« Émission Libre à vous ! diffusée mardi 25 juin 2024 sur radio Cause Commune » : différence entre les versions

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==Interviews d’entreprises du logiciel libre réalisées dans le cadre des Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre==
==Interviews d’entreprises du logiciel libre réalisées dans le cadre des Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre==


<b>Julie Chaumard : </b>Nous allons
<b>Julie Chaumard : </b>Nous allons poursuivre par notre sujet principal, une visite aux Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre. J’y étais il y a deux semaines, le 10 juin. J’ai interviewé plusieurs participants et participantes que vous allez pouvoir écouter comme si vous y étiez. Cela se passait à Lyon, au sein des locaux de la Métropole Grand Lyon. J’ai pris le train tôt le matin, depuis Paris, et j’ai retrouvé ma coéquipière Françoise Conil, élue en 2024 au conseil d’administration de l’April. Nous avons été accueillies par un petit-déjeuner et, ensuite, nous avons pu déambuler entre les stands des entreprises et des associations qui nous ont montré plein de choses très intéressantes sur comment installer et utiliser des logiciels libres et, surtout, ce qu’on peut faire avec quand on est une entreprise une association une collectivité ou un organisme. Nous avons également assisté à des mini-conférences qui montraient des cas d’usage et des retours d’expérience. Ces rencontres sont organisées par Ploss-RA [Professionnels du Libre et de l'<em>open source</em> Software en Rhône-Alpes Auvergne], qui est une communauté des entrepreneurs du logiciel libre et, cette année, c’était la quatrième édition. Il y avait 21 exposants et une vingtaine de mini-conférences.<br/>
Sans plus attendre, rendons-nous sur place et écoutons.
 
===Interview de Philippe Scoffoni, président de Ploss-RA===
 
[Virgule sonore]
 
<b>Julie Chaumard : </b>Je suis Julie, de l’émission <em>Libre à vous !</em>. Je suis venue aux Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre. Je suis avec Philippe Scoffoni qui est membre de l’organisme qui a préparé cet événement.
 
<b>Philippe Scoffoni : </b>Je suis effectivement le président de l’association Ploss Rhône-Alpes, depuis trois ans maintenant.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Pour les auditeurs de<em>Libre à vous !</em>, pouvez-vous nous dire pourquoi il est important d’organiser les Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre ?
 
<b>Philippe Scoffoni : </b>Les Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre, je dirais que c’est un peu l’action phare pour notre association de l’année, c’est ce qui nous demande le plus gros investissement en temps humain et en moyens. Pour nous, c’est un moment important puisqu’il manquait effectivement, sur la région, un événement dédié aux professionnels. On avait déjà les Journées du Logiciel Libre, qui est plutôt sur le volet citoyen, le Campus du Libre, plutôt orienté étudiants, enseignement supérieur. Il manquait effectivement un événement professionnel sur lequel nous puissions venir, nous, acteurs de la filière, puisque Ploss-Rhône-Alpes a pour membres des entreprises dont le métier est de mettre en place et de proposer des logiciels libres à leurs clients. Ça nous paraissait quelque part naturel de se dire « il faut faire cet événement-là en région ». Des événements de ce type-là ont lieu à Paris, il y en à Bordeaux, il y en a dans le Sud de la France aussi, mais on n’avait pas d’événement comme ça, un peu visible et, surtout, récurrent, puisque là nous en sommes à la quatrième édition et, chaque année, on essaie de faire rentrer un peu plus cet événement dans les habitudes de toutes les entreprises, des collectivités locales, qui peuvent effectivement avoir besoin d’un interlocuteur professionnel dans le cadre de leur usage du logiciel libre.
 
<b>Julie Chaumard : </b>OK. Je trouve que c’est une très bonne démarche de faire un événement dédié aux professionnels. D’ailleurs, j’ai rencontré, tout à l’heure dans le salon, un monsieur qui est venu expressément du Cameroun pour faire la démarche d’implémenter des logiciels libres dans son entreprise qui est un média. Je vois que vous l’avez vu.
 
<b>Philippe Scoffoni : </b>On l’a vu.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Merci pour cette présentation. Vous m’avez dit quatrième édition. Du coup, cette année, après ces quatre années, quelles sont les nouveautés, les modifications que vous avez apportées ?
 
<b>Philippe Scoffoni : </b>Chaque année on peaufine un peu plus l’événement. L’an passé, on avait mis en place un flux de conférences, on avait plusieurs conférences en même temps, du coup les gens s’éparpillaient, ils hésitaient, ils allaient à l’une et pas à l’autre et parfois, ils étaient déçus de ne pas avoir vu certaines conférences puisqu’elles avaient lieu en même temps. Donc là, cette année, on a pris le parti de faire des conférences très courtes, on a même réduit à 15 minutes le temps de ces présentations. L’idée, c’est effectivement 15 minutes de présentation, il n’y a pas de questions/réponses. Les personnes qui sont intéressées, qui veulent plus de détails, peuvent aller, après, sur la partie exposant, rencontrer le conférencier, échanger avec lui et, là, prendre le temps de poser toutes les questions et d’avoir les réponses qui vont avec.<br/>
On a donc densifié encore un peu plus cette année le nombre de conférences, on verra l’an prochain si on garde ce format-là.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Pour parler un peu plus du Libre, de votre point de vue ou de celui de Ploss-RA, comment percevez-vous le contexte économique et politique autour du logiciel libre ?
 
<b>Philippe Scoffoni : </b>Sur le plan économique, nous sommes une filière. On n’a pas encore pu faire de « grande enquête », entre guillemets, mais on aimerait bien en faire une sur la région, prochainement. On sait qu’au niveau national, c’est une filière qui se développe fortement, plus vite, on va dire, que la filière traditionnelle du numérique, la société de services. Beaucoup de structures sont en croissance continue, régulière, et, quand on regarde chez nos membres, on voit bien que ces structures-là se portent bien, se développent bien. Ce ne sont pas forcément des structures qui vont générer des millions et des millions de résultat, parce qu’on est sur un modèle économique où, effectivement, on vend avant tout de la prestation, on ne vend pas de la propriété intellectuelle ou de la rente, donc, ça ne permet pas de dégager autant de marge que ce que peuvent faire nos confrères des logiciels propriétaires. Toujours est-il qu’on arrive, effectivement, à travers nos modèles, à avoir une rentabilité et à être viables en tant qu’entreprises, à pouvoir recruter, payer nos salariés, etc. Donc, de ce point de vue-là, j’ai envie de dire que la filière se porte bien.<br/>
Sur les aspects politiques, « l’évolution » que j’ai vue, entre guillemets, ces dix dernières années, plus par rapport au secteur public et à son appétence pour le logiciel libre, je trouve qu’il y a dix ans, le discours qu’on pouvait recevoir, c’était : « Nous, vous savez, on est ni pour ni contre ! – OK. Vous restez sous Microsoft ? – Oui – OK ». Alors qu’aujourd’hui, les discours qu’on peut avoir et qu’on a pu entendre, notamment ce matin à l’ouverture de la plénière, que ce soit de la ville de Lyon ou de la Métropole, sont des discours où le logiciel libre devient, à des niveaux plus ou moins importants, une exigence, quelque part, pour des questions de souveraineté, de maîtrise de l’informatique et de ne plus être, entre guillemets, un peu « prisonnier » de changements commerciaux ou de décisions arbitraires de certains éditeurs. Selon moi, je dirais qu’aujourd’hui il y a une vraie évolution favorable au logiciel libre, même si tout n’est pas gagné, même s’il reste encore des combats à mener sur l’ergonomie des logiciels, sur leur facilité d’utilisation, on le disait ce matin aussi, sur l’accompagnement au changement. Effectivement, on change les habitudes des gens, ce n’est plus Outlook, c’est un autre logiciel. C’est donc un travail, ça reste un travail important à mener.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Merci beaucoup, Monsieur Scoffoni, pour ce message que j’ai perçu positif et motivant pour les acteurs du logiciel libre et les personnes qui veulent entrer dans le logiciel libre.
 
<b>Philippe Scoffoni : </b>Nous sommes très motivés !
 
<b>Julie Chaumard : </b>Je vais interviewer le maximum d’intervenants dans ce salon. Merci beaucoup de l’avoir organisé.
 
<b>Philippe Scoffoni : </b>C’est moi qui remercie.
 
[Virgule musicale]
 
===Interview de Jean-Michel Armand, de l’entreprise Hybird===
 
<b>Julie Chaumard : </b>Je suis maintenant avec Jean-Michel Armand, de l’entreprise Hybird. Cette entreprise est créatrice du logiciel Crème, j’adore ce nom !
 
<b>Jean-Michel Armand : </b>Merci.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Crème est un CRM libre ; un CRM [<em>Customer Relationship Management</em>] est un logiciel de gestion de la relation client.
 
<b>Jean-Michel Armand : </b>Exactement.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Jean-Michel, vous êtes, à titre personnel, adhérent à April depuis 21 ans.
 
<b>Jean-Michel Armand : </b>Ça commence à faire !
 
<b>Julie Chaumard : </b>Oui. Et, au titre de Hybird, depuis quand même au moins 15 ans, donc merci beaucoup. Pourquoi est-ce important pour vous d’adhérer à April ?
 
<b>Jean-Michel Armand : </b>Je suis libriste depuis très longtemps, presque depuis mes années lycée, on va dire. À l’époque, quand je suis arrivé en études supérieures, on va dire que les années 2000 n’étaient pas aussi propices au logiciel libre que maintenant et ça me semblait important de faire des choses de mon côté, donc d’avoir une démarche militante active, mais aussi, autant que possible, de soutenir les associations qui militaient. Du coup, clairement, logiciel libre en France, April, donc 2003, première adhésion à l’April.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Pourrions-nous parler du modèle économique du Libre, du modèle économique des entreprises, comme la vôtre, qui vivent du logiciel libre : ce modèle est-il en train de changer ? Comment voyez-vous le futur ? Par ailleurs, tout à l’heure j’ai interviewé monsieur Scoffoni de l’organisme Ploss-RA qui a eu un discours assez positif, même motivant je dirais, en parlant de développement et de croissance du contexte économique du logiciel libre. Comment voyez-vous le futur de cette économie ?
 
