosystèmes, pour pouvoir mutualiser à la fois les dépenses mais aussi avoir des critères d’exigence très forts sur la réalisation de solutions sobres et qui répondent à tous ces critères.
La commande publique est effectivement essentielle. La loi Reen [loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France], a été votée fin juillet, de mémoire, sur la stratégie d’un numérique responsable intégrant aussi le volet cyber, etc. Je pense qu’il va falloir, à un moment, qu’on se dote, pour faire évoluer de manière très forte nos dispositifs de commande publique, pour intégrer des indicateurs je dirais mesurables, quantifiables, qui soient des indicateurs pragmatiques et concrets, qui permettent aux décideurs de la commande publique de faire les bons choix et d’aller à un niveau je dirais supérieur sur cette notion d’achat.
En préparant dette intervention, j’ai échangé récemment avec la direction générale du ministère de l’Intérieur et j’ai appris que le ministère de l’Intérieur est déjà passé, depuis 15 ans, sur des outils <em>open source</em>.
Juste pour revenir sur l’aspect citoyen. On a installé toutes et tous des solutions sur nos ordinateurs. Est-ce qu’on utilise toutes les fonctionnalités ? Oui et non ? Une solution <em>open source</em> n’existerait-elle pas qui répondrait juste à nos besoins et qui permettrait à chacune et à chacun de nous de transformer nos usages et de contribuer à réduire notre empreinte écologique, en tout cas sur les aspects numériques ?
==18’ 55==
<b>Richard Hanna : </b>Ça

Version du 8 février 2023 à 14:00


Titre : Du local à l'échelle européenne, comment l'OS contribue à un numérique plus responsable

Intervenant·e·s : Elmi Hersi - Mauna Traikia - Agnès Crepet - Jean-Christophe Elineau - Richard Hanna

Lieu : Paris - Open Source Experience 2022

Date : 8 novembre 2022

Durée : 47 min 25

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : à prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Tour de France et tour d’Europe des initiatives, des retours d’expérience concrets et des solutions open source contribuant à réduire l’obsolescence des équipements numériques.

Transcription

Richard Hanna : Bonjour à toutes et tous. Richard Hanna de la Direction du numérique. Je suis chargé de mission interministérielle numérique écoresponsable. On travaille sur la réduction de l’empreinte environnementale de l’administration publique. Je ne suis pas là pour vous parler de moi. On a quatre intervenants, on va parler de l’open source comme contributeur à un monde un peu plus soutenable à l’échelle locale mais aussi à l’échelle européenne.
On a notamment Sandrine Elmi Hersi qui est chargée des affaires européennes à l’Arcep [Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse] et aussi coprésidente du groupe de travail sur la soutenabilité du numérique au BEREC [Body of European Regulators for Electronic Communications] qui regroupe l’ensemble des régulateurs télécoms européens.
On a Mauna Traikia qui est consultante Transformation numérique et élue conseillère territoriale à Plaine Commune au nord de Paris.
On a Agnès Crepet qu’on ne présente peut-être plus, mais que je présente quand même, responsable de la longévité des logiciels chez Fairphone.
Jean-Christophe Elineau qui dirige NAOS, Nouvelle-Aquitaine Open Source, un pôle de compétences régional en logiciels et technologies libres et open source et également scénariste du documentaire Responsables du Numérique qui a été diffusé à 12 heures 30 tout à l’heure et qui est disponible en ligne.

On a 45 minutes, je vous propose de démarrer ce tour de France et d’Europe des initiatives.
Mauna, quelle est la place du logiciel libre et comment le logiciel libre contribue-t-il à un numérique plus responsable dans votre collectivité, à Plaine Commune ?