<b>Jean-Michel Armand : </b>C’est vrai que je serais assez d’accord avec Philippe. On va dire que même si on a encore, un peu, des freins, il y a quelques années, il y avait souvent on va dire, une peu une frayeur des entreprises à utiliser des logiciels libres, etc., ça s’est pas mal réduit. Il y a toujours, de temps en temps, des petites frictions, « vous faites du logiciel libre », mais on a enfin passé l’étape. On a de plus en plus de gens, de plus en plus de projets qui sont en demande, spécifiquement, en logiciel libre. D’ailleurs, dans les appels d’offres publics, « avec des logiciels libres », c’est souvent un critère obligatoire. On a une vraie appétence qui s’est créée chez nos clients, chez nos futurs clients, pour avoir des projets en logiciel libre. Ils ont pu voir que ça marche, ils ont pu voir que les projets fonctionnent, ils ont pu voir que des partenaires utilisent des logiciels libres et que ça fonctionne bien. Non seulement, ils ont eu de mauvaises expériences avec du logiciel propriétaire, du coup, ils n’ont pas forcément envie de reproduire ça. Dans notre branche, on a souvent des entreprises qui en rachètent d’autres, donc des gammes de logiciels qui s’éteignent et ils n’ont pas la main, ils ont donc envie de se dire « on veut avoir plus de sécurité » ; l’accès au code source est quand même important. Du coup, je pense qu’il y a, on ne va pas dire une explosion, mais une vraie demande, il y a vraiment des gens qui se disent : « On veut du Libre » et ça devient un vrai critère.<br/>
Et puis, un peu plus à la marge, on va dire qu’il y a de plus en plus de vrais critères de démarches RSE [Responsabilité Sociale des Entreprises] des entreprises, etc. J’ai envie de dire que, de par leur appétence pour le logiciel libre, des choses comme ça, les entreprises qui font du logiciel libre sont souvent plus réceptives et plus en avance sur tous ces points de démarcher RSE. C’est indirect, mais ça aide aussi. J’ai l’impression qu’on est un peu dans la même mouvance là-dessus.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Pouvez-vous juste nous préciser ce qu’est RSE ?
 
<b>Jean-Michel Armand : </b>C’est la démarche sociale et le « R », je ne sais plus, mais c’est social et écologique, je crois. Ça va être très large, ce sont toutes les choses qu’on va mettre en place sur l’égalité des salaires homme-femme, sur la parité et puis le fait d’avoir une infrastructure verte, de faire des démarches pour réduire ses émissions de carbone ou autre.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Je pense que, d’ici quelques années, il y aura, pour les entreprises, des objectifs RSE obligatoires à atteindre, du coup le logiciel libre et l’économie du Libre pourra aider à atteindre ces critères.
 
<b>Jean-Michel Armand : </b>J’ai un peu l’impression que, sur ce sujet-là, on est parfois un peu en avance.
 
<b>Julie Chaumard : </b>De ce que j’entends ici, au salon, j’ai l’impression qu’il y a un petit <em>switch</em> : vous parlez de frayeur du logiciel, mais les mentalités commencent à changer, une société se crée autour.
 
<b>Jean-Michel Armand : </b>Heureusement ! Ça fait quand même plus de 20 ans. Ça a pris du temps, mais oui. Il n’y a qu’à voir sur le salon qui se monte, un peu plus grand tous les ans, les gens qui viennent. Il y a des événements logiciel libre.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Les politiques qui s’emparent.
 
<b>Jean-Michel Armand : </b>Oui, je pense qu’on est sur un cercle vertueux, pour continuer à utiliser les expressions qui vont bien.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Merci beaucoup Jean-Michel Armand. On va continuer à interviewer les entreprises dans les Rencontres Professionnelles.
 
<b>Jean-Michel Armand : </b>Merci à vous.
 
[Virgule musicale]
 
===Interview de Marie-Jo Kopp Castinel dirigeante d’OpenGo===
 
<b>Julie Chaumard : </b>Je suis maintenant avec Marie-Jo Kopp Castinel de l’entreprise OpenGo spécialisée dans la bureautique libre, Marie-Jo va nous en parler. Vous êtes membre de l’April.<br/>
Je suis également avec Damien Renou de l’entreprise Bâtisseurs numériques qui va donc interagir avec Marie-Jo Kopp Castinel parce qu’ils ont des sujets en commun.<br/>
Marie-Jo, dans un premier temps, pourquoi avoir adhéré à April ?
 
<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Parce que je défends le logiciel libre depuis à peu près 2003 où je m’étais engagé dans le projet Open Office. L’April est arrivée à peu près à ce moment-là, on se voyait sur tous les salons, avec Fred [Frédéric Couchet], du coup, c’était évident d’adhérer à l’April qui, pour moi, est essentielle pour défendre le Libre.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Dans vos activités, quelle est la part des collectivités, des entreprises qui utilisent des solutions bureautiques libres ? Quels sont les avantages à utiliser ces solutions ?
 
<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>OpenGo est en effet spécialiste du poste de travail libre, notamment de l’accompagnement en migration vers des suites bureautiques libres, notamment LibreOffice, beaucoup dans les collectivités, quelques entreprises également, mais principalement dans le monde collectivités.<br/>
Les avantages sont multiples, on ne va pas résumer en cinq minutes les avantages du Libre. Il y a toujours la notion de souveraineté, il peut y avoir une question de développement durable, tout un tas de choses comme ça.<br/>
Les difficultés, c’est qu’on touche aux postes de travail, donc, il faut un accompagnement des utilisateurs puisque c’est sensible : on touche au poste de travail, donc, on change les habitudes de quelqu’un.<br/>
OpenGo a également une plateforme e-learning, complète, sur LibreOffice notamment, mais pas que. Sur la plateforme Chamilo, je laisse la parole à Damien qui est monsieur Chamilo.
 
<b>Damien Renou : </b>Merci Marie-Jo. Je suis Damien Renou, société Bâtisseurs numériques. Je suis membre de l’association Chamilo qui est une association européenne, Marie-Jo aussi est membre de l’association. Chamilo est une plateforme pour favoriser et diffuser l’apprentissage en ligne, la retransmission des compétences depuis 2010, donc depuis 14 ans. Nous avons aujourd’hui 37 millions d’utilisateurs et, en France, la plateforme commence à s’installer doucement dans les régions et dans les écoles, ce qui nous fait un grand plaisir, puisque c’est le challenger, un petit peu, de la plateforme Moodle qui est bien connue, qui est une fondation australienne. Le fait qu’une solution européenne revienne en avant nous fait extrêmement plaisir.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Du coup, à quoi vous sert Chamilo aux Bâtisseurs numériques et même OpenGo ? Qu’est-ce que vous en faites ? Comment fait-elle partie de votre activité ?
 
<b>Damien Renou : </b>La plateforme Chamilo permet de diffuser de la documentation pédagogique et des modules de formation auprès d’un public d’élèves, de stagiaires ou de professionnels, en entreprise. Ça permet de faire le lien avec la formation en présentiel à travers des modules d’autoformation, pour compléter un petit peu la formation qui existe déjà sur le terrain.
 
<b>Julie Chaumard : </b>OK. Merci. Et quelle est votre activité principale à Bâtisseurs numériques ?
 
<b>Damien Renou : </b>Mon activité principale c’est d’installer des plateformes Chamilo, de rajouter des fonctionnalités à Chamilo pour que les professeurs, les formateurs et nous-mêmes puissions fabriquer des modules très facilement, des modules qui sont proches des utilisateurs, donc du terrain, principalement.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Merci Damien Renou.<br/>
Madame Marie-Jo Kopp Castinel, Marie-Jo, <em>Libre à vous !</em> est sensible à la place des femmes dans le monde du logiciel libre. Comment ressentez-vous la place de la femme dans le logiciel libre ?
 
<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>La place de la femme est essentielle dans la société en général, plus que jamais aujourd’hui. En effet, dans le logiciel libre, nous sommes très peu de femmes. Il y en a beaucoup à l’April, quand même de plus en plus, avec une présidente femme, mais, malheureusement, et on se pose la question : pourquoi le logiciel libre particulièrement ? Déjà, dans l’informatique, il y a moins de femmes, mais pourquoi n’arrive-ton pas à avoir plus de femmes qui s’impliquent dans le logiciel libre ?, c’est une vraie question qu’on se pose. Je suis souvent la seule femme dans toutes ces réunions, notamment à Ploss-RA et à d’autres endroits aussi. Il y a des associations comme l’April ou l’ALDIL [Association Lyonnaise pour le Développement de l’Informatique Libre] à Lyon où il y a quand même de plus en plus de femmes, mais pourquoi n’arrive-t-on pas à avoir plus de femmes qui s’investissent, en termes de bénévoles, dans ces trucs-là ? On est sensible aussi.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Merci bien d’avoir consacré cinq minutes juste avant vos conférences, la journée sur les chapeaux de roue. Merci Marie-Jo et Damien.
 
<b>Marie-Jo Kopp Castinel : </b>Merci Julie.
 
[Virgule musicale]
 
===Interview de Salomé Yahia-Cherif, coopératrice des Tilleuls===
 
<b>Julie Chaumard : </b>Je suis maintenant avec Salomé Yahia-Cherif, de la coopératrice des Tilleuls. Salomé, pourquoi une organisation en mode de coopérative ? D’ailleurs qu’est-ce qu’une coopérative ?
 
<b>Salomé Yahia-Cherif : </b>La société coopérative c’est un mode de fonctionnement un peu particulier, parce que chaque salarié est actionnaire de la boite, donc, l’entreprise appartient à tout le monde. Ce qui va nous distinguer, c’est qu’on va prendre les décisions tous ensemble. On fait des assemblées générales régulièrement et tout le monde peut participer aux décisions de l’entreprise, donc une personne égale une voix. Ça permet d’avoir une hiérarchie qui est assez plate. On a choisi ce modèle surtout parce que ça nous permet d’impliquer vraiment les coopérateurs dans la vie de l’entreprise. On est aussi très impliqués au niveau social et on a beaucoup d’avantages en interne. Par exemple, on a développé le congé menstruel, mis en place des congés exceptionnels et plus de flexibilité. On est aussi acteurs de l’ESS, l’Économie sociale et solidaire, on a donc aussi un projet social qui est assez fort.
 
<b>Julie Chaumard : </b>OK. C’est bien. Vous accordez une place très importante à la femme.<br/>
Que faites-vous concrètement ? Les Tilleuls, de quoi s’agit-il ? Quels sont vos membres ? Quelles sont les activités ?
 
<b>Salomé Yahia-Cherif : </b>On accueille tout type de clients, tout type d’entreprises, peu importe la taille ou la forme, dans le développement d’applications web et mobiles. On peut soit faire du développement pur soit des audits, du conseil. On est aussi un organisme de formation, on est certifié Qualiopi ; on est aussi sur tout ce qui est partie SRE [<em>Site Reliability Engineering</em>], développement, infrastructures, etc., donc on les accompagne à développer leur projet, que ce soit de A à Z ou en intégrant des équipes.
 
<b>Julie Chaumard : </b>D’accord. Si je comprends bien, vous avez des associés qui sont membres de la coopérative et, ensemble, vous avez des projets d’accompagnement, de création de projets web.
 
<b>Salomé Yahia-Cherif : </b>Actuellement nous sommes 70 et tous nos devs sont répartis en mission. Ça peut être des missions de longue durée ou des projets très courts ; chacun participe à différents projets.
 
<b>Julie Chaumard : </b>D’accord. Et la place du Libre dans vos activités ?
 
<b>Salomé Yahia-Cherif : </b>Il a une place assez importante. Déjà, la structure Les Tilleuls en elle-même est membre de la <em>core team</em> Symfony, donc on participe beaucoup au développement du langage, on le maintient et on contribue. On fait partie de la PHP Foundation et, en interne, on a développé deux logiciels libres, API Platform et FrankenPHP, qu’on utilise également auprès de nos clients. On participe : on contribue non seulement à des logiciels libres de base, mais on en crée nous-mêmes et on les utilise dans les projets clients.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Vous m’avez dit que vous incitez les développeurs à contribuer à l’<em>open source</em>.
 
<b>Salomé Yahia-Cherif : </b>Exactement. On a beaucoup de coopérateurs qui sont très actifs dans le monde de l’<em>open source</em> que ce soit PHP, Symfony, mais aussi sur du JavaScript, pour aider à améliorer les logiciels libres et permettre à chacun d’avoir accès à des améliorations qui peuvent bénéficier à tous.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Merci beaucoup Salomé, c’est une belle aventure, une grande coopérative.
 
<b>Salomé Yahia-Cherif : </b>Merci à vous.
 
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===Interview de Claudine Chassagne, adjointe au Maire, commune de Saint-Martin-d’Uriage, en charge, entre autres, du numérique===
 
<b>Julie Chaumard : </b>Je suis maintenant avec Claudine Chassagne de la ville de Saint-Martin-d’Uriage, une ville qui se trouve dans le département de l’Isère. Madame Chassagne vient de faire une conférence aux Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre, la conférence vient de se terminer. Je suis venue voir Claudine directement pour lui poser quelques rapides questions. Merci d’avoir accepté.<br/>
Dans votre collectivité, de quelle manière êtes-vous impliquée dans le logiciel libre et quels usages faites-vous du logiciel libre actuellement ?
 
<b>Claudine Chassagne : </b>Je suis élue depuis 2014, en charge, entre autres, du numérique. En 2014, lorsque je suis arrivée, j’ai tenu à mettre en place une politique de migration vers le logiciel libre, avec priorité aux logiciels libres, formats ouverts, etc., et adhésion à l’association ADULLACT [Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales] qui accompagne les collectivités.<br/>
En 2014, j’ai eu un DSI [Directeur des Systèmes d’Information] qui a décliné cette politique en projets, on a donc mené un certain nombre de projets jusqu’à la migration vers la bureautique libre, en fin de mandat, en 2020. En 2020, j’ai été réélue, je suis toujours en charge du numérique, avec d’autres casquettes. Là, je suis partie sur une politique plutôt du numérique responsable et inclusif, justement, puisqu’on a besoin d’accompagner les personnes en difficulté avec l’informatique, et le logiciel libre continue à nous aider beaucoup là-dessus, par exemple pour la sobriété numérique en allongeant la durée de vie des terminaux et puis en mettant en place des logiciels simples pour accompagner les utilisateurs. Voilà.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Merci. Depuis 2014, depuis dix ans, c’est admirable !
 
<b>Claudine Chassagne : </b>Merci. Ce n’est pas toujours facile, parce que les équipes changent, les agents changent, il faut donc tout le temps former, accompagner, expliquer et bien montrer les enjeux, les enjeux politiques, les enjeux techniques.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Les équipes changent, vous avez évangélisé ceux qui partent !
 
<b>Claudine Chassagne : </b>J’espère que ça perdurera.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Je ne vous ai pas demandé qui vous êtes dans la ville en tant qu’élue. Quel est votre poste, votre rôle ?
 
<b>Claudine Chassagne : </b>Je suis adjointe en charge de l’agriculture, l’économie locale, le tourisme et le numérique. Je suis une ancienne DSI, j’ai été DSI à l’université, dans une grande collectivité.
 
<b>Julie Chaumard : </b>OK : Vous savez de quoi vous parlez !
 
<b>Claudine Chassagne : </b>Oui. On va peut-être venir sur le sujet des femmes. J’ai fait des études d’ingénieur informatique, ce qui remonte à 1975/76. J’ai toujours travaillé en informatique, je suis un peu un dinosaure de l’informatique, comme je disais à mes étudiants. Ça fait presque 45 ans et je trouve que les femmes sont toujours aussi peu représentées dans le milieu informatique en général. Je pensais que j’allais en trouver un peu plus dans le logiciel libre, parce qu’il y a vraiment des enjeux éthiques, mais non, ça reste quand même un milieu un peu de geeks, de développeurs, qui parlent beaucoup développement entre eux, à chaque fois il faut les remettre un peu sur le bon chemin. Ce qui m’a frappée en arrivant ici ce matin : on compte les femmes sur les doigts de la main !
 
<b>Julie Chaumard : </b>Il y a encore des efforts à faire.
 
<b>Claudine Chassagne : </b>Oui, mais, je pense, dans les deux sens : à la fois convaincre les filles que c’est intéressant, que ce n’est pas forcément que de la technique et que du développement et qu’on peut faire des choses très intéressantes avec, justement, les logiciels libres et avec l’informatique. Après, peut-être que les hommes cèdent un peu la place aussi. Donc, en termes de gouvernance, c’est vraiment un équilibre à trouver.
 
<b>Julie Chaumard : </b>En tout cas, votre parcours est très inspirant. Merci bien pour cette interview.
 
<b>Claudine Chassagne : </b>Merci.
 
===Interview de Clément Oudot, Identity Solutions Manager chez Worteks===
 
<b>Julie Chaumard : </b>Je suis maintenant avec Clément Oudot, de l’entreprise Worteks spécialisée dans l’infrastructure. Bonjour Clément.
 
<b>Clément Oudot : </b>Bonjour. Merci de m’accueillir. Effectivement, Worteks société d’expertise en <em>open source</em>, principalement infrastructures, tout se fait côté serveur, virtualisation, messagerie, bases de données, identité.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Clément, pourquoi est-il important que Worteks adhère à April ?
 
<b>Clément Oudot : </b>Nous sommes adhérent depuis le début de Worteks. Tous les responsables de Worteks étaient également à l’April et je suis également membre de l’April à titre personnel. Pour nous, c’est très important que l’April continue à faire le travail de surveillance politique et aide à infuser le logiciel libre dans la société, que ce soit pour les particuliers, les associations et également les entreprises.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Quel est le rôle de Worteks dans l’écosystème du Libre ?
 
<b>Clément Oudot : </b>Nous sommes une société de services, on va proposer des services, du support, de la formation ou même de l’hébergement à nos clients. On a vraiment à cœur d’être au sein de l’écosystème du logiciel libre, puisque nous sommes, nous-mêmes, contributeurs d’un certain nombre de composants. Les gens qui sont chez nous ne vont pas seulement répondre aux besoins de nos clients, mais vont aussi essayer de faire que, par ces besoins-là, les financements que nos clients apportent à Worteks viennent bénéficier directement aux logiciels. Nous sommes notamment les principaux contributeurs de LemonLDAP, LSC, LDAP Tool Box, un certain nombre de composants complètement <em>open source</em>.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Merci Clément. Parlons du <em>Cyber Resilience Act</em>. Vous m’avez décrit l’impact, ce que c’est. Pouvez-vous en parler aux auditeurs ?
 