Mauna Traikia : Plaine Commune ce sont neuf villes de Seine-Saint-Denis, comme vous l’avez effectivement cité, et 440 000 habitants. C’est la plus ancienne communauté d’agglomération avec des villes qui vont de 9000 âmes à 120 000 âmes pour Saint-Denis, qui est la plus connue, puisque c’est une des plus grandes villes d’Île-de-France.
Comment est entré l’open source ? Quand on enlève la partie idéologie de l’open source et je vais effectivement m’attacher uniquement à notre capacité à avoir des démarches collectives de partage, notamment de sources, comment c’est entré dans les collectivités ? Historiquement c’est entré sur les sites web parce qu’il y avait des freins qui étaient incontournables et qui demeurent encore avec la triste actualité de la cybersécurité. Il y avait des freins qui étaient de dire « attention, plus on partage les codes sources, plus on donne un petit peu les clefs de notre maison et de nos systèmes d’information ». Quand on a dit ça c’est bien mais que fait-on?M Nous nous sommes appuyés sur l’ANSSI qui est l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information pour se pencher sur le volet cybersécurité, pour pouvoir, justement, aborder des solutions open source de manière sécurisée, en tout cas, même si le risque zéro n’existe pas, d’anticiper au maximum ce risque.

L’idée de l’open source au sein des collectivités, c’est tout simplement une opportunité de se dire que quand on a un sujet qui ne va pas on peut faire appel à toute une communauté, vous l’avez dit nationale, européenne, même mondiale sur des sujets fonctionnels, mais c’est aussi, pour les collectivités, une opportunité de se réapproprier leur patrimoine informationnel.
Aujourd’hui on demande systématiquement, quand on a, par exemple, un renouvellement de solution propriétaire, qu’on regarde s’il n’existe pas une solution open source disponible en intégrant, je dirais, la cybersécurité by design. Ça nous permet surtout de prendre de la hauteur, de nous demander quelles sont les solutions qui existent en open source, comment on va pouvoir faire une phase de réappropriation du système d’information tout en envisageant une phase de décommissionnement pour les changements.

C’est une véritable opportunité. On travaille de manière très active sur ces sujets-là, sur des aspects fonctionnels pur métier, je dirais, en impliquant les agents, les services et les directions sur ces nouveaux choix avec un duo expertise métier et aussi expertise SI, en mettant le point fort sur la cybersécurité qui est un enjeu majeur pour les collectivités.

Richard Hanna : Merci. On va pendre le train, on va aller à La Rochelle. Jean-Christophe vous avez participé à une feuille de route numérique responsable pour la région Nouvelle-Aquitaine. Quelle est la place du logiciel libre dans cette feuille de route ?

Jean-Christophe Elineau : Bonjour à tous.
Comme l’a dit Richard, j’arrive effectivement d’une belle région, la Région Nouvelle-Aquitaine où on mange bien et où on a du bon vin. Une fois qu’on a dit on fait aussi du numérique responsable, on en fait depuis octobre 2020, notamment à travers cette feuille de route qui a été votée et qui avait une durée de mise en place de deux ans. On arrive en fin de feuille de route, donc on va pouvoir faire le bilan au début de l’année 2023. Sur cette feuille de route, avec quatre objectifs et 27 actions, sur ces 27 actions on avait trois actions autour du logiciel libre et des communs numériques, avec un enjeu, effectivement, de développer et valoriser un patrimoine de communs numériques, communs numériques régionaux ; un enjeu de pouvoir financer des projets autour du logiciel libre. La région Nouvelle-Aquitaine a lancé un appel à manifestation d’intérêt doté d’à peu près 700 000 euros par an pour, justement, financer des projets en logiciel libre innovants et financer de l’ouverture de codes sources. Ce projet est en cours, il tourne. La région Nouvelle-Aquitaine est sans doute la seule région aujourd’hui à avoir un chargé de mission logiciel libre, spécifiquement dédié à ces aspects-là, certains d’entre vous le connaissent. Parmi ces actions, il y avait aussi une action qui était liée à la réutilisabilité du code, donc favoriser cette réutilisabilité au travers d’une forge régionale.