<b>Clément Oudot : </b>C’est effectivement quelque chose qui est arrivé il y a quelques mois sur nos écrans. Il y a eu beaucoup de discussions et via le CNLL [Union des entreprises du logiciel libre et du numérique ouvert], nous sommes aussi membre du CNLL, nous avons essayé d’influer un peu la politique européenne pour que le CRA, le <em>Cyber Resilience Act</em>, n’ait pas trop d’impact sur l’écosystème de l’<em>open source</em>. La difficulté de cette mesure, du CRA, est qu’il peut y avoir effectivement un impact pour les petites sociétés, comme nous, qui allons proposer du logiciel libre à nos clients, d’avoir trop de lourdeur administrative et trop d’engagements à tenir pour continuer à faire notre métier, sachant que le logiciel libre est de nature sans garantie. C’est là où nous sommes très vigilants, tout n’est pas encore réglé et écrit. Nous sommes en train de mettre en place ce qu’il va falloir faire pour continuer à être dans la légalité et pour continuer à pouvoir travailler dans le logiciel libre en respectant ces normes.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Merci pour ces éclairages.<br/>
Clément Oudot, par ailleurs, je sais que vous êtes chanteur dans le groupe KPTN.
 
<b>Clément Oudot : </b>KPTN, tout à fait, c’est mon nom de scène.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Nous diffusons, dans <em>Libre à vous !</em>, vos musiques.
 
<b>Clément Oudot : </b>Plusieurs musiques, tout à fait, et je vous en remercie.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Pour continuer à parler de la musique et du libre, pourquoi avez-vous choisi de diffuser vos musiques sous une licence libre de droits ?
 
<b>Clément Oudot : </b>C’est un engagement personnel. Depuis 20 ans je travaille dans le logiciel libre et pas uniquement pour des aspects techniques, vraiment aussi pour des aspects humanistes et de partage. Comme loisir je fais de la musique, naturellement je me suis dit qu’il était bien aussi de partager avec le plus grand nombre : toutes les musiques sont sous licence Art Libre et Creative Commons. J’ai le plaisir de faire de temps en temps des concerts dans un certain nombre de manifestations du Libre, j’étais aux JdLL [Journées du Logiciel Libre] il y a quelques jours pour faire un concert et j’espère pouvoir intervenir dans d’autres conférences très bientôt.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Merci beaucoup Clément et bon salon à vous, bonnes Rencontres à vous et nous allons écouter votre musique.
 
<b>Clément Oudot : </b>Merci.
 
[Virgule sonore]
 
<b>Julie Chaumard : </b>Nous allons donc faire une pause musicale. Nous allons écouter <em>Le musée d’air contemporain</em> par KPTN, que vous avez entendu dans les interviews. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
 
<b>Pause musicale : </b><em>Le musée d’air contemporain</em> par KPTN.
 
<b>Voix off : </b>Cause Commune, 93.1.
 
<b>Julie Chaumard : </b>Nous venons d’écouter <em>Le musée d’air contemporain</em> par KPTN. Ce titre est disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By SA 3.0.
 
[Jingle]
 
<b>Julie Chaumard : </b>Nous sommes toujours au RPLL, petit nom pour les Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre, juste après la pause déjeuner.<br/>
Claudine Chassagne, élue à la ville de Saint-Martin-d’Uriage, en Isère, et qui a participé à la table ronde « Logiciels libres et collectivités locales », nous a offert et dédicacé la nouvelle édition de son livre <em>Migrer son système d’information vers les logiciels libres – Un défi politique et technique pour les collectivités locales</em>.<br/>
Écoutons maintenant les interviews de l’après-midi.
 
[Virgule sonore]
 
===Interview de Franck Brunet, gérant chez DBM Technologies===

Version du 27 juin 2024 à 09:19


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 25 juin 2024 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Lorette Costy - Laurent Costy - Julie Chaumard - Frédéric Couchet à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 25 juin 2024

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Julie Chaumard : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Les Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre de Lyon, ce sera le sujet principal du jour. Également au programme, « Cyberstructure et le piège de la peau de phoque dans le boyau », une chronique de Laurent et Lorette Costy.

Soyez les bienvenu·es pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Julie Chaumard, bénévole à l’émission de radio Libre à vous !.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous y trouverez une page consacrée à l’émission du jour avec les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter.
N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 25 juin, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui, Frédéric Couchet. Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Salut Julie. Belle émission à vous.

Julie Chaumard : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy, sur le thème de « Cyberstructure et le piège de la peau de phoque dans le boyau »

Julie Chaumard : « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy. Comprendre Internet et ses techniques pour mieux l’utiliser, avec des logiciels libres et services respectueux des utilisatrices et des utilisateurs pour son propre bien être en particulier et celui de la société en général. Laurent Costy est administrateur de l’April et fait cette chronique avec sa fille Lorette. Au programme aujourd’hui : « Cyberstructure et le piège de la peau de phoque dans le boyau ».

[Virgule sonore]

Lorette Costy : Et nous voici donc, mardi 25 juin 2024, pour la dernière chronique de la saison. On vous en promet des bien belles, vous allez rire aux larmes et apprendre des tas de trucs super sympas à placer dans les conversations familiales pour paraître plus intelligent ou intelligente que vous n’êtes.

Laurent Costy : En parlant d’intelligence, je peine encore à clarifier certains point autour de l’empreinte et de la signature des fichiers. Je me suis dit qu’au lieu d’essayer d’expliquer à d’autres des choses que je n’ai pas comprises, il est sans doute plus simple d’aller directement interroger la source.

Lorette Costy : Mais voilà une bonne idée ! Je vais enfin comprendre des trucs ! Laisse-moi deviner qui tu vas inviter ! J’ai ma petite idée : peut-être Émilie la pote libriste de Swuiden’ Scremeuldich, n’avait-elle pas un ami qui s’y connaissait plutôt bien en cyberstructure et qui considère l’Internet comme un espace politique ?

Laurent Costy : C’est lui. Stéphane Bortzmeyer, dont le livre Cyberstructure. L’internet, un espace politique est juste à 22 euros aux Éditions C&F. Je le recommande. Et tu vas voir, il explique bien. Allô, Stéphane ? Tu es en attente sur la ligne invitée depuis 8 heures ce matin, je sais que tout va bien pour toi. Peux-tu expliciter ces notions d’empreinte de fichier et de signature ?

Stéphane Bortzmeyer, voix off : Alors, attention, la cryptographie, c’est compliqué, et la sécurité informatique, c’est compliqué. Là, on va mêler les deux.
L’empreinte est aussi appelée condensat ou hash, parce qu’en anglais, c’est plus chic. Elle est le résultat d’un calcul fait sur le fichier qui le réduit, le condense en une série de chiffres plus courte que le fichier. Le point important, ici, c’est que le calcul de l’empreinte ne nécessite pas de connaître un secret quelconque. Tout le monde peut la calculer.

Lorette Costy : Les hash kick et le con dansa ! Il y moyen de faire des jeux de mots avec ça, mais restons concentré·es. Et la signature alors ?

Stéphane Bortzmeyer, voix off : On y vient. L’empreinte n’apporte guère de sécurité. Si un site Web affiche « Téléchargez notre super logiciel libre qui va tout faire et le café » et « pour vérifier qu’il est authentique, calculez son empreinte, vous devez trouver 6b4e70ab3e8799893c3d0b3a146dbc34fea7e3e5094f15fa4a06cddd4d1b755e », cela ne sécurise rien. Un méchant qui aurait piraté le site Web peut tout aussi bien modifier le logiciel, calculer l’empreinte et la publier.
Au contraire, les signatures, elles, nécessitent de connaître une information, qu’on nomme la clé secrète. Techniquement, les opérations de signature incluent, entre autres, le calcul d’une empreinte. Mais, surtout, la signature va dépendre non seulement du fichier signé, mais aussi de la clé secrète. Le méchant cité plus haut serait donc bien embêté : ne disposant pas de la clé secrète, il ne pourrait pas générer une signature convaincante.
Donc, les signatures, c’est plus compliqué à faire que les empreintes, mais c’est plus mieux.

Lorette Costy : Super merci pour ces claires explications ! C’est limpide. Je vais intercéder auprès de mon père pour qu’il te fasse revenir plus souvent pour expliquer plein de trucs. En attendant, la bise à Émilie et à son pote Swuiden’ Scremeuldich et à Phophone

Stéphane Bortzmeyer, voix off : Je réécoute la chronique 18 d’« À cœur vaillant la voie et libre » pour bien comprendre ce que tu me racontes, et je n’y manquerai pas ! Je vous laisse, car je dois aller m’expliquer auprès d’experts en cryptographie et en sécurité qui se roulent par terre de désespoir, car j’ai dû condenser des notions compliquées en une émission certes très sympa, mais trop courte ! Plein de 0 et de 1 positifs dans vos boyaux !

Laurent Costy : C’est bon ? Elle est contente d’avoir enfin des vraies explications qu’elle comprend ? Je n’ai pas écouté, mais je trouve qu’il n’explique pas si bien que ça finalement. D’ailleurs, tu vas faire comment pour appliquer ça dans l’association dans laquelle tu es en alternance ? Hein ?

Lorette Costy : Mais il est jaloux le Papinou, c’est trop mignon, il est tout chafouin maintenant ! Mais oui, à toi aussi ça arrive parfois de bien expliquer des trucs. Tiens, par exemple, pas plus tard qu’il n’y a pas longtemps, quand tu m’as expliqué pourquoi le néolibéralisme emmenait l’humanité à sa perte, j’ai tout compris !

Laurent Costy : Voilà une bonne nouvelle ! Sinon, ça se passe comment dans l’asso ? Ça avance cette transition numérique vers un système d’information plus respectueux des utilisateurs et utilisatrices ?

Lorette Costy : Comme tu l’avais suggéré, on a demandé une ouverture d’un Framaspace auprès de Framasoft, car notre objet et notre taille correspondaient aux critères que l’on retrouve sur la page du projet. Je cite : « Espaces réservés exclusivement aux associations et collectifs militants ». Cool, déjà, c’est tout nous ! Ensuite, je cite à nouveau : « Les espaces Framaspace sont limités à 50 comptes et un espace de 40 Go maximum ». Encore une fois, c’est parfaitement nous. C’est cohérent avec notre besoin.

Laurent Costy : Ils sont vraiment forts chez Framasoft. Tu sais que je connais des gens bien là-bas ?

Lorette Costy : Waouh ! Du coup, tu es super important alors. Bravo !

Laurent Costy : Je sais. Merci. Et sinon, les membres s’approprient ce merveilleux outil ? Comment fais-tu pour les convaincre de se passer des outils auxquels ils sont habitués et qui leur paraissent plus simples à cause des habitudes acquises ?

Lorette Costy : D’abord, c’est primordial, la gouvernance. Mon directeur, pour ne pas le citer, était convaincu et demandeur : sans ça, je ne pense pas qu’on aurait avancé. Ensuite, j’ai fait intervenir un tiers qui connaît des gens bien chez Framasoft. Exprimer des choses, avec un pas de côté, permet un partage synchrone, donc un ancrage profond de la démarche pour une réussite à long terme.

Laurent Costy : Alors là, je dis carrément. Et je vais même appuyer le propos. Figure-toi qu’en début d’année, j’ai suivi une formation en cybersécurité proposée par France Travail. En passant, merci France Travail. Trois cent quatre-vingt-dix neuf heures de cybersécurité – pas dans la même journée ! –, eh bien, pour tout te dire, un truc que j’avais déduit comme toi de mes interventions et de mes vécus, est confirmé par les méthodes et les normes qui régissent la cybersécurité : l’implication de la gouvernance dans le processus est un incontournable !

Lorette Costy : C’est à la fois évident et à la fois trop souvent négligé ! Du coup, à l’asso, on condense plutôt pas mal dans le nuage désormais : on utilise Framaspace et nos données ne sont plus sur des clouds dont le seul but est de récupérer un max de ces dites données pour mieux enfermer !

Laurent Costy : Ça me fait une excellente transition pour te narrer une situation que j’ai accompagnée et pour illustrer cette avidité des plateformes de cloud. D’un autre côté, comme j’écris le texte, c’est hyper facile de faire croire que la transition tombe bien alors que, finalement, elle était habilement pensée et préparée.

Lorette Costy : Et tarte à la choucroute et au munster, tu avais anticipé, que j’allais dire tarte à la choucroute et au munster ? Toc l’abricot.

Laurent Costy : Ne change pas de sujet s’il te plaît. Ce que je vais dire est grave. J’accompagne une association qui a pris une excellente décision : changer ses outils pour du mieux. Jusqu’à ce jour, elle utilisait Dropbox sans se rendre compte à quel point ce truc les manipulait. Je n’avais jamais touché à ce machin et j’avais raison. Devoir mettre les mains dedans pour aider la structure à démêler leurs besoins réels de la réalité que Dropbox avait réussi à construire, n’a pas été chose facile. J’ai vraiment morflé.

Lorette Costy : Vas-y, raconte-moi comment Jean-Cloud, membre de l’asso, se faisait empapaouter par ce service qui, avant de penser le bien être de la structure, privilégie d’abord la stratégie d’enfermement et son chiffre d’affaires.

Laurent Costy : Pour le chiffre d’affaires, on comprend vite : le premier texte qui apparaît en haut à gauche de l’écran, avant même le mot accueil c’est : « Mettez à jour votre carte bancaire ».

Lorette Costy : Ça peut paraître symbolique, mais c’est absolument révélateur : d’abord, le pognon, ensuite, le reste. Je n’ai rien contre l’argent, c’est nécessaire dans notre société, mais ça doit rester un moyen et non une fin. Je crois qu’on l’a déjà dit dans cette émission, mais on le répétera tant qu’il restera sur cette planète une personne qui n’aura pas compris.

Laurent Costy : Bien dit ! On est déjà au moins deux à être d’accord. Je continue, car j’ai potentiellement de la matière pour une journée tellement j’étais énervé. L’interface est ni faite ni à faire ! J pourrais demander l’avis de Maiwann, qui milite à Framasoft et qui travaille pour rendre les interfaces facilement utilisables et cohérentes, mais j’ai trop peur d’être responsable d’une crise cardiaque que ce foutoir à boutons de Dropbox pourrait déclencher !

Lorette Costy : Tu m’as dit que des boutons marketing étaient mélangés à des fonctionnalités de gestion de tes fichiers. Genre, yu cherches à compresser un truc pour le télécharger et bim !, on te suggère vivement de signer pour l’offre supérieure ! Mais non d’une pipe en bois, dans cette boîte personne n’a une conscience et un respect des utilisateurs et utilisatrices ?

Laurent Costy : Attends, ce n’est pas fini, s’il n’y avait que ça ! J’ai voulu télécharger des dossiers et là, rebim ! : « vous avez essayé de compresser un nombre trop grand de fichiers » ! Pas d’indications claires de limite, donc il faut tâtonner pour trouver soi-même cette limite. C’est du génie. J’ai failli bouillir !

Lorette Costy : Si on était suspicieux, on pourrait penser qu’ils font tout pour empêcher de partir de leur écosystème.

Laurent Costy : Mais non, que vas-tu penser là, voyons ! Après, je te passe les fenêtres qui peuvent s’ouvrir intempestivement pour te suggérer d’envoyer tes photos dans le cloud. Eh bien oui, plus tu enverras de données et plus ce sera compliqué d’en sortir. Surtout si tu ne peux compresser que trois fichiers à la fois. On va me dire que je fais du mauvais esprit !

Lorette Costy : Tant qu’à faire, on pourrait tenter l’analogie avec un boyau dont les parois sont tapissées de peau de phoque. C’est extrêmement difficile de faire marche arrière !

Laurent Costy : C’est ça. Dropbox, c’est un intestin grêle tapissé de peau de phoque. Ce serait presque drôle si la réalité ne démontrait pas l’efficacité d’un tel système pervers : l’asso avait opté pour le service ouvrant deux téraoctets de capacités et avait un besoin réel évalué au plus large à [roulement de tambour, NdT] 200 gigaoctets ! Il y a un facteur 10 entre le besoin et le service utilisé ! Et l’asso va même sans doute descendre ce besoin à 50 gigaoctets en pensant les usages de ses données. Par exemple, pour les vidéos, pourquoi pas un serveur PeerTube mutualisé avec son réseau ?

Lorette Costy : Bref, faites comme cette association, engagez une réflexion sur votre transition numérique et vous verrez à moyen terme tous les bienfaits de cette démarche. Il y a désormais des ressources multiples pour vous aider et vous accompagner : Emancip’Asso, les Chatons, Framasoft, les structures du Libre que l’on peut retrouver sur l’Agenda du Libre, j’en passe et des meilleurs !

Laurent Costy : Et investissez dans la formation plutôt que dans des licences de logiciels privateurs de libertés. Les membres de l’asso vont monter en compétences et ça, ce n’est que du bon pour la structure ! Sur ce, je vais aller farter du boyau, et installer des pitons pour faciliter la remonter des structures de l’ESS. Par exemple, Nextcloud est un super piton pour sortir des clouds avaleurs de données tel le Grand Sarlacc avaleur de Jedi. À tantôt, heureuse Framarpenteuse de Framaspace !

Lorette Costy : Nextcloud, si je ne me trompe pas, c’est codé en PHP et en JavaScript, pas en ython. Mais bon, je chipote. La bise mon farteur de boyau préféré !

[Virgule sonore]

Julie Chaumard : Nous somme de retour en direct dans Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques. Nous venons d’entendre « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy.
Nous allons à présent faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Julie Chaumard : Après la pause musicale, place au sujet principal, les Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre.
Nous allons écouter Django par Mr Smith. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Django par Mr Smith.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Julie Chaumard : Nous venons d’écouter Django par Mr Smith. Ce titre est disponible sous licence Libre Creative Commons Attribution, CC By 3.0.

[Jingle]

Julie Chaumard : Et maintenant, nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Interviews d’entreprises du logiciel libre réalisées dans le cadre des Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre

Julie Chaumard : Nous allons poursuivre par notre sujet principal, une visite aux Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre. J’y étais il y a deux semaines, le 10 juin. J’ai interviewé plusieurs participants et participantes que vous allez pouvoir écouter comme si vous y étiez. Cela se passait à Lyon, au sein des locaux de la Métropole Grand Lyon. J’ai pris le train tôt le matin, depuis Paris, et j’ai retrouvé ma coéquipière Françoise Conil, élue en 2024 au conseil d’administration de l’April. Nous avons été accueillies par un petit-déjeuner et, ensuite, nous avons pu déambuler entre les stands des entreprises et des associations qui nous ont montré plein de choses très intéressantes sur comment installer et utiliser des logiciels libres et, surtout, ce qu’on peut faire avec quand on est une entreprise une association une collectivité ou un organisme. Nous avons également assisté à des mini-conférences qui montraient des cas d’usage et des retours d’expérience. Ces rencontres sont organisées par Ploss-RA [Professionnels du Libre et de l'open source Software en Rhône-Alpes Auvergne], qui est une communauté des entrepreneurs du logiciel libre et, cette année, c’était la quatrième édition. Il y avait 21 exposants et une vingtaine de mini-conférences.
Sans plus attendre, rendons-nous sur place et écoutons.

Interview de Philippe Scoffoni, président de Ploss-RA

[Virgule sonore]

Julie Chaumard : Je suis Julie, de l’émission Libre à vous !. Je suis venue aux Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre. Je suis avec Philippe Scoffoni qui est membre de l’organisme qui a préparé cet événement.

Philippe Scoffoni : Je suis effectivement le président de l’association Ploss Rhône-Alpes, depuis trois ans maintenant.

Julie Chaumard : Pour les auditeurs deLibre à vous !, pouvez-vous nous dire pourquoi il est important d’organiser les Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre ?