Richard Hanna : Merci.
On va prendre un peu de hauteur. Sandrine, quel état des lieux faites-vous à l’échelle européenne sur les impacts environnementaux du numérique ?

Sandrine Elmi Hersi : Merci Richard. Bonjour à tous.
Comme ça a été dit je travaille à l’Arcep et au BEREC, donc j’ai une perspective plus réglementaire du sujet.
Pour commencer, ça peut surprendre, mais la réduction de l’empreinte environnementale du numérique est un sujet très nouveau au niveau européen et pour les pouvoirs publics impliqués dans la conception du cadre réglementaire européen. Pendant une longue période, le numérique a d’abord été considéré comme une solution au changement climatique et aux crises environnementales. Cette perception, cette doctrine, s’est concrétisée de façon réglementaire de telle sorte que jusqu’à très récemment il y avait peu d’obligations réglementaires environnementales qui s’appliquaient au secteur du numérique en dehors de quelques exceptions, par exemple concernant les déchets électriques et électroniques. Il y a eu un vrai changement de paradigme avec le European Green Deal, le pacte vert pour l'Europe en 2019 où, pour la première fois, on a vu des objectifs ambitieux centrés sur le numérique, pour un numérique responsable, par exemple pour appliquer un logique d’économie circulaire au secteur ou, évidemment, pour atteindre la neutralité climatique pour les infrastructures du numérique. C’est dans ce contexte qu’au BEREC on a créé un groupe de travail dédié à la soutenabilité du secteur numérique.
Depuis ce European Green Deal plusieurs initiatives sont en cours de discussion au niveau européen, ou en cours de préparation, qui montrent que des enjeux sont désormais vraiment au cœur de l’agenda des pouvoirs publics européens. Il y a des initiatives sur les terminaux, donc téléphones portables et tablettes, je laisserai Agnès Crepet nous en dire un mot. Il y a aussi des initiatives qui sont en cours de discussion sur les infrastructures du numérique, donc évidemment sur les centres de données, mais aussi sur la partie réseau qui est un peu moins mise au centre de la scène dans le débat public européen, mais qui est vraiment importante et sur laquelle nous contribuons particulièrement au niveau du BEREC et de l’Arcep.

Un dernier point. On peut noter que la partie services numériques est la partie où on a le moins d’initiatives pour le moment, le moins de données, le moins de travaux. Au regard de notre sujet ça sera intéressant de voir ce qui va sortir. On note quand même que la lutte contre l’obsolescence programmée, logicielle et aussi matérielle, fait partie des objectifs à l’agenda de la Commission actuelle.

Pour conclure, on avance sur le sujet au niveau des pouvoirs publics, des autorités publiques européennes, mais il faudra bien veiller à ce que tous les acteurs de la chaîne de valeur du numérique soient effectivement responsabilisés d’un point de vue environnemental.

Richard Hanna : Merci Sandrine.
Agnès, justement on en parlait. Vous travaillez chez Fairphone. Quelles sont les avancées en termes réglementaires qui permettent d’avancer sur les aspects soutenabilité du numérique, notamment des mobiles ?

Agnès Crepet : J’ai eu la question ce matin, j’ai fait un talk sur comment l’open source nous a aidés à faire, en tout cas nous, à faire des produits plus responsables, j’ai parlé de longévité, etc., et j’ai eu une question après mon talk où on me disait « oui, mais concrètement qu’est-ce que vous avez observé sur ces dernières années au niveau législatif et comment avez-vous poussé d’autres industries à la changer ? »
Je pense qu’on a une influence directe et indirecte.
Directe parfois sur le sourcing : pour information, au-delà de la longévité logicielle et matérielle, on a aussi, chez Fairphone, un axe sur sourcer des matériaux plus éthiques que ce soit dans les mines de déchets industriels ou dans les mines dans la terre. Donc là, oui, il y a des partenaires industriels qui nous ont rejoints sur ces mines équitables.
Par contre, sur tout ce qui est longévité, matérielle ou logicielle, je pense qu’on a plus une influence indirecte en ce moment parce qu’on fait partie, justement, de ces groupes de travail pour définir un nouvel arsenal législatif. Je fais partie des groupes de travail, avec le gouvernement français, sur l’indice de réparabilité/durabilité et c’est cool qu’ils invitent FairPhone, un homme/une femme/une voix, au même titre qu’ils invitent Apple ou Samsung. Je trouve ça classe, disclaimer : c’est quand même super pour des acteurs comme nous ! Nous sommes 100 employés, nous vendons 5000 téléphones par an, c’est déjà pas mal, mais ce ne sont pas les volumes des concurrents que j’ai cités juste avant.

Grâce à notre présence dans ces groupes de travail, évidemment qu’on montre que c'est possible de faire des choses différemment. Même s’il y a plein de limites – je suis plutôt à dire, qu’il faut aller encore plus loin –, sur les dix dernières années, ça a quand même vraiment tout changé. La directive dont vous parliez sur l’éco-design, qui arrive maintenant sur les tablettes et les téléphones, oui il y a des limites, il y a des trucs qui sont perfectibles. Par exemple, je ne suis pas vraiment d’accord sur le fait que le draft sur les batteries dit qu’il faudrait choisir entre une batterie qui dure et une batterie qui soit removable. Je pense que par défaut, de toute façon, qu’il faut qu’on puisse la changer, mais ça va quand même dans le bon sens. Les acteurs comme nous sont intégrés. Pour l’index de durabilité et de réparabilité, on a le même « poids », entre guillemets, qu’Apple et que Samsung, comme je l’ai dit, et on nous écoute, c'est-à-dire qu’on présente ce qu’on fait concrètement et on montre que c’est possible de faire un support logiciel non pas de deux à trois ans, ce qui est la moyenne des téléphones Android, mais plutôt sur cinq/six ou sep ans et je pense que ça va dans le bon sens.

Pour répondre concrètement à la question, l’index de réparabilité est sorti en 2021, je pense qu’on en a tous entendu parler, c’est un peu comme les diagnostics énergétiques : on veut acheter un appartement, vous avez une note si vous dit si l’appartement est correct en termes d’émission de gaz à effet de serre et de consommation énergétique, eh bien c’est la même chose sur les téléphones et les tablettes. Vous pouvez avoir une idée sur la réparabilité de votre produit. Les gens se sont dit « ce n’est pas parce que je mets 1200 balles dans un smartphone qui va être réparable », eh bien oui, ça fait réfléchir les consommateurs, les consommatrices sur leur acte d’achat. Et l’index de durabilité va être encore plus global. On ne va pas s’intéresser uniquement à la réparabilité mais vraiment à la robustesse des appareils et à leur longévité. C’est super. Je vois plutôt des choses qui poussent à croire que ça peut changer dans le bon sens. Le fait que dans ses acteurs comme nous, on n’est pas les seuls, il y a Commown, une coopérative d’électronique durable qui est à Strasbourg fait partie de ça ; il y a HOP, Halte à l’Obsolescence Programmée qui est aussi dans ce groupe de travail, donc ça va plutôt dans le bon sens.

La limite que je verrais à ça c’est que nous sommes souvent des acteurs de taille moyenne, voire petite, donc on n’a pas 20 lobbyistes à plein temps qui peuvent participer à ces groupes de travail. Ce n’est pas tout le temps facile au quotidien, en tout cas c’est bien qu’on ait une place.

Richard Hanna : Mauna, quelle pourrait être le rôle de la commande publique pour justement soutenir de telles initiatives comme Fairphone, Commown ou autres ? Comment intégrer l’open source dans la commande publique pour les enjeux environnementaux et tu citais d’autres enjeux de cybersécurité, de souveraineté, un peu les mots à la mode ?