Philippe Scoffoni : Les Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre, je dirais que c’est un peu l’action phare pour notre association de l’année, c’est ce qui nous demande le plus gros investissement en temps humain et en moyens. Pour nous, c’est un moment important puisqu’il manquait effectivement, sur la région, un événement dédié aux professionnels. On avait déjà les Journées du Logiciel Libre, qui est plutôt sur le volet citoyen, le Campus du Libre, plutôt orienté étudiants, enseignement supérieur. Il manquait effectivement un événement professionnel sur lequel nous puissions venir, nous, acteurs de la filière, puisque Ploss-Rhône-Alpes a pour membres des entreprises dont le métier est de mettre en place et de proposer des logiciels libres à leurs clients. Ça nous paraissait quelque part naturel de se dire « il faut faire cet événement-là en région ». Des événements de ce type-là ont lieu à Paris, il y en à Bordeaux, il y en a dans le Sud de la France aussi, mais on n’avait pas d’événement comme ça, un peu visible et, surtout, récurrent, puisque là nous en sommes à la quatrième édition et, chaque année, on essaie de faire rentrer un peu plus cet événement dans les habitudes de toutes les entreprises, des collectivités locales, qui peuvent effectivement avoir besoin d’un interlocuteur professionnel dans le cadre de leur usage du logiciel libre.

Julie Chaumard : OK. Je trouve que c’est une très bonne démarche de faire un événement dédié aux professionnels. D’ailleurs, j’ai rencontré, tout à l’heure dans le salon, un monsieur qui est venu expressément du Cameroun pour faire la démarche d’implémenter des logiciels libres dans son entreprise qui est un média. Je vois que vous l’avez vu.

Philippe Scoffoni : On l’a vu.

Julie Chaumard : Merci pour cette présentation. Vous m’avez dit quatrième édition. Du coup, cette année, après ces quatre années, quelles sont les nouveautés, les modifications que vous avez apportées ?

Philippe Scoffoni : Chaque année on peaufine un peu plus l’événement. L’an passé, on avait mis en place un flux de conférences, on avait plusieurs conférences en même temps, du coup les gens s’éparpillaient, ils hésitaient, ils allaient à l’une et pas à l’autre et parfois, ils étaient déçus de ne pas avoir vu certaines conférences puisqu’elles avaient lieu en même temps. Donc là, cette année, on a pris le parti de faire des conférences très courtes, on a même réduit à 15 minutes le temps de ces présentations. L’idée, c’est effectivement 15 minutes de présentation, il n’y a pas de questions/réponses. Les personnes qui sont intéressées, qui veulent plus de détails, peuvent aller, après, sur la partie exposant, rencontrer le conférencier, échanger avec lui et, là, prendre le temps de poser toutes les questions et d’avoir les réponses qui vont avec.
On a donc densifié encore un peu plus cette année le nombre de conférences, on verra l’an prochain si on garde ce format-là.

Julie Chaumard : Pour parler un peu plus du Libre, de votre point de vue ou de celui de Ploss-RA, comment percevez-vous le contexte économique et politique autour du logiciel libre ?

Philippe Scoffoni : Sur le plan économique, nous sommes une filière. On n’a pas encore pu faire de « grande enquête », entre guillemets, mais on aimerait bien en faire une sur la région, prochainement. On sait qu’au niveau national, c’est une filière qui se développe fortement, plus vite, on va dire, que la filière traditionnelle du numérique, la société de services. Beaucoup de structures sont en croissance continue, régulière, et, quand on regarde chez nos membres, on voit bien que ces structures-là se portent bien, se développent bien. Ce ne sont pas forcément des structures qui vont générer des millions et des millions de résultat, parce qu’on est sur un modèle économique où, effectivement, on vend avant tout de la prestation, on ne vend pas de la propriété intellectuelle ou de la rente, donc, ça ne permet pas de dégager autant de marge que ce que peuvent faire nos confrères des logiciels propriétaires. Toujours est-il qu’on arrive, effectivement, à travers nos modèles, à avoir une rentabilité et à être viables en tant qu’entreprises, à pouvoir recruter, payer nos salariés, etc. Donc, de ce point de vue-là, j’ai envie de dire que la filière se porte bien.
Sur les aspects politiques, « l’évolution » que j’ai vue, entre guillemets, ces dix dernières années, plus par rapport au secteur public et à son appétence pour le logiciel libre, je trouve qu’il y a dix ans, le discours qu’on pouvait recevoir, c’était : « Nous, vous savez, on est ni pour ni contre ! – OK. Vous restez sous Microsoft ? – Oui – OK ». Alors qu’aujourd’hui, les discours qu’on peut avoir et qu’on a pu entendre, notamment ce matin à l’ouverture de la plénière, que ce soit de la ville de Lyon ou de la Métropole, sont des discours où le logiciel libre devient, à des niveaux plus ou moins importants, une exigence, quelque part, pour des questions de souveraineté, de maîtrise de l’informatique et de ne plus être, entre guillemets, un peu « prisonnier » de changements commerciaux ou de décisions arbitraires de certains éditeurs. Selon moi, je dirais qu’aujourd’hui il y a une vraie évolution favorable au logiciel libre, même si tout n’est pas gagné, même s’il reste encore des combats à mener sur l’ergonomie des logiciels, sur leur facilité d’utilisation, on le disait ce matin aussi, sur l’accompagnement au changement. Effectivement, on change les habitudes des gens, ce n’est plus Outlook, c’est un autre logiciel. C’est donc un travail, ça reste un travail important à mener.

Julie Chaumard : Merci beaucoup, Monsieur Scoffoni, pour ce message que j’ai perçu positif et motivant pour les acteurs du logiciel libre et les personnes qui veulent entrer dans le logiciel libre.

Philippe Scoffoni : Nous sommes très motivés !

Julie Chaumard : Je vais interviewer le maximum d’intervenants dans ce salon. Merci beaucoup de l’avoir organisé.

Philippe Scoffoni : C’est moi qui remercie.

[Virgule musicale]

Interview de Jean-Michel Armand, de l’entreprise Hybird

Julie Chaumard : Je suis maintenant avec Jean-Michel Armand, de l’entreprise Hybird. Cette entreprise est créatrice du logiciel Crème, j’adore ce nom !

Jean-Michel Armand : Merci.

Julie Chaumard : Crème est un CRM libre ; un CRM [Customer Relationship Management] est un logiciel de gestion de la relation client.

Jean-Michel Armand : Exactement.

Julie Chaumard : Jean-Michel, vous êtes, à titre personnel, adhérent à April depuis 21 ans.

Jean-Michel Armand : Ça commence à faire !

Julie Chaumard : Oui. Et, au titre de Hybird, depuis quand même au moins 15 ans, donc merci beaucoup. Pourquoi est-ce important pour vous d’adhérer à April ?

Jean-Michel Armand : Je suis libriste depuis très longtemps, presque depuis mes années lycée, on va dire. À l’époque, quand je suis arrivé en études supérieures, on va dire que les années 2000 n’étaient pas aussi propices au logiciel libre que maintenant et ça me semblait important de faire des choses de mon côté, donc d’avoir une démarche militante active, mais aussi, autant que possible, de soutenir les associations qui militaient. Du coup, clairement, logiciel libre en France, April, donc 2003, première adhésion à l’April.

Julie Chaumard : Pourrions-nous parler du modèle économique du Libre, du modèle économique des entreprises, comme la vôtre, qui vivent du logiciel libre : ce modèle est-il en train de changer ? Comment voyez-vous le futur ? Par ailleurs, tout à l’heure j’ai interviewé monsieur Scoffoni de l’organisme Ploss-RA qui a eu un discours assez positif, même motivant je dirais, en parlant de développement et de croissance du contexte économique du logiciel libre. Comment voyez-vous le futur de cette économie ?

Jean-Michel Armand : C’est vrai que je serais assez d’accord avec Philippe. On va dire que même si on a encore, un peu, des freins, il y a quelques années, il y avait souvent on va dire, une peu une frayeur des entreprises à utiliser des logiciels libres, etc., ça s’est pas mal réduit. Il y a toujours, de temps en temps, des petites frictions, « vous faites du logiciel libre », mais on a enfin passé l’étape. On a de plus en plus de gens, de plus en plus de projets qui sont en demande, spécifiquement, en logiciel libre. D’ailleurs, dans les appels d’offres publics, « avec des logiciels libres », c’est souvent un critère obligatoire. On a une vraie appétence qui s’est créée chez nos clients, chez nos futurs clients, pour avoir des projets en logiciel libre. Ils ont pu voir que ça marche, ils ont pu voir que les projets fonctionnent, ils ont pu voir que des partenaires utilisent des logiciels libres et que ça fonctionne bien. Non seulement, ils ont eu de mauvaises expériences avec du logiciel propriétaire, du coup, ils n’ont pas forcément envie de reproduire ça. Dans notre branche, on a souvent des entreprises qui en rachètent d’autres, donc des gammes de logiciels qui s’éteignent et ils n’ont pas la main, ils ont donc envie de se dire « on veut avoir plus de sécurité » ; l’accès au code source est quand même important. Du coup, je pense qu’il y a, on ne va pas dire une explosion, mais une vraie demande, il y a vraiment des gens qui se disent : « On veut du Libre » et ça devient un vrai critère.
Et puis, un peu plus à la marge, on va dire qu’il y a de plus en plus de vrais critères de démarches RSE [Responsabilité Sociale des Entreprises] des entreprises, etc. J’ai envie de dire que, de par leur appétence pour le logiciel libre, des choses comme ça, les entreprises qui font du logiciel libre sont souvent plus réceptives et plus en avance sur tous ces points de démarcher RSE. C’est indirect, mais ça aide aussi. J’ai l’impression qu’on est un peu dans la même mouvance là-dessus.

Julie Chaumard : Pouvez-vous juste nous préciser ce qu’est RSE ?

Jean-Michel Armand : C’est la démarche sociale et le « R », je ne sais plus, mais c’est social et écologique, je crois. Ça va être très large, ce sont toutes les choses qu’on va mettre en place sur l’égalité des salaires homme-femme, sur la parité et puis le fait d’avoir une infrastructure verte, de faire des démarches pour réduire ses émissions de carbone ou autre.

Julie Chaumard : Je pense que, d’ici quelques années, il y aura, pour les entreprises, des objectifs RSE obligatoires à atteindre, du coup le logiciel libre et l’économie du Libre pourra aider à atteindre ces critères.

Jean-Michel Armand : J’ai un peu l’impression que, sur ce sujet-là, on est parfois un peu en avance.

Julie Chaumard : De ce que j’entends ici, au salon, j’ai l’impression qu’il y a un petit switch : vous parlez de frayeur du logiciel, mais les mentalités commencent à changer, une société se crée autour.

Jean-Michel Armand : Heureusement ! Ça fait quand même plus de 20 ans. Ça a pris du temps, mais oui. Il n’y a qu’à voir sur le salon qui se monte, un peu plus grand tous les ans, les gens qui viennent. Il y a des événements logiciel libre.

Julie Chaumard : Les politiques qui s’emparent.

Jean-Michel Armand : Oui, je pense qu’on est sur un cercle vertueux, pour continuer à utiliser les expressions qui vont bien.

Julie Chaumard : Merci beaucoup Jean-Michel Armand. On va continuer à interviewer les entreprises dans les Rencontres Professionnelles.

Jean-Michel Armand : Merci à vous.

[Virgule musicale]

Interview de Marie-Jo Kopp Castinel dirigeante d’OpenGo

Julie Chaumard : Je suis maintenant avec Marie-Jo Kopp Castinel de l’entreprise OpenGo spécialisée dans la bureautique libre, Marie-Jo va nous en parler. Vous êtes membre de l’April.
Je suis également avec Damien Renou de l’entreprise Bâtisseurs numériques qui va donc interagir avec Marie-Jo Kopp Castinel parce qu’ils ont des sujets en commun.
Marie-Jo, dans un premier temps, pourquoi avoir adhéré à April ?

Marie-Jo Kopp Castinel : Parce que je défends le logiciel libre depuis à peu près 2003 où je m’étais engagé dans le projet Open Office. L’April est arrivée à peu près à ce moment-là, on se voyait sur tous les salons, avec Fred [Frédéric Couchet], du coup, c’était évident d’adhérer à l’April qui, pour moi, est essentielle pour défendre le Libre.

Julie Chaumard : Dans vos activités, quelle est la part des collectivités, des entreprises qui utilisent des solutions bureautiques libres ? Quels sont les avantages à utiliser ces solutions ?

Marie-Jo Kopp Castinel : OpenGo est en effet spécialiste du poste de travail libre, notamment de l’accompagnement en migration vers des suites bureautiques libres, notamment LibreOffice, beaucoup dans les collectivités, quelques entreprises également, mais principalement dans le monde collectivités.
Les avantages sont multiples, on ne va pas résumer en cinq minutes les avantages du Libre. Il y a toujours la notion de souveraineté, il peut y avoir une question de développement durable, tout un tas de choses comme ça.
Les difficultés, c’est qu’on touche aux postes de travail, donc, il faut un accompagnement des utilisateurs puisque c’est sensible : on touche au poste de travail, donc, on change les habitudes de quelqu’un.
OpenGo a également une plateforme e-learning, complète, sur LibreOffice notamment, mais pas que. Sur la plateforme Chamilo, je laisse la parole à Damien qui est monsieur Chamilo.

Damien Renou : Merci Marie-Jo. Je suis Damien Renou, société Bâtisseurs numériques. Je suis membre de l’association Chamilo qui est une association européenne, Marie-Jo aussi est membre de l’association. Chamilo est une plateforme pour favoriser et diffuser l’apprentissage en ligne, la retransmission des compétences depuis 2010, donc depuis 14 ans. Nous avons aujourd’hui 37 millions d’utilisateurs et, en France, la plateforme commence à s’installer doucement dans les régions et dans les écoles, ce qui nous fait un grand plaisir, puisque c’est le challenger, un petit peu, de la plateforme Moodle qui est bien connue, qui est une fondation australienne. Le fait qu’une solution européenne revienne en avant nous fait extrêmement plaisir.

Julie Chaumard : Du coup, à quoi vous sert Chamilo aux Bâtisseurs numériques et même OpenGo ? Qu’est-ce que vous en faites ? Comment fait-elle partie de votre activité ?

Damien Renou : La plateforme Chamilo permet de diffuser de la documentation pédagogique et des modules de formation auprès d’un public d’élèves, de stagiaires ou de professionnels, en entreprise. Ça permet de faire le lien avec la formation en présentiel à travers des modules d’autoformation, pour compléter un petit peu la formation qui existe déjà sur le terrain.

Julie Chaumard : OK. Merci. Et quelle est votre activité principale à Bâtisseurs numériques ?

Damien Renou : Mon activité principale c’est d’installer des plateformes Chamilo, de rajouter des fonctionnalités à Chamilo pour que les professeurs, les formateurs et nous-mêmes puissions fabriquer des modules très facilement, des modules qui sont proches des utilisateurs, donc du terrain, principalement.

Julie Chaumard : Merci Damien Renou.
Madame Marie-Jo Kopp Castinel, Marie-Jo, Libre à vous ! est sensible à la place des femmes dans le monde du logiciel libre. Comment ressentez-vous la place de la femme dans le logiciel libre ?

Marie-Jo Kopp Castinel : La place de la femme est essentielle dans la société en général, plus que jamais aujourd’hui. En effet, dans le logiciel libre, nous sommes très peu de femmes. Il y en a beaucoup à l’April, quand même de plus en plus, avec une présidente femme, mais, malheureusement, et on se pose la question : pourquoi le logiciel libre particulièrement ? Déjà, dans l’informatique, il y a moins de femmes, mais pourquoi n’arrive-ton pas à avoir plus de femmes qui s’impliquent dans le logiciel libre ?, c’est une vraie question qu’on se pose. Je suis souvent la seule femme dans toutes ces réunions, notamment à Ploss-RA et à d’autres endroits aussi. Il y a des associations comme l’April ou l’ALDIL [Association Lyonnaise pour le Développement de l’Informatique Libre] à Lyon où il y a quand même de plus en plus de femmes, mais pourquoi n’arrive-t-on pas à avoir plus de femmes qui s’investissent, en termes de bénévoles, dans ces trucs-là ? On est sensible aussi.

Julie Chaumard : Merci bien d’avoir consacré cinq minutes juste avant vos conférences, la journée sur les chapeaux de roue. Merci Marie-Jo et Damien.

Marie-Jo Kopp Castinel : Merci Julie.

[Virgule musicale]

Interview de Salomé Yahia-Cherif, coopératrice des Tilleuls

Julie Chaumard : Je suis maintenant avec Salomé Yahia-Cherif, de la coopératrice des Tilleuls. Salomé, pourquoi une organisation en mode de coopérative ? D’ailleurs qu’est-ce qu’une coopérative ?

Salomé Yahia-Cherif : La société coopérative c’est un mode de fonctionnement un peu particulier, parce que chaque salarié est actionnaire de la boite, donc, l’entreprise appartient à tout le monde. Ce qui va nous distinguer, c’est qu’on va prendre les décisions tous ensemble. On fait des assemblées générales régulièrement et tout le monde peut participer aux décisions de l’entreprise, donc une personne égale une voix. Ça permet d’avoir une hiérarchie qui est assez plate. On a choisi ce modèle surtout parce que ça nous permet d’impliquer vraiment les coopérateurs dans la vie de l’entreprise. On est aussi très impliqués au niveau social et on a beaucoup d’avantages en interne. Par exemple, on a développé le congé menstruel, mis en place des congés exceptionnels et plus de flexibilité. On est aussi acteurs de l’ESS, l’Économie sociale et solidaire, on a donc aussi un projet social qui est assez fort.

Julie Chaumard : OK. C’est bien. Vous accordez une place très importante à la femme.
Que faites-vous concrètement ? Les Tilleuls, de quoi s’agit-il ? Quels sont vos membres ? Quelles sont les activités ?

Salomé Yahia-Cherif : On accueille tout type de clients, tout type d’entreprises, peu importe la taille ou la forme, dans le développement d’applications web et mobiles. On peut soit faire du développement pur soit des audits, du conseil. On est aussi un organisme de formation, on est certifié Qualiopi ; on est aussi sur tout ce qui est partie SRE [Site Reliability Engineering], développement, infrastructures, etc., donc on les accompagne à développer leur projet, que ce soit de A à Z ou en intégrant des équipes.

Julie Chaumard : D’accord. Si je comprends bien, vous avez des associés qui sont membres de la coopérative et, ensemble, vous avez des projets d’accompagnement, de création de projets web.

Salomé Yahia-Cherif : Actuellement nous sommes 70 et tous nos devs sont répartis en mission. Ça peut être des missions de longue durée ou des projets très courts ; chacun participe à différents projets.

Julie Chaumard : D’accord. Et la place du Libre dans vos activités ?

Salomé Yahia-Cherif : Il a une place assez importante. Déjà, la structure Les Tilleuls en elle-même est membre de la core team Symfony, donc on participe beaucoup au développement du langage, on le maintient et on contribue. On fait partie de la PHP Foundation et, en interne, on a développé deux logiciels libres, API Platform et FrankenPHP, qu’on utilise également auprès de nos clients. On participe : on contribue non seulement à des logiciels libres de base, mais on en crée nous-mêmes et on les utilise dans les projets clients.