Mauna Traikia : Je me méfie justement des mots à la mode quand j’entends numérique responsable.
Je suis élue depuis 2014 et, dans la stratégie numérique, le numérique responsable est présent, prégnant dans toutes nos politiques publiques depuis 2015 avec vraiment une vraie volonté des collectivités, donc des neuf villes, mais aussi du territoire pour aller vers ces sujets-là.
Vous l’avez évoqué, le numérique est clairement un outil indispensable et ça peut accélérer la transition écologique, transition énergétique, et notamment toutes ces stratégies de numérique responsable et c’est aussi, quand on nomme les choses, un impact environnemental très fort, donc on s’est posé cette question très rapidement.

Je suis vice-présidente du GIP Maximilien qui est la première plateforme de la commande publique francilienne, ce sont quelques dizaines de millions d’euros de commande publique. La commande publique est un levier majeur pour les collectivités locales, à la fois en Île-de-France et au niveau national, pour accélérer cette transition écologique, accélérer cette transition énergétique, répondre aux défis qui nous sont assignés, notamment le fait d’intégrer dans nos dispositifs d’achat des critères d’achat responsable, d’achat éthique – vous avez utilisé ces termes-là, c’est un terme qui me tient beaucoup à cœur parce qu’il est essentiel de donner du sens à ce que l’on fait. La notion de numérique responsable est au cœur de cela.
On a voté une charte des achats publics éthiques et responsables et, à l’intérieur, on a mis un volet numérique très fort où toutes les solutions, mêmes les projets aujourd’hui, même depuis 2015, je peux en témoigner. Des projets qui seraient très consommateurs, énergivores et qui seraient à fort impact, ne sont pas des projets acceptables pour moi.

Je pense que la commande publique est au cœur de toutes ces transitions-là. C’est un levier parce que, quand vous lancez un appel d’offres avec des critères très forts de numérique responsable et d’open source, on a effectivement un impact et un levier tout de suite auprès des écosystèmes.

Je travaille aussi avec le contrat de confiance de la filière « Industries de sécurité défense » – vous avez parlé de la donnée et de son impact – je pilote un groupe de travail sur la donnée et sur le citoyen, deux choses essentielles : comment peut-on impliquer le citoyen dans tout cet impact du numérique pour aller vers un numérique plus sobre et un numérique responsable, aussi dans l’open source, et comment peut-on emmener avec nous des écosystèmes ? Vous parliez de l’indice de réparabilité. J’ai donné une conférence sur ce sujet-là auprès de la filière « Industries et sécurité » et on travaille sur la mutualisation avec des nouvelles formes de collaboration entre collectivités, État et acteurs des filières, des écosystèmes, pour pouvoir mutualiser à la fois les dépenses mais aussi avoir des critères d’exigence très forts sur la réalisation de solutions sobres et qui répondent à tous ces critères.

La commande publique est effectivement essentielle. La loi Reen [loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France], a été votée fin juillet, de mémoire, sur la stratégie d’un numérique responsable intégrant aussi le volet cyber, etc. Je pense qu’il va falloir, à un moment, qu’on se dote, pour faire évoluer de manière très forte nos dispositifs de commande publique, pour intégrer des indicateurs je dirais mesurables, quantifiables, qui soient des indicateurs pragmatiques et concrets, qui permettent aux décideurs de la commande publique de faire les bons choix et d’aller à un niveau je dirais supérieur sur cette notion d’achat.

En préparant dette intervention, j’ai échangé récemment avec la direction générale du ministère de l’Intérieur et j’ai appris que le ministère de l’Intérieur est déjà passé, depuis 15 ans, sur des outils open source.

Juste pour revenir sur l’aspect citoyen. On a installé toutes et tous des solutions sur nos ordinateurs. Est-ce qu’on utilise toutes les fonctionnalités ? Oui et non ? Une solution open source n’existerait-elle pas qui répondrait juste à nos besoins et qui permettrait à chacune et à chacun de nous de transformer nos usages et de contribuer à réduire notre empreinte écologique, en tout cas sur les aspects numériques ?

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Richard Hanna : Ça