Julie Chaumard : Vous m’avez dit que vous incitez les développeurs à contribuer à l’open source.

Salomé Yahia-Cherif : Exactement. On a beaucoup de coopérateurs qui sont très actifs dans le monde de l’open source que ce soit PHP, Symfony, mais aussi sur du JavaScript, pour aider à améliorer les logiciels libres et permettre à chacun d’avoir accès à des améliorations qui peuvent bénéficier à tous.

Julie Chaumard : Merci beaucoup Salomé, c’est une belle aventure, une grande coopérative.

Salomé Yahia-Cherif : Merci à vous.

[Virgule musicale]

Interview de Claudine Chassagne, adjointe au Maire, commune de Saint-Martin-d’Uriage, en charge, entre autres, du numérique

Julie Chaumard : Je suis maintenant avec Claudine Chassagne de la ville de Saint-Martin-d’Uriage, une ville qui se trouve dans le département de l’Isère. Madame Chassagne vient de faire une conférence aux Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre, la conférence vient de se terminer. Je suis venue voir Claudine directement pour lui poser quelques rapides questions. Merci d’avoir accepté.
Dans votre collectivité, de quelle manière êtes-vous impliquée dans le logiciel libre et quels usages faites-vous du logiciel libre actuellement ?

Claudine Chassagne : Je suis élue depuis 2014, en charge, entre autres, du numérique. En 2014, lorsque je suis arrivée, j’ai tenu à mettre en place une politique de migration vers le logiciel libre, avec priorité aux logiciels libres, formats ouverts, etc., et adhésion à l’association ADULLACT [Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales] qui accompagne les collectivités.
En 2014, j’ai eu un DSI [Directeur des Systèmes d’Information] qui a décliné cette politique en projets, on a donc mené un certain nombre de projets jusqu’à la migration vers la bureautique libre, en fin de mandat, en 2020. En 2020, j’ai été réélue, je suis toujours en charge du numérique, avec d’autres casquettes. Là, je suis partie sur une politique plutôt du numérique responsable et inclusif, justement, puisqu’on a besoin d’accompagner les personnes en difficulté avec l’informatique, et le logiciel libre continue à nous aider beaucoup là-dessus, par exemple pour la sobriété numérique en allongeant la durée de vie des terminaux et puis en mettant en place des logiciels simples pour accompagner les utilisateurs. Voilà.

Julie Chaumard : Merci. Depuis 2014, depuis dix ans, c’est admirable !

Claudine Chassagne : Merci. Ce n’est pas toujours facile, parce que les équipes changent, les agents changent, il faut donc tout le temps former, accompagner, expliquer et bien montrer les enjeux, les enjeux politiques, les enjeux techniques.

Julie Chaumard : Les équipes changent, vous avez évangélisé ceux qui partent !

Claudine Chassagne : J’espère que ça perdurera.

Julie Chaumard : Je ne vous ai pas demandé qui vous êtes dans la ville en tant qu’élue. Quel est votre poste, votre rôle ?

Claudine Chassagne : Je suis adjointe en charge de l’agriculture, l’économie locale, le tourisme et le numérique. Je suis une ancienne DSI, j’ai été DSI à l’université, dans une grande collectivité.

Julie Chaumard : OK : Vous savez de quoi vous parlez !

Claudine Chassagne : Oui. On va peut-être venir sur le sujet des femmes. J’ai fait des études d’ingénieur informatique, ce qui remonte à 1975/76. J’ai toujours travaillé en informatique, je suis un peu un dinosaure de l’informatique, comme je disais à mes étudiants. Ça fait presque 45 ans et je trouve que les femmes sont toujours aussi peu représentées dans le milieu informatique en général. Je pensais que j’allais en trouver un peu plus dans le logiciel libre, parce qu’il y a vraiment des enjeux éthiques, mais non, ça reste quand même un milieu un peu de geeks, de développeurs, qui parlent beaucoup développement entre eux, à chaque fois il faut les remettre un peu sur le bon chemin. Ce qui m’a frappée en arrivant ici ce matin : on compte les femmes sur les doigts de la main !

Julie Chaumard : Il y a encore des efforts à faire.

Claudine Chassagne : Oui, mais, je pense, dans les deux sens : à la fois convaincre les filles que c’est intéressant, que ce n’est pas forcément que de la technique et que du développement et qu’on peut faire des choses très intéressantes avec, justement, les logiciels libres et avec l’informatique. Après, peut-être que les hommes cèdent un peu la place aussi. Donc, en termes de gouvernance, c’est vraiment un équilibre à trouver.

Julie Chaumard : En tout cas, votre parcours est très inspirant. Merci bien pour cette interview.

Claudine Chassagne : Merci.

Interview de Clément Oudot, Identity Solutions Manager chez Worteks

Julie Chaumard : Je suis maintenant avec Clément Oudot, de l’entreprise Worteks spécialisée dans l’infrastructure. Bonjour Clément.

Clément Oudot : Bonjour. Merci de m’accueillir. Effectivement, Worteks société d’expertise en open source, principalement infrastructures, tout se fait côté serveur, virtualisation, messagerie, bases de données, identité.

Julie Chaumard : Clément, pourquoi est-il important que Worteks adhère à April ?

Clément Oudot : Nous sommes adhérent depuis le début de Worteks. Tous les responsables de Worteks étaient également à l’April et je suis également membre de l’April à titre personnel. Pour nous, c’est très important que l’April continue à faire le travail de surveillance politique et aide à infuser le logiciel libre dans la société, que ce soit pour les particuliers, les associations et également les entreprises.

Julie Chaumard : Quel est le rôle de Worteks dans l’écosystème du Libre ?

Clément Oudot : Nous sommes une société de services, on va proposer des services, du support, de la formation ou même de l’hébergement à nos clients. On a vraiment à cœur d’être au sein de l’écosystème du logiciel libre, puisque nous sommes, nous-mêmes, contributeurs d’un certain nombre de composants. Les gens qui sont chez nous ne vont pas seulement répondre aux besoins de nos clients, mais vont aussi essayer de faire que, par ces besoins-là, les financements que nos clients apportent à Worteks viennent bénéficier directement aux logiciels. Nous sommes notamment les principaux contributeurs de LemonLDAP, LSC, LDAP Tool Box, un certain nombre de composants complètement open source.

Julie Chaumard : Merci Clément. Parlons du Cyber Resilience Act. Vous m’avez décrit l’impact, ce que c’est. Pouvez-vous en parler aux auditeurs ?

Clément Oudot : C’est effectivement quelque chose qui est arrivé il y a quelques mois sur nos écrans. Il y a eu beaucoup de discussions et via le CNLL [Union des entreprises du logiciel libre et du numérique ouvert], nous sommes aussi membre du CNLL, nous avons essayé d’influer un peu la politique européenne pour que le CRA, le Cyber Resilience Act, n’ait pas trop d’impact sur l’écosystème de l’open source. La difficulté de cette mesure, du CRA, est qu’il peut y avoir effectivement un impact pour les petites sociétés, comme nous, qui allons proposer du logiciel libre à nos clients, d’avoir trop de lourdeur administrative et trop d’engagements à tenir pour continuer à faire notre métier, sachant que le logiciel libre est de nature sans garantie. C’est là où nous sommes très vigilants, tout n’est pas encore réglé et écrit. Nous sommes en train de mettre en place ce qu’il va falloir faire pour continuer à être dans la légalité et pour continuer à pouvoir travailler dans le logiciel libre en respectant ces normes.

Julie Chaumard : Merci pour ces éclairages.
Clément Oudot, par ailleurs, je sais que vous êtes chanteur dans le groupe KPTN.

Clément Oudot : KPTN, tout à fait, c’est mon nom de scène.

Julie Chaumard : Nous diffusons, dans Libre à vous !, vos musiques.

Clément Oudot : Plusieurs musiques, tout à fait, et je vous en remercie.

Julie Chaumard : Pour continuer à parler de la musique et du libre, pourquoi avez-vous choisi de diffuser vos musiques sous une licence libre de droits ?

Clément Oudot : C’est un engagement personnel. Depuis 20 ans je travaille dans le logiciel libre et pas uniquement pour des aspects techniques, vraiment aussi pour des aspects humanistes et de partage. Comme loisir je fais de la musique, naturellement je me suis dit qu’il était bien aussi de partager avec le plus grand nombre : toutes les musiques sont sous licence Art Libre et Creative Commons. J’ai le plaisir de faire de temps en temps des concerts dans un certain nombre de manifestations du Libre, j’étais aux JdLL [Journées du Logiciel Libre] il y a quelques jours pour faire un concert et j’espère pouvoir intervenir dans d’autres conférences très bientôt.

Julie Chaumard : Merci beaucoup Clément et bon salon à vous, bonnes Rencontres à vous et nous allons écouter votre musique.

Clément Oudot : Merci.

[Virgule sonore]

Julie Chaumard : Nous allons donc faire une pause musicale. Nous allons écouter Le musée d’air contemporain par KPTN, que vous avez entendu dans les interviews. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Le musée d’air contemporain par KPTN.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Julie Chaumard : Nous venons d’écouter Le musée d’air contemporain par KPTN. Ce titre est disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By SA 3.0.

[Jingle]

Julie Chaumard : Nous sommes toujours au RPLL, petit nom pour les Rencontres Professionnelles du Logiciel Libre, juste après la pause déjeuner.
Claudine Chassagne, élue à la ville de Saint-Martin-d’Uriage, en Isère, et qui a participé à la table ronde « Logiciels libres et collectivités locales », nous a offert et dédicacé la nouvelle édition de son livre Migrer son système d’information vers les logiciels libres – Un défi politique et technique pour les collectivités locales.
Écoutons maintenant les interviews de l’après-midi.

[Virgule sonore]

Interview de Franck Brunet, gérant chez DBM Technologies